Mémoires historiques et physiques sur les tremblemens de terre/Mémoire 7

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Edition de Pierre Gosse, Junior (p. 238-299).
SEPTIEME MEMOIRE.


LES DIVERS PHÉNOMENES DES TREMBLEMENS DE TERRE.




Necessité de considérer les phénomènes des tremblemens.

Rien n’est plus propre à nous donner une idée des tremblemens de terre & de leur origine que d’en rassembler les divers phénomènes, de les considérer séparement, pour en comparer ensuite les rapports. C’est de cette distribution des phénomènes que nous verrons sortir avec facilité leur explication. On sentira comment le feu & la chaleur, l’eau & les vapeurs, l’air & son ressort peuvent diversement concourrir à cette variété d’effets. Ce sera ici la pierre de touche du système. Si nous avions des descriptions physiques plus détaillées de ces tremblemens désastreux, nous aurions une idée plus précise de tous ces phénomènes & par-là des procédés de la nature. Mais dans un péril si éminent on n’a guères, ni le tems, ni la faculté d’observer avec exactitude.

Trois sortes de tremblemens.

Il paroît d’abord qu’on peut considérer les tremblemens de terre sous trois points de vuë, ou avec trois sortes de mouvement, souvent réünis, quelquefois séparés, & plus ou moins distincts, selon les tems, les lieux, & les autres circonstances.

1. Mouvement d’Oscillation.

Quelquefois c’est un mouvement d’oscillation, un balancement alternatif, une commotion d’allée & de venuë, une agitation horizontale. On croit sentir les mouvemens qu’on éprouve dans un vaisseau, que la mer fait vaciller, ou qu’elle balotte à droit & à gauche[1]. Quelquefois c’est comme le mouvement d’un carosse, qui balance par le moyen de ses ressorts. C’est ainsi qu’on a éprouvé des sécousses à Lima[2]. Ainsi a-t-on senti à plusieurs fois les agitations à Lisbonne, au 1. Novembre & pendant près d’une année. Nous avons ainsi été balancé à Berne, le 10. Decembre 1755. Le mouvement des eaux a manifestement du rapport avec ces secousses[3]. Les Vaisseaux, en mer, à 150 lieues des côtes d’Espagne, dans le même tems, éprouvèrent des balancemens pareils à ceux qu’on ressentait sur terre à Lisbonne & à Cadix. N’avons-nous donc pas quelque droit de conclurre que ces balancemens peuvent être l’effet de l’ondulation des eaux intérieures, mises en mouvement par une pression ou une secousse forte, qui a précedé ? Si ces secousses horizontales sont étenduës, précipitées, brusques, inégales, le bouleversement est certain[4]. Il est plus ou moins grand, dans la proportion de la violence & de l’étenduë des sécousses. Ici la direction, la nature du sol, l’espèce des batimens fait varier les effets. Il est des païs, où l’on bâtit de bois, pour éviter les suites de ces ébranlemens. En général dans les lieux, exposés à ces fléaux, on ne doit pas élever les maisons à plusieurs étages, ni avoir des soûterrains profonds, ni donner beaucoup de fondemens aux bâtimens. On a eu cette attention à Peckin, capitale de la Chine, en rétablissant la partie, qui fut renversée en 1731 par un tremblemens de terre. Meaco, dans le Japon, avoit été détruite l’année précédente. Tous les bâtimens y sont aussi de bois, à cause de la fréquence des tremblemens. Le palais même du Dairo, ou Grand Prêtre, n’est que de bois, quoique couvert de lames d’or. Par la même raison les maisons de la ville Nangozachi, où les Hollandois entreposent leurs marchandises, sont fort basses. Si ces balancemens sont lents, foibles, peu étendus, réguliers, les effets n’en sont jamais funestes.

2. Mouvement de pulsation.

On éprouve une autre espèce de mouvement, dont les effets sont toujours très-dangereux. C’est un mouvement d’élévation, ou de soulévement, qui quelque-fois est suivi d’un mouvement contraire d’abaissement. C’est ainsi que sont soulevés les Isles du fond des mers. Ainsi se forment quelques montagnes[5]. Cette agitation est assez semblable à celle du pouls. Ce mouvement est vertical. La terre, soulevée immédiatement par des vapeurs dilatées, s’entrouvre, & elle retombe quelquefois. Pour peu que ce soulèvement soit violent la ruine suit aussitôt. C’est de la sorte que des terreins s’abaissent & s’enfoncent. Don Ulloa témoigne qu’il a observé dans la Province de Quito un terrein assez étendu, qui s’étoit enfoncé par un tremblement de terre, d’environ une aune. Cet enfoncement n’étoit cependant pas uniforme, il y avoit des inégalités & des crevasses[6]. De-là se forment des lacs, des marais, des étangs. Ainsi se crevasse la terre, comme on l’apperçoit en divers lieux. C’est-là l’origine de plusieurs de ces fissures res, qui reçoivent les pluyes, qui donnent passage aux sources, & qui sont si nécessaires pour les productions de l’intérieur & de l’extérieur de la terre, comme Woodward l’a déjà fait observer autrefois. On remarqua en 1692 au Port-Royal, dans la Jamaïque, que la terre sautoit, qu’elle se fendoit & se refermoit subitement. A Lisbonne, au 1. 9bre 1755, on apperçut de même divers soulévemens. Des fentes ou crevasses à la terre en furent l’effet nécessaire. Les vaisseaux en mer étoient aussi soulevés avec la masse des eaux. Par cette raison les eaux élevées se répandirent sur la terre. L’élévation fut de plus de 25 pieds à Cadix & de plus de 30 à Lisbonne. On comprend que les eaux de la mer doivent s’élever plus haut que les terres, parce que celles-ci cédent, ou s’entrouvrent, au lieu que les eaux sont soulevées en masse, parce qu’elles font plus de résistance & ne donnent point d’effort aux vapeurs dilatées, ou aux vapeurs enflammées.

Soulevement du fond de la Mer à Lisbonne.

Immédiatement après le second tremblement de Lisbonne la mer se retira, de sorte que l’on vit à sec jusqu’au milieu du Tage, qui dans cet endroit a une lieue de largeur & trois à son embouchure dans la mer ; embouchure qui est à sept lieuës de la ville. En moins de quatre minutes après il revint une si horrible montagne d’eau, qu’elle s’éleva de trente pieds plus que son lit ordinaire, & transporta les bateaux sur les terres. Elle se retira aussi promtemenc qu’elle étoit venuë, faisant trois fois la même chose, mais chaque fois avec moins de violence. Ce flux & ce reflux furent si rapides, que les cables furent rompus & les vaisseaux renversés, ou poussés dans les places. Les quais furent pour la plupart culbutés.

3. Mouvement d’Explosion.

Enfin il est une troisième sorte de mouvement, moins régulier que tous ceux-là & qui ne presente que l’idée, ou l’image, d’une explosion. C’est une inflammation subite ; le feu fait agir l’air & les vapeurs. C’est l’effet d’une mine, qui saute. La quantité de matière enflammée ; la nature du terrein imposé par-dessus ; la profondeur de la mine embrasée ; la quantité d’air dilaté en proportion avec l’espace ; le dégré d’élasticité, en proportion avec la densité ; les circonstances & la position des eaux, qui environnent, tout cela mesure la force de l’explosion, ou en détermine les effets. Qui pourroit calculer toutes ces forces ? C’est de tous les tremblemens le plus funeste. Il allume les Volcans. Alors la terre est soulagée. Si l’inflammation se communique par-dessous terre, il s’étend au loin. Si elle prend effort au-dehors, il ne se propage pas. Voici comment raisonne un Observateur exact. « On sait très-bien aujourd’hui de quelle manière se forment les Volcans, & qu’ils sont causés par les parties sulphureuses, nitreuses & autres matières combustibles, renfermées dans les entrailles de la terre; ces matières s’étant unies & formant une espèce de pâte, préparée par les eaux souterraines, fermentent jusqu’à un certain point, s’enflamment ensuite, & alors le vent, ou l’air, qui remplissoit leurs pores, se dilate, & son volume s’accroît excessivement en comparaison de celui qu’il avoit avant l’inflammation, & produit le même effet que la poudre, qu’on allume dans l’espace étrit d’une mine : avec cette différence pourtant, que la poudre disparoît aussitôt qu’elle est en feu, au lieu que le Volcan, étant une fois allumé, ne cesse de l’être qu’après qu’il a consumé toutes ces matières huileuses & sulphureuses, qu’il contenoit en abondance & qui de plus étoient liées avec sa masse »[7].

