Mémorial de Sainte-Hélène (1842)/Tome 2/Chapitre 20

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Ernest Bourdin (Tome IIp. 858-867).


TESTAMENT DE NAPOLÉON


Ceci est mon testament, ou acte de ma dernière volonté.


Ce jourd’hui 15 avril 1821, à Longwood, île de Sainte-Hélène.


I.


1° Je meurs dans la religion apostolique et romaine, dans le sein de laquelle je suis né il y a plus de cinquante ans.

2° Je désire que mes cendres reposent sur les bords de la Seine, au milieu de ce peuple français que j’ai tant aimé.

3° J’ai toujours eu à me louer de ma très chère épouse Marie-Louise. Je lui conserve, jusqu’au dernier moment, les plus tendres sentiments je la prie de veiller, pour garantir mon fils des embûches qui environnent encore son enfance.

4° Je recommande à mon fils de ne jamais oublier qu’il est né prince français, et de ne jamais se prêter à être un instrument entre les mains des triumvirs qui oppriment les peuples de l’Europe. Il ne doit jamais combattre ni nuire en aucune manière à la France ; il doit adopter ma devise : Tout pour le peuple français.

5° Je meurs prématurément, assassiné par l’oligarchie anglaise et son sicaire. Le peuple anglais ne tardera pas à me venger.

6° Les deux issues si malheureuses des invasions de la France, lorsqu’elle avait encore tant de ressources, sont dues aux trahisons de Marmont, Augereau, Talleyrand et de Lafayette. Je leur pardonne. Puisse la postérité française leur pardonner comme moi !

7° Je remercie ma bonne et très excellente mère, le cardinal, mes frères Joseph, Lucien, Jérôme, Pauline, Caroline, Julie, Hortense, Catherine, Eugène, de l’intérêt qu’ils m’ont conservé. Je pardonne à Louis le libelle qu’il a publié en 1820. Il est plein d’assertions fausses et de pièces falsifiées.

8° Je désavoue le manuscrit de Sainte-Hélène et autres ouvrages sous le titre de Maximes, Sentences, etc., que l’on s’est plu à publier depuis six ans : là ne sont pas les règles qui ont dirigé ma vie. J’ai fait arrêter et juger le duc d’Enghien, parce que cela était nécessaire à la sûreté, à l’intérêt et à l’honneur du peuple français, lorsque le comte d’Artois entretenait, de son aveu, soixante assassins à Paris. (Dans de semblables circonstances j’agirais de même.)


II.


1° Je lègue à mon fils les boites, ordres et autres objets, tels qu’argenterie, lit de camp, armes, selles, éperons, vases de ma chapelle, livres, linges qui ont servi à mon corps et à mon usage, conformément à l’état annexé, coté A. Je désire que ce faible legs lui soit cher, comme lui retraçant le souvenir d’un père dont l’univers l’entretiendra.

2° Je lègue à lady Holland le camée antique que le pape Pie VI m’a donné à Tolentino.

3° Je lègue au comte Montholon, deux millions de francs comme une preuve de ma satisfaction des soins filials qu’il m’a rendus depuis six ans, et l’indemniser des pertes que son séjour à Sainte-Hélène lui a occasionnées.

4° Je lègue au comte Bertrand cinq cent mille francs.

5° Je lègue à Marchand, mon premier valet de chambre, quatre cent mille francs. Les services qu’il m’a rendus sont ceux d’un ami : je désire qu’il épouse une veuve, sœur ou fille d’un officier ou soldat de ma vieille garde.

Idem à Saint-Denis, cent mille francs.

Idem à Novarre, cent mille francs.

Idem à Peyron, cent mille francs.

Idem à Archambaud, cinquante mille francs.

10° Idem à Corsot, vingt-cinq mille francs.

11° Idem à Chandellier, idem.

12° Idem à l’abbé Vignali, cent mille francs. Je désire qu’il bâtisse sa maison près de Ponte-Novo de Rostino.

13° Idem au comte de Las Cases, cent mille francs.

14° Idem au comte de Lavalette, cent mille francs.

15° Idem au chirurgien en chef Larrey, cent mille francs. C’est l’homme le plus vertueux que j’aie connu.

16° Idem au général Brayer, cent mille francs.

17° Idem au général Lefèvre Desnouettes, cent mille francs.

18° Idem au général Drouot, cent mille francs.

