Mémoires historiques et physiques sur les tremblemens de terre/Mémoire 5

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Observations faites dans le Haut-Valais
depuis le mois d'Octobre 1755.



CINQUIEME MEMOIRE.


OBSERVATIONS FAITES DANS LE HAUT-VALAIS DEPUIS LE MOIS D’OCTOBRE 1755 ; ET RELATION DES DIVERSES SECOUSSES DE TREMBLEMENT QU’ON Y A RESSENTI DEPUIS LE I. DE NOVEMBRE.




Rélations du Haut-Valais.C’est dans le Haut-Valais que les secousses du tremblement de terre de 1755. se sont fait sentir avec le plus de violence & de dommage. Ce Pays est un de ceux de la Suisse qui est le plus sujet à ces accidens. A peine se passe-t-il une dixaine d’années qu’on n’apperçoive quelques sécousses, aussi est-il rempli de sources chaudes & sulphureuses. Celles de Leuch & de Brigue sont fort connuës & fort célèbres s.

Du département de Brigue.Le département de Brigue, situé près du Rhône, sur la rivière de Sallinent, a été le plus violemment ébranlé dans cette occasion u. Comme toutes les nouvelles publiques, & toutes les rélations, imprimées de toutes parts, en allemand & en françois, ont exagéré, ou mal réprésenté les désastres de ce quartier-là, nous croyons devoir entrer dans quelque détail, & placer ici les journaux que nous avons reçu de la part d’un Homme très-intelligent, qui est sur les lieux, & qui a été le triste témoin de ces calamités v.

Situation du département de Brigue.De hautes montagnes environnent ce quartier-là de toutes parts. Brigue, ou Brigax est sur une hauteur, dans une vallée, entre ces monts élevés. Glyss y est environ à un quart de lieuë, & Naters z à demi-lieuë : l’un & l’autre dans une sorte de plaine : tous les trois forment un triangle. Naters est sur la rive gauche du Rhône, dans un lieu pierreux. Brigue est vis-à-vis de Naters, sur la rive droite de ce fleuve. Ce bourg est agréable, plus élevé que Zuric de 70. à 80. pieds, plus bas que la Furca, ou la montagne de La-fourche de 3560, selon les observations barométriques de Scheuchzer.

Tems extraordinaire sur les Alpes durant le mois d’Octobre.Il tomba dans les environs de Brigue & sur les montagnes, qui l’environnent, une quantité excessive de Neige dès le 1. Octobre 1755. Comme cette neige n’étoit point assez congélée, bientôt elle s’éboula des montagnes & forma des avalanches, qui, par leur chute & leur poids, entrainèrent une très-grande quantité de Bois. Le surlendemain le vent du Midi ayant commencé à souffler, les torrens & les ruisseaux, extraordinairement enflés, emportèrent des terres, du gravier, des pierres, des rochers, des buissons & des arbres. Ces eaux furieuses portèrent par-tout dans les lieux bas la désolation & l’effroi. Les campagnes furent couvertes des pierres & du gravier entrainés & déposés çà & là.

Observation générale.Le Valais est exposé à deux sortes de vents principaux ; ceux qui viennent du côté d’orient, pour l’ordinaire très froids, parce qu’ils aportent des Alpes, couvertes de neige, des parties de froid ; ceux qui viennent d’entre l’occident & le midi, pour l’ordinaire très chauds, parce qu’ils apportent d’Italie des parties de chaleur. Souvent ces derniers sont accompagnés de pluye. Nous ne voulons point décider si cette chûte & cette fonte extraordinaire de neige ont quelques raports avec les tremblemens de terre, mais nous avons crû ne devoir pas passer sous silence des événemens singuliers, qui sont du moins liés par le tems & le lieu avec les tremblemens, qui ont suivi.

