Mémoires de deux jeunes mariées/Chapitre 47

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Mémoires de deux jeunes mariées
Œuvres complètes de H. de BalzacA. Houssiaux2 (p. 152-153).


XLVII

RENÉE À LOUISE.


1829.

Ma chérie, quand tu tiendras cette lettre entre les mains, je ne serai pas loin, car je pars quelques instants après te l’avoir envoyée. Nous serons seules. Louis est obligé de rester en Provence à cause des élections qui vont s’y faire ; il veut être réélu, et il y a déjà des intrigues de nouées contre lui par les libéraux.

Je ne viens pas te consoler, je t’apporte seulement mon cœur pour tenir compagnie au tien et pour t’aider à vivre. Je viens t’ordonner de pleurer : il faut acheter ainsi le bonheur de le rejoindre un jour, car il n’est qu’en voyage vers Dieu ; tu ne feras plus un seul pas qui ne te conduise vers lui. Chaque devoir accompli rompra quelque anneau de la chaîne qui vous sépare. Allons, ma Louise, tu te relèveras dans mes bras et tu iras à lui pure, noble, pardonnée de tes fautes involontaires, et accompagnée des œuvres que tu feras ici-bas en son nom.

Je te trace ces lignes à la hâte au milieu de mes préparatifs, de mes enfants, et d’Armand qui me crie : — Marraine ! marraine ! allons la voir ! à me rendre jalouse : c’est presque ton fils !