19° Idem au général Cambronne, cent mille francs.

20° Idem aux enfants du général Mouton-Duverney, cent mille francs.

21° Idem aux enfants du brave La Bédoyère, cent mille francs.

22° Idem aux enfants du général Girard, tué à Ligny, cent mille francs.

23° Idem aux enfants du général Chartrand, cent mille francs.

24° Idem aux enfants du vertueux général Travot, cent mille francs.

25° Idem au général Lallemand, l’aîné, cent mille francs.

26° Idem au comte Réal, cent mille francs.

27° Idem à Costa de Bastilica, en Corse, cent mille francs.

28° Idem au général Clausel, cent mille francs.

29° Idem au baron de Meneval, cent mille francs.

30° Idem à Arnault, auteur de Marius, cent mille francs.

31° Idem au colonel Marbot, cent mille francs. Je l’engage à continuer à écrire pour la défense de la gloire des armes françaises, et en confondre les calomniateurs et les apostats.

32° Idem au baron Bignon, cent mille francs. Je l’engage à écrire l’histoire de la diplomatie française de 1792 à 1815.

33° Idem à Poggi, de Tataro, cent mille francs.

34° Idem au chirurgien Emmery, cent mille francs.

35° Ces sommes seront prises sur les six millions que j’ai placés, en partant de Paris, en 1815, et sur les intérêts, à raison de 5 pour 100, depuis juillet 1815. Les comptes en seront arrêtés avec le banquier, par les comtes Montholon, Bertrand, et Marchand.

36° Tout ce que ce placement produira au-delà de la somme de cinq millions six cent mille francs dont il a été disposé ci-dessus, sera distribué en gratifications aux blessés de Waterloo, et aux officiers et soldats du bataillon de l’île d’Elbe, sur un état arrêté par Montholon, Bertrand, Drouot, Cambronne et le chirurgien Larrey.

37° Ces legs, en cas de mort, seront payés aux veuves et enfants, et au défaut de ceux-ci, rentreront à la masse.


III.


1° Mon domaine privé était ma propriété, dont aucune loi française ne m’a privé, que je sache. Le compte en sera demandé au baron de La Bouillerie qui en était le trésorier. Il doit se monter à plus de deux cent millions de francs, savoir : 1° le portefeuille contenant les économies que j’ai, pendant quatorze ans faites, sur ma liste civile, lesquelles se sont élevées à plus de douze millions par an : j’ai bonne mémoire ; 2° le produit de ce portefeuille ; 3° les meubles de mes palais tels qu’ils étaient en 1814. Les palais de Rome, Florence, Turin, compris tous ces meubles, ont été achetés des deniers des revenus de la liste civile ; 4° la liquidation de mes maisons du royaume d’Italie, tels qu’argent, bijoux, meubles, écuries : les comptes en seront donnés par le prince Eugène, et l’intendant de la couronne Compagnoni.

Napoléon.


Deuxième feuille.

2° Je lègue mon domaine privé, moitié aux officiers et soldats qui restent des armées françaises, qui ont combattu depuis 1792 jusqu’à 1815, pour la gloire et l’indépendance de la nation. La répartition en sera faite au prorata des appointements d’activité ; moitié aux villes et campagnes d’Alsace, de Lorraine, de Franche-Comté, de Bourgogne, de l’Île-de-France, de Champagne, Forez, Dauphiné, qui auraient souffert par l’une ou l’autre invasion. Il sera, de cette somme, prélevé un million pour la ville de Brienne, et un million pour celle de Méry.

J’institue les comtes Montholon, Bertrand, et. Marchand, mes exécuteurs testamentaires.

Ce présent testament, tout écrit de ma propre main, est signé et scellé de mes armes.

Napoléon.
(Sceau)


ÉTAT (A) JOINT À MON TESTAMENT.


Longwood, île de Sainte-Hélène, ce 15 avril 1821


I.

1° Les vases sacrés qui ont servi à ma chapelle à Longwood.

2° Je charge l’abbé Vignaly de les garder et de les remettre à mon fils quand il aura seize ans.

II.

1° Mes armes, savoir : mon épée, celle que je portais à Austerlitz, le sabre de Sobieski, mon poignard, mon glaive, mon couteau de chasse, mes deux paires de pistolets de Versailles.

