Méthode pour étudier la langue grecque/Première partie/Livre premier/Chapitre premier

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LIVRE PREMIER.


CHAPITRE PREMIER.

DES LETTRES.
PRONONCIATION ET CLASSIFICATION DES LETTRES.
§ 1.
PRONONCIATION.

D’après l’usage reçu dans nos écoles, on prononce :

α, β, δ, comme en français ;

γ deyant α, ο, ω, υ, comme le g français dans gamme, gobelet, guttural ;

γ, devant ε, η, ι, comme notre g dans guérite, guêpe, guide ;

γ, devant γ, κ, χ, ξ, se prononce comme n : ἄγγελος, ange, messager, prononcez anguélos ;

ε, comme l’é fermé de bonté ;

ζ, comme ds en faisant sonner très doucement le d ;

η, comme l’ê circonflexe de tête ;

ι est toujours voyelle ; les Grecs n’ont point de j ;

κ se prononce toujours comme k : Κικέρων, Cicéron, prononcez Kikérôn. Cette lettre répond à c dur, et à q ;

λ, μ, ν, ξ, ο, π, ρ, σ, τ, comme les lettres françaises correspondantes. σ ne s’adoucit point entre deux voyelles ; dans μοῦσα, muse, la dernière syllabe sonne comme la dernière du mot effaça. τ ne prend jamais le son de s comme dans le français action ;

υ sonne comme l’u de butin. Dans les mots tirés du grec, il est remplacé en latin et en français par y, exemple : Ζέφυρος, Zephyrus, Zéphyr.

θ, χ, se prononcent ordinairement comme τ et κ[1] ;

φ comme f et ph ;

ψ comme ps dans psaume ;

ω, comme ô long.

Ainsi l’alphabet grec a de plus que le nôtre, 1° les deux voyelles η, ω ; 2° la lettre double ψ ; 3° les aspirées φ, χ, θ.

En revanche, nous avons de plus que les Grecs, c, q, h, f, j et v.

§ 2.
VOYELLES.

Des vingt-quatre lettres, sept sont voyelles, α, ε, η, ι, ο, ω, υ.

Deux de ces voyelles sont brèves, ε, ο ; deux sont longues, η, ω ; trois sont communes, c’est-à-dire tantôt brèves, tantôt longues, α, ι, υ.

§ 3.
DIPHTHONGUES.

On appelle diphthongue la réunion de deux voyelles qui se prononcent par une seule émission de voix, et produisent un son double, quoique dans une même syllabe. C’est de là que vient leur nom δίφθογγος : δίς, deux fois ; φθόγγος, son.

Il y a neuf diphthongues ;

Trois se forment en ajoutant ι aux lettres α, ε, ο ; trois en y ajoutant υ ; ainsi :

αι, ει, οι
αυ, ευ, ου

On voit que dans ces diphthongues les voyelles ι et υ tiennent toujours le dernier rang. On les nomme postpositives.

Prononcez αι, comme dans faïence ; ει, comme ei dans pléiades, et dans le latin eia ; οι, comme oy dans royaume[2] ; αυ, ευ, ου, comme au, eu, ou en français.

Dans les mots latins tirés du grec, αι est remplacé par æ, exemple : Αἰνείας, Æneas, Énée ; οι par œ, Φοῖϐος, Phœbus, Phébus.

Les trois autres diphthongues se rencontrent plus rarement ; ce sont ηυ, ωυ, υι.

§ 4. Deux voyelles, placées l’une à côté de l’autre, ne forment point diphthongue quand la dernière est marquée d’un tréma ¨ ; exemple : πάϊς, enfant, en deux syllabes ; mais, si l’on ôte le tréma, il y a diphthongue : παῖς, enfant, en une seule syllabe.

Quelquefois l’ι se retranche et se met sous la voyelle qui le précède, ex. : ἀΐδης ou ᾅδης, enfer. Cet ἰῶτα ne se prononce point ; on l’appelle ἰῶτα souscrit ; on le rencontre souvent sous α, η, ω, en cette forme, ᾳ, ῃ, ῳ. Il tient toujours lieu d’un ι retranché.

Cette union de deux voyelles en une seule syllabe, d’où résultent les six premières diphthongues et les ἰῶτα souscrits, s’appelle contraction.

Quelquefois la contraction absorbe entièrement une voyelle, ex. : αε, et par contraction α ; ou change le son, comme εα, par contraction η ; εο, par contraction ου.

RÉSUMÉ.
Sept voyelles. 
α, ε, ι, ο, υ.
η, ω,
Neuf diphthongues. 
αι, ει, οι ;
αυ, ευ, ου,
ηυ, ωυ, υι.
§ 5.
CONSONNES.

Les dix-sept consonnes se divisent en neuf muettes, quatre liquides, une sifflante et trois doubles.

Les muettes s’apellent ainsi, parce qu’en essayant de les articuler sans voyelle on ne peut faire entendre aucun son. Les Grecs les nomment ἄφωνα, sine voce.

TABLEAU DES MUETTES.
  1er ORDRE.
LABIALES.
2e ORDRE.
GUTTURALES.
3e ORDRE.
DENTALES.
Douces 
Β Γ Δ
Fortes 
Π Κ Τ
Aspirées 
Φ Χ Θ

Remarques 1°. Les lettres de chaque colonne sont de la même nature, et se changent l’une pour l’autre dans certains cas dont nous parlerons ci-après. En effet, le Π produit une articulation analogue à celle du Β, mais un peu plus forte ; et le Φ est un Π aspiré. Il en est de même de Γ, Κ, Χ et de Δ, Τ, Θ.

