Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette/Tome 1/4

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CHAPITRE II.

Naissance de Marie-Antoinette marquée par un désastre mémorable. — Vers du poëte Métastase. — Pressentimens de l’empereur François Ier. — Un trait du caractère de Marie-Thérèse. — Elle ordonne à l’archiduchesse Josèphe d’aller prier dans le caveau destiné à la famille impériale. — Éducation des archiduchesses. — Charlatanisme employé pour faire croire à des connaissances qu’elles n’avaient pas. — Marie-Antoinette a la bonne foi d’en convenir. — Sa modestie, sa facilité pour apprendre. — Instituteurs que lui avait donnés la cour de Vienne. — Instituteur que lui envoie la cour de France. — L’abbé de Vermond. — Comment il est admis au cercle de la famille impériale. — Rôle équivoque qu’il joue à la cour de France. — Son portrait. — Changement dans le ministère français. — Le cardinal de Rohan remplace le baron de Breteuil comme ambassadeur à Vienne. — Portrait de ce prélat : son luxe, ses prodigalités, ses fautes à la cour de Marie-Thérèse.

Marie-Antoinette-Josèphe-Jeanne de Lorraine, archiduchesse d’Autriche, fille de François de Lorraine et de Marie-Thérèse, naquit le 2 novembre 1755, jour du tremblement de terre de Lisbonne ; et cette catastrophe qui semblait marquer d’un sceau fatal l’époque de sa naissance, sans être pour la princesse un motif de crainte superstitieuse, avait pourtant fait impression sur son esprit. Comme l’impératrice avait déjà un grand nombre de filles, elle désirait vivement avoir encore un fils, et paria, contre son vœu, une discrétion avec le duc de Tarouka qui avait soutenu qu’elle donnerait le jour à un archiduc. Il perdit par la naissance de la princesse, et fit exécuter en porcelaine une figure qui avait un genou en terre, et présentait des tablettes sur lesquelles le célèbre Métastase fit graver les vers suivans[1] :


Jo perdei : l’augusta figlia
A pagar, m’a condannato ;
Ma s’è ver che a voi somoglia,
Tutto il mondo ha guadagnato.


La reine s’entretenait avec plaisir des premières années de sa jeunesse. Son père, l’empereur François, avait fait une profonde impression sur son cœur ; elle le perdit qu’elle avait à peine sept ans. Une de ces circonstances qui se gravent fortement dans la mémoire des enfans, lui rappelait souvent ses dernières caresses. L’empereur partit pour Inspruck ; il était déjà sorti de son palais, lorsqu’il donna l’ordre à un gentilhomme d’aller prendre l’archiduchesse Marie-Antoinette et de l’apporter à sa voiture. Quand elle fut arrivée, il tendit les bras pour la recevoir, et dit après l’avoir pressée contre son cœur : « J’avais besoin d’embrasser encore cet enfant. » L’empereur mourut subitement pendant ce voyage, et ne revit jamais sa fille chérie.

La reine parlait souvent de sa mère avec un profond respect, mais elle avait formé tous ses projets pour l’éducation de ses enfans d’après les choses essentielles qui avaient été négligées dans la sienne. Marie-Thérèse, imposante par ses grandes qualités, inspirait aux archiduchesses plus de crainte et de respect que d’amour ; c’est au moins ce que j’ai remarqué dans les sentimens de la reine pour son auguste mère ; aussi désirait-elle ne jamais établir entre elle et ses enfans cette distance qui avait existé dans la famille impériale. Elle en citait un effet funeste, et qui lui avait fait une impression si forte que le temps n’avait pu l’effacer. Lorsque l’empereur Joseph II perdit sa femme, elle lui fut enlevée en peu de jours par une petite vérole de la plus mauvaise qualité. Son cercueil venait d’être déposé dans le caveau de la famille impériale. L’archiduchesse Josèphe, accordée au roi de Naples, au moment de quitter Vienne, reçut de l’impératrice l’ordre de ne point partir sans avoir été faire une prière dans le caveau de ses pères ; la jeune archiduchesse, persuadée qu’elle gagnerait la maladie dont sa belle-sœur venait d’être la victime, regarda cet ordre comme son arrêt de mort. Elle aimait tendrement la jeune archiduchesse Marie-Antoinette : elle la prit sur ses genoux, l’embrassa en pleurant, et lui dit qu’elle ne la quitterait pas pour se rendre à Naples, mais bien pour ne la plus revoir ; qu’elle allait descendre au caveau de ses pères, mais qu’elle y retournerait bientôt pour y rester. Son pressentiment fut réalisé ; une petite vérole confluente l’emporta en peu de jours. Sa sœur cadette monta à sa place sur le trône de Naples.