2° Mon nécessaire d’or, celui qui m’a servi le matin d’Ulm, d’Austerlitz, d’Iéna, d’Eylau, de Friedland, de l’île de Lobau, de la Moscowa, de Montmirail. Sous ce point de vue, je désire qu’il soit précieux à mon fils. (Le comte Bertrand en est dépositaire depuis 1814.)

3° Je charge le comte Bertrand de soigner et conserver ces objets, et de les remettre à mon fils quand il aura seize ans.

III.

1° Trois petites caisses d’acajou contenant, la première, trente-trois tabatières ou bonbonnières ; la deuxième, douze boites aux armes impériales, deux petites lunettes et quatre boites trouvées sur la table de Louis XVIII, aux Tuileries, le 20 mars 1815 ; la troisième, trois tabatières ornées de médailles d’argent a l’usage de l’empereur, et divers effets de toilette, conformément aux états numérotés I, II, III.

2° Mon lit de camp, dont j’ai fait usage dans toutes mes campagnes.

3° Ma lunette de guerre.

4° Mon nécessaire de toilette. Un de chacun de mes uniformes, une douzaine de chemises, et un objet complet de chacun de mes habillements, et généralement de tout ce qui sert a ma toilette.

5° Mon lavabo.

6° Une petite pendule qui est dans ma chambre à coucher de Longwood.

7° Mes deux montres et la chaîne de cheveux de l’Impératrice.

8° Je charge Marchand, mon premier valet de chambre, de garder ces objets, et de les remettre à mon fils lorsqu’il aura seize ans.

IV.

1° Mon médailler.

2° Mon argenterie et ma porcelaine de Sèvres, dont j’ai fait usage à Sainte-Hélène : états b et c.

3° Je charge le comte Montholon de garder ces objets, et de les remettre à mon fils quand il aura seize ans.

V.

1° Mes trois selles et brides, mes éperons qui m’ont servi à Sainte-Hélène.

2° Mes fusils de chasse, au nombre de cinq.

3° Je charge mon chasseur Noveras de garder ces objets, et de les remettre à mon fils quand il aura seize ans.

VI.

1° Quatre cents volumes choisis dans ma bibliothèque parmi ceux qui ont le plus servi à mon usage.

2° Je charge Saint-Denis de les garder, et de les remettre à mon fils quand il aura seize ans.

Napoléon.


ÉTAT (A).


1° Il ne sera vendu aucun des effets qui m’ont servi. Le surplus sera partagé entre mes exécuteurs testamentaires et mes frères.

2° Marchand conservera mes cheveux, et en fera faire un bracelet avec un petit cadenas en or pour être envoyé à l’impératrice Marie-Louise, à ma mère, et à chacun de mes frères, sœurs, neveux, nièces, au Cardinal, et un plus considérable pour mon fils.

3° Marchand enverra une de mes paires de boucles à souliers, en or, au prince Joseph.

4° Une petite paire de boucles en or, à jarretière, au prince Lucien.

5° Une boucle de col en or, au prince Jérôme.

État (A).


Inventaire de mes effets que Marchand doit garder pour remettre à mon fils.


1° Mon nécessaire d’argent, celui qui est sur ma table, garni de tous ses ustensiles, rasoirs, etc.

2° Mon réveille-matin. C’est le réveille-matin de Frédéric II, que j’ai pris à Postdam (dans la boite n° III).

3° Mes deux montres avec les chaînes des cheveux de l’impératrice, et une chaîne de mes cheveux pour l’autre montre. Marchand la fera faire à Paris.

4° Mes deux sceaux (un de France, enfermé dans la boite n° III.)

5° La petite pendule dorée qui est actuellement dans ma chambre à coucher.

6° Mon lavabo, son pot à eau et son pied.

7° Mes tables de nuit, celles qui me servaient en France, et mon bidet de vermeil.

8° Mes deux lits de fer, mes matelas et mes couvertures, s’ils se peuvent conserver.

9° Mes trois flacons d’argent où l’on mettait mon eau-de-vie que portaient mes chasseurs en campagne.

10° Ma lunette de France.

11° Mes éperons, deux paires.

12° Trois boites d’acajou, nos I, II, III, renfermant mes tabatières et autres objets.

13° Une cassolette en vermeil.


Linge de toilette.

