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Mémoires (Cardinal de Retz)/Livre troisième/Section 1

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Il étoit deux heures après minuit sonnées quand je retournai chez moi ; et je trouvai pour rafraîchissement une lettre de Laigues, où il n’y avoit que deux ou trois lignes en lettres ordinaires, et dix-sept pages de chiffres. Je passai le reste de la nuit à la déchiffrer, et je ne rencontrai pas une syllabe qui ne me donnât une nouvelle douleur. La lettre étoit écrite de la main de Laigues, mais elle étoit en commun de Noirmoutier et de lui. La substance étoit que nous avions eu tout le tort du monde de souhaiter que les Espagnols ne s’avançassent pas dans le royaume ; que tous les peuples étoient si animés contre Mazarin, et si bien intentionnés pour le parti et pour la défense de Paris qu’ils venoient de toutes parts au devant d’eux ; que nous ne devions point appréhender que leur marche nous fît tort dans le public ; que M. l’archiduc étoit un saint, qui mourroit plutôt de dix mille morts que de prendre des avantages desquels on ne seroit pas convenu que M. de Fuensaldagne étoit un homme net, de qui dans le fond il n’y avoit rien à craindre. La conclusion étoit que le gros de l’armée d’Espagne seroit tel jour à Vadoncourt, l’avant-garde tel jour à Pont-à-Verre ; qu’elle y séjourneroit quelques autres jours, après lesquels M. l’archiduc faisoit état de se venir poster à Dammartin ; que le comte de Fuensaldagne leur avoit donné des raisons si solides pour cette marche, qu’ils ne s’étoient pas pu défendre d’y donner les mains, et même de l’approuver ; qu’il les avoit priés de m’en donner part en mon particulier, et de m’assurer qu’il ne feroit rien que de concert avec moi. Il n’étoit plus heure de se coucher quand j’eus déchiffré cette lettre ; mais quand j’eusse été dans le lit, je n’y aurois pas reposé dans la cruelle agitation qu’elle me donna, et qui étoit aigrie par toutes les circonstances qui la pouvoient envenimer. Je voyois le parlement plus éloigné que jamais de s’engager dans la guerre, à cause de la désertion de l’armée de M. de Turenne. Je voyois les députés, à Ruel, plus hardis que la première fois, par le succès de leur prévarication. Je voyois le peuple de Paris aussi disposé à faire entrer l’archiduc qu’il l’eût pu être à recevoir M. le duc d’Orléans. Je voyois que ce prince, avec son chapelet toujours à la main ; et Fuensaldagne avec son argent, y auroient en huit jours plus de pouvoir que nous tous. Je voyois que le dernier, qui étoit un des plus habiles hommes, avoit tellement mis la main sur Noirmoutier et sur Laigues, qu’il les avoit comme enchantés. Je voyois que M. de Bouillon retomboit dans ses premières propositions de porter toutes les choses à l’extrémité. Je voyois que la cour, qui se croyoit assurée du parlement, y précipitoit nos généraux, par le mépris qu’elle recommençoit d’en faire. Je voyois que toutes ces dispositions nous conduisoient à une sédition populaire qui étrangleroit le parlement, qui mettroit les Espagnols dans le Louvre, qui renverseroit peut-être l’État. Et je voyois sur le tout que le crédit que j’avois chez le peuple et par M. de Beaufort et par moi-même, et les noms de Noirmoutier et de Laigues, qui avoient mon caractère, me donneroient le triste et le funeste honneur de ces fameux exploits, dans lesquels le premier soin du comte de Fuensaldagne seroit de m’anéantir moi-même.

Je fus tout le matin dans ces pensées, et je me résolus de les aller communiquer à mon père, qui depuis plus de vingt ans étoit retiré dans l’Oratoire, et qui n’avoit jamais voulu entendre parler de mes intrigues. Il me vint une pensée entre la porte Saint-Jacques et Saint-Magloire, qui fut de contribuer sous main en tout ce qui seroit en moi à la paix, pour assurer l’État, qui me paroissoit sur le penchant de sa ruine ; et de m’y opposer en apparence pour me maintenir avec le peuple, et pour demeurer toujours à la tête d’un parti non armé, que je pourrois armer et ne pas armer dans la suite, selon les occasions. Cette imagination, quoique non digérée, tomba d’abord dans l’esprit de mon père, qui étoit naturellement fort modéré ; et cela commença à me faire croire qu’elle n’étoit pas si extrême qu’elle me l’avoit paru d’abord. Après l’avoir discutée, elle ne nous parut pas même si hasardeuse à beaucoup près ; et je me ressouvins de ce que j’avois observé quelquefois, que tout ce qui paroît hasardeux et ne l’est pas est presque toujours sage. Ce qui me confirma encore dans mon opinion fut que mon père, qui avoit reçu, deux jours auparavant, des offres avantageuses pour moi de la cour, par la voie de M. de Liancourt qui étoit à Saint-Germain, convenoit que je n’y pourrois trouver aucune sûreté. Nous dégraissâmes, pour ainsi dire, notre proposition ; nous la revêtîmes de ce qui pouvoit lui donner et de la couleur et de la force ; et je me résolus de prendre ce parti, et de l’inspirer dès l’après-dînée, s’il m’étoit possible, à messieurs de Bouillon, de Beaufort, et de La Mothe-Houdancourt. M. de Bouillon remit l’assemblée jusqu’au lendemain. Je confesse que je ne me doutai point de son dessein, et que je ne m’en aperçus que le soir, où je trouvai M. de Beaufort très-persuadé que nous n’avions plus rien à faire qu’à fermer les portes de Paris aux députés de Ruel, qu’à chasser le parlement, qu’à nous rendre maîtres de l’hôtel-de-ville, et qu’à faire avancer l’armée d’Espagne dans nos faubourgs. Comme le président de Bellièvre venoit de m’avertir que madame de Montbazon lui avoit parlé dans les mêmes termes, je me le tins pour dit, et je commençai là à connoître la sottise que j’avois faite de m’ouvrir au point que je m’étois ouvert, en présence de don Gabriel de Tolède, chez M. de Bouillon. J’ai su depuis par lui-même qu’il avoit été quatre ou cinq heures la nuit chez madame de Montbazon, à qui il avoit promis vingt mille écus comptant et une pension de six mille, en cas qu’elle portât M. de Beaufort à ce que M. l’archiduc désiroit de lui. Il n’oublia pas les autres. Il eut bon marché de M. d’Elbœuf il donna des lueurs au maréchal de La Mothe de lui faire trouver des accommodemens touchant le duché de Cardonne. Enfin je connus, le jour que nous nous assemblâmes M. de Beaufort, M. de Bouillon le maréchal de La Mothe et moi, que le catholicon[1] d’Espagne n’avoit pas été épargné dans les drogues qui se débitèrent dans cette conversation. Tout le monde m’y parut persuadé que la désertion des troupes de M. de Turenne ne nous laissoit plus de choix pour le parti qu’il y avoit à prendre, et que l’unique étoit de se rendre, par le moyen du peuple, les maîtres du parlement et de l’hôtel-de-ville. Je vous ennuierois, si je rebattois ici les raisons que j’alléguai contre ce sentiment. M. de Bouillon ayant perdu l’armée d’Allemagne, et ne se voyant plus par conséquent assez de considération pour tirer de grands avantages du côté de la cour, ne craignoit plus de s’engager pleinement avec l’Espagne. Il ne voulut point concevoir ce que je disois ; mais j’emportai messieurs de Beaufort et de La Mothe auxquels je fis comprendre qu’ils ne trouveroient pas une bonne, place dans le parti, qui seroit réduit dans quinze jours à dépendre du conseil d’Espagne. Le maréchal de La Mothe n’eut aucune peine de se rendre à mon sentiment mais comme il savoit que don Francisce Pizarro étoit parti la veille pour aller trouver M. de Longueville, avec qui il étoit intimement lié, il ne s’explquoit pas tout-à-fait décisivement. M. de Beaufort ne balança pas, quoique je reconnusse à mille choses qu’il avoit été bien catéchisé par madame de Montbazon, dont je remarquai de certaines expressions toutes copiées. M. de Bouillon me dit avec émotion : « Mais si nous eussions engagé le parlement, comme vous le vouliez dernièrement, et que l’armée d’Allemagne nous eût manqué comme elle a fait n’aurions-nous pas été dans le même état où nous sommes ? Vous faisiez pourtant votre compte, en ce cas, de soutenir la guerre avec nos troupes, avec celles de M. de Longueville, avec celles qui se font à présent pour nous dans toutes les provinces du royaume. — Ajoutez, monsieur, lui répondis-je, avec le parlement de Paris déclaré et engagé pour la paix générale. Car si ce même parlement, qui ne s’engagera pas sans M. de Turenne avoit une fois été engagé, il seroit aussi judicieux de fonder sur lui, qu’il l’est, à mon avis, à cette heure de n’y rien compter. Les compagnies vont toujours devant elles quand elles ont été jusqu’à un certain point, et leur retour n’est point à craindre quand elles sont fixées. La proposition de la paix générale l’eût fait, à mon avis dans le moment de la déclaration de M. de Turenne. Nous avons manqué ce moment : je suis convaincu qu’il n’y a plus rien à faire de ce côté-là ; et je crois même, monsieur, que vous en êtes persuadé comme moi. La seule différence est que vous croyez que nous pouvons soutenir l’affaire par le peuple, et je crois que nous ne le devons pas c’est la vieille question, qui a déjà été agitée plusieurs fois. »