Tems extraordinaire à Locarne depuis le milieu d’Octobre.Ce n’est pas seulement dans le Valais que le tems a été extraordinaire, durant le mois d’octobre ; sur les Alpes du côté du mont. St. Gothard, dans les vallées deçà & delà, dans les Baillages sujets des Suisses, il fit une pluye & une neige singulière. A Lucarno, ou Luggaris, le 14. Août 1755, l’air, après un vent violent, s’obscurcit tout-à-coup. L’atmosphère étoit tout rouge. Il tomba une si grande quantité de pluye dans les vallées, qui fut neige sur les montagnes, qu’en quinze jours on l’estima à quarante & sept pouces ; ce qui est beaucoup au delà de ce qu’il en tombe pendant toute une année dans les pays, où il pleut le plus. Le Lac-Majeur haussa de dix pieds. D’abord cette pluye étoit rouge & faisoit un dépôt considérable, sur neuf pouces un. Ce dépôt étoit une matière terrestre rougeâtre a. La neige en fut aussi teinte sur les montagnes & dans les vallées.

Tremblemens du 1. Novembre 1755. dans le Valais, & durant tout le mois. Je viens au prémier de Novembre, ce jour si funeste au Portugal. Dans quelques endroits du Valais, & sur-tout dans le département de Brigue, & selon d’autres rélations, dans le département même de Vispb, d’une manière non moins sensible, on apperçut ce jour-là quelques sécousses de tremblement, sur les dix heures du matin. Pendant tout le mois de Novembre on a ressenti, de jour & de nuit, des sécousses réïtérées, sur-tout pendant toutes les nuits. Dès-lors plusieurs personnes s’attendoient à quelque tremblement plus violent, & cette attente, rendant tout le monde attentif, a sauvé la vie à bien des habitans, qui sans cela auraient été surpris.

Tremblemens du Valais depuis le 9. Decembre 1755.Le 9. Décembre étoit un jour serein, sans nuage & sans vents. Environ les deux heures après midi la terre fit un mugissement effrayant. Il n’y eut personne qui ne l’ouït dans le département de Brigue & dans celui de Visp. Ce fut un heureux signal auquel chacun prit la fuite. Bientôt on sentit des sécousses redoublées, mais foibles. A deux heures & un quart, nouveau mugissement plus terrible encore, suivi de sécousses plus violentes aussi. A deux heures & demi le mugissement fut plus grand & les sécousses si terribles, dans les vallées & les montagnes, que tout le Valais sembloit devoir en être renversé. Goms, Visp, Rozagne, Leuch, Sider, Sion, tous ces lieux-là ; les montagnes de Gemmi, du St. Bernard, de la Fourche. tous ces quartiers du Haut-Valais, ont été secoués avec plus ou moins de violence. A Martigni & à St. Maurice l’ébranlement n’a pas été si grand.

Effets des tremblemens à Brigue.Presque toutes les cheminées de Brigue furent dans un instant abattuës. Les tuiles, brisées & enlevées de dessus les toits, voloient de toutes parts. Les tours furent fenduës & quelques murs renversés. Il n’y eut point d’Eglise qui n’eut quelques fentes considérables. Ces sécousses durèrent près de deux minutes. Tous les édifices étoient balancés d’un côté & ensuite de l’autre, comme on le fait au berceau d’un enfant. Il ne resta à Brigue aucune maison, qui ne souffrit plus ou moins ; mais personne n’a péri. Le Collège des Pères Jésuites & leur Eglise ont beaucoup souffert ; la maison a été lézardée de toutes parts, & une partie de la voute du temple est tombée.

Effets du tremblement à Naters & à Glyss.Naters & Glyss, qui sont dans le département de Brigue, observèrent les mêmes phénomènes & éprouvèrent le même sort. La voute de l’Eglise paroissiale de Naters fut enfoncée. La grande Eglise de Glyss, temple célèbre, dédié à Notre-Dame, ou à la bien-heureuse Vierge, & la tour ont aussi beaucoup souffert. Une partie de la tour est tombée sur l’Eglise, a enfoncé la voute & mis en piéces l’autel latéral.

Effets observés à la campagne.Ceux qui étoient à la Campagne éprouvèrent les mêmes ébranlemens & apperçurent la terre se fendre çà & là, dans la même direction que les secousses, du Sud au Nord. Mais ces fentes, ou crevasses, dont les plus petites étoient assez semblables à celles qui se font dans une terre forte, après une violonte sécheresse, se refermoient aussi-tôt. On vit de plusieurs de ces fissures s’élever comme un jet-d’eau, à la hauteur de plusieurs pieds. Ce qui ne pouvoit venir que des réservoirs souterrains, dont les eaux se trouvoient comprimées, ou dilatées, ou poussées de bas en haut.

