Louise Chawinikisique/01

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L’Ami du peuple, de l'ordre et des lois (23 et 26 septembrep. 2-5).

LITTÉRATURE.


Nous soussignés, juges du concours pour essais littéraires ouvert par le journal l’Ami du Peuple, avons décerné lu prix à l’écrit intitulé : Louise Chawinikisique.

Ce n’est pas qu’il soit exempt de défauts, mais il nous a paru le meilleur, et comme il est à présumer que les essais qui nous ont été soumis, ont été écrits par des jeunes gens, le désir d’encourager le talent dans la classe naissante de la société, nous défend de nous montrer trop exigeans en retenant le prix.

La composition de l’essai ci-dessus offre de l’ensemble, et un intérêt qui se soutient bien, l’histoire en est bien ourdie et variée, le style animé, et les pensées dénotent un auteur habitué à la réflexion sur plusieurs sujets d’importance majeurs.

Ce mérite a dû l’emporter sur quelques invraisemblances, quelques endroits qui ne se soutiennent pas et sont trop emphatiques ou trop vulgaires pour le genre de la pièce, et sur des négligences de style que l’écrivain aurait sans doute, en relisant, aperçues lui même et corrigées en moins d’une heure. La ponctuation essentielle et souvent négligée, n’y est pas toujours correcte. Enfin l’auteur parait oublier souvent que le moreau est presque tout en récit, et il met dans la bouche de son sauvage des idées et un raffinement qui ne peuvent appartenir qu’à notre civilisation et à nos mœurs. Peut-être aussi l’importance donnée au narrateur, lorsqu’il se fait connaître à la fin n’est-elle pas justifiée du côté moral ou littéraire, par le rôle qu’il a rempli dans l’histoire qu’il raconte.

Si cette critique parait sévère au jeune écrivain, ses collègues dont nous ne pouvons couronner les efforts méritoires, et dont nous ne nous permettrons pas du commenter publiquement les essais, y trouveront la preuve que nous avons porté quelqu’attention à notre tâche.

Nous avons noté, dans chacun des cinq essais, les fautes de style et inexactitudes les plus apparentes ; nous nous ferons un plaisir de communiquer ces notes aux auteurs en personne, s’ils croient que la chose puisse leur être utile et s’ils jugent à propos de s’adresser à nous. L’anonyme où ils sont restés jusqu’à présent, leur est garant que nous n’avons pu manquer de leur rendre justice par acception de personnes.

Il est un des essais, celui qui finit par une pièce de vers, à l’auteur duquel nous devons dire ce qui suit. Le style en est égal, et facile, plus correct que dans les quatre autres, quoique l’histoire n’offre aucun mérite particulier d’invention. Nous n’avons pas cru cependant qu’il fut en notre pouvoir de préférer cette correction de style à l’ensemble de l’écrit auquel nous adjugeons le prix ; celui dont nous parlons n’a pas même la moitié de la longueur requise dans les conditions ; nous ne pourrions passer par dessus une pareille différence, d’autant plus que l’auteur a dû s’épargner par là des difficultés de plan et d’invention, qui bien ou mal surmontées décident en grande partie du mérite d’un écrit.

Les trois autres essais ont aussi leur mérite et leurs défauts. Tout en encourageant leurs auteurs à continuer leurs efforts, dans l’utile carrière des lettres, nous devons répéter que celui que nous avons nommé en premier lieu nous parait préférable.

Un seul sur la totalité roule sur un sujet vrai et utile ; nous en félicitons l’auteur, regrettant principalement qu’il s’y soit trouvé un manque de plan et méthode.

Le sujet des quatre autres, y compris Louise, est le fruit de l’imagination, et rempli également dans tous d’histoires d’horreur et de mort. Ce genre fantastique et sombre en vogua aujourd’hui, surtout traité en prose, est trop facile pour servir de cadre à moins que l’on n’ait un génie créateur qui élève tout audessus de la médiocrité. En outre les résultats en sont de peu d’utilité dans la vie morale et industrielle. Des hommes bien supérieurs peuvent seuls broder ce canevas en traits ineffaçables, source de graves pensées et de profondes émotions.

Nous exhortons nos jeunes compatriotes à s’exercer sur la littérature proprement dite, sur la philosophie, la morale et l’histoire, sur les sciences et les arts. Dans ce vaste champ, les juges et les lecteurs devraient se montrer moins sévères, et chaque pas serait pour les littérateurs un encouragement à l’étude et un présage futur, et pour ceux qui profiteraient de leurs travaux souvent celui d’une conquête de plus dans le domaine de l’intelligence ou dans celui de la nature.

D. MONDELET.
A. N. MORIN.

Montréal 17 septembre 1835.