M. de Bouillon, qui ne la voulut point remettre sur le tapis, parce qu’il avoit reconnu de bonne foi en deux ou trois occasions que mes sentimens étoient raisonnables sur ce sujet, tourna tout court, et il me dit « Ne contestons point. Supposé qu’il ne se faille point servir du peuple dans cette-conjoncture, que faut-il faire ? quel est votre avis ? Il est bizarre et extraordinaire lui répliquai-je. Le voici nous ne pouvons empêcher la paix, sans ruiner le parlement par le peuple ; nous ne saurions soutenir la guerre par le peuple, sans nous mettre dans la dépendance de l’Espagne ; nous ne saurions avoir la paix avec Saint-Germain, que nous ne consentions à voir le Mazarin dans le ministère. » M. de Bouillon, qui, avec la physionomie d’un bœuf, avoit la perspicacité d’un aigle, ne me laissa pas achever. « Je vous entends, me dit-il ; vous voulez laisser faire la paix, et vous voulez en même temps n’en pas être. — Je veux faire plus, lui répondis-je, car je m’y veux opposer mais de ma voix seulement, et de celle des gens qui voudront bien hasarder la même chose. Je vous entends encore, reprit M. de Bouillon voilà une grande et belle pensée. Elle vous convient, elle peut même convenir à M. de Beaufort mais elle ne convient qu’à vous deux. Si elle ne convenoit qu’à nous deux, lui repartis-je, je me couperois plutôt la langue que de la proposer. Si vous voulez jouer le même personnage que nous, et si vous ne croyez pas le devoir, celui que nous jouerons ne vous conviendra pas moins, parce que vous vous en pourrez accommoder. Je suis persuadé que ceux qui persisteront à demander, pour condition de l’accommodément, l’exclusion du Mazarin demeureront les maîtres du peuple encore assez long-temps, pour profiter de l’occasion que la fortune fait toujours naître dans des temps qui ne sont pas encore remis et assurés. Qui peut jouer ce rôle avec plus de dignité que vous monsieur, et par votre réputation et par votre capacité ? Nous avons déjà la faveur des peuples, M. de Beaufort et moi ; vous l’aurez demain comme nous, par une déclaration de cette nature. Nous serons regardés comme les seuls sur qui l’espérance publique se pourra fonder ; toutes les fautes du ministre nous tourneront à compte notre considération en sauvera quelques-unes au public et les Espagnols en auront une très-grande pour nous. Le cardinal ne pourra s’empêcher de nous en donner, parce que la pente qu’il a toujours à négocier fera qu’il ne pourra s’empêcher de nous rechercher. Tous ces avantages ne me persuadent pas que ce parti que je vous propose soit fort bon j’en vois tous les inconvéniens, et je n’ignore pas que, dans le chapitre des accidens auxquels je conviens qu’il faut s’abandonner en suivant ce chemin-là, nous pouvons trouver des abîmes. Mais, à mon opinion, il est nécessaire de se hasarder, quand on est assuré de rencontrer encore plus de précipices dans les voies ordinaires. Nous n’avons déjà que trop rebattu ceux qui sont inévitables dans la guerre ; et ne voyons-nous pas d’un clin d’œil ceux de la paix, sous un ministre outragé et dont le rétablissement parfait ne dépendra que de notre ruine ? Ces considérations me font croire que ce parti convient à vous tous pour le moins aussi justement qu’à moi ; mais je maintiens que quand il ne vous conviendroit pas de le prendre, il vous convient toujours que je le prenne parce qu’il facilitera votre accommodement, en vous donnant plus de temps pour le traiter avant que la paix se conclue et en tenant après qu’elle le sera, le Mazarin en état d’avoir plus d’égards pour ceux dont il pourra appréhender la réunion avec moi. »

M. de Bouillon, qui avoit toujours dans la tête qu’il pourroit trouver sa place dans l’extrémité, sourit à ces dernières paroles. Il me dit « Vous m’avez tantôt fait la guerre de la figure de rhétorique de Barneveldt : Je vous le rends car vous supposez par votre raisonnement qu’il faut laisser faire la paix, et c’est ce qui est en question, parce que nous pouvons soutenir la guerre en nous rendant maîtres du parlement par le peuple. — Je ne vous ai parlé, monsieur, lui répondis-je, que sur ce que vous m’avez dit qu’il ne falloit plus contester sur ce point, et que vous désiriez simplement d’être éclairci du détail de mes vues sur la proposition que je vous faisois : vous revenez présentement au gros de la question. — Nous n’en sommes pas persuadés, reprit-il ; et voulez-vous bien vous en rapporter au plus de voix ? — De tout mon cœur, lui répondis-je. Il n’y a rien de plus juste, nous sommes dans le même vaisseau ; il faut périr pu se sauver tous ensemble. Voilà M. de Beaufort qui est dans le même sentiment ; et quand lui et moi serions encore plus maîtres du peuple que nous le sommes, je crois que lui et moi mériterions d’être déshonorés, si nous nous servions de notre crédit, je ne dis pas pour abandonner, mais pour forcer le moindre homme du parti à ce qui ne seroit pas de son avantage. Je me conformerai à l’avis commun, je le signerai de mon sang, à condition que vous ne serez pas dans la liste de ceux à qui je m’engagerai car je suis assez engagé, comme vous savez, par le respect et par l’amitié que j’ai pour vous. » M. de Beaufort nous réjouit sur cela de quelques apophthegmes, qui ne manquoient jamais dans les occasions où ils étoient le moins requis.

