Aller au contenu

Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes/sculp6

La bibliothèque libre.
◄  Chapitre V
De la sculpture : chapitre VI

Chapitre VI. — Comment on exécute des travaux en stuc blanc ; de leur mode de travail, et de la manière de préparer le mur qui doit en être recouvert.


Quand les Anciens voulaient faire en stuc blanc des voûtes, ou des incrustations, des portes, des fenêtres ou d’autres ornements, ils faisaient la muraille qui devait être recouverte, soit en briques cuites, soit en tuf, c’est-à-dire en pierre douce et facile à tailler. Élevant donc une pareille construction, ils lui donnaient la forme d’une corniche, ou des motifs de décoration qu’ils voulaient pratiquer, en taillant les briques ou les pierres qu’ils avaient murées à la chaux. Ensuite, avec le stuc dont nous avons indiqué la composition au chapitre IV, à savoir un mélange de marbre écrasé et de chaux de travertin, ils faisaient sur la muraille une première ébauche de stuc brut, épais et raboteux, de manière à pouvoir y étendre du stuc plus fin, quand la couche inférieure aurait pris et serait ferme, mais pas absolument sèche. Quand on répand en effet le gros de la matière sur de l’enduit qui est encore humide, elle prend mieux, surtout si l’on humecte continuellement la partie sur laquelle on pose le stuc, ce qui permet de la travailler plus facilement. Si l’on veut faire des corniches ou des feuillages sculptés, il faut avoir des formes de bois découpé reproduisant en creux les ornements qu’on se propose. Il faut ensuite prendre du stuc, qui ne soit ni trop ferme ni trop tendre, mais un peu visqueux. On l’étend sur le mur de la quantité voulue, et on le recouvre de la forme découpée qu’on a saupoudrée de poussière de marbre. On frappe dessus, avec un marteau, des coups bien égaux, et le stuc reste empreint ; on le nettoie ensuite et on le polit, de manière qu’il soit bien dressé et le travail bien égal. Si l’on veut plus de relief extérieur, il faut fixer dans la partie qui doit être recouverte de ferrements, des clous ou des armatures semblables, qui tiendront le stuc suspendu en l’air et ne feront qu’un avec lui. C’est ce que l’on voit dans les édifices anciens, où l’on rencontre des stucs et des fers conservés jusqu’à nos jours. Quand, par conséquent, l’artiste veut fixer sur un mur lisse un sujet en bas relief, il plante d’abord dans ce mur de nombreux clous, tantôt moins, tantôt plus, suivant les points où il y aura des figures. Il encastre dans ce réseau de clous de petits fragments de briques ou de tufs, dont les pointes ou têtes doivent retenir le premier stuc, épais et rugueux. Il l’aplanit ensuite avec soin et attention, pendant qu’il se raffermit. Il poursuit ce travail, en passant et repassant des pinceaux mouillés, en sorte qu’il amène son œuvre à perfection, comme si elle était en cire ou en terre. En employant cet appareil de clous et de ferrements, fixés à demeure, et plus ou moins grands, suivant le besoin, on orne de stucs les voûtes, les compartiments et les vieilles bâtisses. C’est ce qui a été pratiqué, dans toute l’Italie, par quantité de maîtres qui se sont adonnés à cet art. Il ne faudrait pas croire qu’un pareil travail soit peu durable. Au contraire, il se conserve indéfiniment, et le stuc devient tellement dur une fois posé, qu’il ressemble à du marbre avec le temps.