Mouvemens réünis.

Ce n’est pas que ces trois sortes de mouvemens soyent toujours séparés & qu’on ne les voye jamais réünis. Ils l’ont été, ce semble, en 1755, à Lisbonne. Il paroît que dans la désolation de Lima en 1746 on aussi observé cette funeste réunion de tant de mouvemens destructifs[8]. Ce qui avoit échappé à l’un étoit renversé par l’autre. Dans le tremblement que Gassendi éprouva & observa à Aix-la-Chapelle, en 1617, les mouvemens alternatifs de balancement & de pouls avoient lieu[9]. On remarqua la même chose dans le tremblement qui ravagea le Canada en 1663[10].

Direction des sécousses.

Dans chaque tremblement de terre on a remarqué que les sécousses ont leur direction. Dans les divers païs, où le même tremblement se fait sentir, les sécousses vont & viennent à peu près de même côté. La direction semble uniforme, dès que les tems sont les mêmes. Si on apperçoit quelque différence dans cette direction, elle paroit venir de la position des chaines de montagnes & de la nature du terrein.

Il n’y a rien d’uniforme d’un tremblement à l’autre dans ces directions.

Mais ces balancemens affectent-ils quelques points de l’horizon ? La direction est-elle toujours la même, dans le même pais ? C’est ce qui ne paroît pas. Dans le tremblement qu’on éprouva à Rome en 1703 le 2 Février, les vibrations des lampes des Eglises allèrent du Nord au Sud. Les secousses du 19 de Mars 1750 à Londres étoient de l’Est à l’Ouest[11]. M. de Buffon parle d’un tremblement ressenti a Smirne, en 1688, qui se fit de l’Ouest à l’Est. Les balancemens ont été en Suisse & ailleurs, le 9 Decembre 1755, entre le Sud ou Sud-Est & le Nord, ou Nord-Ouest. Mais on a éprouvé dans les mêmes païs des sécousses dans des directions différentes, ou opposées à celles-là.

La direction influë sur la destruction des maisons.

On a remarqué, après le tremblement arrivé à Smirne, que les murailles, qui étoient exposées de l’Est à l’Ouest, furent renversées ; que celles qui étoient Nord & Sud résistèrent aux commotions. Ce qui est opposé à la direction des sécousses reçoit un choc plus violent : sur-tout si les masses sont isolées. Un torrent, qui coule le long d’un mur, ne le renverse pas si aisément ; mais s’il le frappe directement, ou de front, il l’abat. Le mouvement, se distribuant successivement dans les parties contiguës, qui résistent, les sécousses sont plus violentes. Les murs qui croisent cette direction, partageant l’impression, l’affoiblissent. On voit ainsi la cause pourquoi des personnes, dans une même ville, souvent dans une même maison, apperçoivent les tremblemens si différemment, lorsqu’ils ne sont pas assez forts pour rien renverser. Cela vient de la position des murailles des maisons & des murs de séparation des chambres, eu égard à la direction des sécousses. Le Gentil, dans ses voyages[12] prétend que si la caverne, où est le principal foyer de l’inflammation, va du septentrion au midi, & que la longueur des ruës des villes s’étende dans le même sens, les édifices sont renversés, pour peu que les sécousses ayent une force suffisante. Si cette observation est fondée elle pourroit servir de règle pour rebâtir Lisbonne. En général, on devrait faire des remarques plus précises sur la direction des tremblemens de terre. Elles serviroient assurément pour la sûreté des villes qui y sont sujettes.

Intervales & retour des sécousses.

Les sécousses des tremblemens de terre se suivent souvent de fort près, pendant quelques minutes prémières, quelquefois pendant peu de minutes secondes. Elles reviennent ensuite à diverses reprises, lorsque les lieux sont voisins d’un foyer originaire. Les retours des sécousses sont de nouvelles effervescences, qui se raniment, ou de nouvelles inflammations, qui s’allument, ou de nouvelles vapeurs, qui s’élèvent. On prétend que les sécondes sécousses sont toujours plus fortes que la prémière[13]. C’est que le feu de la première matière, ou l’effervescence, quoique peu considérable, suffit pour hâter la fermentation, ou l’inflammation d’une plus grande quantité. Si c’est une effervescence, une trop grande quantité d’eau, dans l’amalgame souterrain, arrête la fermentation, en noyant ces matières. Cette eau étant écoulée, dissipée, ou élevée en vapeurs, l’effervescence recommence & avec elle la prémière cause des agitations.

Retours des secousses à Lisbonne en 1755.

Le 1. Novembre 1755. les prémières sécousses commencèrent à Lisbonne à 9 heures 36 minutes du matin. Elles furent d’abord très-fortes & très-pressées, pendant près de deux minutes. Durant l’espace de 3 à 4 minutes les sécousses diminuèrent. Puis elles recommencèrent avec plus de force & durèrent 3 à 4 minutes. Il y eut alors un intervalle de près d’un quart d’heure de repos, pendant lequel on n’apperçut que quelques légères commotions. Il survint après ce tems un troisième tremblement, qui fut moins violent, que les deux précédens, mais qui renversa encore bien des bâtimens ébranlés. Il se fit dans ce moment des fentes à la terre soulevée. D’intervalle en intervalle il revint des sécousses plus légères, pendant tout le jour & le lendemain. Le troisième 9bre les sécousses furent encore moindres. Le 6 & le 7. les sécousses furent un peu plus violentes. Le 8 à 5 heures du matin il y eut quelques sécousses assez fortes pour renverser encore quelques bâtimens. Il y eut quelques sécousses jusqu’au 12. que la terre fut tranquille. Le vent changea : de Nord-Nord-Est, qu’il avoit été, il tourna au Nord. Le 13. 14. 15. retour de sécousses sur le matin. Le 16. les balancemens revinrent sur les trois heures après midi. Les plus violentes commotions, après celles du 1. & du 8. Novembre, ont été le 11. & le 15. Décembre. Le 21. deux sécousses à la même heure que le 1. Novembre. Le 25. nouvelles secousses à deux heures du matin. Mon dessein n’est pas de poursuivre ce journal. Ce que j’en ai dit n’est que pour faire voir qu’on ne saurait appercevoir des périodes fixes pour les jours. Seulement un retour plus ordinaire dans les heures de la matinée.

Retour des sécousses à Lima en 1742.

Voici comment s’exprime Don Ulloa sur ces intervalles & ces retours à Lima. « En 1742. j’eus la curiosité, dit-il, pendant un certain tems, de marquer l’heure des tremblemens de terre qu’on y essuya. Voici le résultat de mes observations. I. Le 9. de Mai à 9¾ du matin. II. Le 19 du même mois vers le minuit. III. Le 27 à 5 heures 35 minutes du soir. IV. Le 12 de Juin à 5¾ du matin. V. Le 14 d’Octobre à 9 heures du soir. Je ne pris pas davantage la peine de les marquer »[14]. Il ajoute plus bas.

