Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes/Niccolo di PIERO

La bibliothèque libre.
Niccolo di PIERO
Sculpteur et architecte arétin, né en 1353, mort en 1420


Autant la nature fut prodigue envers Niccolo di Piero[1], sculpteur arétin, en lui donnant un esprit vif et richement doué, autant la fortune lui fut avare de ses biens. Étant pauvre et ayant reçu quelque injure de sa famille, il quitta sa patrie pour Florence, après avoir fructueusement étudié sous la direction de Maestro Moccio, sculpteur siennois, qui n’était pas cependant des plus habiles. Dans les premiers temps de son séjour à Florence, il accepta tout ce qu’on voulut lui donner à faire, parce que la pauvreté et le besoin le pressaient et qu’il avait pour rivaux plusieurs jeunes artistes, qui étudiaient et travaillaient la sculpture à qui mieux mieux. Enfin, après de rudes efforts, il devint assez bon sculpteur, pour que les fabriciens de Santa Maria del Fiore lui donnassent à faire deux statues pour le Campanile. Elles furent placées du côté de la Canonica[2], encadrant celles que fit plus tard Donatello, et furent trouvées remarquables, car on n’en avait pas encore vu de plus belles en ronde-bosse. Chassé de Florence par la peste de 1385, il retourna à Arezzo où il trouva qu’à la suite du fléau, la Confrérie de Santa Maria della Misericordia était devenue extrêmement riche, grâce aux legs et aux donations qu’elle avait reçus de diverses personnes de la ville, en récompense du dévouement de ses membres à soigner les malades et à enterrer les morts. Elle résolut de faire construire la façade de sa maison en pierre grise, faute de marbre, et en donna la direction à Niccolo, à charge de la faire dans le style tudesque [gothique] adopté pour le reste de l’édifice. Il la conduisit à bonne fin, avec l’aide de tailleurs de pierre, de Settignano, et sculpta lui-même, pour le demi-cintre du milieu, une Vierge portant l’Enfant Jésus et abritant sous son manteau, que des anges tiennent ouvert, le peuple d’Arezzo, en faveur duquel intercèdent San Laurentinio et San Pergentino, agenouillés[3]. Dans les deux niches, qui sont de chaque côté, il plaça deux statues, hautes de trois brasses, représentant saint Grégoire, pape, et San Donato, évêque et protecteur de la ville. Comme on peut le voir par ces œuvres, il avait déjà, dans sa jeunesse, fait, au-dessus de la porte de l’évêché, trois grandes figures en terre cuite[4], qui sont actuellement ruinées, en grande partie, par les intempéries, de même qu’un saint Luc, en pierre de macigno, fait par lui, àia même époque, et placé sur la façade de cet évêché. Il fit pareillement, en terre cuite, dans l’église paroissiale, une très belle figure de San Biagio[5], pour la chapelle de ce saint et, dans l’église de Sant’Antonio, saint Antoine également en terre cuite et en ronde-bosse, ainsi qu’un autre saint assis, au-dessus de la porte de l’hôpital de ce lieu[6].

Pendant qu’il y travaillait, ainsi qu’à d’autres œuvres analogues, les murs de Borgo San Sepolcro ayant été renversés par un tremblement de terre, il dressa un nouveau plan d’après lequel ils furent rebâtis plus sohdement qu’ils n’étaient auparavant. Aussi, continuant à travailler, tant à Arezzo que dans les pays environnants, Niccolo était tranquille et à l’aise, quand la guerre, souveraine ennemie des arts, le força de partir ; en effet, les fils de Piero Saccone ayant été chassés de Pietramala[7], et le château ayant été détruit jusqu’aux fondations, la ville d’Arezzo et tout le pays étaient sens dessus dessous.

