Lettres choisies du révérend père De Smet/ 11

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Victor Devaux et Cie ; H. Repos et Cie (p. 117-131).
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XI


Université de Saint-Louis, 26 janvier 1852.

Pendant les dix-huit jours de l’assemblée du grand Conseil, l’union et l’harmonie qui régnaient parmi les dix mille Indiens étaient vraiment admirables et au-dessus de toute louange. Leurs haines implacables, leurs inimitiés héréditaires, leurs guerres cruelles et sanglantes, tout le passé, en un mot, parut oublié. Ils se visitèrent, fumèrent ensemble le calumet de paix, se firent des échanges de présents, se donnèrent des festins nombreux ; les loges étaient ouvertes à tous les étrangers. Ensuite, chose qui ne se pratique guère que dans les circonstances les plus délicates, les plus amicales et les plus exceptionnelles, il y eut un grand nombre d’adoptions d’enfants faites de part et d’autre. Entre les agents du gouvernement, le surintendant du territoire indien le colonel D. D. Mitchell et le major Fitzpatrick, l’accord était parfait ; rien ne fut omis pour nourrir et fortifier ces germes de paix et ces bons sentiments. Le but de la réunion était de donner une preuve marquée de la grande bienveillance qui animait le gouvernement américain ainsi que du désir sincère où il était d’établir une paix durable parmi les tribus hostiles, et de leur accorder une indemnité pour droit de passage sur leurs terres par les blancs, et pour les torts ou ravages que ceux-ci avaient pu leur faire essuyer.

À l’ouverture du grand Conseil, le surintendant fit entendre aux sauvages qu’il leur importait d’accepter le traité, tel qu’il avait été préparé d’avance avec l’agrément du Président des États-Unis. Le traité fut lu, sentence par sentence, et expliqué aux différents interprètes pour qu’ils pussent donner le sens exact et propre de chaque article. Le préambule explique que c’est un pacte à conclure entre les agents nommés par le président d’une part, et de l’autre, par les principaux chefs et braves soldats des nations indiennes qui résident au sud du Missouri, à l’est des montagnes Rocheuses, et au nord de la ligne limitrophe du Texas et du Mexique, savoir : les Sioux ou Dacotahs, les Sheyennes, les Rapahos, les Corbeaux, les Assiniboins, les Minatarees, les Mandans et les Arickaras. Voici, en abrégé, les principaux articles de ce traité. — Art. 1er. Le droit reconnu et accordé aux États-Unis, de la part des Indiens, d’établir sur leur territoire des routes et des postes militaires. — Art. 2. Les obligations admises, et jurées pour le maintien de la paix, de réparer les dommages et les pertes éprouvés par les blancs, du fait des Indiens. — Art. 3. Indemnité accordée aux Indiens, pour la destruction causée dans leurs chasses, leurs bois, leurs prairies, etc., par les voyageurs des États qui traversent leur pays. Cinquante mille piastres ou dollars en or (262, 500 francs) leur sont accordés immédiatement à ce titre. — Art. 4. Pendant quinze ans, il leur sera payé chaque année cinquante mille piastres ou dollars en dons et en objets divers qui pourraient leur être nécessaires ou les plus utiles…

Le traité fut signé par les agents des États-Unis et par tous les principaux chefs des différentes nations.

Une autre convention fut proposée, en faveur des métis et des blancs qui résident dans le pays indien, à savoir : «  Qu’une étendue de territoire serait assignée à leur usage pour la formation d’établissements agricoles, et qu’ils obtiendraient l’aide du gouvernement dans l’exécution de ce projet.  » C’est l’unique moyen de réunir et de conserver toutes ces familles éparses, qui deviennent chaque année de plus en plus nombreuses, et de les fixer dans une ou deux colonies avec des églises et des écoles pour s’instruire et procurer ainsi le bien-être général.