M. de Bouillon, qui savoit que son avis ne passeroit pas à la pluralité, et qui ne m’avoit proposé de l’y mettre que parce qu’il croyoit que j’en appréhenderois la commission, me dit sagement « Vous savez que ce ne seroit ni votre compte ni le mien de discuter ce détail en ce moment, où nous sommes en présence de gens qui en pourroient abuser. Vous êtes trop sage, et je ne suis pas assez fou, pour leur porter cette matière aussi peu digérée qu’elle l’est encore. Approfondissons-la avant qu’ils puissent seulement s’imaginer que nous la traitions. Votre intérêt n’est pas à vous rendre maître de Paris par le peuple le mien n’est pas à laisser faire la paix sans m’accommoder. Demandez, ajouta-t-il, à M. le maréchal de La Mothe si mademoiselle de Touci y consentirait pour lui ? » (M. de La Mothe étoit amoureux de mademoiselle de Touci on croyoit alors qu’il l’épouseroit plus tôt qu’il ne fit.) M. de Bouillon, qui vouloit me marquer que la considération de madame sa femme ne lui permettoit pas de prendre pour lui le parti que je lui avois proposé, et ne vouloit pas le marquer aux autres se servit de cette manière pour me l’insinuer. Il me l’expliqua ainsi un moment après qu’il eut le moyen de me parler seul, et me dit que je ne devois pas avoir au moins seul les gants de ma proposition ; qu’elle lui étoit venue dans l’esprit, dès qu’il eut appris la désertion de l’armée de monsieur son frère ; qu’il avoit même le moyen de l’améliorer en la faisant goûter aux Espagnols ; qu’il avoit été sur le point cinq ou six fois en un jour de me la communiquer : mais que madame sa femme s’y étoit toujours opposée avec une telle fermeté et avec tant de larmes, qu’enfin elle lui avoit fait donner parole de n’y plus penser, et de s’accommoder avec la cour, ou de prendre parti avec l’Espagne. « Je vois bien, me dit-il, que vous ne voulez pas du second ; aidez-moi au premier, je vous en conjure : vous voyez la confiance que j’ai en vous. »

Comme messieurs de Beaufort et de La Mothe nous rejoignirent avec le président de Bellièvre, je n’eus que le temps de serrer la main à M. de Bouillon, qui ensuite expliqua en peu de mots à M. de Bellièvre le commencement de notre conversation, et lui témoigna qu’il ne pouvoit prendre le parti que je lui avois proposé, parce qu’il risquoit pour jamais toute sa maison, à laquelle il seroit responsable de sa ruine. Il n’oublia rien pour lui persuader qu’il jouoit le droit du jeu, de ne pas entrer dans ma proposition (je le remarquai, et je vous en dirai tantôt la raison) ; et se tournant ensuite vers M. de Beaufort et vers moi : « Mais entendons-nous, dit-il, comme vous l’avez tantôt proposé. Ne consentez à la paix au moins que par votre voix au parlement, que sous la condition de l’exclusion du Mazarin je me joindrai à vous, et je tiendrai le même langage peut-être que notre fermeté donnera plus de force que nous ne croyons au parlement. Si cela n’arrive pas, agréez que je cherche à sauver ma maison par les accommodemens, qui ne sauroient être fort bons en l’état où sont les choses, mais qui pourront le devenir avec le temps. »

Je n’ai guère eu en ma vie de plus sensible joie que celle que je reçus à cet instant. Je répondis à M. de Bouillon que j’avois tant d’impatience de lui faire connoître à quel point j’étois son serviteur, que je ne pouvois m’empêcher de manquer même au respect que je devois à M. de Beaufort., en prenant la parole avant lui pour l’assurer qu’en mon particulier je lui rendrois toutes les paroles d’engagemens qu’il avoit pris avec moi, et que je lui donnois de plus la mienne que je ferois pour faciliter son accommodement tout ce qu’il lui plairoit ; qu’il pouvoit se servir de moi et de mon nom pour donner à la cour toutes les offres qui lui pourroient être bonnes ; et que comme dans le fond je ne voulois pas m’accommoder avec Mazarin, je le ren dois maître de toutes les apparences de ma conduite, dont il se pourroit servir pour ses avantages.

M. de Beaufort, dont le naturel étoit de renchérir toujours sur celui qui avoit parlé le dernier, lui sacrifia en même temps avec emphase tous les intérêts passés, présens et à venir de la maison de Vendôme. Le maréchal de La Mothe lui fit son compliment, et le président de Bellièvre lui fit son éloge. Nous convînmes en un quart-d’heure de tous nos faits. M. de Bouillon se chargea de faire agréer aux Espagnols cette conduite, pourvu que nous lui donnassions parole de ne leur point témoigner qu’elle eût été concertée auparavant avec nous. Nous prîmes le soin, le maréchal de La Mothe et moi, de proposer à M. de Longueville, en son nom, en celui de M. de Beaufort et au mien, le parti que M. de Bouillon prenoit pour lui ; et nous ne doutâmes point qu’il ne l’acceptât, parce que les gens irrésolus prennent toujours avec facilité toutes les ouvertures qui les mènent à deux chemins, et qui par conséquent ne les pressent pas d’opter. Nous crûmes que pour cette raison M. de La Rochefoucauld ne nous feroit point d’obstacle, ni auprès de M. le prince de Conti, ni auprès de madame de Longueville ainsi nous résolûmes que M. de Bouillon feroit, dès ce soir même la proposition à M. le prince de Conti, en présence de tous les généraux. Cette conférence fut sérieuse, en ce que M. de Bouillon n’y proféra pas un mot par lequel on pût se plaindre qu’il eût seulement songé à tromper, et qu’il n’en omit pas un seul qui pût couvrir son véritable dessein. Je vous rapporterai son discours syllabe à syllabe, et tel que je l’écrivis une heure après qu’il l’eut fait, après que je vous aurai rendu compte de ce qu’il me dit en sortant de la conférence dont je viens de vous parler.

« Ne me plaignez-vous pas, me dit-il, de me voir dans la nécessité de ne pouvoir prendre l’unique parti où il y ait de la réputation pour l’avenir et de la, sûreté pour le présent ? Je conviens que c’est celui que vous avez choisi ; et s’il étoit en mon pouvoir de le suivre je crois sans vanité que j’y mettrois un grain qui ajouteroit un peu au poids. Vous avez remarqué que j’avois peine à m’ouvrir tout-à-fait sur les raisons que j’ai d’agir comme je fais devant le président de Bellièvre, et il est vrai ; et vous avouerez que je n’ai pas tort, quand je vous aurai dit que ce bourgeois me déchira avant-hier une heure durant, sur la déférence que j’ai pour les sentimens de ma femme. Je veux bien vous l’avouer à vous, qui ne mè blâmeriez pas de ne pas exposer une femme que j’aime tendrement et huit enfans qu’elle aime plus que soi-même à un parti aussi hasardeux que celui que vous prenez et que je prendrons avec vous si j’étois seul. »

Je fus touché du sentiment de M. de Bouillon et de sa confiance et je lui répondis que j’étois si éloigné de le blâmer, qu’au contraire je l’en honorois davantage et que la tendresse pour madame sa femme, qu’il venoit d’appeler une foiblesse, étoit une de ces sortes de choses que la politique condamne, mais que la morale justifie, parce qu’elles sont une marque de la bonté d’un cœur qui ne peut être supérieur à la politique qu’il ne le soit en même temps à l’intérêt.

