Méthode d’équitation basée sur de nouveaux principes/Exposition succincte de la Méthode par demandes et par réponses

La bibliothèque libre.

XXIX

EXPOSITION SUCCINCTE DE LA MÉTHODE
PAR DEMANDES ET RÉPONSES.





Demande. Qu’entendez-vous par force ?

Réponse. La puissance motrice qui résulte de la contraction musculaire.

D. Qu’entendez-vous par forces instinctives ?

R. Celles qui viennent du cheval, et dont il détermine lui-même l’emploi.

D. Qu’entendez-vous par forces transmises ?

R. Celles dont le cavalier coordonne l’emploi et qui sont appréciées immédiatement par le cheval.

D. Qu’entendez-vous par résistance ?

R. La force que le cheval oppose et avec laquelle il cherche à établir une lutte à son avantage.

D. Doit-on s’attacher d’abord à annuler les forces que le cheval présente pour résister, avant d’exiger le mouvement ?

R. Sans nul doute, puisque dans ce cas la force du cavalier qui doit déplacer le poids de la masse se trouvant annulée par une résistance équivalente, tout mouvement régulier devient impossible.

D. Par quels moyens peut-on combattre les résistances ?

R. Par l’assouplissement partiel et méthodique de la mâchoire, de l’encolure, des reins et des hanches, et la juste répartition du poids.

D. Quelle est l’utilité des flexions de mâchoire ?

R. Comme c’est sur la mâchoire inférieure que se reproduisent d’abord les effets de la main du cavalier, ceux-ci seront nuls ou incomplets si la mâchoire est serrée ou contractée. De plus, comme dans ce cas les déplacements du corps du cheval ne s’obtiennent qu’avec difficulté, les mouvements qui en résultent seront toujours pénibles.

D. Suffit-il que le cheval mâche son frein pour que la flexion de la mâchoire ne laisse plus rien à désirer ?

R. Non, il faut encore que le cheval lâche son frein, c’est-à-dire qu’il écarte (à volonté) et moelleusement la mâchoire inférieure.

D. Tous les chevaux peuvent-ils avoir cette mobilité de mâchoire ?

R. Tous sans exception, si l’on suit la gradation indiquée, et si le cavalier ne se laisse pas tromper par la flexion de l’encolure précédant celle de la mâchoire. Bien que cette flexion soit nécessaire, elle nuirait au jeu prompt et régulier de la mâchoire, si elle le précédait.

D. Dans la flexion directe de la mâchoire, doit-on tendre en même temps les rênes de la bride et celles du bridon ?

R. Non, il faut se servir d’abord du filet jusqu’à ce que la mâchoire cède facilement ; on emploiera ensuite le mors et on passera alternativement de l’un à l’autre.

D. Doit-on répéter souvent cet exercice ?

R. Il faut le continuer jusqu’à ce que la mâchoire se mobilise au moyen d’une légère pression du mors ou du filet.

D. Pourquoi la contraction de la mâchoire est-elle un puissant obstacle à l’éducation du cheval ?

R. Parce qu’elle absorbe à son profit la force que le cavalier cherche à transmettre pour en répartir les effets sur toute la masse.

D. Les hanches peuvent-elles s’assouplir isolément ?

R. Oui, certainement, et cet exercice se trouve compris dans ce que l’on appelle mobilisation de la croupe.

D. Quelle est son utilité ?

R. De prévenir les mauvais effets résultant des forces instinctives du cheval, et de lui faire apprécier, sans qu’il s’y oppose, l’action transmise par le cavalier.

D. Le cheval peut-il exécuter un mouvement régulier sans avoir un équilibre exact ?

R. C’est impossible ; il faut s’attacher à faire prendre au cheval une position qui opère dans son équilibre une variation telle que le mouvement en soit une conséquence naturelle.

D. Qu’entendez-vous par position ?

R. La juste répartition du poids et des forces dans le sens des mouvements que l’on veut faire exécuter au cheval.

D. En quoi consiste le ramener ?

R. Dans la position verticale de la tête, avec mobilité de la mâchoire.

D. Comment parle-t-on à l’intelligence du cheval ?

R. Par la position, en ce sens que c’est elle qui fait connaître au cheval les intentions du cavalier.

D. Pourquoi faut-il, que dans les mouvements rétrogrades du cheval, les jambes du cavalier précèdent la main ?

R. Parce qu’il faut déplacer les points d’appui avant de poser dessus la masse qu’ils doivent supporter.

D. Est-ce le cavalier qui détermine son cheval ?

R. Non, le cavalier donne l’action et la position qui sont la demande, le cheval y répond par le changement d’allure ou de direction qu’avait projeté le cavalier.

