Les tendres épigrammes de Cydno la Lesbienne/22

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(pseudonyme)
Traduction par Ibykos de Rhodes (pseudonyme).
Bibliothèque des curieux (p. 82-84).


XXII

CRUAUTÉ


Je voudrais dire les beaux adolescents qui chasseront un jour les Barbares de nos îles divines : mais je ne peux.

Ma lyre ne chante rien que les amours mutuelles des sœurs savantes. Elle ignore tout autre combat que la victoire de mes bacchantes sur un troupeau de vierges rebelles à l’initiation.

Ménades chéries, brandissez le thyrse de Sapphô où le bouquet de violettes remplace la pomme de pin !

Jetez ici vos prisonnières !

Que chacune d’entre vous chevauche, à son tour, les deux sottes qui me résistèrent, Euphrosyne aux grands yeux et Klymène à la chemise de safran !

Saccagez les couches de myrte naissant et de lotus tendre !

Il me faut ces deux mijaurées pantelantes, évanouies de fatigue, devant mon trône.

Ah ! Continuez, Ménades chéries !

Pleure, Euphrosyne !

Hurle, Klymène !

Je rajeunis en aspirant les soupirs, les sanglots, les plaintes furieuses.

Laisse, petite Hébé : ne verse pas l’hydromel dans ma coupe.

Le spectacle sonore et parfumé de l’amour cruel suffit à me faire oublier, dans une ivresse ravie, la fuite irréparable du temps.