6 Chemises.
6 mouchoirs.
6 cravates.
6 serviettes,
6 paires de bas de soie.
4 cols noirs.
6 paires de chaussettes.
2 paires de draps de batiste.
2 taies d’oreiller.
2 robes de chambre.
2 pantalons de nuit.
1 paire de bretelles.
4 culottes, vestes de casimir blanc.
6 madras.
6 gilets de flanelle.
4 caleçons
6 paires de gants.
1 petite boite pleine de mon tabac.
1 boucle de col en or.
1 paire de boucles de jarretières, en or.
1 paire de boucles en or, à souliers.

Ces trois derniers articles renfermés dans la petite boite, n° III.


Habillement.

1 uniforme chasseur.
1 dito grenadier.
1 dito garde national.
2 chapeaux.
1 capote grise et verte.
1 manteau bleu (celui que j’avais à Marengo).
1 zibeline pelisse verte.
2 paires de souliers.
2 paires de bottes.
1 paire de pantoufles.
6 ceinturons.

Napoléon.


ÉTAT (B).


Inventaire des effets que j’ai laissés chez M. le comte de Turenne.

1 Sabre de Sobieski[1].
1 grand collier de la Légion-d’Honneur.
1 épée en vermeil.
1 glaive de consul.
1 épée en fer.
1 ceinturon de velours.
1 collier de la Toison-d’Or.
1 petit nécessaire en acier.
1 veilleuse en argent.
1 poignée de sabre antique.
1 chapeau à la Henri IV et une toque, les dentelles de l’Empereur.
1 petit médailler.
2 tapis turcs.
2 manteaux de Velours cramoisi brodés, avec veste et culottes.

1° Je donne à mon fils :

Le sabre de Sobieski.
Le collier de la Légion-d’Honneur.
L’épée en vermeil.
Le glaive de consul.
L’épée en fer.
Le collier de la Toison-d’Or.
Le chapeau à la Henri IV et la toque.
Le nécessaire d’or pour les dents, resté chez le dentiste.

2° À l’impératrice Marie-Louise, mes dentelles.

À Madame, la veilleuse en argent.
Au Cardinal, le petit nécessaire en acier.
Au prince Eugène, le bougeoir en vermeil.
À la princesse Pauline, le petit médailler.
À la reine de Naples, un petit tapis turc.
À la reine Hortense, un petit tapis turc.
Au prince Jérôme, la poignée du sabre antique.
Au prince Joseph, un manteau brodé, veste et culotte.
Au prince Lucien, un manteau brodé, veste et culotte.

Napoléon.


Ce 24 avril 1821. Longwood.


Ceci est mon Codicille, ou acte de ma dernière volonté.


Sur les fonds remis en or à l’impératrice Marie-Louise, ma très chère et bien aimée épouse, à Orléans, en 1814, elle reste me devoir deux millions, dont je dispose par le présent codicille, afin de récompenser mes plus fidèles serviteurs, que je recommande du reste à la protection de ma chère Marie-Louise.

1° Je recommande à l’impératrice de faire restituer au comte Bertrand les trente mille francs de rente qu’il possède dans le duché de Parme, et sur le mont Napoléon de Milan, ainsi que les arrérages échus.

2° Je lui fais la même recommandation pour le duc d’Istrie, la fille de Duroc, et autres de mes serviteurs qui me sont restés fidèles, et qui me sont toujours chers ; elle les connaît.

3° Je lègue, sur les deux millions ci-dessus mentionnés, trois cent mille francs au comte Bertrand, sur lesquels il versera cent mille dans la caisse du trésorier pour être employés, selon mes dispositions, à des legs de conscience.

4° Je lègue deux cent mille francs au comte Montholon, sur lesquels il versera cent mille dans la caisse du trésorier, pour le même usage que ci-dessus.

Idem deux cent mille francs au comte de Las Cases, sur lesquels il versera cent mille dans la caisse du trésorier, pour le même usage que ci-dessus.

Idem à Marchand, cent mille francs, sur lesquels il versera cinquante mille dans la caisse, pour le même usage que ci-dessus.

7° Au maire d’Ajaccio, au commencement de la révolution, Jean-Jérôme Lévi, ou à sa veuve, enfants ou petits-enfants, cent mille francs.

8° À la fille de Duroc, cent mille francs.

9° Au fils de Bessières, duc d’Istrie, cent mille francs.

10° Au général Drouot, cent mille francs.