Nous entrâmes un moment après chez M. le prince de Conti, qui soupoit. M. de Bouillon le pria de permettre qu’il lui pût parler devant madame de Longueville, messieurs les généraux, et les principales personnes du parti. Comme il falloit du temps pour rassembler ces gens, on remit la conversation à onze heures du soir ; et M. de Bouillon alla, en attendant, chez les envoyés d’Espagne, auxquels il persuada que la conduite que nous venions de résoudre ensemble, et qu’il ne leur disoit pourtant pas avoir été concertée avec nous, leur pourroit être très-utile, parce que la fermeté que nous conservions contre le Mazarin pourroit peut-être rompre la paix ; et aussi parce que, supposé même qu’elle se fit, ils pourroient toujours tirer dans la suite un grand avantage du personnage que j’avois résolu de jouer. Il assaisonna ceci de tout ce qui les pouvoit persuader que l’accommodement de M. d’Elbœuf avec Saint-Germain leur étoit fort bon parce qu’il les déchargeoit d’un homme qui leur coûteroit de l’argent, et qui leur seroit fort inutile que le sien particulier, supposé même qu’il le fit (dont il doutoit fort), leur pouvoit être utile, parce que le peu de foi du Mazarin lui donnoit lieu par avance de garder avec eux ses anciennes mesures qu’il n’y avoit aucune sûreté en tout ce qu’ils négocieroient avec M. le prince de Conti, qui n’étoit qu’une girouette ; qu’il n’y en avoit qu’une médiocre en M. de Longueville, qui traitoit toujours avec les deux partis que messieurs de Beaufort, de La Mothe de Brissac et de Vitry ne se sépareroient pas de moi, et qu’ainsi la pensée de se rendre maîtres du parlement étoit devenue impraticable par l’opposition que j’y avois. Ces considérations, jointes à l’ordre que les envoyés avoient de se rapporter en tout au sentiment de M. de Bouillon les obligèrent de donner les mains à tout ce qu’il voulut. Il n’eut pas plus de peine de persuader, à son retour à l’hôtel-de-ville, messieurs les généraux, qui furent charmés d’un parti qui leur feroit faire tous les matins les braves au parlement, et qui leur laisseroit la liberté de traiter tous les soirs avec la cour. Ce que je trouvai de plus habile dans son discours est qu’il y mêla des circonstances dont les divers tours qu’il leur pouvoit donner en cas de besoin ôteroient, quand il seroit nécessaire, toute créance au mauvais usage que l’on en pourroit faire du côté des Espagnols et du côté de la cour. Tout le monde sortit content de cette conférence, qui ne dura pas plus d’une heure et demie. M. le prince de Conti nous assura même que M. de Longueville l’agréoit au dernier point. Je retournai avec M. de Bouillon chez lui, et je trouvai les envoyés d’Espagne qui l’y attendoient. J’aperçus aisément, et à leurs manières et à leurs paroles, que M. de Bouillon leur avoit fait valoir et pour lui et pour moi la résolution que j’avois prise de ne me pas accommoder : aussi me firent-ils toutes les honnêtetés et toutes les offres imaginables. Nous convînmes de tous nos faits ce qui fut bien aisé, parce qu’ils approuvoient tout ce que M. de Bouillon proposoit. Il leur fit un pont d’or pour retirer leurs troupes avec bienséance, et sans qu’il parût qu’ils le fissent par nécessité. Il leur fit goûter tout ce que les occasions lui pourroient inspirer de leur proposer ; il prit vingt dates différentes et quelquefois même contraires, pour les pouvoir appliquer dans la suite comme il le jugeroit à propos. Je lui dis aussitôt qu’ils furent sortis, que je n’avois jamais vu personne qui fût si éloquent que lui pour persuader aux gens que les fièvres quartes leur étoient bonnes. « Le malheur est, me répondit-il, qu’il faut pour cette fois que je me le persuade aussi à moi-même. »

Comme je fus retourné chez moi je trouvai Varicarville qui venoit de Rouen de la part de M. de Longueville. Je crois être obligé de vous faire excuse ici de ce que, vous rendant compte de la guerre civile, je n’ai encore touché que légèrement un des principaux actes qui se joua, ou plutôt qui se dut jouer en Normandie. Je n’ai fait récit, dès le commencement de cet ouvrage, que de ce que j’ai vu moi-même : mais puisque je trouve en cet endroit Varicarville, qui a été, à mon sens, le gentilhomme le plus véritable du royaume, je crois vous devoir faire un récit succinct[2] de ce qui se passa de ce côté-là depuis le 20 janvier, que M. de Longueville partit de Paris pour y aller.

Vous avez vu que le parlement et la ville de Rouen se déclarèrent pour lui. Messieurs de Matignon[3] et de Beuvron[4] firent de même avec tout le corps de la noblesse. Les châteaux et les villes de Dieppe et de Caen étoient en sa disposition. Lizieux le suivit avec son évêque[5] ; et tous les peuples passionnés pour lui contribuèrent avec joie à la cause commune. Tous les deniers du Roi furent saisis dans toutes les recettes. On fit des levées jusqu’au nombre, à ce qu’on publioit, de sept mille hommes de pied et de trois mille chevaux ; mais, dans la vérité, ces levées n’alloient qu’au nombre de quatre mille hommes de pied et quinze cents chevaux. Le comte d’Harcourt, que le Roi envoya avec un petit camp volant, tint toutes ces villes, toutes ces troupes et tous ces peuples en haleine, et les resserra presque toujours dans les murailles de Rouen. L’unique exploit qu’ils firent à la campagne fut la prise de Harfleur, place non tenable, et de deux ou trois petits châteaux qui ne furent point défendus. Varicarville, qui étoit mon ami et qui me parloit confidemment, n’attribuoit cette pauvre et misérable conduite ni au défaut de cœur de M. de Longueville, qui étoit très-bon soldat, ni même au défaut d’expérience, quoiqu’il ne fût pas capitaine : il en accusoit uniquement son incertitude naturelle, qui lui faisoit chercher continuellement des ménagemens. Antonville, qui commandoit sa compagnie des gendarmes, étoit son négociateur en titre d’office ; et j’avois été averti de Saint-Germain par madame de Lesdiguières que, dès le second mois de la guerre, il avoit fait un voyage secret à Saint-Germain. Mais comme je connoissois M. de Longueville pour un esprit qui ne se pouvoit empêcher de traitailler, dans le temps même où il avoit le moins d’intention de s’accommoder, je ne fus pas ému de cet avis : d’autant moins que Varicarville, à qui j’en écrivis, me manda que je devois connoître le terrain, qui n’étoit jamais ferme : mais que je serois informé à point nommé lorsqu’il s’amolliroit davantage.