Plusieurs des fontaines de ces quartiers-là ont disparu jusqu’à ce jour. A leur place il en est sorti par éruption en des lieux où il n’y en avoit point & même en plus grande abondance.

La montagne, qui est éloignée de Brigue d’une lieuë, s’est abaissée sensiblement c. On sait que sous cette montagne sont des réservoirs d’eau très-considérables, qui fournissent de l’eau à grand nombre de sources. Sans doute que les voutes ont cédé.

Pendant tout le reste du jour, du 9. Décembre & durant la nuit, chaque demi-heure, les sécousses reviennent, mais sans causer de plus grand dommage, diminuant insensiblement.

Journal des tremblemens de Brigue depuis le 9. Décembre, 1755.Depuis ce jour-là, jusqu’au 21, chaque jour, nouveaux ébranlemens ; mais toujours moindres.

Le 21. environ à 4 heures & demi du matin, tout le même Département fut en allarme, par un retour de sécousses, qui ne causèrent cependant pas du dommage. Seulement quelques pierres & quelques tuiles tombèrent des murs & des toits.

Depuis le 21. au 27. on a senti chaque jour deux ou trois tremblemens ; mais à des heures différentes. Il est tombé à diverses reprises de la neige.

Le 27. à deux heures & demi après midi, à la même époque que le 9. tout le quartier fut sécoué presqu’avec autant de violence qu’au jour fatal. Mais l’agitation dura moins, & par-là causa moins de dommage. Ce sont les sécousses redoublées, coup sur coup, irrégulières, brusquées, qui détruisent & renversent. Des sécousses aussi violentes, mais qui ne se suivent pas brusquement, ni en si grand nombre, qui s’exécutent régulièrement, par reprises, causent plus d’épouvante que de dommage, & se bornent à un simple balancement.

Le 28. environ les six heures du matin on sentit deux sécousses, & on entendit un bruit soûterrain, comme celui de grandes eaux.

Le 29. fut le prémier jour depuis le 9. qui se passa sans commotion & sans effroi. L’air dévint sensiblement chaud.

Le 30. à une heure de la nuit, retour de tremblement. Des portions de cheminées, qui étoient restées droites, sont renversées.

Le 31. Décembre on fut tranquille de même que le prémier Janvier 1756.

Journal des tremblemens de Brigue en Janvier 1756.Le 2. Janvier, à 9. heures & demi du soir, de petits mouvemens, de même que le 3.

Le 7. Janvier à 5 heures du soir deux tremblemens consécutifs. Le 8. à 7. heures & demi du soir, de même. Le froid étoit très-grand, l’air pur, & calme.

On fut tranquille pendant trois jours, jusqu’au onzième ; à trois heures du matin nouvelles sécousses & redoublemens environ les huit heures du matin.

Le 12 & le 13. de légers mouvemens, par intervalles.

Le 14. à deux heures & demi du matin, sécousses très-violentes, qui auroient, comme celle du 9. Décembre, tout renversé, si elles avoient duré ; mais ce fut l’affaire, au plus, de trois ou quatre minutes secondes. Il y eut un gros vent toute la nuit.

Cette même heure, de deux heures & demi, est ainsi pour la troisième fois terrible & funeste.

Le 15. au matin, avant cinq heures & demi, tremblement médiocre. Retour à différentes heures du même jour. On observa deux choses dans ce jour. La prémiere que trois heures avant les sécousses on appercevoit un trémoussement léger & le vent, qui étoit auparavant très-violent, s’appaisoit subitement avant les sécousses-même. L’autre que les vibrations alloient du Sud au Nord, & que le mouvement se propageoit dans la même direction. Ce qui étoit jetté par terre l’étoit aussi du Midi au Septentrion. Les corps suspendus librement balançoient par oscillation dans ce sens. Quelques fentes de la terre qu’on a apperçû de nouveau, suivoient aussi la direction du méridien.

Le 16 & le 17 tout fut tranquille, la terre & l’air.

Le 18 environ minuit, nouveau tremblement assez violent, mais fort court. Retour d’agitation sur le matin entre sept & huit heures.

Le 19. à minuit & trois-quarts mouvement médiocre. L’air très-froid.

Le 20. fut tranquille. Il faisoit beaucoup moins froid que les jours précédens.