À peu d’exceptions près, tous les métis ont été baptisés et reçus comme enfants de l’Église. Depuis vingt ans, ils désirent et demandent avec instance des prêtres catholiques, manifestant ainsi leur bonne volonté de faire tout ce qui est en leur pouvoir afin de subvenir aux besoins et au maintien de leurs missionnaires. Si les supérieurs ecclésiastiques n’y pourvoient en temps, il est à craindre que ces nouvelles colonies ne passent sous la direction d’hommes qui feront tout leur possible pour éteindre dans les cœurs de ces braves et simples métis les germes de foi et les bons sentiments qu’ils montrent en faveur du culte catholique. Auront-ils enfin des prêtres  ? C’est une question de la plus haute importance et dont dépend le salut de plusieurs milliers d’âmes. Elle va se décider bientôt  ; elle s’agite déjà, et à moins que des missionnaires fervents n’y soient envoyés, nous le répétons, il est à craindre que les ennemis de l’Église ne prennent les devants sur ce terrain vierge, et ne s’y établissent.

Le deuxième dimanche de septembre, fête de l’Exaltation de la Sainte Croix, trois jours après mon arrivée dans la plaine du grand Conseil, quelques loges de peaux furent arrangées et ornées en forme de sanctuaire. Sous cette voûte improvisée, j’eus le bonheur d’offrir le très-saint sacrifice de la messe, en présence des messieurs du Conseil, de tous les blancs, des métis et d’un grand nombre d’indiens. Après l’instruction, vingt-huit enfants et cinq adultes furent régénérés dans les saintes eaux du baptême, suivant toutes les cérémonies du rite catholique.

Les Canadiens, les Français et les métis qui habitent le territoire indien témoignent aux prêtres qui les visitent une grande bonté et beaucoup de respect. Il est vraiment affligeant de les voir errer çà et là comme autant de brebis égarées. J’ai la ferme conviction que deux bons missionnaires obtiendraient parmi eux les plus grands succès. Bientôt de belles chrétientés s’élèveraient  ; elles fourniraient des catéchistes qui travailleraient de concert avec les prêtres à la conversion de tant de malheureuses tribus abandonnées aujourd’hui dans leurs vastes déserts, sans consolation et sans espoir.

Pendant les quinze jours que je passai dans la plaine du grand Conseil, je fis des visites fréquentes à différentes bandes de sauvages, accompagné d’un interprète. Celui-ci m’aida avec une extrême obligeance à faire connaître à ces Indiens la sainte loi du Seigneur. Ils assistèrent aux instructions avec empressement et intérêt. Chaque fois que je parlais des vices auxquels je les connaissais enclins, ils s’avouaient coupables avec une simplicité et une franchise étonnantes. Dans une instruction sur les dix commandements de Dieu, que je faisais un jour au camp des Ogallalas, tribu siouse, comme je leur donnais l’explication du sixième et du septième commandement : «  Luxurieux point ne seras, etc. ; Faux témoignage ne diras, etc.,   » un chuchotement universel et un rire embarrassé se manifestèrent dans l’auditoire. Je m’informai du motif de ce qui se passait, et leur dis : «  La parole que je vous annonce est la loi de Dieu, imposée à tous les hommes sur la terre, et non pas la mienne  ; elle demande toute votre attention et tout votre respect  ; ceux qui observent les commandements auront la vie éternelle, tandis que les prévaricateurs de la loi sainte auront l’enfer et ses tourments pour partage.  » Le grand chef se leva aussitôt et me répondit : «  Père, nous avons ignoré la parole du Grand-Esprit et nous avouons nos fautes. Nous sommes tous de grands menteurs  ; nous avons volé, tué, incendié et fait tout ce que le Grand-Esprit défend de faire  ; si vous restiez ici pour nous enseigner, nous tâcherions de mieux vivre à l’avenir.  »