D. Est-ce au cavalier ou au cheval que l’on doit imputer la faute d’une mauvaise exécution ?

R. Au cavalier, et toujours au cavalier. Comme il dépend de lui d’équilibrer et de placer le cheval dans le sens du mouvement, et qu’avec ces deux conditions fidèlement remplies, tout devient régulier, c’est donc au cavalier que doit appartenir le mérite ou le blâme.

D. Quelle espèce de mors convient au cheval.

R. Le mors doux.

D. Pourquoi faut-il un mors doux pour tous les chevaux, quelle que soit leur résistance ?

R. Parce que le mors dur a toujours pour effet de contraindre et de surprendre le cheval, tandis qu’il faut l’empêcher de faire mal et le mettre à même de bien faire. Or, on ne peut obtenir ces résultats qu’à l’aide d’un mors doux et surtout d’une main savante ; car le mors, c’est la main, et une belle main, c’est tout le cavalier.

D. Résulte-t-il d’autres inconvénients de l’emploi des instruments de supplice appelés mors durs ?

R. Certainement, car le cheval apprend bientôt à en éviter la pénible sujétion en forçant les jambes du cavalier : leur puissance ne peut jamais être égale à celle de ce frein barbare. Le cheval lutte victorieusement en cédant du corps et en résistant de l’encolure et de la mâchoire ; ce qui est tout à fait contraire au but qu’on s’était proposé.

D. Comment se fait-il que presque tous les écuyers en renom aient inventé des mors auxquels ils attribuent des effets merveilleux ?

R. Parce que, manquant de science personnelle, ils cherchent à remplacer leur insuffisance par l’emploi de moyens mécaniques.

D. Le cheval équilibré peut-il se défendre ?

R. Non, car la juste répartition de poids que donne cette position produit une grande régularité dans les mouvements, et il faudrait intervertir cet ordre pour qu’il y eût acte de rébellion de la part du cheval.

D. Quelle est l’utilité du filet ?

R. Le filet sert à combattre les résistances latérales de l’encolure, à faire précéder la tête dans tous les changements de direction quand le cheval n’est pas encore familiarisé avec les effets du mors ; il prépare aussi l’élévation et le soutien de l’encolure.

D. Doit-on laisser le cheval longtemps aux mêmes allures pour développer ses moyens ?

R. C’est inutile, puisque la régularité des mouvements résulte de la régularité des positions ; le cheval qui fait cinquante temps de trot régulièrement est beaucoup plus avancé dans son éducation que s’il en faisait mille avec une position vicieuse. C’est donc à sa position qu’il faut s’attacher, c’est-à-dire à sa légèreté.

D. Dans quelles proportions doit-on user des forces du cheval ?

R. Cela ne peut se définir, puisque les forces varient en raison des sujets ; mais il faut en être avare et ne les dépenser qu’avec circonspection, surtout pendant le cours de l’éducation ; il faut, pour ainsi dire, leur créer un réservoir pour que le cheval ne les absorbe pas inutilement ; c’est alors que le cavalier en fera un usage utile et d’une longue durée.

D. À quelle distance l’éperon doit-il être rapproché des flancs du cheval avant l’attaque ?

R. La molette ne doit jamais être éloignée de plus de 4 à 5 centimètres des flancs du cheval.

D. Comment doivent se pratiquer les attaques ?

R. Elles doivent arriver aux flancs du cheval par un mouvement prompt, et s’en éloigner aussitôt. Mais, au préalable, on doit les pratiquer par appui progressif.

D. Est-il des circonstances où l’attaque doive se pratiquer sans l’intervention de la main ?

R. Oui, lorsqu’elle doit avoir pour but de donner l’impulsion qui permet ensuite à la main de placer le cheval.

D. Sont-ce les attaques elles-mêmes qui châtient le cheval ?

R. Non ; le châtiment est dans la position que les attaques et la main font prendre au cheval, en mettant ses forces à la disposition du cavalier.

D. Quelle différence existe entre les attaques pratiquées d’après les anciens principes et celles que prescrit la nouvelle méthode ?

R. Les anciens écuyers ne se servaient de l’éperon que comme châtiment ; dans ce cas, les attaques, loin d’équilibrer le cheval, le faisaient toujours sortir de la main ; la nouvelle méthode en fait usage pour l’équilibrer, c’est-à-dire pour lui donner cette position première qui est la mère de toutes les autres.

D. Quelles sont les fonctions des jambes pendant les attaques ?

R. Les jambes doivent rester adhérentes aux flancs du cheval, et ne partager en rien les mouvements des talons.

D. Dans quel moment doit-on commencer les attaques ?

R. Quand le cheval supporte paisiblement les appuis d’éperon sans sortir de la main.

D. Pourquoi un cheval équilibré supporte-t-il l’éperon sans s’émouvoir et même sans mouvements brusques ?

R. Parce que la main savante du cavalier, ayant prévenu tous les déplacements de la tête, ne laisse jamais échapper les forces au dehors ; elle les concentre en les fixant. La lutte égale des forces, ou, si l’on aime mieux, leur ensemble, explique suffisamment l’apparente froideur du cheval.