Dès que je connus que Paris penchoit à la paix au point de nous y emporter nous-mêmes, je crus être obligé de le faire savoir à M. de Longueville : en quoi Varicarville soutenoit que j’avois fait une faute, parce qu’il disoit à M. de Longueville même qu’il falloit que ses amis le traitassent comme un malade, et le servissent en beaucoup de choses sans lui. Je ne crus pas devoir user de cette liberté dans une conjoncture où les contre-temps du parlement pouvoient faire une paix fourrée à tous les quarts-d’heure : et je m’imaginai que je remédierois à l’inconvénient que je voyois bien qu’un avis de cette nature pouvoit produire dans un esprit aussi vacillant que celui de M. de Longueville. J’avertis Varicarville de le tenir de près, afin de l’empêcher au moins de faire de méchans traités particuliers : mais je me trompai en ce point, parce que M. de Longueville avoit autant de facilité à croire Antonville dans la fin des affaires, qu’il en avoit à croire Varicarville dans les commencemens. Le premier le portoit continuellement dans les sentimens de la cour ; et le second, qui aimoit la personne du duc, et qui le vouloit faire vivre à l’égard des ministres avec dignité, l’engageoit dans les occasions qui pouvoient flatter un cœur où tout étoit bon, et un esprit où rien n’étoit mauvais que le défaut de fermeté.

Il y avoit six semaines qu’il étoit dans la guerre civile, quand je lui donnai l’avis dont je vous ai parlé. Je vis par la réponse de Varicarville qu’Antonville étoit sur le point de servir son quartier. Il fit quelque temps après un voyage à Saint-Germain, comme je l’ai dit ; et Varicarville m’assura depuis qu’il n’y trouva ni son compte ni celui de son maître : ce qui obligea M. de Longueville de reprendre la grande voie, et de se servir de l’occasion de la conférence de Ruel pour entrer dans un traité. Comme il n’approuvoit pas mes pensées sur tout le détail dont je lui avois toujours fait part, il m’envoya Varicarville pour me faire agréer les siennes, sous prétexte de me faire savoir les tentatives que don Francisco Pizarro lui étoit allé faire de la part de l’archiduc. Nous connûmes, M. de Bouillon et moi, que le gentilhomme que nous venions de dépêcher à Rouen y donneroit la plus agréable nouvelle à M. de Longueville, en lui apprenant que l’on ne prétendoit plus le contraindre sur la matière des traités ; et Varicarville, qui étoit un des hommes de France les plus fermes, me témoigna même de l’impatience que l’on obtînt des passeports pour Antonville, destiné par M. de Longueville à la conférence : tant il étoit persuadé que son maître feroit autant de foiblesses qu’il demeureroit de momens dans un parti qu’il n’avoit pas la force de soutenir. Je reviens à ce qui se passa et au parlement et à la conférence.

Je vous ai dit que les députés retournèrent à Ruel le 16 mars : ils allèrent le lendemain à Saint-Germain, où la seconde conférence se devoit tenir à la chancellerie. Ils ne manquèrent pas de lire d’abord les propositions que ceux du parti avoient faites avec un empressement merveilleux pour leurs intérêts particuliers : propositions que messieurs les généraux, qui ne s’y étoient pas oubliés, avoient toujours stipulé ne devoir être faites qu’après que les intérêts du parlement seroient ajustés. Le premier président fit tout le contraire, sous prétexte de leur témoigner que leurs intérêts étoient plus chers à la compagnie que les siens propres : mais dans la vérité pour les décrier dans le public. Je l’avois prévu, et j’avois insisté, par cette considération, qu’ils ne donnassent leurs mémoires qu’après que l’on seroit demeuré d’accord des articles dont le parlement demandoit la réformation ; mais le premier président les enchanta tellement, que lorsqu’on sut que messieurs les généraux se faisoient entendre sur leurs intérêts, il n’y eut pas un officier dans l’armée qui ne crût être en droit de s’adresser au premier président pour ses prétentions. M. de Bouillon m’avoua qu’il n’avoit pas assez pesé cet inconvénient, qui jeta un grand air de ridicule sur tout le parti. Je fis des efforts inconcevables pour obliger M. de Beaufort et M. de La Mothe à ne pas donner dans le panneau. L’un et l’autre me l’avoient promis ; mais le premier président et Viole gagnèrent le second par des espérances frivoles. M. de Vendôme envoya en forme sa malédiction à son fils, s’il n’obtenoit au moins la surintendance des mers[6], qui lui avoit été promise à la régence, pour récompense du gouvernement de Bretagne. Les plus désintéressés s’imaginèrent qu’ils seroient les dupes des autres, s’ils ne se mettoient aussi sur les rangs. M. de Retz, qui sut que M. de La Trémouille son voisin y étoit pour le comté de Roussillon, et qu’il avoit même envie d’y être pour le royaume de Naples[7] ne m’a pas encore pardonné de ce que je n’entrepris pas de lui faire rendre la généralité des galères. Enfin je ne trouvai que M. de Brissac qui voulut bien ne point entrer en prétention ; et encore Matha, qui n’avoit guère de cervelle, lui ayant dit qu’il se faisoit tort, il se mit dans l’esprit qu’il le falloit réparer par un emploi tel que vous verrez dans la suite.

Toutes ces démarches me firent résoudre à me tirer du pair, et à me servir de l’occasion de la déclaration que M. le prince de Conti fit faire au parlement, qu’il avoit nommé pour son député à la conférence le comte de Maure, pour y faire une pareille déclaration en mon nom le même jour, qui fut le tg mars. Je suppliai la compagnie par cette déclaration, de ne me comprendre en rien de tout ce qui pourroit regarder directement ou indirectement aucun intérêt. Ce pas auquel je fus forcé, pour n’être pas chargé dans le public de la glissade de M. de Beaufort, joint au mauvais effet que cette nuée de prétentions ridicules y avoit produit, avança de quelques jours la proposition que les généraux n’avoient résolu de faire contre la personne de Mazarin, que dans les momens où ils jugeoient qu’elle leur pourroit servir à donner chaleur, par la crainte qui lui étoit fort naturelle, aux négociations qu’il avoit par différens canaux avec chacun d’eux.

M. de Bouillon nous assembla le même soir du 19 chez le prince de Conti ; et il y fit résoudre que ce prince lui-même diroit le lendemain au parlement qu’il n’avoit donné ni lui ni les autres généraux, les mémoires de leurs prétentions, que par la nécessité où ils s’étoient trouvés de chercher leurs sûretés en cas que le cardinal Mazarin demeurât dans le ministère ; mais qu’il protestoit, et en son nom et en celui de toutes les personnes de qualité qui étoient entrées dans le parti, qu’aussitôt qu’il en seroit exclus, ils renonceroient à toutes sortes d’intérêts sans exception.

