Les tendres épigrammes de Cydno la Lesbienne/08

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(pseudonyme)
Traduction par Ibykos de Rhodes (pseudonyme).
Bibliothèque des curieux (p. 38-40).


VIII

À UNE REBELLE


On dit que tu repousses pour de bon ma prière, ô pâle Hippolyte ! Le père Aristophane raconte que tu veux rester chaste.

Sotte ! En voilà une illusion !

Apprends que la nature veut partout des pâmoisons, des ravissements, des extases d’adolescentes déchevelées. Et la nature est la plus forte. Jamais femme, même laide — et tu es adorable, ô mon Hippolyte ! — n’a échappé au désir.

Couche-toi nue, ce soir, dans ton lit solitaire, et pense à moi avant de t’endormir.

Pense à mon profil mat, au dessin parfait !

Pense à ma chevelure qui a la nuance des violettes dans la mousse et qui ondoie sur mon petit front d’ivoire !

Pense à mes noirs sourcils confondus, à mes yeux pers qui s’acharnent et au violent sourire de ma bouche infatigable !

Pense à mes seins orgueilleux qui gonflent ma robe de pourpre !

Pense à mes bras frais et à mes cuisses brûlantes !

Pense à mes doigts légers de joueuse de lyre !

Pense à mon trésor presque hermaphrodite !

Alors, demain matin, tu auras les yeux exquisement cernés, ô Hippolyte, amie des vaines chimères ! Tu viendras au Palais Sapphô, tu sonneras à la grande porte du parc, et mes élèves, tes camarades, jetant des roses sous tes sandales, chantant un épithalame, t’escorteront vers la terrasse où ta Cydno, debout, glorieusement nue, défiant le soleil te tend les bras.