D. N’est-il pas à craindre que, par suite de ces attaques, le cheval ne devienne insensible aux jambes et ne perde l’activité qui lui convient pour les mouvements accélérés ?

R. Quoique cette opinion soit celle des gens qui parlent de la méthode sans la connaître, il n’en est rien. Puisque tous ces moyens servent seulement à maintenir le cheval dans un juste équilibre, la promptitude des mouvements doit nécessairement en être le résultat, et, par suite, le cheval sera disposé à répondre au contact progressif des jambes, quand la main ne s’y opposera pas.

D. Comment reconnaître qu’une attaque est régulière ?

R. Lorsque, bien loin de faire sortir le cheval de la main, elle l’y fait rentrer sans prendre sur la force propre au mouvement.

D. Comment la main doit-elle agir dans les moments de résistance du cheval ?

R. Les effets de la main doivent être proportionnés à la résistance du cheval et surtout ne jamais la dépasser.

D. Dans quel cas doit-on se servir du caveçon, et quelle son utilité ?

R. On doit s’en servir dans le cas où la mauvaise construction du cheval le porterait à se défendre, bien qu’il ne lui soit demandé que des mouvements simples. Il est également utile d’employer le caveçon, avec les chevaux rétifs, attendu que son but est d’agir sur le moral, pendant que le cavalier agit sur le physique.

D. Comment doit-on se servir du caveçon ?

R. Dans le principe, on doit tenir la longe du caveçon à 33 ou 40 centimètres de la tête du cheval, tendue et soutenue par un poignet énergique. Il faudra saisir tous les à-propos pour diminuer ou augmenter l’appui du caveçon sur le nez du cheval, afin de s’en servir comme d’un moyen d’aide. Tous les actes de méchanceté seront réprimés par de petites saccades qui ne doivent avoir lieu que dans le moment même de la défense. Dès que les mouvements du cavalier commenceront à être appréciés par le cheval, le caveçon deviendra inutile ; au bout de quelques jours l’animal n’aura plus besoin que du mors, auquel il répondra sans hésitation.

D. Dans quel cas le cavalier est-il moins intelligent que son cheval ?

R. Quand ce dernier l’assujettit à ses caprices et lui fait faire sa volonté.

D. Les défenses du cheval sont-elles physiques ou morales ?

R. Les défenses sont d’abord physiques, elles deviennent morales par la suite ; le cavalier doit donc se rendre compte des causes qui les font naître, et chercher, par un travail bien gradué, à obtenir la juste répartition du poids et des forces.

D. Le cheval bien équilibré naturellement peut-il se défendre ?

R. Il serait aussi difficile à un sujet, réunissant tout ce qui constitue le bon cheval, de se livrer à ces mouvements désordonnés, qu’il est impossible à celui qui n’a pas reçu de semblables dons de la nature, d’avoir des mouvements réguliers, si l’art bien entendu ne lui a prêté son secours.

D. Qu’entendez-vous par rassembler ?

R. Le rapprochement des jambes de derrière du centre, sans altérer la légèreté du cheval.

D. Peut-on bien rassembler le cheval qui ne se renferme pas sur les attaques ?

R. Dans beaucoup de cas, les jambes seraient insuffisantes pour contre-balancer les effets de la main.

D. À quel moment doit-on commencer à rassembler le cheval ?

R. Quand le cheval est léger.

D. À quoi sert le rassembler ?

R. À obtenir sans difficulté tout ce qu’il y a de compliqué en équitation.

D. En quoi consiste le piaffer ?

R. Dans la pose gracieuse du corps et la cadence harmonieuse des bipèdes diagonaux.

D. Existe-t-il plusieurs genres de piaffer ?

R. Trois : le lent, le précipité et le dépité.

D. De ces trois, quel est le préférable ?

R. Le piaffer lent, car c’est celui qui rehausse le plus le mérite du cavalier et la noblesse du cheval.

D. Doit-on faire piaffer le cheval qui ne supporterait pas le rassembler ?

R. Non, car ce serait un enjambement sur la gradation logique qui seule donne des résultats certains. Aussi, le cheval qui n’a pas été conduit par cette filière de principes n’exécute qu’avec peine et sans grâce ce qu’il devrait accomplir avec enjouement et majesté.

D. Tous les cavaliers sont-ils appelés à vaincre toutes les difficultés et à saisir toutes les nuances du sentiment équestre ?

R. Comme les résultats en équitation ont pour point de départ l’intelligence, tout est subordonné à cette disposition innée ; mais tous les cavaliers seront aptes à dresser leurs chevaux, s’ils renferment l’éducation du cheval dans la mesure de leurs propres moyens.