« Par le soin que j’ai pris de marquer l’heure précise, où se firent les tremblemens de terre, rapportés ci-dessus, il paroît qu’ils sont arrivés indifféremment, ou lorsque la marée étoit au milieu de son décroissement, ou lorsqu’elle étoit au milieu de son regorgement, & jamais à son flux parfait, ni en son reflux total ; au-contraire de ce que quelques-uns ont prétendu que les tremblemens de terre n’arrivoient que durant les six heures de reflux, ou de basse-marée & non durant les six autres heures de

flux ou de haute-marée. Cela convient au sistème qu’ils ont imaginé, pour en expliquer les causes, lequel sistème, à mon avis, ne s’accorde point assez avec les observations, pour qu’on soit obligé d’y souscrire[15] ».

Ces retours n’ont pas de périodes.

Il ne paroît donc pas qu’il y ait ordinairement de période réglé pour ces retours. Le tremblement du Canada de 1663, qui dura avec violence depuis le mois de Janvier à celui de Juillet, puis avec moins de force, pendant le reste de l’année, ne nous offre rien de réglé. Nous ne voyons rien non plus de constant dans les tremblemens de Lima & du Pérou en 1709 & en 1746. Dans le dernier on conta jusques à deux cent secousses dans les prémières 24 heures, & jusqu’au 24. Février de l’année suivante 1747 on avoit conté 471 reprises, où on n’appercevoit d’autre règle que la fréquence des retours aux heures, où l’air est le plus froid & les plus humide. Il ne seroit pas aisé de saisir quelque période assûré dans les retours des agitations de la terre, en Portugal, durant les années 1755 & 1756. Il semble que ce soit plutôt dans quelques tremblemens particuliers, peu étendus, qu’on apperçoive quelque règle. On a pu le remarquer dans les rélations des tremblemens de la Suisse. Ces secousses viennent souvent pendant une année entière, quelquefois pendant deux. Aristote l’avoit déjà observé[16]. On peut le remarquer dans les tremblemens du Portugal de 1532, de 1755 & dans ceux du Pérou. Sans doute qu’ils ne cessent pas que la matière effervescible, ou inflammable, ne soit consumée, ou que quelque circonstance n’en arrête l’effervescence, ou l’inflammation.

Du tems ordinaire des tremblemens.

La seule règle générale, qu’on puisse donc observer, regarde les saisons & les heures ordinaires des tremblemens de terre. Ils ont lieu au printems & en automne ; plus rarement en hiver & en été. Ils arrivent communément le matin & le soir ; plus rarement pendant le jour, que durant la nuit. La terre tremble rarement durant les grands froids, ni pendant les grandes chaleurs. Aristote avoit déjà fait cette remarque, & après lui Pline[17] & Senéque[18], & on l’a vérifiée dans tous les tems & dans tous les païs. Ce que le prémier de ces Philosophes avance, que les tremblemens arrivent plus ordinairement avant les eclipses de lune, ne paroit pas vérifié par des observations suffisantes[19].

Raison de ces époques des tremblemens.

Sans doute que pendant le jour les pores de la terre sont plus ouverts ; les vapeurs aqueuses & sulphureuses en sortent plus aisément. Il en est ainsi de l’été. La terre dessechée est moins compacte, offre moins de résistance, est plus susceptible de dilatation. Le plus grand froid de l’hiver arrête peut-être les effervescences. L’eau ne pénétre pas si aisément au travers de cette croute gelée, ou condensée. Il y a moins d’évaporation de vapeurs sulphureuses & aqueuses & par là-même moins de circulation. Le retour du printems met tout en mouvement. Les effervescences se raniment & donnent lieu à des secousses. La terre, commençant à se resserrer en automne, l’humidité s’arrêtant sur sa surface, ces circonstances favorisent les agitations intérieures.

Les lieux les plus sujets aux tremblemens.

Du tems nous passons aux lieux. Ceux qui sont les plus exposés aux tremblemens, comme nous l’avons déjà remarqué[20], ce sont ceux où trois circonstances principales se trouvent réünies : un terrain caverneux, ou des rochers pleins de fissures : beaucoup de pyrites ou des matières nitreuses & sulphureuses, dans le sein de la terre : enfin des eaux ou intérieures, qui se décèlent par des sources, pour l’ordinaire minérales ; ou extérieures, qui baignent ces lieux-là. Si nous considérons les contrées de l’Italie & de la Sicile, les plus exposées aux tremblemens, nous y trouverons tout cela ; de même que sur les côtes du Portugal & dans les Isles açores. Telles sont encore les côtes de l’Amérique-méridionale ; sur-tout celles du Pérou. Minéraux, eaux abondantes, cavernes, on trouve tout cela dans les Cordilières ; montagnes où il y a tant de Volcans, & dont le terrein est si souvent ébranlé. Mr. Bouguer, dans son traité de la figure de la terre, remarque qu’on voyoit dans une inondation arrivée au Cotopaxi, fameux Volcan du Pérou, une matière huileuse, qui étoit enflammée, & que dans cette contrée, si sujette aux tremblemens de terre, on voit presque tous les matins le salpêtre comme une légère fleur en divers endroits des ruës & des chemins. Le terrein de Lima[21] est tout sulphureux & treux. Aux environs de tous les Volcans on peut y remarquer des rochers, des cavernes, des minéraux & des eaux. Le terrein des environs de Peckin, dans la Chine, est plein de pyrites, souvent aussi la terre y est agitée. L’Isle de Ternate & celle de Feu sont toutes caverneuses & pleines de fossiles pyriteux ; aussi y a-t-il des Volcans. Sur le sommet du Pic de Tenerifeest une grande caverne entièrement garnie d’une matière nitreuse & sulphureuse, qui fume sans cesse. Les rochers sont pleins de minéraux & coupés de fissures. On y éprouva en 1704. trois cent sécousses de tremblement & la montagne vomit beaucoup de minéraux & de sels. L’Isle d’Ormus, dont le terrein est une espèce de terre nitreuse & sulphureuse, est sujette à de fréquens tremblemens ; mais ils ne sont pas violens, parce que le principe en est sous la prémière surface de la terre & que le terrein léger donne un facile passage aux exhalaisons & aux vapeurs. De-là les fréquens météores ignées, dont cette Isle est toûjours couverte. De-là une chaleur telle que les habitans, pour subsister dans l’été, sont obligés de passer plusieurs heures chaque jour dans l’eau jusqu’au col. Aristote observe que l’Helespont, l’Achaïe, la Sicile, l’Eubée, que tous ces païs sont exposés à de plus violentes agitations, parce qu’ils sont baignés de la mer & que le terrein y est caverneux. La mer semble l’insinuer dans les terres. Il omet une circonstance essentielle, dont il ne paroît pas avoir eu d’idée, l’abondance des sels & des souffres. Les bains chauds, continue-t-il, qui sont près d’Edepse viennent des mêmes causes que les tremblemens, qui y sont fréquens. Il prétend que tous les païs qui admettent dans les antres, ou cavernes, qui les soutiennent, beaucoup d’air & de vents, en sont par là-même plus souvent ébranlés[22]. L’observation des faits est vraie, l’explication ne l’est point.

Les tremblemens suivent assez souvent les pluyes.

Il semble que les tems qui précédent les tremblemens de terre sont ordinairement accompagnés de sécheresse ; mais qu’avant les tremblemens-mêmes il y a des pluyes, souvent des inondations. Aristote avoit déjà fait cette observations, & Pline l’a copiée[23]. Elle a été vérifiée dans les tremblemens du Pérou[24]. Du moins les tremblemens alors sont plus violens & plus dangereux. On peut encore voir des preuves de fait dans la rélation des tremblements de la Jamaïque en 1692. Il avoit aussi beaucoup plû dans le Haut-Valais avant les tremblemens de 1755, qui y ont été si effrayans, & l’été précédent avoit été fort sec.

Raisons de ce phénomène.