L’impératrice était trop occupée de grands intérêts politiques, pour pouvoir se livrer aux soins de la maternité. Le célèbre Wanswitten, son médecin, venait visiter tous les matins la jeune famille impériale, se rendait ensuite près de Marie-Thérèse et lui donnait les détails les plus circonstanciés sur la santé des archiducs et des archiduchesses qu’elle ne voyait quelquefois qu’après un intervalle de huit ou dix jours. Aussitôt qu’on avait connaissance de l’arrivée d’un étranger de marque à Vienne, l’impératrice s’environnait de sa famille, l’admettait à sa table, et donnait à croire, par ce rapprochement calculé, qu’elle-même présidait à l’éducation de ses enfans.

Les grandes maîtresses, n’ayant aucune inspection à craindre de la part de Marie-Thérèse, cherchèrent à se faire aimer de leurs élèves en suivant la route si blâmable et si commune d’une indulgence funeste aux progrès et au bonheur futur de l’enfance. Marie-Antoinette fit congédier sa grande maîtresse en avouant à l’impératrice que toutes ses pages d’écriture et toutes ses lettres étaient habituellement tracées au crayon ; la comtesse de Brandès fut nommée pour remplacer cette gouvernante, et s’acquitta de ses devoirs avec beaucoup d’exactitude et de talent. La reine regardait comme un malheur pour elle d’avoir été trop tard confiée à ses soins, et resta toujours en relation d’amitié avec cette dame. L’éducation de Marie-Antoinette fut donc très-négligée[2]. Les papiers publics retentissaient cependant de la supériorité des talens de la jeune famille de Marie-Thérèse. On y rendait souvent compte des réponses que les jeunes princesses faisaient en latin aux harangues qui leur étaient adressées ; elles les prononçaient il est vrai, mais sans les comprendre : elles ne savaient pas un mot de cette langue.

On parlait un jour à la reine d’un dessin fait par elle et donné par l’impératrice à M. Gérard, premier commis des affaires étrangères, lorsqu’il avait été à Vienne pour rédiger les articles de son contrat de mariage. Je rougirais, répondit-elle, si l’on me présentait cette preuve de la charlatanerie de mon éducation ; je ne crois pas avoir une seule fois posé le crayon sur ce dessin. Cependant elle savait parfaitement ce qui lui avait été enseigné. Sa facilité à apprendre était inconcevable, et si tous ses maîtres eussent été aussi instruits et aussi fidèles à leurs devoirs que l’abbé Métastase, qui lui avait enseigné l’italien, elle aurait atteint le même degré de supériorité dans les autres parties de son éducation. La reine parlait cette langue avec grâce et facilité, et traduisait les poëtes les plus difficiles. Elle n’écrivait pas le français correctement, mais elle le parlait avec la plus grande aisance, et mettait même de l’affectation à dire qu’elle ne savait plus l’allemand. En effet, elle voulut essayer, en 1787, d’apprendre sa langue maternelle, et en prit des leçons avec assiduité pendant six semaines ; elle fut obligée d’y renoncer, éprouvant toutes les difficultés qu’aurait à vaincre une Française qui se livrerait trop tard à cette étude. Elle abandonna de même l’anglais que je lui avais enseigné pendant quelque temps, et dans lequel elle avait fait des progrès rapides. La musique était le talent qui plaisait le plus à la reine. Elle ne jouait bien d’aucun instrument, mais elle était parvenue à déchiffrer à livre ouvert, comme le meilleur professeur. Elle avait acquis ce degré de perfection en France, cette partie de son éducation ayant été aussi négligée à Vienne que les autres. Peu de jours après son arrivée à Versailles, on lui présenta son maître de chant ; c’était La Garde, auteur de l’opéra d’Églé. Elle lui donna un rendez-vous pour un temps assez éloigné, ayant besoin, disait-elle, de se reposer des fatigues de la route et des fêtes nombreuses qui avaient eu lieu à Versailles ; mais son motif réel était de cacher à quel point elle ignorait les premiers élémens de la musique. Elle demanda à M. Campan si son fils, qui était bon musicien, pourrait en secret lui donner, pendant trois mois, des leçons : « Il faut, ajouta-t-elle en souriant, que la dauphine prenne soin de la réputation de l’archiduchesse. » Les leçons s’établirent secrètement, et, au bout de trois mois de travail constant, elle fit appeler M. La Garde et l’étonna par sa facilité.