11° Au comte Lavalette, cent mille francs.

12° Idem cent mille francs, savoir :

Vingt-cinq mille à Piéron, mon maître d’hôtel.
Vingt-cinq mille à Novarre, mon chasseur.
Vingt-cinq mille à Saint-Denis, le garde de mes livres.
Vingt-cinq mille à Santini, mon ancien huissier.

13° Idem cent mille francs, savoir :

Quarante mille à Planat, mon officier d’ordonnance
Vingt mille à Hébert, dernièrement concierge à Rambouillet, et qui était de ma chambre en Égypte.
Vingt mille à Lavigne, qui était dernièrement concierge d’une de mes écuries, et qui était mon piqueur en Égypte.
Vingt mille francs à Jannet Dervieux, qui était piqueur des écuries, et me servait en Égypte.

14° Deux cent mille francs seront distribués en aumônes aux habitants de Brienne-le-Château, qui ont le plus souffert.

15° Les trois cent mille francs restant seront distribués aux officiers et soldats du bataillon de ma garde de l’île d’Elbe, actuellement vivants, ou à leurs veuves et enfants, au prorata de leurs appointements, et selon l’état qui sera arrêté par mes exécuteurs testamentaires. Les amputés ou blessés grièvement auront le double. L’état en sera arrêté par Larrey et Emmery.

Ce codicille est écrit tout de ma propre main, signé et scellé de mes armes.

Napoléon.


Ce 24 avril 1821. Longwood.


Ceci est mon codicille ou acte de ma dernière volonté.


Sur la liquidation de ma liste civile d’Italie, tels que argent, bijoux, argenterie, linge, meubles, écuries, dont le vice-roi est dépositaire, et qui m’appartenaient, je dispose de deux millions que je lègue à mes plus fidèles serviteurs. J’espère que sans s’autoriser d’aucune raison, mon fils Eugène Napoléon les acquittera fidèlement. Il ne peut oublier les quarante millions de francs que je lui ai donnés, soit en Italie, soit par le partage de la succession de sa mère.

1° Sur ces deux millions, je lègue au comte Bertrand trois cent mille francs, dont il versera cent mille dans la caisse du trésorier, pour être employés, selon mes dispositions, à l’acquit de legs de conscience.

2° Au comte Montholon, deux cent mille francs, dont il versera cent mille dans la caisse pour le même usage que ci-dessus.

3° Au comte de Las Cases, deux cent mille francs, dont il versera cent mille dans la caisse pour le même usage que ci-dessus.

4° À Marchand, cent mille francs, dont il versera cinquante mille à la caisse pour le même objet que ci-dessus.

5° Au comte Lavalette cent mille francs.

6° Au général Hogendorp, hollandais, mon aide-de-camp, réfugié au Brésil, cent mille francs.

7° À mon aide de camp Corbineau, cinquante mille francs.

8° À mon aide de camp Cafarelli, cinquante mille francs.

9° À mon aide de camp Dejean, cinquante mille francs.

10° À Percy, chirurgien en chef à Waterloo, cinquante mille francs.

11° Cinquante mille francs, savoir :

Dix mille à Piéron, mon maître d’hôtel.
Dix mille à Saint-Denis, mon premier chasseur.
Dix mille à Novarre.
Dix mille à Corsot, mon maître d’office.
Dix mille à Archambaud, mon piqueur.

12° Au baron Menneval, cinquante mille francs.

13° Au duc d’Istrie, fils de Bessières, cinquante mille francs.

14° À la fille de Duroc, cinquante mille francs.

15° Aux enfants de Labédoyère, cinquante mille francs.

16° Aux enfants de Mouton-Duvernet, cinquante mille francs.

17° Aux enfants du brave et vertueux général Travot, cinquante mille francs.

18° Aux enfants de Chartrand, cinquante mille francs.

19° Au général Cambronne, cinquante mille francs.

20° Au général Lefèvre-Desnouettes, cinquante mille francs.

21° Pour être répartis entre les proscrits qui errent en pays étrangers, Français, ou Italiens, ou Belges, ou, Hollandais, ou Espagnols, ou des départements du Rhin, sur ordonnance de mes exécuteurs testamentaires, cent mille francs.

