Lettres à Sixtine/Beaucoup de pages de toi

La bibliothèque libre.

Jeudi, 1 h., 8 septembre.


BEAUCOUP de pages de toi, ma si chère amie, quelle joie ! Je n’avais pas eu un moment à moi hier ni ce matin, et je me lève de table — nous déjeunons — pour que tu aies un mot de moi demain. Mardi sans lettre t’a causé une déception : ce n’est pas que je voulusse t’infliger la peine du talion, mais j’ai eu bien des jours vides, aussi, moi. La famille, de vagues distractions, tout cela ne me cache pas la vision de toi.

D’avoir reçu ta lettre je me sens comme grisé ; je sens qu’il y a dedans des heures de rêveries, des heures à vivre, avec toi, du moins avec un reflet de toi.

Je ne réponds pas à tes pages, à peine les ai-je regardées, d’un œil gourmand, qui aurait voulu tout absorber d’un trait, mais qui, trop précipité, n’a rien lu ; — seulement vu ton écriture qui est quelque chose de toi et ce papier où tu t’es penchée, sur lequel tu as respiré.

L’enveloppe est de bon augure. Songe que nous poursuivons non seulement un succès, mais une vengeance. Je veux que cette femme qui a essayé de te salir soit humiliée, avilie aux yeux de tous, je la veux misérable, me réservant d’avoir pour elle la pitié la plus insultante.

C’est tant pis pour ceux qui touchent à toi. Ils en seront châtiés si les circonstances servent mes plans.

Ils ont voulu nous séparer. Est-ce bien amusant ? Que de jouissances il y aurait dans une revanche. Je suis féroce comme un Peau Rouge, quand il s’agit de toi.

Samedi tu auras une lettre à la Bibliothèque et Dimanche une autre chez toi. Puis tous les jours jusqu’à mon retour.

J’ai envie de pleurer de ne pas t’avoir. Adieu.

J’ai répondu au Cazajeux. Il y aura peut-être un second voyage à faire rue de Rome.