Lettres de Jules Laforgue/105

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Lettres. — II (1883-1887)
Texte établi par G. Jean-Aubry, Mercure de France (Œuvres complètes de Jules Laforgue. Tome Vp. 119-121).
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CV

À M. CHARLES HENRY

Berlin, vendredi [avril 1885].
Mon cher (scientifiquissime),

Merci du De[1] anglais. J’ai eu, en effet, la Lutèce par Vanier. Félicite pour le quai d’Anjou.

Je vois ça d’ici. Tu ne pouvais mieux choisir, des murs vieux, de l’eau où l’on vit, — toujours aristo avec ça.

J’ai commencé à noter la poétique, mais tu sais que je n’ai pas de brouillon de mes Complaintes et que je ne les sais pas non plus par cœur. Comment citer ? Attends encore un peu. Ce sera plus franc et plus sérieux. Tu me combles pour la Revue.

Peste, oui, je voudrais bien y paraître ! si on prenait dans les Complaintes, ce serait absolument dans les choses déjà corrigées (celles-là ont été revues et parfois modifiées). Les épreuves que tu vois ne sont rien à côté de celles que je renvoie à Vanier et j’en suis bien soulagé. Par exemple, celles des Formalités nuptiales, dont tu me parles ; j’ai mis angle comme on dit dans le rayon (pas géométriquement ni topographiquement), mais jet comme d’une lanterne sourde de voleur. Je crois qu’on peut garder angle : cercle ferait les vers impossiblement faux d’ailleurs.

Kahn m’a écrit une lettre très drôle, un peu pompette. Ça sentait vraiment l’escapade. Kahn et le mois de mai, quel couple !

Je crois que nous serons lundi soir à Bade (toujours Villa Mesmer). Il faut que j’y vienne à bout de mon premier roman : Saison (ça s’appelle ainsi jusqu’à présent). J’ai aussi un gd article pour la Gazette. Et le reste !

Je viens de voir l’article du Journal des Savants, où l’on parle du « jeune savant ».

Sais-tu du nouveau ? As-tu des conjectures sur ce qui se passe dans les hautes sphères de l’administration éditoriale sise en l’encéphale de Vanier ? T’a-t-il jamais dit une date pour la livraison du volume ? As-tu vu les épreuves telles que je les ai renvoyées ? — Elles sont un peu délicates, surtout dans les additions[2]. Crois-tu qu’on s’en tirera et que du moins Vanier y met de la bonne volonté et un brin d’amour-propre ? Si tu as un mot pour me rassurer, tu seras bien gentil, bien marquis de Marigny (dont nous ferons les Folies-Marigny) en me le mandant.

Au revoir. Au 10 août. Le pianiste[3] sera à Paris !

Ton
Jules Laforgue.

  1. Dictionnaire.
  2. Quelques coquilles échappèrent aux corrections.
  3. Il s’agit toujours de Théo Ysaye.