Ils me prièrent de leur donner l’explication du baptême  ; plusieurs d’entre eux avaient assisté à la cérémonie de cette régénération spirituelle, lorsque j’eus la consolation d’y admettre les enfants métis. Je me rendis à leur demande et leur fis une longue instruction sur les bienfaits et les obligations du sacrement. Tous me prièrent d’accorder cette même faveur à leurs enfants. Le lendemain la solennité eut lieu  ; deux cent trente-neuf enfants ogallalas (les premiers de leur tribu) furent baptisés, à la grande joie de toute la nation. J’eus chaque jour des conférences avec les sauvages, tantôt dans l’une, tantôt dans l’autre bande  ; toujours ils m’écoutaient avec la plus grande attention et le plus profond respect, exprimant le vif désir d’avoir des prêtres missionnaires de résidence au milieu d’eux. Parmi les Rapahos, j’ai baptisé trois cent cinq petits enfants  ; parmi les Sheyennes, le nombre d’enfants baptisés montait à deux cent cinquante-trois  ; parmi les Brûlés et les Osages Sioux, à deux cent quatre-vingts  ; et dans le camp de l’Ours-Barbouillé, il y en eut cinquante-six. Le nombre de métis baptisés dans la plaine du grand Conseil et sur la Platte fut de soixante et un. Dans les différents forts du Missouri, pendant les mois de juin et de juillet derniers, trois cent quatre-vingt-douze enfants ont été baptisés. Le nombre total de ceux qui reçurent le baptême est de quinze cent quatre-vingt-six. Il en est mort un grand nombre un peu plus tard par suite de différentes maladies qui ont ravagé les camps indiens.

J’ai été témoin pour la première fois d’une singulière coutume, à laquelle les Sheyennes semblent attribuer autant d’importance que les peuples asiatiques en attachent à la circoncision  ; c’est « la coupure ou section qui se fait aux oreilles des enfants. » Cette pratique paraît être générale parmi toutes les tribus du haut Missouri et probablement chez d’autres encore, peut-être avec quelque variété dans la forme ou la cérémonie. Parmi les Sheyennes la mère choisit elle-même l’opérateur et lui remet le couteau entre les mains. Elle étend son enfant sur une peau soigneusement préparée et peinturée, que les Canadiens appellent «  pare-flèche.  » Tandis qu’un des parents ou des amis tient le petit patient dans une position immobile, l’opérateur fait cinq incisions dans le bord de chaque oreille  ; ces incisions sont destinées à recevoir plus tard des ornements. La mère offre ensuite un cheval à l’opérateur et fait quelque autre cadeau à chacun des assistants. Dans le même local, grossièrement construit a cette occasion et composé de six loges, nous fûmes témoins d’une autre cérémonie. Les Soshonies ou Serpents avaient à peine quitté les monts Rocheux pour se rendre au grand Conseil, quand ils furent suivis et attaqués par des Sheyennes qui tuèrent deux hommes et enlevèrent leurs chevelures. Les Sheyennes «  durent payer ou couvrir les corps,   » satisfaction requise par les Indiens, avant d’accepter le calumet de paix. Les principaux chefs de la nation sheyenne et quarante guerriers Soshonies s’étaient rassemblés à cet effet. D’abord plusieurs discours furent prononcés de part et d’autre, comme des préliminaires de paix… On servit ensuite un festin, auquel tous prirent part, et qui consistait en maïs écrasé et bouilli. Les chiens rôtis furent épargnés  ; les Soshonies semblent n’y pas tenir dans leur menu. Après le festin, les Sheyennes apportèrent des présents qui consistaient en tabac, couvertures, couteaux, pièces de drap rouge et bleu, et les placèrent soigneusement au milieu du cercle. Les deux chevelures furent exposées et présentées aux frères des malheureuses victimes  ; ils étaient assis à la place principale entre les deux chefs de la nation. Il paraît que la «  grande danse de la chevelure  » n’avait point eu lieu. Cette cérémonie, qui est une condition essentielle ou sine quâ non de la paix, consiste en des sauts extravagants et des chansons. Dans ces chansons, on passe en revue tous les exploits des guerriers. La danse se renouvelle chaque jour et se prolonge souvent durant plusieurs semaines. Les femmes, vieilles et jeunes, ainsi que les enfants, ont le droit d’y prendre part. Ce sont les femmes qui s’y distinguent le plus par leur tapage et leurs mouvements désordonnés.