La pluye resserre les pores de la terre, qui résiste davantage à la dilatation intérieure, tandis que la terre, imprégnée d’eau, après une sécheresse, fermente avec plus de facilité. Pour ébranler la terre il faut des vapeurs dilatées, & resserrées par l’espace qui les contient. Si la dilatation & l’espace croissoient en même raison, quelque prodigieux que fût l’effort, il ne secoueroit rien. Si par un orifice suffisant les vapeurs s’échapoient elles ne causeroient point de secousse. L’éolipile échauffé est immobile, tandis que l’eau, qui y est renfermée, s’élève à une grande hauteur. Ainsi une mine éventée brûle sans fracas. Une inondation, une pluye, en bouchant les pores de la surface, en donnant de la ténacité à la terre, augmente la compression, &, arrêtant la dilatation, lui donne une nouvelle force. Si l’eau arrive jusqu’aux fourneaux souterrains, ou est l’inflammation, elle doit y produire une explosion semblable à celle que cause de l’eau jettée dans un creuset de métal fondu. Le métal en fusion saute en l’air, il se divise, il se répand de toutes parts, au péril de tous les assistans. Il n’en reste rien dans le creuset.

La terre s’ouvre.

La terre soulevée s’ouvre diversement par un effet des tremblemens de terre. Souvent ce ne sont que des fissures, des crevasses, des fentes. On en a vu de pareilles à Lisbonne en 1755, & la même année à Brigue. On a observé qu’elles suivoient, à peu près, la direction des sécousses du Sud au Nord ; presque toutes sur la même ligne, ou avec une sorte de parallelisme. Quelquefois ce sont des gouffres, ou un abaissement de terrein. Dans d’autres occasions c’est un bouleversement sans règle, effet manifeste d’une explosion, semblable à celle d’une mine[25]. Tous ces effets terribles sont en proportion avec la force de l’agent. Lorsqu’il y a ainsi des ouvertures sans que la surface soit bouleversée, c’est, ce semble, un indice que l’inflammation, ou l’effervescence, s’est faite peu au-dessous de la surface de la terre.

Exemples de ces bouleversemens.

Il paroît que ce fut par un bouleversement du terrein que toute la ville d’Antioche fut renversée en 728 de l’Ere Chrêtienne. Ainsi encore un espace de plus de 300 lieuës de la côte du Perou sur 70 lieuës dans les terres fut bouleversé en 1604. La mer se retira considérablement[26], Raguse périt de la sorte en 1667[27]. A la Jamaïque en 1692 il se fit de grandes ouvertures.

Abaissement de terrein.

Quelquefois le terrein s’abaisse simplement. Ainsi se creusent des vallées, se forment des marais, des étangs, des lacs. C’est par un pareil événement qu’on voit depuis 1618 un lac où étoit le Bourg de Pleurs. Un bois s’est enfoncé en partie près de Wattewille, à six lieuës de Berne, dans le mois de 7bre 1756. Il s’est fait une sorte de marais impraticable, où les arbres sont en partie couchés, en partie renversés. Ce peut être l’effet du tremblement du 9 Decembre de l’année précédente. Un lit de terre ou de rocher, qui soutenoit ce bois, aura été ébranlé, & se sera affaissé ensuite par un effet des pluyes abondantes, qui ont augmenté le poids du terrein. Pline décrit quelques-uns de ces effets[28].

Naissance des Volcans.

Ces diseruptions de la croute de la terre donnent lieu à divers phénomènes effrayans. Les Volcans semblent les plus terribles. Ils indiquent bien manifestement, non une simple effervercence, mais une inflammation avec une explosion. Souvent la terre est soulagée par-là & les tremblemens cessent. St. Christophle, une des Isles Caraïbes, étoit fort sujette aux tremblemens de terre ; depuis l’éruption d’une grande montagne de matières combustibles on n’y en à plus ressenti. Depuis le tremblement de 1692. ils sont moins fréquens à la ' Jamaïque. On y vit des éruptions de feu. Quelques rélations portent qu’on a vu en 1755 sortir du feu de la mer, proche de Lisbonne. Si le Volcan s’étoit ouvert sur terre, elle en auroit été plus soulagée & les tremblemens n’auroient peut-être pas eu autant de durée.

Diverses matières poussées hors de la terre.

Souvent avec le feu il se fait des éruptions de terre, de poussière, de cendres, des pierres-ponces, des pierres vitrifiées, des masses de rochers, de métal, de souffre & de bitumes fondus[29]. Ces matières couvrent quelquefois de vastes campagnes, ou ensevelissent des villes.

Spon, dans son Histoire de Genève, nous rapporte un fait que nous avons déjà indiqué, mais dont le détail mérite de l’attention. « Le 1. de Mars, dit-il, 1584, un dimanche sur le midi, le tems étant fort serein, on sentit tout d’un coup un grand tremblement de terre, qui dura dix ou douze minutes, se faisant non seulement remarquer par le cliquetis des vitres, des tuiles & des lambris, mais ébranlant jusqu’aux fondemens des maisons, & jettant par terre quelques antiques cheminées. On le sentit dans tous les environs du lac & il redoubla trois jours de suite. Il causa à la fin ce désastre surprenant & inouï. A une demi-lieuë de la Ville d’Aigle, au Canton de Berne, entre neuf & dix heures du matin, on vit s’élancer d’un entre-deux de rocher une prodigieuse quantité de terre, poussée par les exhalaisons renfermées, qui tomba comme une ravine d’eau & combla presqu’en un instant les valons & la campagne voisine. Le Hameau de Corbery en fut d’abord enseveli ; excepté une seule maison dont le Maître étonné du fracas, qu’il entendoit, dit à sa femme qu’il croyoit que la fin du monde étoit venuë. Ils se mirent à prier Dieu, & pendant qu’ils le faisoient la terre passa comme une vague impétueuse par-dessus leur maison, sans y faire autre mal, si ce n’est que le Maître fut un peu blessé d’un éclat à la tête. On trouva aussi dans une autre maison un enfant dans son berceau, sain & sauf, sa mère accablée des ruines de la maison étendant les bras sur lui. Ce ne fut pas tout. La terre s’augmentant à mesure qu’elle rouloit, de même qu’un peloton de neige, ensevelit au village d’Yvorne, au-dessous de Corbery, 69 maisons, 106 granges pleines de denrées, 100 personnes & grande quantité de bétail ; ce village étant un des meilleurs de la Suisse, habité de bonnes gens, laborieux & qui s’entretenoient honnêtement de leur récolte. La plupart des hommes, éloignés du village au travail de terre, échappèrent, & même il n’y eut aucune maison, dont il ne se sauvât quelqu’un. Cette terre étoit mêlée d’une grêle de pierres & d’une nuée d’étincelles & de fumée, qui répandoit l’odeur de souffre aux environs. Cette pluye de terre, aussi merveilleuse que celles des anciens nous sont suspectes, occupa environ une lieue d’étenduë, & la largeur de douze arpens. Son épaisseur étoit inégale & la moindre étoit de dix pieds. Tout cet espace, qui en fut couvert, fut rendu si uni, qu’il sembloit que ce fut un gueret fraichement labouré, sans qu’il y eut apparence d’y avoir eu des batimens. Ce tremblement fut au reste si violent, que près du village de Motera, le lac s’avança plus de vingt pas outre son ordinaire & qu’à Villeneuve, à la tête du lac, des tonneaux pleins de vin se trouvèrent dressés sur leurs fonds. Près de la ville d’Aigle une pièce de rocher se détacha & s’arrêta, sans faire autre mal, dans une fente de la montagne »[30].

Jets d’eau & de pierres : divers exemples.