22° Pour être répartis entre les amputés ou blessés grièvement de Ligny, Waterloo, encore vivants, sur des états dressés par mes exécuteurs testamentaires, auxquels seront adjoints Cambronne, Larrey, Percy et Emmery, il sera donné double à la garde, quadruple à ceux de l’île d’Elbe, deux cent mille francs.

Ce codicille est écrit entièrement de ma propre main, signé et scellé de mes armes.

Napoléon.


Ce 24 avril 1821. Longwood.


Ceci est un troisième codicille à mon testament du 15 avril.


1° Parmi les diamants de la couronne qui furent remis en 1814, il s’en trouvait pour cinq à six cent mille francs qui n’en étaient pas, et faisaient partie de mon avoir particulier. On les fera rentrer pour acquitter mes legs.

2° J’avais chez le banquier Torlonia, de Rome, deux à trois cent mille francs en lettres de change de mes revenus de l’île d’Elbe, depuis 1815 ; le sieur de Peyrusse, quoiqu’il ne fût plus mon trésorier, et n’eût pas de caractère, a tiré à lui cette somme ; on la lui fera restituer.

3° Je lègue au duc d’Istrie trois cent mille francs, dont seulement cent mille francs réversibles à la veuve, si le duc était mort lors de l’exécution des legs. Je désire, si cela n’a aucun inconvénient, que le duc épouse la fille de Duroc.

4° Je lègue à la duchesse de Frioul, fille de Duroc, deux cent mille francs. Si elle était morte avant l’exécution du legs, il ne sera rien donné à la mère.

5° Je lègue au général Rigaud, celui qui a été proscrit, cent mille francs.

6° Je lègue à Boisnod, commissaire-ordonnateur, cent mille francs.

7° Je lègue aux enfants du général Letort, tué dans la campagne de 1815, cent mille francs.

8° Ces huit cent mille francs de legs seront comme s’ils étaient portés à la suite de l’article 36 de mon testament, ce qui porterait à six millions quatre cent mille francs la somme des legs dont je dispose par mon testament, sans comprendre les donations faites par mon second codicille.

Ceci est écrit de ma propre main, signé et scellé de mes armes.

Napoléon.
(Sceau)


Au dos.

Ceci est mon troisième codicille à mon testament, tout entier écrit de ma main, signé et scellé de mes armes.

Sera ouvert le même jour, et immédiatement après l’ouverture de mon testament.

Napoléon.


Ce 24 avril 1821. Longwood.


Ceci est un quatrième codicille à mon testament.


Par les dispositions que nous avons faites précédemment, nous n’avons pas rempli toutes nos obligations, ce qui nous a décidé à faire ce quatrième codicille.

1° Nous léguons au fils ou petit-fils du baron Dutheil, lieutenant-général d’artillerie, ancien seigneur de Saint-André, qui a commandé l’école d’Auxonne avant la révolution, la somme de 100.000 (cent mille francs), comme souvenir de reconnaissance pour les soins que ce brave général prit de nous, lorsque nous étions comme lieutenant et capitaine sous ses ordres.

Idem, au fils ou petit-fils du général Dugommier, qui a commandé en chef l’armée de Toulon, la somme de cent mille francs (100.000) ; nous avons sous ses ordres dirigé ce siège, commandé l’artillerie. C’est en témoignage de souvenir pour les marques d’estime, d’affection et d’amitié que nous a données ce brave et intrépide général.

Idem. Nous léguons cent mille francs (100.000) aux fils ou petit-fils du député de la convention, Gasparin, représentant du peuple à l’armée de Toulon, pour avoir protégé, sanctionné de son autorité le plan que nous avons donné, qui a valu la prise de cette ville, et qui était contraire à celui envoyé par le comité de salut public. Gasparin nous a mis, par sa protection, à l’abri des persécutions de l’ignorance des états-majors qui commandaient l’armée avant l’arrivée de mon ami Dugommier.

Idem. Nous léguons cent mille francs (100.000) à la veuve, fils ou petit fils de notre aide-de-camp Muiron, tué à nos côtés à Arcole, nous couvrant de son corps.