Étant donc revenu à Florence où il avait déjà travaillé, il fit pour l’Œuvre du Dôme une statue en marbre, de quatre brasses de hauteur[8], qui fut posée à gauche de la porte principale. Dans cette statue, qui représente un évangéliste assis, Niccolo fit preuve de beaucoup de talent ; elle fut couverte d’éloges, car jusqu’alors on n’avait rien vu de mieux. Il se rendit ensuite à Rome, sur la demande du pape Boniface IX, qui lui confia, comme au meilleur architecte de son temps, le soin de fortifier le château Saint-Ange et de lui donner une meilleure forme. De retour à Florence, il fit pour les maîtres de la Zecca, sur le coin d’Or San Michele qui regarde l’Arte della Lana, deux petites figures en marbre[9], que l’on plaça au-dessus de la niche qui contient le saint Mathieu, sculpté ultérieurement ; elles furent si bien réussies et s’adaptent si bien à la cime de ce tabernacle qu’elles furent et sont encore maintenant très estimées. Il parut, à tous, que Niccolo s’était surpassé dans ce travail, n’ayant rien fait de mieux jusque-là. Son crédit alors fut tel qu’il mérita d’être compté parmi ceux à qui l’on demanda un modèle pour les portes de bronze de San Giovanni. Il est vrai que son modèle ne fut pas accepté, et que le travail fut alloué à un autre, comme nous le dirons plus tard.

Niccolo alla ensuite à Milan, où il fut nommé directeur des travaux du Dôme[10] et où il laissa quelques sculptures qui plurent infiniment. Enfin, il fut rappelé dans sa patrie par les Arétins qui voulaient lui faire exécuter un tabernacle pour le Saint-Sacrement. Dans sa route de retour, il dut s’arrêter à Bologne et faire dans le couvent des Frères Mineurs le tombeau du pape Alexandre V, qui était mort dans cette ville[11]. Bien qu’il opposât une grande résistance, il dut se rendre aux prières de Messer Lionardo Bruni, Arétin, qui avait été le secrétaire favori de ce pontife. Il exécuta dans ce tombeau, où il représenta le pape au naturel. Il est vrai que, faute de marbre et de bonne pierre, il le fit, ainsi que l’ornementation et la statue du pape posée sur le sarcophage, en stuc et en terre cuite ; ce tombeau est derrière le chœur de l’église. Après avoir achevé ce travail, il tomba gravement malade, et ne tarda pas à mourir, à l’âge de 67 ans, l’an 1417[12]. On l’enterra dans l’église des Frères Mineurs.



  1. Inscrit au Livre des Peintres : Nicholo di Piero scarpellatore aretino MCCCCX. Son vrai nom était Niccolo di Piero Lamberti, et son surnom Pela.
  2. Encore en place.
  3. La décoration de cette façade existe encore ; restituée à Bernardo Rossellino, 1434.
  4. Représentant la Vierge, San Donato et saint Grégoire ; existent encore, ainsi que le saint Luc, mais en très mauvais état.
  5. N’existe plus.
  6. Ces deux saints existent encore.
  7. En 1384.
  8. Statue de saint Marc, actuellement dans l’abside, première chapelle à droite. La statue de saint Jean (première chapelle à gauche) fut commandée en 1408 à Donatello, et la même année, le saint Luc (deuxième chapelle à droite), à Nanni d’Antonio di Banco. La dernière statue devait être donnée à faire à celui des trois. sculpteurs qui aurait produit la meilleure œuvre. Mais le contrat ne fut pas exécuté, car le saint Mathieu (deuxième chapelle à gauche) fut sculpté de 1409 à par Bernardo di Piero Ciuffagni (1381-1457)
  9. Existent encore ; elles représentent l’Ange de l’Annonciation et la Vierge, actuellement sans tête.
  10. On ne trouve pas son nom dans les Archives du Dôme. Un certain Niccolo Selli d’Arezzo est au service de G. Galeazzo Visconti (travaux de la Certosa).
  11. En 1410. Son tombeau a été transporté au cimetière de la Certosa.
  12. L’an 1420.