Le 20, cette déclaration se fit en beaux termes. Je suis persuadé que si elle eût été faite avant que les généraux et les subalternes eussent fait éclore cette fourmilière de prétentions, comme il avoit été concerté entre M. de Bouillon et moi, elle auroit sauvé plus de réputation au parti et donné plus d’appréhension à la cour, que je ne m’étois imaginé car Paris et Saint-Germain eussent eu lieu de croire que la résolution prise par les généraux de parler pour leurs intérêts, et d’envoyer des députés pour en traiter, n’étoit que la suite du dessein qu’ils avoient formé de sacrifier ces mêmes intérêts à l’exclusion, du ministre. Cette faute est la plus grande, à mon sens, que M. de Bouillon ait jamais faite. Il la rejetoit sur la précipitation que M. d’Elbœuf avoit eue de mettre ses mémoires entre les mains du premier président mais M. de Bouillon étoit toujours la première cause de cette faute, parce qu’il avoit le premier lâché la main à cette conduite. Celui qui dans les grandes affaires donne lieu au manquement des autres est souvent plus coupable qu’eux. Voilà donc une grande faute de M. de Bouillon.

Voici une des plus signalées sottises que j’aie jamais faites. J’ai dit que M. de Bouillon avoit promis aux envoyés de l’archiduc un pont d’or pour se retirer en leur pays en cas que nous fissions la paix. Ces envoyés, qui n’entendoient parler que de députations et de conférences, ne laissoient pas, à travers toute la confiance qu’ils avoient en M. de Bouillon, de me sommer de temps en temps de la parole que je leur avois donnée de ne les pas laisser surprendre. J’avois de ma part une raison particulière pour cela, outre mon engagement, par l’amitié que j’avois pour Noirmoutier et pour Laigues, qui auroient trouvé mauvais que je n’eusse pas approuvé leurs raisons pour me faire consentir à l’approche des Espagnols. Mais comme cet engagement ne me paroissoit plus honnête en l’état où étoient les affaires, je n’oubliai rien pour faire que M. de Bouillon trouvât bon que nous ne différassions pas davantage à leur faire ce pont d’or, duquel il s’étoit ouvert à moi. Il remettoit de jour à autre, parce que, négociant comme il faisoit avec la cour par l’entremise de M. le prince, pour la récompense de Sedan, il lui étoit très-bon que l’armée d’Espagne ne se retirât pas encore. Sa probité et mes raisons l’emportèrent, après quelques jours de délais, sur son intérêt. Je dépêchai un courrier à Noirmoutier ; nous parlâmes décisivement aux envoyés de l’archiduc ; nous leur fîmes voir que la paix se pouvoit faire en un quart-d’heure, et que M. le prince pourroit être à portée de leur armée en quatre jours ; que celle de M. de Turenne s’avançoit sous le commandement d’Erlac, dépendant en tout et partout du cardinal. M. de Bouillon acheva de construire, dans cette conversation, le pont d’or qu’il leur avoit promis. Il leur dit que son sentiment étoit qu’ils remplissent un blanc de l’archiduc ; qu’ils en fissent une lettre de lui à M. le prince de Conti, par laquelle il lui mandât que pour faire voir qu’il n’étoit entré en France que pour procurer à la chrétienté la paix générale, et non pas pour profiter de la division qui étoit dans le royaume, il offroit d’en retirer ses troupes dès le moment qu’il auroit plu au Roi de nommer un lieu d’assemblée pour la paix, et des députés pour en traiter. Cette proposition, qui ne pouvoit plus avoir d’effet solide dans la conjoncture, étoit assez d’usage pour ce que M. de Bouillon s’y proposoit ; et il n’y avoit pas lieu de douter que la cour, qui verroit aisément que dans le fond de la chose cette offre ne pourroit plus aller à rien qu’autant qu’il lui plairoit n’y donnât les mains, au moins en apparence, et en même temps un prétexte honnête aux Espagnols pour se retirer sans déchet de leur réputation.

Le bernardin ne fut pas si satisfait de ce pont d’or, qu’il ne me dît après en particulier qu’il en eût beaucoup mieux aimé un de bois sur la Marne ou sur la Seine. Ils donnèrent toutefois les uns et les autres à tout ce que M. de Bouillon désira d’eux, parce que leur ordre le portoit ; et ils écrivirent sans contradiction la lettre que je leur dictai. M. le prince de Conti, qui étoit indisposé, me chargea d’aller de sa part au parlement faire le rapport de cette prétendue lettre, que les envoyés de l’archiduc lui portèrent en grande cérémonie. Je fus assez innocent pour recevoir cette commission qui donnoit lieu à mes ennemis de me faire passer pour un hommé tout-à-fait concerté avec l’Espagne, dans le moment que j’en refusois toutes les offres qu’elle me faisoit pour mes avantages particuliers, et que je lui rompois toutes ses mesurespour ne point blesser le véritable intérêt de l’État. It n’y a jamais eu de bêtise plus complète. M. de Bouillon en fut fâché pour l’amour de moi, quoiqu’il y trouvât assez son compte. Cependant je la réparai en quelque manière de concert avec lui, en ajoutant, au rapport que je fis dans le parlement le 22, qu’en cas que l’archiduc ne tînt pas exactement ce qu’il promettoit, M. le prince de Conti et messieurs les généraux m’avoient chargé d’assurer la compagnie qu’ils joindroient sans délai et sans condition toutes leurs troupes à celles du Roi.

J’ai dit que M. de Bouillon trouvoit assez son compte à ce que cette proposition eût été faite par moi, parce que le cardinal qui me croyoit tout-à-fait contraire à la paix, voyant que j’en avois pris la commission presque en même temps que le comte de Maure avoit porté à la conférence celle de son exclusion, ne douta point que ce ne fût une partie que j’eusse liée. Il l’appréhenda plus qu’il ne devoit. Il fit réponse aux députés du parlement, et ceux-ci la firent à la conférence, d’une manière qui marqua que le cardinal en avoit pris l’alarme. Comme ses frayeurs ne guérissoient d’ordinaire que par la négociation qu’il aimoit fort, il donna plus de jour à celle que M. le prince avoit entamée pour M. de Bouillon, parce qu’il le crut de concert avec moi dans la démarche que je venois de faire au parlement. Quand il vit qu’elle n’avoit point de suite il crut que nous avions manqué notre coup, et que la compagnie, n’ayant pas pris feu comme nous l’avions voulu, il n’avoit qu’à nous pousser.

M. le prince, qui étoit bien intentionné pour l’accommodement de M. de Bouillon et de M. de Turenne, manda au premier, par un billet, qu’il avoit trouvé le cardinal changé absolument sur son sujet du soir au matin. Nous en conçûmes fort aisément la raison, M. de Bouillon et moi ; et nous résolûmes de donner au Mazarin ce que M. de Bouillon appeloit un hausse-pied, c’est-à-dire de l’attaquer encore personnellement ce qui le mettroit au désespoir dans un temps où le bon sens lui eût pu donner assez d’insensibilité pour ces tentatives, qui au fond ne lui faisoient pas grand mal mais elles nous étoient bonnes à M. de Bouillon et à moi quoiqu’en différentes manières. M. de Bouillon croyoit qu’on en avanceront toutes les négociations ; et il étoit de mon intérêt de me signaler contre la personne du Mazarin, à la veille de la conclusion d’un traité qui donneroit peut-être la paix à tout le monde, hors à moi. Nous travaillâmes donc sur ce fondement, M. de Bouillon et moi, avec tant de succès, que nous obligeâmes M. le prince de Conti, qui n’en avoit aucune envie, de proposer au parlement d’ordonner à ses députés qu’ils se joignissent au comte de Maure touchant l’expulsion du Mazarin.