Le désir de perfectionner Marie-Antoinette dans l’étude de la langue française fut probablement le motif qui avait déterminé Marie-Thérèse à lui donner pour maîtres et lecteurs deux comédiens français, Aufresne pour la prononciation et la déclamation, et un nommé Sainville pour le goût du chant français ; ce dernier avait été officier en France, et passait pour un mauvais sujet. Ce choix déplut justement à notre cour. Le marquis de Durfort, alors ambassadeur à Vienne, reçut l’ordre de faire des représentations à l’impératrice sur un pareil choix. Les deux acteurs furent congédiés, et cette princesse demanda qu’on lui adressât un ecclésiastique. Ce fut à cette époque que le duc de Choiseul s’occupa de lui envoyer un instituteur. Plusieurs ecclésiastiques distingués refusèrent de se charger de fonctions aussi délicates ; d’autres désignés par Marie-Thérèse (entre autres l’abbé Grisel) tenaient à des partis qui devaient les faire exclure.

M. l’archevêque de Toulouse, depuis archevêque de Sens entra un jour chez M. le duc de Choiseul, au moment où il était véritablement embarrassé pour cette nomination ; il lui proposa l’abbé de Vermond, bibliothécaire du collége des Quatre-Nations. Le bien qu’il dit de son protégé le fit agréer le jour même ; et la reconnaissance de l’abbé de Vermond pour le prélat fut bien funeste à la France, puisque, après dix-sept ans d’efforts persévérans pour l’amener au ministère, il parvint à le faire nommer contrôleur-général et chef du conseil.

Cet abbé de Vermond, dont les historiens parleront peu parce que son pouvoir était resté dans l’ombre, déterminait presque toutes les actions de la reine. Il avait établi son influence sur elle dans l’âge où les impressions sont le plus durables, et il était aisé de voir qu’il n’avait cherché qu’à se faire aimer de son élève, et s’était très-peu occupé du soin de l’instruire. On pourrait l’accuser même d’avoir, par un calcul adroit mais coupable, laissé son élève dans l’ignorance. Marie-Antoinette parlait la langue française avec beaucoup d’agrément, mais l’écrivait moins bien. L’abbé de Vermond revoyait toutes les lettres qu’elle envoyait à Vienne. La fatuité insoutenable avec laquelle il s’en vantait, dévoilait le caractère d’un homme plus flatté d’être initié dans les secrets intimes, que jaloux d’avoir rempli dignement les importantes fonctions d’instituteur.

Son orgueil avait pris naissance à Vienne, où Marie-Thérèse, autant pour lui donner du crédit sur l’esprit de l’archiduchesse, que pour s’emparer du sien, lui avait permis de se rendre tous les soirs au cercle intime de sa famille, où depuis quelque temps la future dauphine était elle-même admise. Joseph II, les archiduchesses aînées, quelques seigneurs honorés de la confiance de Marie-Thérèse, formaient cette réunion ; et tout ce qu’on peut attendre de personnes d’un rang élevé, en réflexions sur le monde, sur les cours et sur les devoirs des princes, faisait le sujet habituel de ces entretiens. L’abbé de Vermond, en racontant ces détails, avouait le moyen qu’il avait employé pour être admis dans ce cercle intime. L’impératrice, l’ayant rencontré chez l’archiduchesse, lui demanda s’il avait formé quelques liaisons à Vienne ? « Aucune, Madame, répondit-il ; l’appartement de madame l’archiduchesse et l’hôtel de l’ambassadeur de France, sont les seuls lieux que doive fréquenter l’homme honoré du soin de l’éducation de la princesse. » Un mois après, Marie-Thérèse, par une habitude assez ordinaire aux souverains, rencontrant l’abbé, lui fit la même question, et sa réponse fut exactement semblable. Le lendemain il reçut l’ordre de se rendre tous les soirs au cercle de la famille impériale.