Le 21. environ 11. heures de la nuit agitations. Vent & neige.

Le 22. un peu avant minuit tremblement, peu différent en violence de celui du 9. Decembre ; mais extrêmement court. Peu de dommage à cause de la courte durée. De nouvelles secousses suivent de près, mais plus foibles.

Le 23. au matin deux tremblemens le succédèrent d’assez près ; le second fut moins violent.

Le 24. quelques mouvemens assez légers. Vent du Nord, sec & froid.

Le 25. le 26. le 27. mouvement plus fréquent & avec quelque petit bruit.

Depuis le 27. Janvier jusqu’au 6 Février, on a senti quelques mouvemens, mais toujours plus foibles & moins fréquens. Il y a même eu alternativement quelques jours de repos.

Tremblement à Brigue en Fevrier 1756.Le 6. Février, à 6 heures du matin, retour d’agitations violentes.

Depuis lors jusqu’au 13. chaque jour il y a eu un frémissement souterrain, presque continuel, mais sans tremblement.

Le 14. environ minuit agitation médiocre. Neige & froid.

Le 15 tremblement très-violent à deux heures & demi de la nuit : retour à cinq heures & demi du matin. Il faisoit un très-grand vent.

Le 16 & le 17 jours tranquilles. Vent chaud & brouillards.

Le 18 environ à une heure & demi de la nuit on entendit un mugissement intérieur, effrayant, qui dura à peu près une minute & qui finit par une violente secousse. Entre 7 & 8 du matin retour d’ébranlemens. Il faisoit un grand orage.

Le 19, avant onze heures & demi, nouveaux balancemens ; tels que des pierres & du plâtre tombèrent encore des murs.

Depuis ce jour-là la terre fut tranquille, pendant trois jours, jusqu’au 23 qu’on sentit de légères sécousses, entre 7 & 8 heures du matin.

Après deux jours de tranquillité, le 26 Février deux différentes sécousses, mais l’une & l’autre légères.

Les dernières rélations sont dattées du 27 Février, jour tranquille.

Observations generales.Outre les observations jointes dans les divers articles du journal, en voici de générales, & qui méritent quelque attention.

On a observé que le Rhône se troubloit ordinairement avant les sécousses de tremblement.

Pendant les sécousses il a bouillonné quelquefois ; principalement quand elles ont été violentes.

Le soir après le coucher du soleil on a très-souvent remarqué des nuées longues, obscures, étenduës comme des lignes droites, avec très-peu de largeur, qui traversoient du midi au septentrion.

Il n’y a eu nulle-part à la terre de fente bien considérable, quoi qu’en aient publié toutes les nouvelles particulières & publiques. On n’a point aperçu jaillir ni bouillonner cette eau noire & fétide, dont ces mêmes nouvelles ont parlé. Aucune Eglise n’a été entièrement renversée. Toutes, il est vrai, ont été endommagées & plusieurs bâtimens ne peuvent être habités sans péril de la vie.

Jamais Brigue n’a éprouvé de vent plus violent que dans le cours de l’année 1755. Un vent de midi y a fait d’incroïables ravages. Les jours ont toujours été assez chauds pendant ces agitations, & les nuits froides.

Tremblement de terre du 9. Decemb. ; son étenduë.Le tremblement de terre qu’on a senti dans toute la Suisse le 9 Decembre a donc été très-étendu. Il s’est fait apercevoir en divers lieux de France. A deux heures & demi, ou trois quarts, on a apperçû deux secousses à Bourg en Bresse, & dans tous les lieux de la Franche-Comté. Dans divers endroits de l’Allemagne on l’a observé, dans la Bavière, dans Franconie, dans la Souabe, dans le Brisgau, dans le Tirol. En Italie il a été plus violent encore, comme à Milan, à Côme, à Naples & en divers autres lieux. Ce même jour Lisbonne a été de nouveau violemment ébranlée.

Tremblemens de terre du 18 Février 1756.Il semble que la terre, une fois mise dans une commotion presque universelle, n’ait pas pu s’affermir & s’asseoir de long-tems. On vient de voir dans l’article de Brigue un détail de mouvemens continués jusqu’au 27 de Février. Ces mêmes agitations se sont fait sentir de tems en tems depuis le 9 Decembre 1755. dans divers lieux du Gouvernement d’Aigle jusqu’à Villeneuve, aussi bien que dans l’Argeu. Mais l’ébranlement a été plus général le 18 Février 1756. entre 7 & 8 heures du matin.