Souvent avec ce mélange extraordinaire s’élèvent des jets d’eau énormes soit par la quantité de l’eau ou par la hauteur du jet. Cette eau est poussée comme celle d’un Eolipile[31]. Ces matières sont lancées quelquefois avec une force surprenante. C’est ainsi qu’au témoignage de Bontius Medecin dans l’Isle de Java & de M. Bouguer les volcans dans leur éruption jettent, à la distance de plusieurs lieuës, des pierres si grosses, que vingt hommes n’auroient pu les remuer[32]. On pourroit rassembler bien des faits sur ce sujet. Les tremblemens, dit Aristote, ne cessent point quelquefois, en certains lieux, que le vent qui les avoit fait naître, ayant fait éruption, ne s’échape au dehors. C’est ce qui est arrivé depuis peu à Heraclée du Pont & auparavant près de l’Isle de Hière, l’une de celles qu’on appelle Eoliennes. Ici la terre s’enfla, s’éleva avec bruit. Cette montagne creve, & il en sort avec beaucoup de vent des cendres & des étincelles, qui réduisirent la ville des Lipariens, peu distante, en cendres, & qui furent portées jusques à quelques villes d’Italie[33]. En 1702, près de l’Appennin & dans l’Abruzze, il se fit deux fentes, par l’effet d’un tremblement de terre, d’où s’élevèrent des pierres, qui couvrirent les campagnes voisines. Des mêmes ouvertures furent poussées ensuite des dégorgemens, ou des jets d’eau, aussi haut que les plus grands arbres. Cela dura un quart d’heure. Toutes les campagnes voisines furent inondées[34]. Cette éruption ne paroît indiquer que de l’effervescence. Au Port-Royal, en 1692, on vit aussi des jets d’eau sortir de la terre. On a observé pareille chose à Brigue, en 1755. En 1746. le 20. 8bre. dans la même nuit, que Lima fut renversée, il creva un Volcan à Lucano & trois autres dans la montagne appellée Convensiones de Caxamarquilla, d’où sortirent des torrens d’eau, qui inondèrent toutes les campagnes[35]. Le Vesuve poussa le 6e. Xbre 1631. une si affreuse quantité de cendres que les campagnes fort loin en furent couvertes[36]. Il est apparent que c’est ainsi qu’a péri Héraclée, cette ville ensevelie, dont la découverte attire aujourd’hui l’attention de tous les Antiquaires. Dion rapporte, dans la Vie de Tite, que l’Etna poussa un jour une si grande quantité de cendres qu’il y en eut jusqu’en Egypte, en Afrique & en Syrie. Je crois qu’il y a de l’hyperbole dans ce récit. Voici quelque chose de plus sûr. En 1665. s’ouvrirent subitement, après des secousses réïtérées, trois bouches sur les collines adjacentes de l’Etna, Paleri, Malposso & Fossara. De-là jaillissoit, à la hauteur de 12 pieds, des jets de matières pyriteuses, qui formèrent un fleuve d’environ un mille de large, qui se jetta dans la mer, près de Catane. Les pierres que ce fleuve rencontroit étoient aussi-tôt fondues & le bois reduit en charbon. Les arbres séchèrent à une grande distance[37].

Changement dans les sources.

Par un effet de ces disruptions, de ces éversions ou de ces bouleversemens, dans la surface de la terre & dans son sein, d’anciennes sources disparoissent & il en paroît de nouvelles. C’est ce qu’on vit dans l’Abruzze en 1742. C’est ce qu’on a observé à Brigue en 1755. Quelques canaux se comblent, des cavernes sont remplies, & l’eau par son poids, se cherchant un nouveau passage, le trouve par quelque fente qui s’est formée.

Effets des tremblemens sur mer.

Le poids des eaux ne permettant pas ces éruptions du fond des mers, les vaisseaux qui s’y trouvent, éprouvent de diverses sortes de secousses, plus ou moins violentes. Nous avons déjà rapporté que, dans le dernier tremblement de Lisbonne, des vaisseaux, qui étoient à près de 150 lieuës des côtes, ont senti des ébranlemens extraordinaires. Il paroît même qu’un des foyers originaires étoit sous la mer, non loin de Lisbonne. On croit d’avoir vu sortir des flammes du sein même des eaux. Des vaisseaux, dans la mer la plus calme, sont quelquefois sécoués de la même manière que si on jettoit un fardeau de 30 à 40 quintaux sur le lest ; quelquefois comme s’ils frottoient de la quille sur quelque rocher. Souvent il se forme, par un vent qui sort des entrailles de la terre, un courant, qui emporte le vaisseau contre le vent de la surface. En certaines rencontres les vaisseaux sont simplement balancés, d’autres fois ils sont tourmentés sans règles & si violemment qu’ils échouent.

Vapeurs pyriteuses, souvent malignes, suite des tremblemens.

Par une suite nécessaire de ces éruptions, de ces ouvertures de la terre, ou de ces fissures, qui s’y forment, il sort de son sein des vapeurs, qui varient selon le principe dominant de la fermentation, ou de l’inflammation intérieure ; vapeurs aqueuses, exhalaisons sulphureuses, nitreuses, pyriteuses, souvent malignes & plus ou moins épaisses, selon les circonstances.

Odeur qui suit les tremblemens.

De-là l’odeur, qu’on sent ordinairement après les tremblemens, lors même qu’on n’a aperçu ni fente ni ouverture. De-là les maladies qui les suivent ordinairement. En 1692, à la Jamaïque, le tremblement fut accompagné & suivi de vapeurs d’une puanteur extraordinaire, qui en moins d’une minute firent d’un ciel clair & serein un ciel aussi rouge qu’un four chaud[38]. Après le tremblement de Lisbonne l’air étoit plein de vapeurs sulphureuses, qui, sans les Soins du Roi de Portugal auroient apparemment produit des effets affreux. Il faut qu’il y ait eu dans l’air du département de Brigue des vapeurs bien incommodes ; puisque le gibier s’est retiré & a passé du côté de la Val-d’Aoste[39].

Pourquoi le soleil paroît plus grand & rougeâtre.

On a observé qu’à la fin de ce tremblement de 1755, le soleil avoit paru à Lisbonne plus grand & rougeâtre. C’est dans les exhalaisons pyriteuses, qui s’élèvent du sein de la terre, que nous cherchons la raison de cette double apparence. Après des efforts réïtérés, qui donnèrent lieu aux secousses, l’air dilaté & chargé de vapeurs, força ses prisons. En s’échapant il éleva dans l’atmosphère des tourbillons d’exhalaisons pyriteuses. L’Atmosphère, épaissie par l’union de ces particules hétérogènes, fit éprouver aux rayons une plus grande réfraction, qui, augmentant l’angle visuel, fit paroitre les objets plus grands. Tel est l’effet des corpuscules étrangers dans l’air. C’est pour cela que le Soleil paraît plus grand quand il est sur son déclin. C’est-là la cause des longs crepuscules & des longues aurores, qui prolongent les jours des peuples du Nord[40]. C’est pour cette raison que dans la mesure des dégrés du méridien on a substitué la ligne verticale à la ligne horisontale. L’altération de l’air, qui est le milieu par où la lumière du soleil nous parvient, doit aussi en changer la couleur. Les lunettes vertes, bleues ou jaunes font paraître les objets teints de ces couleurs.

Changement dans la température de l’air.

Ordinairement après de violens tremblemens la température de l’air est changée, souvent altérée pour quelque tems. Cette surabondance d’exhailaisons, ou de vapeurs, en est manifestement la cause. Nous avons eu beaucoup plus de pluyes en 1756 qu’on n’en avoit eu les années précédentes[41]. Tout l’été a été orageux, nous avons eu plusieurs grêles & beaucoup de tonnerres. L’Orage, qu’on a essuyé à Padoue & aux environs, le 17. Août 1756, doit avoir eu une cause fort extraordinaire. Grand nombre d’édifices en ont été renversés. A la Jamaïque on observa aussi, en 1692, que le vent de terre ne fut pas si fréquent, qu’à l’ordinaire, après le tremblement. Le vent de mer ou la brise du large, comme on l’appelle, devint plus violente & plus fréquente. Cela a lieu jusqu’à ce que l’équilibre soit rétabli.

Changemens de la surface du globe.

