Mémoires de la ville de Dourdan/L’amiral de Graville

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L’Admiral de Grauille.

L’Admiral de Grauille ne fut pas pluſtoſt ſeigneur de Dourdan, qu’il s’y engagea d’affection, & en voulut laiſſer des marques aux ſiecles à venir : pourquoy faire il ne trouua point de meilleur ſubiect que de contribuer à l’embelliſſement de l’Egliſe de S. Germain, à l’entrée de laquelle il fit baſtir deux hautes tours ou clochers, & au dedans feit refaire la voûte de la nef telle qu’elle ſe trouue auiourd’huy : Il eſt bien vray que ie n’ay point de preuue preciſe de cette propoſition : mais i’ay appris des anciens du pays que ces Clochers furent baſtis enuiron ſon temps. Et quant à la voûte, ſes armes (qui ſont trois boucles d’or) ſe trouuent grauées en la troiſieſme clef, d’où on peut conclure qu’elle fut auſſi faite de ſon temps, car autrement on ne ſe fuſt iamais aduiſé d’y mettre ſes armes : Ioinct que l’ordre qui y eſt obſerué fait aſſez cognoiſtre qu’elles y ont eſté miſes pource qu’il eſtoit ſeigneur vſufruictier de Dourdan : d’autant qu’en la premiere clef ſont les armes du Pape, ſeigneur ſpirituel : En la deuxieſme, celles du Roy, ſeigneur temporel direct : Et en la troiſieſme celles de noſtre Admiral, comme ſeigneur vſufruictier. Or qu’il n’y aye apporté du ſien, ie n’en veux autre preuue que la grandeur des ouurages, à la deſpenſe deſquels les ſimples parroiſſiens n’euſſent peu ſubuenir, ſans l’ayde de quelque puiſſant, & qu’il ne ſeroit croyable que luy qui eſtoit porté à la pieté, comme ſe verra par ſon teſtament, cy apres, euſt permis qu’vn autre s’en fuſt entremis.

Apres ſa mort qui fut en 1515. on trouua vn Codicile, par lequel il remettoit au Roy, purement & ſimplement, & ſans reſtitution de deniers, les Domaines de Melun, Dourdan & Corbeil, pour les cauſes & aux charges y contenuës, ſur leſquelles ie ne m’eſtendray dauantage, attendu qu’elles y ſont amplement déduictes, & que ie l’ay tranſcript en ce lieu, tant pour honorer la memoire de ce bon ſeigneur & la garantir de l’oubly, que pour le propoſer au public, comme vn exemplaire de iuſtice & de vertu.

Codicile de Meſſire Louys Sire de Grauille Admiral de France, de l’an 1513.

In nomine Patris, & Filij, & Spiritus ſancti. Amen. Nous Louys Sire de Grauille Admiral de France, Auons ce jourd’huy par forme de codicile & ordonnance de dereniere volonté, outre par deſſus le contenu de noſtre teſtament, & outre le contenu en certain codicile fait dés l’année cinq cens & dix & dont eſt mention faite audit teſtament, fait & ordonné par ces preſentes, faiſons & ordonnons ce qui enſuit. Et premierement conſiderans qu’en ſeruans les Roys nos ſouuerains ſeigneurs, Auons par long temps eu gros eſtat, grands dons & profits de la choſe publique, en quoy a eſté ladite choſe publique chargée, & dequoy faiſons conſcience, veu la jeuneſſe que auions quand premierement commenceaſmes à auoir les eſtats & groſſes penſions, combien que penſons auoir ſeruy leſdits Sieurs & la choſe publique loyaument & de tout noſtre pouuoir, ſans y eſpargner noſtre perſonne. Conſiderans outre que les cinquante mil liures tournois que dés le mois de Iuillet cinq cens & douze baillaſmes au Roy noſtredit Seigneur, & les trente mil que luy baillaſmes Mercredy dernier dix-huictieſme iour de ce mois, montant enſemble la ſomme de quatrevingts mil liures tournois, qui eſt venuë partie de ladite choſe publique, pour laquelle ſomme ledit Seigneur nous a promis bailler les villes de Melun, Corbeil, & Dourdan, pour en joüir comme de noſtre propre choſe, & de leurs appartenances & dependances. Ont eſté & ſont pour les vrgens affaires dudit Seigneur, de ſubuenir à la choſe publique, que les Anglois anciens ennemis de ce Royaume invadent : & pour aider à leur reſiſter au ſoulagement du pauure peuple, pour leſdites affaires de preſent fort greué, comme chacun ſçait, Auons de noſtre propre ſcience, mouuement & deliberé vouloir, apres y auoir penſé & repenſé, donné & légué purement & ſimplement par la maniere que deſſus eſt dict à ladite choſe publique, toute ladite ſomme de quatrevingts mil liures tournois, ou tout ce que à l’heure de noſtre treſpas ſera deub, & ne voulons que de toute ladite ſomme payent à noſdits heritiers le Roy noſtredit Seigneur ny ſes ſucceſſeurs Roys aucune choſe, pource que nous leur laiſſons des heritages & autres biens aſſez, mais entendons que ledit Seigneur & ſes ſucceſſeurs reprennent & remettent en leurs mains leſdites villes de Melun, Corbeil & Dourdan quittement, ſauf toutesfois à noſdits heritiers, le droict que auions ſur ledit Dourdan de pieça, auquel droict ne voulons par ces preſentes prejudicier. Et ſupplions ſi tres-humblement qu’il nous eſt poſſible au Roy noſtredit Seigneur, & à ſes ſucceſſeurs Roys, que ſi toſt apres noſtre treſpas que bonnement faire ſe pourra, qu’il luy plaiſe diminuer ez Baillages les plus greuez de ſon Royaume ladite ſomme de quatrevingts mil liures tournois, ou ainſi qu’il luy ſemblera bon, afin que le pauure peuple prie Dieu pour luy & pour moy. Et de ce en deſchargeons noſtre conſcience, & chargeons tous ceux & celles qui voudroient empeſcher l’effect de ceſte preſente noſtre ordonnance. En teſmoin deſquelles choſes nous auons fait eſcrire le preſent codicile par la main de Me Pierre Doulin noſtre Chapellain ordinaire, & l’auons ſigné de noſtre propre main ce Samedy xxj. iour de May mil cinq cens & treize, à Marcouſſy, & fait ſceller du ſcel de nos Armes.

Et plus bas eſt eſcrit de la main dudit Admiral,

Et ſupplie au Roy mon ſouuerain Seigneur, qu’il luy plaiſe auoir agreable le contenu cydeſſus eſcrit, en deſchargeant ſon ame & la mienne comme i’en ay en luy ma parfaite fiance. Fait de ma main le iour deſſuſdit. Signé Loys de Graville, auec paraffe. Scellé en cire rouge du ſcel de ſes Armes, qui ſont trois fermaux d’or.