On l’a senti non seulement dans tout le Valais, mais encore dans quelques endroits du Canton de Berne & des environs, comme à Nidau, à Seedorf, à Bienne & ailleurs. On l’a aperçu aussi à Genève.

Ce tremblement a été général le long du Rhin & de la Meuse. Cologne & Dusseldorp en ont souffert. Aix-la-Chapelle a essuyé du dommage. Toute la Hollande & la Flandre ont été effrayées par des secousses violentes.

La plus grande partie de la France a aussi été agitée. Voici quelques particularités. A St. Quentin la direction des secousses a paru être du Sud-Est au Nord-Ouest. Le vent étoit Ouest, peu violent, le Baromètre fort bas. A Sédan les sécousses, qui ont duré une minute & quelques secondes, ont été accompagnées d’un bruit semblable à celui du Tonnerre.

A Liège les secousses avoient été foibles entre 7 & 8, elles sont revenuës plus violemment à 9 heures du matin ; elles ont duré près de trois minutes.

Ce tremblement, presque par-tout, a été suivi quelques heures après d’un affreux orage, qui a causé beaucoup de dommages. C’étoit un vent du Sud-Sud-Ouest. C’est à 8 heures du soir qu’il soufloit avec le plus de violence. On apperçut encore alors en divers lieux quelques secousses. Le Baromètre étoit à Berne excessivement bas & le thermomètre extraordinairement haut. Celui-là étoit à 8 heures du soir à 25 pouces 5 lignes & demi, seulement demi-ligne au-dessus du terme le plus bas ; celui-ci marquoit 12 dégrés au-dessus du terme de glace, un degré & demi au-dessus du tempéré des caves de l’observatoire de Paris. Cette chaleur, si peu ordinaire dans ce pays, dans cette saison, n’indiqueroit-elle pas qu’il s’étoit échapé de la terre des parties de chaud, par une fuite de ces tremblemens réïtérés ? Le 19 à six heures du matin le thermomètre avoit descendu de dix dégrés & demi.

Le tems a continué d’être fort chaud, pour la saison, la dernière semaine de Février, & les deux premières du Mars jusqu’au douzième du mois.

Tremblemens de Juin 1756.Le 7 de Juin 1756 on a ressenti de nouveaux tremblemens dans le Comté de Neufchâtel. Les premières secousses à 8 heures & demi du matin, & les autres 18 minutes après. Le balancement alloit de l’Est à l’Ouest à Colombieri. A la Chaux-de-fond il y eut cinq reprises ; quatre le matin, depuis les 3 heures & trois quarts ; & la cinquième à 11. heures de la nuit. Le mouvement étoit plus violent qu’il ne l’a paru ailleurs. Il étoit vertical. On se sentoit soulever & retomber assez rudement. Cependant il n’a causé aucun dommage, mais seulement de l’épouvante d.

Météore du 3 de May. Le 3 Mars 1756. environ les 7 heures du soir, on vit à Berne, dans le Pays-de-Vaud, dans les montagnes de l’Evêché de Bâle & en divers autres endroits, entre le Sud & l’Ouest, un météore ignée. C’étoit comme une fusée, qui se termina par un globe fort brillant, d’un feu bleuâtre, & d’une grandeur assez considérable. Plusieurs personnes de Vevey assurent qu’il leur parut d’une grandeur aprochante de celle de la Lune. Il ne dura que quelques instans pendant lesquels on le vit parcourir un espace considerable e.

Le même météore ignée a été vu à Aigle, le même jour qu’à Vevey, & y a reparu, encore à la même heure, deux jours après le 5 de Mars. Le 3 & le 5 la terre a aussi tremblé à Brigue, à plusieurs reprises. Les secousses sont encore revenuës le septième f.