Idem (10.000) dix mille francs au sous-officier Cantillon, qui a essuyé un procès comme prévenu d’avoir voulu assassiner lord Wellington, ce dont il a été déclaré innocent. Cantillon avait autant de droit d’assassiner cet oligarque, que celui-ci de m’envoyer, pour y périr, sur le rocher de Sainte-Hélène. Wellington, qui a proposé cet attentat, cherchait à le justifier sur l’intérêt de la Grande-Bretagne. Cantillon, si vraiment il eût assassiné le lord, se serait couvert, et aurait été justifié par les mêmes motifs, l’intérêt de la France, de se défaire d’un général qui d’ailleurs avait violé la capitulation de Paris, et par là s’était rendu responsable du sang des martyrs Ney, Labédoyère, etc., et du crime d’avoir dépouillé les musées, contre le texte des traités.

6° Ces 400.000 fr. (quatre cent mille francs) seront ajoutés aux six millions quatre cent mille francs dont nous avons disposé, et porteront mes legs à si millions huit cent dix mille francs. Ces quatre cent dix mille francs doivent être considérés comme faisant partie de notre testament, article 35, et suivre en tout le même sort que les autres legs.

7° Les neuf mille livres sterling que nous avons données au comte et à la comtesse Montholon doivent, si elles ont été soldées, être déduites et portées en compte sur les legs que nous lui faisons par nos testaments : si elles n’ont pas été acquittées, nos billets seront annulés.

8° Moyennant le legs fait par notre testament au comte de Montholon, la pension de vingt mille francs accordée à sa femme est annulée : le comte de Montholon est chargé de la lui payer.

9° L’administration d’une pareille succession, jusqu’à son entière liquidation, exigeant des frais de bureau, de courses, de missions, de consultations, de plaidoiries, nous entendons que nos exécuteurs testamentaires retiendront trois pour cent sur tous les legs, soit sur les six millions huit cent mille francs, soit sur les sommes portées dans les codicilles, soit sur les deux cent millions de francs du domaine privé.

10° Les sommes provenant de ces retenues seront déposées dans les mains d’un trésorier, et dépensées sur mandat de nos exécuteurs testamentaires.

11° Si les sommes provenant desdites retenues n’étaient pas suffisantes pour pourvoir aux frais, il y sera pourvu aux dépens des trois exécuteurs testamentaires et du trésorier, chacun dans la proportion du legs que nous leur avons fait par notre testament et codicille.

12° Si les sommes provenant des susdites retenues sont au-dessus des besoins, le restant sera partagé entre nos trois exécuteurs testamentaires et le trésorier, dans le rapport de leurs legs respectifs.

13° Nous nommons le comte de Las Cases, et à son défaut, son fils, et à son défaut, le général Drouot, trésorier.

Ce présent codicille est entièrement écrit de notre main, signé et scellé de mes armes.

Napoléon.


Première lettre. — A M. Laffitte.


Monsieur Laffitte, je vous ai remis en 1815, au moment de mon départ de Paris, une somme de près de six millions, dont vous m’avez donné un double reçu ; j’ai annulé un des reçus, et je charge le comte de Montholon de vous présenter l’autre reçu, pour que vous ayez à lui remettre après ma mort, ladite somme, avec les intérêts, à raison de cinq pour cent, à dater du 1er juillet 1815, en défalquant les payements dont vous avez été chargé en vertu d’ordres de moi.

Je désire que la liquidation de votre compte soit arrêtée d’accord entre vous, le comte de Montholon, le comte Bertrand, et le sieur Marchand, et, cette liquidation réglée, je vous donne, par la présente, décharge entière et absolue de ladite somme.

Je vous ai également remis une boîte contenant mon médaillier ; je vous prie de le remettre au comte Montholon.

Cette lettre n’étant à autre fin, je prie Dieu, Monsieur Laffitte, qu’il vous ait en sa sainte et digne garde.

Napoléon.
Longwood, île Sainte-Hélène, ce 25 avril 1821.


Seconde lettre. — A M. le baron de La Bouillerie.


Monsieur le baron La Bouillerie, trésorier de mon domaine privé, je vous prie d'en remettre le compte et le montant, après ma mort, au comte Montholon, que j'ai chargé de l'exécution de mon testament.

Cette lettre n’étant à autre fin, je prie Dieu, Monsieur le baron La Bouillerie, qu’il vous ait en sa sainte et digne garde.

Napoléon.
Longwood, île Sainte-Hélène, ce 25 avril 1821.


FIN DU TESTAMENT DE NAPOLÉON
  1. C’est par erreur qu’il est porté sur l’état A ; c’est le sabre que l’Eempereur portait à Aboukir qui est entre les mains du comte Bertrand.