Les frères des Indiens tués avaient l’air sombre et triste. En acceptant les chevelures, ils montrèrent une douloureuse et profonde émotion. Toutefois ils embrassèrent les meurtriers, reçurent leurs présents qu’ils distribuèrent en grande partie. La scène était fort intéressante. Les marques d’amitié se donnèrent ensuite  ; elles consistaient principalement en adoptions réciproques des enfants. Les orateurs employaient toute leur éloquence afin de fortifier le bon accord qui semblait régner dans l’assemblée, et de rendre la paix durable entre les deux tribus. La nuit suivante, les Sheyennes se rendirent aux loges des Soshonies, qui se trouvaient campés à côté de ma petite tente  ; leurs chants et leurs danses, qui se prolongèrent jusqu’au point du jour, m’empêchèrent de fermer l’œil pendant toute la nuit. Parmi les sauvages, les jeux sont très-innocents  ; jamais même je n’ai remarqué la moindre chose qui pût alarmer la pudeur. Pendant mon insomnie, je me sentis enflammé de zèle en pensant au bien que les missionnaires pourraient faire à ces peuples dont les dispositions sont si bonnes. Si les prêtres d’Europe le savaient, ils accourraient en Amérique pour réjouir notre mère la sainte Église en lui donnant des milliers d’enfants nouveaux  ?

J’eus souvent occasion, et surtout dans cette assemblée, d’observer l’habileté et la facilité avec lesquelles les sauvages se communiquent leurs idées par des gestes et des actions vraiment expressives. Ce mode de langage est universellement en vogue parmi les tribus du haut Missouri, et semble être aussi parfait parmi eux que l’est parmi nous celui des sourds et muets. Au moyen de ces gestes, un Indien vous racontera les principaux événements de sa vie. Lorsqu’ils se rencontrent dans le désert pendant leurs excursions, ils se font des signes, à une grande distance, avant de s’approcher  ; ils savent immédiatement à qui ils ont affaire et de quoi il s’agit. D’autres façons de se communiquer leur pensée son-t encore plus remarquables : les figures grossières qu’on voit sur les peaux de buffles sont des hiéroglyphes aussi facilement compris par un Indien intelligent que les paroles écrites le sont pour nous  ; ils contiennent très-souvent l’histoire de quelque grand événement. Ce n’est pas toutefois que les mots manquent dans leurs langues, qui sont très-expressives.

J’ai assisté à toutes les assemblées du grand Conseil depuis le commencement jusqu’à la fin. Comme je l’ai déjà dit, dix mille Indiens, appartenant à différentes tribus et dont plusieurs avaient toujours été en guerre, se trouvaient réunis sur la même plaine. Pendant les vingt-trois jours que dura la réunion, il n’y eut rien de répréhensible sous le rapport du bon ordre  ; tout y fut paisible et tranquille  ; c’est beaucoup pour des sauvages. Ils semblaient ne composer qu’une seule et même nation. Bienveillants les uns envers les autres, ils passaient des heures entières en visites, en festins et en danses  ; parlaient de leurs guerres et de leurs divisions, jadis interminables, comme de choses oubliées et qu’il fallait à tout jamais «  enterrer,   » selon leur expression. Il n’y eut pas le moindre désordre et jamais le calumet ne passa si joyeusement entre tant de mains différentes. Pour faire connaître toute l’importance du calumet, il faut savoir que quand deux sauvages le fument ensemble, cela équivaut à un pacte confirmé par serment, auquel personne ne pourrait contrevenir sans se déshonorer aux yeux de toute la tribu. Ce fut un spectacle vraiment touchant que de voir le calumet, cet emblème de la paix indienne, élevé vers le ciel par la main d’un Peau-Rouge qui le présentait au Maître de la vie, implorait sa pitié pour tous ses enfants sur la terre, et le priait de daigner fortifier en eux les bons desseins qu’ils avaient conçus.

Les repas furent nombreux et bien fréquentés. Peut-être à aucune époque des annales indiennes n’y eut-il un plus grand massacre de la race canine. La chair du chien parmi les Peaux-Rouges est de tous les mets le plus honorable et le plus distingué. On comprend donc ce carnage. Je fus invité à plusieurs de ces festins ; un grand chef en particulier voulut me donner une marque spéciale de sa bienveillance et de son respect. Il avait fait remplir sa grande chaudière de petits chiens gras ; on les y avait jetés avec la peau et tout. Il me présenta, dans un plat de bois, le plus gros, bien bouilli. J’en trouvai la chair vraiment délicate ; et je crois pouvoir affirmer qu’elle est préférable à celle du petit cochon, dont elle a un peu le goût.