Il est très-probable, par les relations constantes et connues de cet homme avec le comte de Mercy, ambassadeur de l’Empire pendant toute la durée du règne de Louis XVI, qu’il était utile à la cour de Vienne[3], et qu’il a souvent déterminé la reine à des démarches dont elle n’appréciait pas les conséquences. Né dans une classe obscure de la bourgeoisie[4], imbu de tous les principes de la philosophie moderne, et cependant tenant plus qu’aucun ecclésiastique à la hiérarchie du clergé, vain, bavard, fin et brusque à la fois, fort laid et affectant l’homme singulier ; traitant les gens les plus élevés comme ses égaux, quelquefois même comme ses inférieurs, l’abbé de Vermond recevait des ministres et des évêques dans son bain ; mais disait en même temps que le cardinal Dubois avait été un sot ; qu’il fallait qu’un homme de sa sorte, parvenu au crédit, fît des cardinaux et refusât de l’être.

Enivré de la réception que la cour de Vienne lui avait faite, n’ayant rien vu de grand avant cette époque, l’abbé de Vermond n’admirait et n’estimait que les usages de la famille impériale ; il ne cessait de tourner en dérision l’étiquette de la maison de Bourbon ; la jeune dauphine était sans cesse excitée par ses sarcasmes à s’en dégager, et ce fut lui qui, le premier, lui fit supprimer une infinité d’usages dont il ne jugeait ni la sagesse ni le but politique. Tel est le portrait exact de cet homme que l’étoile funeste de Marie-Antoinette lui avait réservé pour guider ses premiers pas sur un théâtre aussi éminent et aussi dangereux que celui de la cour de Versailles.

On trouvera peut-être que je peins sévèrement le caractère de l’abbé de Vermond ; mais comment pourrais-je voir sous des couleurs favorables un homme qui, après s’être arrogé le rôle important de confident et de conseiller unique de la reine, la dirigea avec si peu de prudence, et nous donna la douleur de voir cette princesse mêler à des qualités qui faisaient le charme de tout ce qui l’environnait, des torts qui nuisaient à sa gloire et à son bonheur ? Quand volontairement un homme s’empare de devoirs aussi importans, le succès complet peut seul légitimer son ambition.

Tandis que M. de Choiseul, satisfait du sujet que M. de Brienne lui avait présenté, l’envoyait à Vienne avec tous les éloges faits pour inspirer une confiance illimitée, le marquis de Durfort faisait partir un valet de chambre coiffeur et quelques modes françaises, et l’on crut avoir pris des précautions suffisantes pour former une princesse destinée au trône de France.

Tout le monde sait que le mariage de monseigneur le dauphin avec l’archiduchesse avait été arrêté à l’époque de la puissance du duc de Choiseul. La procuration pour la cérémonie du mariage fut donnée au marquis de Durfort, qui devait remplacer dans l’ambassade de Vienne le baron de Breteuil ; mais six mois après le mariage du dauphin, le duc de Choiseul fut disgracié, et mesdames de Marsan et de Guéménée, qui se trouvèrent plus puissantes par la disgrâce du duc, firent donner cette ambassade au prince Louis de Rohan depuis cardinal et grand-aumonier.

La Gazette de France suffit donc pour répondre aux libellistes ignorans qui ont osé dire que la jeune archiduchesse avait connu le cardinal de Rohan avant l’époque de son mariage. On ne pouvait faire un choix plus mauvais en lui-même et plus désagréable à Marie-Thérèse, qu’en lui envoyant, comme ambassadeur, un homme aussi léger et aussi immoral que l’était le prince Louis de Rohan. Il n’avait que de faibles teintures en tous genres, et ignorait tout ce qui peut servir à la diplomatie. Sa réputation l’avait précédé à Vienne, et sa mission s’entama sous les auspices les plus défavorables. Manquant d’argent, et la maison de Rohan ne pouvant lui faire de grandes avances, il obtint de sa cour un brevet qui l’autorisait à emprunter sur ses bénéfices la somme de 600,000 liv., s’endetta de plus d’un million, et crut éblouir la ville et la cour de Vienne par le luxe le plus indécent et en même temps le plus mal entendu. Il s’était attaché huit ou dix gentilshommes portant d’assez beaux noms, douze pages également bien nés, une foule d’officiers et de valets, une musique de chambre, etc. Mais ce vain éclat ne fut pas de durée ; l’embarras et la détresse ne tardèrent pas à se faire remarquer ; ses gens n’étant plus payés, abusèrent pour faire de l’argent du privilége des franchises, et firent la contrebande[5] avec tant d’impudeur que Marie-Thérèse, pour la faire cesser et ménager la cour de France, fut obligée de supprimer les franchises de tous les corps diplomatiques, ce qui rendit la personne et la conduite du prince Louis odieuse dans toutes les cours étrangères. Il obtenait rarement des audiences particulières de l’impératrice qui ne l’estimait pas, et s’exprimait sans ménagement sur sa conduite comme évêque et comme ambassadeur[6]. Il crut se mettre en faveur en travaillant au mariage de l’archiduchesse Élisabeth, sœur aînée de Marie-Antoinette, avec Louis XV, affaire qui fut gauchement entreprise, et que madame Du Barry n’eut pas de peine à faire échouer. J’ai cru ne devoir négliger aucun détail sur le caractère moral et politique d’un homme dont l’existence a été dans la suite si funeste à la gloire de Marie-Antoinette.