Observations générales.Une observation à faire sur tous ces tremblemens, qu’on a éprouvé depuis le premier Novembre, c’est qu’il y a eu certains jours marqués par des agitations plus violentes & plus générales, qui semblent même indiquer une sorte de retour périodique. Le tremblement de terre du premier Novembre a non seulement ébranlé violemment le Portugal & l’Espagne, & agité les eaux par-tout ; mais les secousses se sont faites sentir, avec plus ou moins de force, dans une infinité d’autres endroits. Le 19 Novembre, le Portugal, l’Afrique, & plusieurs autres contrées ont été vivement sécoués. Le 9 Decembre a été marqué, aussi bien que le 27, par des tremblemens qui ont été aperçus dans un grand nombre de lieux fort distans. Chaque fois la Suisse a ressenti quelque commotion. Si l’on combinoit avec soin toutes les rélations, peut-être trouveroit-on entre le 27 Decembre & le 18 Février, des jours marqués par des agitations plus considérables, qui confirmeroient notre conjecture sur ces retours périodiques, que nous ne hazardons qu’afin que quelqu’un l’examina avec soin. Outre cela on a observé que les retours journaliers ont eu une sorte d’époque vers le crépuscule du matin & sur le déclin du jour.

Une autre observation, c’est que dans la plûpart des tremblemens de terre l’effervescence, la déflagration, la détonation & les sécousses se font apercevoir à des grandes distances à la même heure. On l’a sur-tout observé dans ces derniers tremblemens. Ce n’est pas par le contact & la communication des terres contigues que se fait la propogation des balancemens, car souvent des points intermédiaires, quelquefois plus élevés, d’autres fois plus bas, ne ressentent rien. Seroit-ce une agitation communiquée par l’ondulation des eaux ? Dans ce cas le mouvement s’affoibliroit en s’éloignant. Il faut que les lits de matières bitumineuses & sulphureuses, minérales & salines, se communiquent les uns aux autres par des canaux & des fentes, comme les boyaux des mines, qui doivent jouer en même tems. La déflagration est promte, la communication est rapide, & le ravage est proportionné à la quantité de matières enflammées, à la compression de l’air enfermé, à la proximité du grand foyer de la mine principale, à la nature de la surface des terres, plus ou moins propres à opposer une certaine résistance à la dilation de l’air échauffé. Demander plus de précision, des preuves de détail, des explications distinctes, qui ne laissent plus d’obscurité, c’est exiger l’impossible.


s. Voyez Itin. Alp. Scheuchzeri, Iter quartum anno 1705. pag. 300. & seq. & 309. & seq. Simler. Valles. p. 17. & seq. Wagner. Helvet. Curios. p. 100. Voyez aussi l’ouvrage de Guillaume Fabrice Hildanus, Médecin de Berne. Consilium de conservanda valetudine, item de thermis Vallesianis &c. Francof. apud Matth. Merian 1629. 4.

t. En latin Saltina.

u. Der Briger-Zenden, en latin Vibericus pagus.

v. Ces relations, écrites en latin me sont venues par le canal de Mr. le Pasteur de Coppet.

x. En latin Vibericus ; Viberiga ; d’où on a fait Briga & Brig.

y. En latin Ecclesia.

z. En latin Natera.

a. Voilà l’origine des prétenduës pluyes de sang ; Ce sont des eaux teintes d’une ochre martiale ou rougeâtre. Merret, dans la page 220. de son Pinax plantarum croit que ces pluyes sont des excremens d’insectes : Cela est possible dans certaines occasions ; mais j’ai observé que ces pluyes rouges, qu’on a vû quelques fois en Suisse, étoient teintes par une matière terrestre. Voyez Derham, Theol. Physiq. page. 31. dans la note.

b. En latin Vicus Vespiæ au confluent du Rhône & de la Vispe.

c. C’est de Brigerberg ou Simpelberg, Scipionis mons, Sampione, en françois St. Plomb, que l’Auteur de la rélation veut parler. Cet abaissement est sensible à tous les habitans de ces contrées ; mais personne n’a pu m’en donner la mesure exacte.

d. Rélation de Mr. Moula.

e. Rélation de Mr. le M. Muret & de Mr. Gaquebin de la Ferrière.

f. Rélations de Mr. le M. de Coppet. Pendant que les tremblemens ont duré & après on a vu des météores ignées en divers pays ; le 23 9bre 1755 en Suede ; le 9 Decembre à Côme ; le 23 au pied des Pyrénées ; le 3 & le 5 de Mars 1756 à Avignon &c.