On comprend donc sans peine que si les tremblemens de terre causent de grands changemens dans l’intérieur de la terre & dans l’air, ils en produisent aussi sur sa surface. Quand le foyer est profond, sous les montagnes, elles sont ébranlées, quelquefois renversées. Ainsi on a vu, au rapport de Pline, des montagnes s’entreheurter & se détruire[42]. Les effets du tremblement furent plus terribles encore au Pérou, sur une étenduë de 300 lieuës[43] : Plaines & montagnes, tout fut bouleversé. A la Jamaïque les montagnes furent renversées en 1692. Il y a un grand lac, où étoit une haute montagne. Toute l’isle bouleversée s’est abaissée d’un pié. C’est par ces secousses que des Presqu’isles ont été arrachées, ou séparées, du Continent. Des isles se sont formées ; des montagnes se sont élevées par de pareils efforts. Sur la fin de 7bre de l’année 1538 une montagne fut formée près de Pouzzol. Portius a décrit cet évènement[44]. C’est un monceau de cendres, de pierres-ponces & de matières pyriteuses, élevées d’une nuit, à la hauteur de plus de mille pas. A. Moro a rassemblé divers exemples de pareilles productions, dans l’ouvrage, que nous avons déjà cité. En 1638 une nouvelle isle parut près de celle de St. Michel, entre les Açores. Auprès de Santorin, le 3e. de Mai 1707, on vit sortir une isle du fond de la mer[45]. Aristote[46], Strabon[47], Pline[48], Senéque[49], ont rassemblée divers faits de cette nature, qui ne paroissent pas tous également certains.

Changemens dans nos montagnes.

Quelques portions de nos Montagnes s’affaissent, ou s’éboulent aussi quelquefois. Il en tombe des fragmens considérables. Scheuchzer en a rassemblé des exemples. Les tremblemens de terre peuvent y contribuer. Il n’est pas nécessaire que la chute de ces masses suive immédiatement les secousses. Celles-ci ébranlent. L’air, la pluye, l’humidité, le gel font le reste. Sur la fin de Juillet, de l’année 1756, il s’est fait ainsi un éboulement considérable de rochers à l’extrémité de la vallée de Luterbrun, dans le Bailliage d’Interlacken, dans le Canton de Berne. Une partie de la Glacière a été couverte, ou renversée[50]. Cette chûte pourroit bien avoir été occasionnée par les tremblemens de terre, qu’on a essuyé dans cette vallée en 1755 & 1756[51]. On y sentit encore des secousses au commencement de Juillet, aussi bien qu’à Brigue. La distance de ces lieux n’est pas grande, par-dessus les Glacières, ou Montagnes de glaces, mais le chemin est impraticable. Des Canaux souterrains peuvent aisement communiquer de l’un de ces lieux à l’autre.

Bruit qui accompagne les tremblemens.

Tant de désastres, tant d’agitations dans l’intérieur de la terre, tant de bouleversemens sur la surface, tant de commotions dans l’atmosphère même, qui accompagnent les tremblemens de terre, doivent produire un bruit plus ou moins considérable, selon les diverses circonstances intérieures & extérieures. Ce bruit ressemble quelquefois à celui d’un fardeau qui tombe. D’autres fois c’est un long gémissement, comme d’un air qui s’échape par une fente trop étroite. Souvent c’est un éclat, semblable à celui du canon : ce qui suppose une explosion. On a entendu dans de certaines rencontres un roulement pareil à celui du tonnerre. C’est un effet de la propagation, ou de l’effervescence, ou de l’inflammation. Aristote[52], Pline[53] & Sénéque[54] ont fait ces observations. Corneille Sévere[55] n’a pas omis ce phénomène dans sa description de l’Etna. Dans le tremblement, ressenti près de l’Apennin, en 1702, le bruit intérieur étoit effrayant[56]. A la Jamaïque en 1692, il n’étoit pas moins rédoutable. A Lima en 1746 il fut fort grand[57]. Dans les tremblemens de 1755 & de 1756, il a été entendu en divers lieux. Quelquefois on apperçoit un sifflement dans l’air extérieur. Le mont Hécla en Islande pousse fort souvent des sons plaintifs, de longs gémissemens, quelquefois des hurlemens qui s’entendent assez loin[58]. Les divers sons que rendent les tuyaux d’orgue sont une image de ces différens phénomènes.

Raisons de ces bruits differens.

Ces sons, ces bruits, viennent de diverses causes, qui quelquefois concourrent ensemble, qui d’autres fois agissent séparément. Dans certaines circonstances ce bruit est l’effet de la collision, ou du choc des parties intérieures & solides, qui se heurtent, se disloquent, ou se brisent. L’effervescence seule, ou l’inflammation, par son bouillonnement, peut produire un bruit considérable. Diverses expériences chimiques & quelques procédés des arts en font preuve. Souvent il y a explosion, détonnation & fulmination, qu’on imite aussi par plusieurs expériences, qui développent le secret de la nature. L’air, les exhalaisons & les vapeurs dilatées forment des courans &, en s’échapant avec plus ou moins de force, frapent l’air extérieur, qui, par ses divers ébranlemens, nous fait entendre cette variété de sons. On sait enfin que le mélange d’un air chargé d’exhalaisons sulphureuses avec un air plus pur causent dans l’atmosphére une fermentation qui donne lieu au son extérieur, que l’on entend quelquefois.

Prognostics des tremblemens de terre.

Non seulement ces sons accompagnent les tremblemens de terre, mais ils les précédent & les annoncent souvent. Il seroit important d’avoir des prognostics sûrs de ces secousses terribles, afin de pourvoir par la suite à sa vie. Malheureusement les avant-coureurs sont équivoques & suivis de trop près des secousses. Quoi qu’il en soit il n’est pas inutile de rassembler ce que les observations & l’expérience ont appris sur ce sujet. Si cet article de mon Mémoire étoit plus complet, il seroit le plus utile & le plus intéressant. Il vaudroit mieux faire éviter un malheur au moindre mortel, que d’en définir avec toute la précision possible les vrayes causes. Pline rapporte qu’Anaximandre le Milésien prédisit aux Lacédémoniens, qu’ils étaient menacés d’un tremblement de terre ; prédiction, que l’éversion de leur ville justifia bientôt. Phérécide[59] le Précepteur de Pythagore, en puisant de l’eau hors d’un puit, doit aussi avoir prévu & prédit un tremblement prochain[60].

Bruit qui précéde.

Le bruit intérieur est d’abord l’annonce la plus ordinaire des tremblemens de terre. Il varie selon les circonstances. Pline[61] le décrit fort bien, d’après Aristote[62], qu’il copie. Ces observations n’ont pas échapé à Seneque[63]. Ce bruit, ou ces sons divers viennent de l’air & des vapeurs dilatées qui s’agitent dans les cavernes[64] & qui s’échapent avec d’autant plus de violence qu’elles sont plus pressées, & que les canaux sont plus étroits[65]. Ce bruit devroit toûjours être proportionné au choc qui doit suivre, si le lieu & les autres circonstances ne le faisoient varier à l’infini, quant à l’intensité & à sa nature. En général plus le bruit est considérable, moins il y a d’intervalle aux secousses qui suivent. La figure des cavernes, dans lesquelles les vapeurs agitées frappent l’air, augmente ou fait encore varier le son[66]. Plus distinctement il se fait entendre, plus il est près de la surface. Le tremblement du 20. Mars 1709. à Lima, fut précédé d’un si grand bruit, que tout le monde en fut éveillé, à 2 heures du matin. Chacun se sauva sur les rues. Le 9. Juillet, le 21. Octobre & le 20. Decembre on observa la même chose[67]. Par-là bien des gens évitèrent la mort. En 1692. au Port-Royal on entendit, à 11 heures & demi, ou à midi, un bruit comme celui d’un tonnerre. Il fut l’annonce, malheureusement trop précipitée, d’un tremblement qui suivit immédiatement & renversa cette Ville[68]. La distance de l’éclair, qui précéde & que l’on voit, au tonnerre, qui Suit & que l’on entend, est quelquefois de 7 ou 8 secondes; mais quelquefois aussi ils se suivent de si près qu’on n’apperçoit aucun intervalle. Dans ce dernier cas l’éclair, ou l’inflammation, est bien proche de nous. Dans leur principe, le bruit & l’éclair, l’inflammation & la détonnation, sont simultanées. Mais la vue est plus prompte que l’ouïe, ou la lumière traverse l’espace avec plus de rapidité, que le mouvement sonore ; l’une pour parvenir aux yeux, l’autre aux oreilles. Ici l’ouïe seule, qui est moins prompte, nous sert. L’éclair souterrain est invisible. La grandeur du bruit peut seule nous servir à mésurer la proximité de l’effervescence ou de l’inflammation interne. Le D. Hales entendit distinctement le bruit, avant que de sentir aucune secousse, à Londres, le 19. Mars 1750. à 5 heures 4 minutes du matin. Les secousses durèrent 3 ou 4 secondes. Aux environs de l’Appennin on entendit aussi un long murmure avant les sécousses de 1702.