Les sauvages me régalèrent aussi d’un plat très-estimé parmi eux ; il consiste en prunes séchées au soleil, et préparées ensuite avec des restes de viande en forme de ragoût. J’avoue que je le trouvai assez bon. Mais voici ce qu’on m’apprit plus tard sur la façon dont on le prépare. Lorsqu’une femme sauvage veut conserver des prunes, qui sont très-abondantes dans ce pays, elle en recueille une grande quantité et invite toutes ses voisines à venir passer chez elle une après-dînée. Toute leur occupation consiste alors à jaser et à extraire en suçant les noyaux des prunes. Elles sèchent ensuite les fruits et les conservent avec soin pour quelque grande occasion.

Les chariots qui contenaient les présents du gouvernement destinés aux Indiens arrivèrent le 20 septembre. L’heureuse arrivée de ce convoi fut pour tous un sujet de grande joie. On commençait à sentir le dénûment et la disette. Le jour suivant, les chariots furent déchargés et les présents convenablement disposés. Le drapeau des États-Unis fut hissé au haut d’un mât en face de la tente du surintendant, et un coup de canon annonça à tous les sauvages que le partage des présents allait avoir lieu. Aussitôt on vit accourir des camps hommes, femmes et enfants, pêle-mêle, en grand costume, le visage barbouillé de couleurs et décorés de tous les colifichets possibles. Ils prirent leurs places respectives, marquées d’avance, formant un cercle immense, qui renfermait plusieurs arpents de terre, autour des marchandises. La vue d’une pareille scène eût été un sujet bien intéressant pour le pinceau d’un peintre habile.

Les grands chefs des différentes nations furent servis les premiers  ; on commença par les habiller. Imaginez-vous les allures singulières qu’ils prirent en se présentant devant nous dans leur nouvel accoutrement, et l’admiration qu’ils excitèrent parmi leurs compagnons, qui ne pouvaient se lasser de les contempler. Les grands chefs furent donc culottés pour la première fois de leur vie  ; on leur mit un uniforme de général, avec un beau sabre doré, pendant au côté  ; des cheveux très-longs leur tombaient sur les épaules, et le tout était rehaussé par l’aspect burlesque de leurs figures enluminées.

M. le surintendant Mitchell en fit ses agents pour la distribution des présents. Ils prirent les arrangements avec la plus grande bienveillance et la plus stricte justice  ; toute cette multitude était respectueuse et tranquille, ne donnant pas le moindre signe d’impatience ou de jalousie  ; chacun parut indifférent jusqu’à ce qu’il eût reçu sa part. La distribution finie, les sauvages, contents et paisibles, s’éloignèrent de la plaine avec leurs familles… Ils apprirent bientôt la bonne nouvelle que les buffles étaient réunis nombreux sur la Fourche du Sud de la Platte, à trois jours de marche, et ils se dirigèrent en toute hâte vers l’endroit, déterminés à demander satisfaction aux buffles pour la faim qu’ils avaient parfois endurée dans la plaine du grand Conseil. Cette assemblée fera époque parmi eux et laissera toujours, je l’espère, un bon souvenir. Elle se termina le 23 septembre.

Je suis convaincu que l’heureuse issue de ce Conseil doit être attribuée, en grande partie, aux mesures prudentes adoptées par les commissaires, et plus particulièrement encore aux manières conciliantes dont ils usèrent dans leurs rapports et leurs transactions avec les sauvages. Le Conseil produira le résultat que le gouvernement a droit d’en attendre  ; ce sera le commencement d’une nouvelle ère pour les Peaux-Rouges, d’une ère de paix. À l’avenir, les voyageurs paisibles pourront traverser le désert sans être inquiétés  ; et les Indiens n’auront plus rien à craindre de la part des mauvais blancs.

Agréez, etc.

P. J. De Smet, S. J.