Lettres à une inconnue/13

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(1p. 45-46).

XIII

Paris, février 1842.

J’ai lu, il y a une heure, votre lettre qui, depuis mardi, était sur ma table, mais cachée sous un tas de papiers. Puisque vous ne méprisez pas mes dons, voici des confitures de rose, de jasmin et de bergamote. Vous voudrez bien en offrir un pot à madame de C…, with my best respects. Il paraît que je vous ai offert des babouches, et vous les refusez avec tant d’insistance, que je devrais bien vous les envoyer. Mais, depuis mon retour, on me pille. Plus de babouches, je ne les trouve plus. Voulez-vous ceci en échange ? Peut-être ce miroir turc vous sera-t-il plus agréable ; car vous me faites l’effet d’être devenue encore plus coquette qu’en l’an de grâce 1840. C’était au mois de décembre, et vous aviez des bas de soie rayés ; voilà tout ce que je me rappelle.

C’est à vous à décider le protocole dont vous me parlez. Vous ne croyez pas à mes cheveux gris. Voici une pièce justificative.

Je ne donne rien pour rien. Avant d’aller à Naples, vous aurez la bonté de prendre mes ordres et de me rapporter ce que je vous dirai. Je pourrai vous donner une lettre pour le directeur des fouilles de Pompéi, si ces choses-là vous intéressent.

Vous faites de votre precious self un portrait si brillant, que je vois ajourner aux calendes grecques le moment où nous nous reverrons, Allah kerim ! Je vous écris au milieu d’un bruit infernal. Je ne sais trop ce que je vous dis ; mais j’aurais bien des choses à vous dire, de vous et de moi, que j’ajourne à la première fois que j’aurai de vos nouvelles. En attendant, adieu, et conservez ces fines attaches et cette radieuse physionomie que j’admirais.