  1. La réputation de Métastase s’étant répandue en Europe, après le succès de son opéra, intitulé : Didone abbandonata, l’empereur Charles VI l’appela dans sa cour. Il reçut le titre de poeta cesareo avec un traitement de trois mille florins. Ce fut à Vienne, où il vécut aimé, estimé, honoré même de l’impératrice Marie-Thérèse, qu’il composa la plupart de ses chefs-d’œuvre. N’oublions pas que, dans le nombre des poésies légères qui étaient pour sa muse d’agréables délassemens, et qu’il offrait aux jeunes archiduchesses, se trouve une cantate flatteuse pour la nation française.
    (Note de l’édit.)
  2. À l’exception de la langue italienne, tout ce qui tient aux belles-lettres, et surtout à l’histoire de son pays même, lui était à peu près inconnu. On s’en aperçut bientôt à la cour de France, et de-là vient l’opinion assez généralement répandue qu’elle manquait d’esprit. On verra dans la suite de ces Mémoires si cette opinion était bien ou mal fondée.
    (Note de madame Campan.)
  3. Comment supportez-vous ce bavard ennuyeux ? disait un jour au comte de Mercy une personne qui avait dîné avec l’abbé de Vermond chez cet ambassadeur. — Comment me le demandez-vous ? répondit M. de Mercy ; vous pourriez vous-même faire la réponse : c’est que j’en ai besoin.
    (Note de madame Campan.)
  4. Fils d’un chirurgien de village, et frère d’un accoucheur qui le fut de la reine, l’abbé de Vermond, quand il était chez Sa Majesté, n’appelait jamais son frère que M. l’accoucheur, en lui adressant la parole.
    (Note de madame Campan.)
  5. J’ai souvent entendu raconter à la reine qu’il s’était vendu en un an, dans le secrétariat du prince de Rohan, à Vienne, plus de bas de soie qu’à Lyon et à Paris.
    (Note de madame Campan.)
  6. Ce prélat, vain, léger, dissipateur, avait près de lui, pour conseil et pour secrétaire d’ambassade, un homme capable, adroit, rusé, instruit, laborieux : c’était un jésuite. L’abbé Georgel jouissait de toute la confiance du prince de Rohan, et la méritait par son dévouement et son habileté. Une circonstance singulière, romanesque, et qu’il a racontée lui-même dans des Mémoires un peu longs, mais souvent curieux, lui découvrit les secrets de la cour de Vienne. On trouvera dans les Éclaircissemens le récit de cette anecdote : elle se rattache à l’histoire d’une ambassade qui, quoi qu’en dise ici madame Campan, fut sans dignité peut-être, mais ne fut ni sans adresse ni sans succès dans ce genre de guerre sourde et cachée que se font les diplomates (lettre B). J’y joins un morceau remarquable (lettre C) par les détails qu’il renferme sur les moyens employés autrefois à Vienne, à Londres, à Paris, dans toutes les cours, et surtout par Louis XIV, par Marie-Thérèse et Louis XV, pour gager des espions intelligens, corrompre la fidélité des commis, surprendre le secret des chiffres, et violer celui des lettres : moyens honteux, mais utiles, que la probité repousse, dont les gouvernemens rougissent, sans doute, et qu’ils feraient encore mieux de ne pas employer.
    (Note de l’édit.)