Observations faites au Pérou.

Voici comment D. Ulloa parle de ces annonces funestes d’événemens plus funestes encore. « Ces tremblemens, dit-il, tout inopinés & subits qu’ils sont, ne laissent pas d’avoir des avant-coureurs, qui annoncent leur approche. Un peu auparavant, c’est-à-dire, environ une minute avant les secousses, on entend un bruit sourd, qui se fait dans les concavités de la terre & qui ne s’arrête pas du côté où il se forme, mais il court de côté & d’autre sous terre ; à quoi il faut ajouter les aboyemens des chiens qui, pressentant les prémiers le tremblement, se mettent à japper ou plutôt à hurler, d’une façon extraordinaire. Les bêtes de charge & autres, qui vont dans les ruës, s’arrêtent tout court, &, par un instinct naturel, écartent leurs jambes pour se cramponner & ne pas tomber[69] » . Le même Auteur dit encore, en parlant du tremblement du 26. Octobre 1746. « Quelques jours avant ce tremblement de terre, on entendit à Lima un bruit soûterrain, tantôt comme des mugissemens, tantôt comme des coups de canon. On les entendoit même après le tremblement de terre, pendant la nuit, lorsqu’ils ne pouvoient être confondus avec d’autres bruits : signe évident que la matière inflammable n’étoit pas entièrement éteinte & que la cause des mouvemens de la terre n’étoit pas finie[70].

Mouvement des eaux.

Non seulement les tremblemens s’annoncent par ce bruit, ou ce mugissement rédoutable, mais encore par le mouvement ou le bouillonnement des eaux. Les rivières & les lacs semblent frémir. Les puits se troublent. Les fontaines minérales se colorent, ou se chargent d’une plus grande quantité de minéral. Le commencement de l’effervescence intérieure, faisant monter des vapeurs & agitant l’air intérieur, peut produire tous ces effets. Le mélange subit d’un air chargé d’exhalaisons avec un air pur peut donner lieu aussi à ces phénomènes.

Observations du D. Hales.

Le D. Hales prétend que les tremblemens arrivent pour l’ordinaire dans un beau tems ; mais qu’on apperçoit un nuage noir, & que, quoique le ciel soit serein, dans le moment du tremblement, il paroît souvent chargé de quantité de vapeurs sulfureuses & inflammables, qui se manifestent par des éclairs des feux folets, ou autres météores ignées[71]. C’est le besoin du système, qui donne lieu à toutes ces suppositions. Comme ce Physicien cherche la prémière cause des tremblemens dans l’atmosphère, il falloit aussi arranger cette atmosphère pour cela. En comparant les diverses relations il m’a paru que ces suppositions & ces prétendus phénomènes étoient peu exacts & que les Auteurs se contredisent sur ce sujet. Aristote, Pline & Sénéque assurent que les tremblemens sont précédés d’un air tranquile & serein[72]. Souvent cela arrive ; mais pas toûjours. Je ne sai même, si, tout examiné, on ne trouveroit pas autant d’exceptions à ces règles que d’exemples qui les confirment. Aussi quelques Auteurs ont-ils cru pouvoir établir un ciel ténébreux, des éclairs, ou des orages subits, comme des annonces de tremblemens prochains. Le 7. Juin 1692. à la Jamaïque le ciel étoit serein, l’air tranquile au moment du tremblement qui bouleversa cette Isle. Le jour étoit beau, dit l’Auteur de la rélation de cette catastrophe, & trop beau pour qu’on pût soupçonner le moindre accident. Cependant en trois minutes la plus belle ville des Colonies Angloises fut détruite. Le 22. Février 1703. l’air étoit sans nuage & sans vent à Rome, lors qu’on fut effrayé par des secousses violentes. Le 9. Décembre 1755. on apercevoit à peine le vent à Berne ; il faisoit un brillant soleil, lors qu’on fut surpris par quelques secousses. On a pû voir d’un autre côté dans les rélations que nous avons rapportées, divers tremblemens arrivés pendant de grandes pluyes, durant des vents violens ou avec un ciel nébuleux. On ne peut donc trouver aucun prognostic certain dans l’état de l’atmosphère.