M. le prince de Conti fit cette proposition le 27 ; et comme nous avions eu deux ou trois jours pour tourner les esprits il passa, de quatre-vingt-deux voix contre quarante, que l’on manderoit le même jour aux députés d’insister. J’ajoutai en opinant : Et persister ; en quoi je ne fus suivi que de vingt-cinq voix, et je n’en fus pas surpris. Vous avez vu les raisons que j’avois de me distinguer sur cette matière. J’avois failli à me décréditer dans le peuple et à, passer pour mazarin, parce que le 13 mars j’avois empêché que l’on ne massacrât le premier président, et que, le 23 et le 24, je m’étois opposé à la vente de la bibliothèque du cardinal. Je me remis en honneur dans la salle du Palais et parmi les emportés du parlement, en prônant fortement contre le comte de Grancey, qui avoit été assez insolent pour piller une maison de M. de Coulon ; en insistant, le 24, que l’on donnât permission au prince d’Harcourt de prendre les deniers royaux dans les recettes de Picardie ; en pestant, le 25, contre une trêve qu’il étoit ridicule de refuser dans le temps d’une conférence ; et en m’opposant, le 30, à celle que l’on fit, quoique je susse que la paix étoit faite. Je reviens à la conférence de Saint-Germain.

Vous avez vu que les députés la commencèrent malignement par les prétentions particulières. La cour les entretint adroitement par des négociations secrètes avec les plus considérables, jusqu’à ce que se voyant assurée de la paix, elle en éluda la meilleure partie par une réponse habile. Elle distingua ces prétentions sous le titre de celles de justice et de celles de grâce : elle expliqua cette distinction à sa mode ; et comme le premier président et le président de Mesmes s’entendoient avec elle contre les députés des généraux, quoiqu’ils fissent mine de les appuyer, elle en fut quitte à bon marché et il ne lui en coûta presque rien de comptant ; il n’y eut presque que des paroles, que le Mazarin comptoit pour rien. Il se faisoit un grand mérite de ce qu’il avoit fait évanouir (c’étoient ses termes) avec un peu de poudre d’alchimie cette nuée de prétentions mais vous verrez par la suite qu’il eût fait, sagement d’y mêler un pont d’or.

La cour sortit encore plus aisément de la proposition faite par l’archiduc sur le sujet de la paix générale. Elle répondit qu’elle l’acceptoit avec joie et elle envoya dès le jour, même M. de Brienne[8] au nonce et à l’ambassadeur de Venise, pour conférer avec eux, comme médiateurs, de la manière de la traiter.

Pour ce qui regardoit l’exclusion du Mazarin, que le comte de Maure demanda d’abord, que M. de Brissac pressa conjointement avec messieurs de Barrière et de Crécy, députés des généraux, et sur laquelle les députés du parlement insistèrent de nouveau, au moins en apparence, comme il leur avoit été ordonné par leur compagnie, la Reine, M. le duc d’Orléans et M. le prince déclarèrent qu’ils n’y consentiroient jamais.

On contesta quelque temps touchant les intérêts du parlement de Rouen, qui avoit encore ses députés à la conférence, avec Antonville, député de M. de Longueville ; mais enfin l’on convint.

On n’eut presque point de difficulté sur les articles dont le parlement de Paris avoit demandé la réformation : la Reine se relâcha de faire tenir un lit de justice à Saint-Germain ; elle consentit que la défense au parlement de s’assembler le reste de l’année 1649 ne fût pas insérée dans la déclaration, à condition que les députés en donnassent leur parole, sur celle que la Reine leur donneroit aussi que telles et telles déclarations accordées ci-devant seroient inviolablement observées. La cour promit de ne point presser la restitution de la Bastille, et elle s’engagea même de parole à la laisser entre les mains de La Louvières, fils de M. de Broussel, qui y fut établi gouverneur par le parlement lorsqu’elle fut prise par M. d’Elbœuf.

L’amnistie fut accordée dans tous les termes que l’on demandoit. On y comprit expressément M. le prince de Conti, messieurs de Longueville, de Beaufort, d’Elbœuf, d’Harcourt, de Rieux, de Lillebonne, de Bouillon, de Turenne de Brissac, de Duras, de Matignon, de Beuvron, de Noirmoutier, de Sévigné, de La Trémouille, de La Rochefoucauld, de Retz ; d’Estissac, de Montrésor, de Matha, de Saint-Germain, d’Apchon, de Sauvebœuf, de Saint-Ibal de Laurétat, de Laigues, de Chavagnac, de Chaumont ; de Canmesnil, de Cugnac, de Crécy, d’Allici et de Barrière.

Il y eut quelques difficultés touchant Noirmoutier et Laigues, la cour ayant affecté de leur vouloir donner une abolition, comme étant plus criminels que les autres, parce qu’ils étoient encore publiquement dans l’armée d’Espagne. M. le chancelier même fit voir aux députés du parlement un ordre par lequel le premier ordonnoit, comme lieutenant général de l’armée du Roi commandée par M. le prince de Conti, aux communautés de Picardie d’apporter des vivres au camp de l’archiduc ; et une lettre du second qui sollicitoit Bridieu gouverneur de Guise, de remettre sa place aux Espagnols, sous promesse de la liberté de M. de Guise, qui avoit été pris à Naples. M. de Brissac soutint que toutes ces paperasses étoient supposées et le premier président se joignant à lui, il fut dit que l’un et l’autre seroient compris dans l’amnistie sans distinction.

Le président de Mesmes, qui eût été ravi de me pouvoir noter, affecta de dire alors qu’il ne concevoit pas pourquoi on ne me nommoit pas expressément dans cette amnistie ; et qu’un homme de ma dignité ne devoit pas être compris dans le commun. M. de Brissac, qui étoit plus homme du monde que de négociation, n’eut pas l’esprit assez présent ; il répondit qu’il falloit savoir sur cela mes intentions. Il m’envoya un gentilhomme, à qui je donnai un billet en ces termes : « Comme je n’ai rien fait dans le mouvement présent que ce que j’ai cru être du service du Roi et du véritable intérêt de l’État, j’ai trop de raisons de souhaiter que Sa Majesté en soit bien informée à sa majorité, pour ne pas supplier messieurs les députés de ne point souffrir que l’on me comprenne dans l’amnistie. » Je signai le billet, et je priai M. de Brissac de le donner à messieurs les députés du parlement et des généraux, en présence de M. le duc d’Orléans et de M. le prince. Il ne le fit pas, à la prière de M. de Liancourt, qui crut que cette circonstance aigriroit encore plus la Reine contre moi ; mais il en dit la substance, et on ne me nomma point dans la déclaration. Vous ne pourriez croire à quel point cette bagatelle aida à me soutenir dans le public.

Le 30, les députés du parlement retournèrent à Paris.

Le 31, ils firent leur relation au parlement, sur laquelle M. de Bouillon eut des paroles assez fâcheuses avec messieurs les présidens. Les négociations particulières lui avoient manqué ; celles que le parlement avoit faites pour lui ne le satisfaisoient pas, parce que ce n’étoit que la confirmation du traité fait autrefois avec lui pour la récompense de Sedan, dont il ne voyoit pas de garantie bien certaine. Il lui revint le soir quelque pensée de troubler la fête, par une sédition qu’il croyoit aisée à émouvoir dans la disposition où il voyoit le peuple ; mais il la perdit aussitôt qu’il eut fait réflexion sur mille circonstances qui faisoient que, même selon ses principes, elle ne pouvoit être de saison. Une des moindres fut que l’armée d’Espagne s’étoit déjà retirée.

