Lettres à la princesse/Lettre152

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Lettres à la princesse, Texte établi par Jules TroubatMichel Lévy frères, éditeurs (p. 212-213).

CLII

Ce 1er février, jeudi.
Princesse,

Je voulais écrire hier, mais un peu de fatigue m’en a empêché. Je puis aujourd’hui vous remercier de votre aimable présence d’avant-hier. À peine étiez-vous sortie que Marie est entrée toute triomphante me montrant son médaillon d’or, et Mme Dufour ensuite, ne trouvant à sa bague que le défaut, dit-elle, d’être trop jolie pour elle. Vous n’oubliez personne, vous êtes toute à toutes — merci ! — J’ai eu tout le temps de réfléchir dans ces heures de silence et de tranquillité souffrante. Combien l’intérêt qu’on prenait à bien des choses s’évanouit ! et qu’on apprécie mieux ce qui fait réellement le prix de la vie à qui l’envisage sagement, l’amitié, les douces heures, une réunion où l’esprit a sa part, où la confiance préside, où l’on pense et l’on sent librement, ayant sous les yeux un agréable horizon et un ciel pas trop nuageux ! Ce sont là les meilleures heures, les seules bonnes, à mesure qu’on avance vers les années penchantes. Quand je serai debout, je vous assure, Princesse, que j’en jouirai mieux à l’avenir, et je tâcherai d’introduire dans ces agréables instants moins d’inquiétude que je n’ai fait dans le passé. Je me propose enfin d’être un peu plus facile à me laisser être heureux. Votre image est le centre autour duquel tourne mon rêve. Il n’aura pas été mauvais pour moi que j’aie en ce petit avertissement de la douleur et de la privation.

Daignez agréer, Princesse, l’hommage de mon tendre et respectueux attachement.