  1. Voici comment Pline le Jeune décrit ce mouvement, Lib. VI. Epist. XVI. Crebris, vastisque tumoribus tecta nutabant, & quasi emota sedibus fuis, nunc huc, nunc illuc abire, sut referri videbantur.
  2. Voyez Voyages de l’Amérique par Don George Juan & Don Antoine de Ulloa. T. I. Part. II. Liv. I. Ch. VII. p. 464. & suiv. Paris 1752. 4.
  3. Lucr. de Rerum Nat. Lib.VI. vs. 553-555.
    Ut jactetur aquæ fluctu quoque terra vacillans,
    Ut vas in terrâ non quit constare, nisi humor
    Destitit in dubio fluctu jactarier intus.
  4. Lucret. ubi supra vs. 560-563.
    Tum, super terram quæ sunt exstructa domoriun,
    Ad coelumque magis quantò sunt edita quæque.
    Inclinata minent in eandem prodita partem,
    Protractæque trabes impendent ire paratæ.
  5. Anton-Lazaro Moro prétend que toutes les montagnes se sont formées ainsi. C’est aller
    trop
  6. Ubi supra, p. 471, 472.
  7. Voyages de Don Ulloa, ubi supra, p. 470.
  8. Hist des tremb. de terre arrivés à Lima. 1752. & Voy. de Don Ulloa.
  9. Phys. Sec. III. Memb. I. Lib. I. Cap. VI.
  10. Hist. de l’Acad. Roy. de Paris. an. 1678.
  11. Réflexions Phys. sur les causes des tremblemens de terre, par Etienne Hales.
  12. T. I. p. 172.
  13. Voyages de Don Ulloa. T. I. p. 473.
  14. p. 464 & 465.
  15. Voyage de Don Ulloa, ubi supra, p. 466.
  16. Ubi supra.
  17. Et autumno ac vere terræ crebrius moventur … Item noctu sæpius quam interdiu. Maximi autem motus existunt matutini vespertinique, sed propinqua luce crebri, interdiu autem circa meridiem. H. N. Lib. II. C. LXXX.
  18. Quæst. N. Lib VI. Cap. XL
  19. Pline a copié ici Aristote, sans examen, comme en plusieurs autres endroits. Fiunt & solis & lunæ defectu, quoniam tunc tempestates sopiuntur. Ibid.
  20. I. Mémoire & VII. Memoire.
  21. On a essuyé à Lima, depuis l’établissement
    des
  22. Arist. Met. Lib. II. Cap. VIII.
  23. Motus fiunt præcipuè cum sequitur imbrem æstus imbresve æstum. H. N. Lib. II. C. Lxxx.
  24. Voyez Rélation des tremblemens du Perou &c.
  25. Plin. H. N. Lib. II. C. LXXX. Varie itaque quatitur, & mira eduntur opera : alibi prostratis mœnibus, alibi hiatu profundo haustis, alibi egestis molibus, alibi emissis amnibus ; nonnunquam etiam ignibus, calidisve fontibus, alibi averso fluminum cursu.
  26. Fournier, Hydrog. Lib. XV. C. XVIII. Voyez Voyages d’Ulloa ubi supra.
  27. Kircher, M. S. T. I. Proœm.
  28. Ubi supra, Lib. II. C. LXXX… Nec simplici modo quatitur, sed tremit vibratque. Hiatus vero alias remanet, ostendens quæ sorbuit, alias occultat ore compresso, rursusque ita inducto solo, ut nulla vestigia exstent, urbibus plerumque devoratis, agrorumque tractu hausto.
  29. Voyez des détails curieux dans l’Ouvrage de l’Académie des Sciences de Naples : De Vesuvii conflagratione quæ mene Majo anno 1737 accidit commentatius, Neapoli 1738. 4.
  30. Spon Hist. de Geneve, T. II. Gen. 1730. p. 139-142.
  31. Voyez-en des exemples déjà rapportés ci-dessus.
  32. Journal de Verdun Nov. 1756. p. 357.
    Extruditque simul mirando pondere Saxa.
    Lucr. Lib. VI. vs. 693.
  33. Meteorol. Lib. II. C. VIII.
  34. Hist. de l’Ac. Roy. de Paris. an. 1708.
  35. Voya. de D. Ulloa, ubi supra, p. 468.
  36. Transact. Phil. an. 1666. No. XXI. Voyez la description de l’incendie du Vesuve sous Tite, l’an 79 de l’Ere Chret. Plinii Epist. Lib. VI. Epist. 16. 20. Vide De Vesuvii conflragrat. Commentar. Neapol. 1738. p. 19. præsationis.
  37. Voyez Hist. du mont Etna. Borellius de incendiis Ætnæ.
  38. Rélation d’un tremblement arrivé au Port-Royal au mois de Juin 1692, &c.
  39. Rélation de M. Muret. Pline suppose que les oiseaux prévoyent même ces tremblemens. Quin & volucres non impavidæ sedentes. Lib. II. C. LXXXI.
  40. Voyez Hist. d’Islande par Anderson.
  41. Voyez Nouv. Bib. Germ. de M. Formey. T. XIX. Part. I.
  42. Plin. Hist. N. lib. II. C. LXXXIII. Factum est semel, quod equidem in Etruscæ disciplinæ voluminibus inveni, ingens terrarum portentum, L. Marcio, Sex. Julio Coss. in agro Mutinensi : namque montes duo inter se concurrerunt, crepitu maximo assultantes, recedentesque, inter eos flamma fumoque in coelum exeunte interdiu, spectante è via Æmilia magna equitum Romanorum, familiarumque & viatorum multitudine. Eo concursu villæ omnes elisæ, animalia permulta, quæ intra fuerant, exanimata sunt, anno ante sociale bellum : quod haud scio an funestius ipsi terræ Italiæ fuerit, quam civilia.
    Non
  43. Voyages de l’Amérique par Don Ant. de Ulloa T. I. 2e Part. Lib. I. C VII. Furnerius Hydrog. Lib. XV. C. XVIII, p. 538.
  44. Sim. Port. Epist. de conflagrat. agri Pu-
    teo-
  45. Memoir. de l’Ac. Roy. an. 1706.
  46. Arist. Meteor. Lib. II. C. VIII.
  47. Strab. Lib. VI.
  48. Plin. H. N. Lib. II. C. LXXXVIII & seq.
  49. Sen. Quaes. N. Lib. VI. C. XXI. &c. Voyez Varenii Geog. gen. Lib. I. C. XVIII. p. XIII. pa. 229. Elz. 1650. Consultez M. de Buffon Hist. Nat. T. I. &c. Voyez aussi His. des ancien. revol. du globe terr. 8. Paris 1752.
  50. Dans le même lieu, qui a été couvert, un savant Botaniste, qui fait l’honneur de notre patrie, herborisoit tranquilement 32 heures avant la chûte. Il ne soupçonnoit pas un péril si prochain & si grand.
  51. Interdum scopulos avulsaque viscera montis
    Erigit eructans. Virg. Æneid Lib. III. vs. 575.
  52. Meteor. Lib. II. C. VIII.
  53. H. N. Lib. II. C. LXXX.
  54. Q. N. Lib. VI. C. XIII.
  55. Nam simul atque movent Euti turbamque minantur,
    Diffugit, extemploque solum tremit actaque rima
    Et grave sub terra murmur demonstrat & ignes
    C. Sev. Ætna, vs 460-462.
    ... quæ causa perennes
    Explicet in densum flammas, eructet ab imo
    Ingenti sonitu moles, & proxima quæque
    Ignibus irriguis urat, Ibid. vs. 25-28.
  56. Mem. de l’Ac. R. de P. an. 1704.
  57. Voya. de D. Ulloa ubi supra.
  58. Histoire de l’Islande par Anderson.
  59. Ce que Pline attribue à Pherecide, Ammian Marcelin l’attribue à Anaxagore, qui, dit-il, cum putealem limum contrectaret, tremores futuros terræ prædixit. Lib. XXII. Eusebe rapporte cette prédiction à Pythagore même, Præp. Ev. Lib. X. Ciceron en fait honneur au Maître, De Div. Lib. II. aussi bien que Maxime de Tyr, qui dit que la chose arriva à Samos. Serm. III.
  60. H. N. Lib. II. C. LXXIX. Præclara quædam esse & immortalis in eo, si credimus, divinitas perhibetur, Anaximandro Milesio Physico, quem ferunt Lacedæmoniis prædixisse, ut urbem ac tecta custodirent : instare enim motum terræ, cum & urbs tota eorum corruit, & Taygeti montis magna pars, ad formam puppis eminens, abrupta, cladem insuper eam ruina pressit. Perhibetur & Pherecydis Pythagoræ Doctoris alia conjectatio, sed & illa divina : haustu aquæ è puteo præsensisse, ac prædixisse ibi terræ motum. Quæ si vera sunt, quantum a Deo tandem videri possunt tales distare, dum vivant ? Et hæc quidem arbitrio cujusque existimanda relinquantur.
  61. Ubi supra Lib. II. C. LXXXI. Navigantes quoque sentiunt non dubia conjectura, sine flatu intumescente fluctu subito, aut quatiente ictu. Intremunt vero & in navibus posita, æquè quam in ædificiis, crepituque prænunciant. Quin & volucres
    non
  62. Loco jam citato.
  63. N. Q. Lib. VI. C. XIII. Antequam terra moveatur, solet mugitus audiri, ventis in abdito tumultuantibus : nec enim aliter posset, ut ait noster Virgilius,
    Sub pedibus mugire solum, & juga celsa moveri: nisi hoc esset ventorum opus.
  64. Magna cum murmure montis circum clausira fremunt.
  65. Spiritus per aliquam rimam maligne fugit, & hoc acrius fertur, quo angustius. Id sine pugna non potest fieri, nec pugna sine motu. Sen. Ibid. C. XIV
  66. Sen. Q. N. Lib. VI. C. XIX. Quomodo in dolio cantantis vox, per totum cum quadam discussione percurrit ac resonat, & tam leviter mota, tamen circuit, non sine tactu ejus tumultuque, quo inclusa est : sic speluncarum sub terra pendentium vastitas habet aëra suum, quem simul alius superne incident percussit, agitat non aliter, quam illa de quibus paullo ante retuli, inania indito clamore sonuerunt.
  67. Hist. des tremblemens de terre du Pérou, T. I. p. 119 & suiv.
  68. Voyez la rélation à la fin du T. II. de cette Histoire en deux lettres.
  69. Ubi supra p. 465.
  70. Ib. p. 469.
  71. Réflex. Phys. sur les tremblemens de terre.
  72. Arist. ubi surpa. Plin. Lib. II. C. lxxix. Sen. Lib. VI. C. xii.