Madame de Bouillon me fit pitié ce soir-là : elle versa un torrent de larmes. Il y a eu des momens où M. de Bouillon a manqué des coups décisifs par lui-même, et par le pur esprit de négociation. Ce défaut, qui m’a paru en lui un peu trop naturel, m’a fait quelquefois douter qu’il eût été capable de tout ce que ses grandes qualités ont fait croire de lui.

Le premier avril, qui fut le jeudi saint de l’année 1649, la déclaration de la paix fut vérifiée au parlement. Comme je fus averti la nuit précédente que le peuple s’étoit attroupé en quelques endroits pour s’y opposer, et qu’il menaçoit même de forcer les gardes qui étoient au Palais, j’affectai de finir un peu tard la cérémonie des saintes huiles que je faisois à Notre-Dame, pour me tenir en état de marcher au secours du parlement s’il étoit attaqué. On me vint dire, comme je sortois de l’église, que l’émotion commençoit sur le quai des Orfèvres : et comme j’étois en chemin pour y aller, je trouvai un page de M. de Bouillon, qui me donna un billet par lequel il me conjuroit d’aller prendre ma place au parlement, parce qu’il craignoit que le peuple ne m’y voyant pas n’en prit sujet de se soulever, en disant que c’étoit une marque que je n’approuvois pas la paix. Je ne trouvai dans les rues que des gens qui crioient : Point de Mazarin ! point de paix ! Je dissipai ce que je trouvai d’assemblé au Marché-Neuf et sur le quai des Orfèvres, en leur disant que les mazarins vouloient diviser le peuple du parlement ; qu’il falloit se garder de donner dans le panneau ; que le parlement avoit ses raisons d’agir comme il faisoit mais qu’il n’en falloit rien craindre à l’égard du Mazarin et qu’ils m’en pouvoient croire, puisque je leur donnois ma foi de ne me point accorder avec lui. Cette protestation rassura tout le monde. J’entrai dans le Palais, où je trouvai les gardes aussi échauffés que le reste du peuple. M. de Vitry me dit qu’ils lui avoient offert de massacrer ceux qu’il leur nommeroit comme mazarins. Je leur parlai comme j’avois fait aux autres et la délibération n’étoit pas encore achevée, lorsque je pris ma place dans la grand’chambre. Le premier président, en me voyant entrer, dit « Il vient de faire des huiles qui ne sont pas sans salpêtre. » Je l’entendis, et n’en fis pas semblant : car si j’eusse relevé cette parole, et qu’elle eût été portée dans la grand’salle, il n’eût pas été en mon pouvoir de sauver peut-être un seul homme du parlement. M. de Bouillon, à qui je la dis, en fit honte dès l’après-dînée, à ce qu’il me dit, au premier président.

Cette paix, que le cardinal se vantoit d’avoir achetée à fort bon marché, ne lui valut pas tout ce qu’il en espéroit. Il me laissa un levain de mécontentement qu’il m’eût pu ôter avec assez de facilité, et je me trouvai très-bien de son reste. M. le prince de Conti et madame de Longueville allèrent faire leur cour à Saint-Germain, après avoir vu M. le prince à Chaillot pour la première fois, de la manière la plus froide de part et d’autre. M. de Bouillon, à qui, le jour de l’enregistrement de la déclaration, le premier président avoit donné des assurances nouvelles d’une récompense pour Sedan, fut présenté au Roi par M. le prince, qui affecta de le protéger dans ses prétentions et le cardinal n’oublia rien de toutes les honnêtetés possibles à son égard. Comme je m’aperçues que l’exemple commençoit à opérer, je m’expliquai, plus tôt que je n’avois résolu de le faire, sur le peu de sûreté que je trouvois à aller à la cour, où mon ennemi capital étoit encore le maître. Je m’en déclarai ainsi à M. le prince, qui fit un petit tour à Paris huit ou dix jours après la paix, et que je vis chez madame de Longueville. M. de Beaufort et M. le maréchal de La Mothe parlèrent de même. M. d’Elbœuf en eut envie ; mais la cour le gagna par je ne sais quel intérêt. Messieurs de Brissac, de Retz de Vitry, de Fiesque, de Fontrailles, de Montrésor de Noirmoutier, de Matha, de La Boulaye de Caumesnil, de Moreul, de Laigues et d’Annery demeurèrent unis avec nous ; et nous fîmes une espèce de corps lui, avec la faveur du peuple, n’étoit pas un fantôme. Le cardinal l’en traita toutefois d’abord, et avec tant de hauteur, que M. de Beaufort, messieurs de Brissac, de La Mothe et moi ayant prié chacun un de nos amis d’assurer la Reine de nos très-humbles obéissances, elle nous répondit qu’elle en recevroit les assurances quand nous aurions rendu nos devoirs à M. le cardinal.

  1. On a appelé catholicon d’Espagne, du temps de la Ligue, les intrigues de la cour d’Espagne, qui, sous un prétexte de religion et de bien public, entretenoit en France l’animosité des ligueurs. Catholicon d’Espagne ici signifie particulièrement l’argent d’Espagne. (A. E.)
  2. Un récit succinct : Saint-Evremond, qui se trouvoit alors en Normandie, composa une relation fort gaie des troubles qui agitèrent cette province en 1649. Ce petit écrit est intitulé Retraite de M. de Longueville en son gouvernement. Il se trouve dans le second volume des Œuvres de Saint-Evremond, édition de 1753.
  3. François de Matignon, comte de Torigny, mort le 29 janvier 1675. (A. E.)
  4. De Beuvron : François d’Harcourt, marquis de Beuvron, mort en 1658.
  5. Cet évèque de Lizieux s’appeloit Léonor de Matignon. Il mourut le 14 février 1680.
  6. Cette charge fut créée en 1627 en faveur du cardinal de Richelieu, à la place de la dignité de grand amiral, qui fut supprimée par un édit de la même année, avec celle de connétable. Louis XIV supprima en 1669 cette surintendance des mers et de la navigation, et rétablit la charge de grand amiral, qui fut donnée à Louis, comte de Vermandois.
  7. Pour le royaume de Naples : Anne, petite-fille de Frédéric III, roi de Naples, épousa en 1521 François de La Trémouille, prince de Talmont. En 1665, il ne restoit que la ligne de cette princesse, représentée par Henri, duc de La Trémouille, son arrière-petit-fils. En vertu de cette descendance, la maison de La Trémouille fit valoir des prétentions sur le royaume de Naples, comme unique héritière du roi Frédéric III. En 1648, elle avoit obtenu la permission d’envoyer an congrès de Munster un député chargé de réclamer la conservation de ses droits. Ces protestations furent renouvelées dans les congrès subséquens. Il en fut question, pour la dernière fois, au congrès d’Aix-la-Chapelle en 1748.
  8. Henri-Auguste de Loménie de la Ville-aux-Clercs, comte de Brienne, mort le 5 novembre 1666, Age (le soixante-onze ans. Il étoit secrétaire d’État. Ses Mémoires font partie de cette série. (A. E.)