Chaque douce a donc sa forte et son aspirée correspondante.

2°. Quand deux muettes sont dans la même syllabe, si l’une est douce, il faut que l’autre soit douce ; si l’une est forte ou aspirée, il faut que l’autre soit forte ou aspirée ; ce qui peut s’énoncer ainsi :

Toute muette précédée d’une autre muette la veut de même degré qu’elle ; exemples :

DOUCES. FORTES. ASPIRÉES.
ἕϐδομος, septième. ἑπτά, sept. φθόνος, envie
ὄγδοος, huitième. ὀκτώ, huit. ἔχθος, haine.

Dans tous ces mots, les deux consonnes appartiennent à la même syllabe, ἕ-ϐδομος, ἑ-πτά, ἔ-χθος etc.

3°. Deux syllabes de suite ne commencent pas d’ordinaire par une aspirée ; on dit τρέχω, je cours, par un τ ; on ne pourrait pas dire θρέχω par un θ, à cause du χ suivant.

§ 6. Les quatre liquides sont λ, μ, ν, ρ. On les appelle ainsi, parce qu’elles sont coulantes dans la prononciation, et s’unissent facilement aux autres consonnes. La liquide Μ précède, dans un grand nombre de mots, les muettes du premier ordre, ex. : ὄμϐρος, pluie ; ἄμπελος, vigne ; ἄμφω, tous deux. Il en est de même en latin, imber, pluie ; ambo, tous deux ; et en français, ombre, ample, tombeau.

Mais ces muettes ne peuvent jamais se mettre devant Μ.

Ν a rapport au troisième ordre ; c’est pourquoi on trouve souvent cette lettre devant δ, τ, θ ; exemp. : ἀνδρεία, courage ; ἄντρον, antre ; ἄνθος, fleur. Il en est de même en latin et en français.

La sifflante est Σ. Ajoutez-la aux muettes de chacun des trois ordres, et vous aurez les trois doubles :

ψ qui remplace βς, πς, ϕς.
ξ qui remplace γς, κς, χς.
ζ qui remplace δς, τς, θς.
On voit par là que les doubles ne sont qu’une abréviation d’écriture. Aucune muette ne peut se rencontrer devant Σ, qu’il n’en résulte une lettre double.
TABLEAU RÉSUMÉ DES CONSONNES.
  1er ORDRE.
ou Labiales.
2e ORDRE.
ou Gutturales.
3e ORDRE.
ou Dentales.
Douces ϐ, γ, δ.
Fortes π, κ, τ.
Aspirées φ, χ, θ.
Doubles ψ, ξ, ζ.
Liquides μ, ν.

Joignez à ces lettres les deux autres liquides λ, ρ, et la sifflante σ, vous aurez les dix-sept consonnes.

Les principes contenus dans cet article sont très simples, et leur connaissance facilite beaucoup l’étude des déclinaisons et des conjugaisons.

§ 7.
ESPRITS.

Esprit, terme de grammaire, veut dire aspiration.

Les Grecs en ont deux, l’esprit doux, l’esprit rude. Le doux ne se fait point sentir en prononçant ; le rude répond à notre h aspirée. Ils se mettent sur les voyelles et diphthongues initiales ; le doux ressemble à une petite virgule, ex. : ἐγώ, moi ; le rude à un petit c, ἡμεῖς, nous.

υ prend toujours l’esprit rude ; les autres voyelles reçoivent tantôt l’un , tantôt l’autre.

ρ est la seule consonne qui reçoive l’esprit, et elle prend le rude ; voilà pourquoi on la représente dans les mots tirés du grec par rh, ex. : rhéteur, rhétorique.

Si deux ρ se rencontrent de suite, alors seulement le premier reçoit l’esprit doux, ex. : ἀῤῥαϐών, arrhes ; ἀῤῥενικός, masculin. Les muettes n’ont pas besoin de l’esprit, puisque si l’on veut aspirer, par exemple, un π, nous avons vu qu’on emploie le caractère φ, et ainsi des autres.

§ 8.
ACCENTS.

Nous nous bornerons à indiquer ici le nom et la forme des Accents ; il y en a trois, l’aigu (’), le grave (`), le circonflexe (~).

Ils ont été inventés pour noter les syllabes sur lesquelles la voix doit s’élever plus ou moins dans la prononciation. Ils sont quelquefois utiles pour distinguer les significations d’un même mot, différentes suivant la position de l’accent, ex. : θεοτόκος, mère de Dieu ; θεότοκος, fils de Dieu.

Quand une diphthongue doit recevoir l’accent, c’est toujours sur la seconde voyelle qu’on le place. Il en est de même des esprits.

§ 9.
APOSTROPHE.

L’Apostrophe, en grec comme en français, tient lieu d’une voyelle retranchée, ex. : ἀπ’ἐμοῦ, pour ἀπὸ ἐμοῦ, de moi.

Quand la voyelle qui suit l’apostrophe est marquée d’un esprit rude, la muette qui la précède devient aspirée, si c’est une des fortes π, κ, τ, ex. : ἀφ’ἡμῶν, pour ἀπὸ ἡμῶν, de nous. La raison en est que, l’esprit rude valant notre lettre h, si l’on employait nos caractères, on aurait ap’hêmôn.

§ 10.
SYLLABES ET ÉPELLATION.

1°. Les Syllabes sont une ou plusieurs lettres prononcées en un seul temps, par une seule émission de voix : τιμή, honneur, est de deux syllabes, τι-μή.

2°. La syllabe peut être formée d’une seule voyelle : ἥϐη, jeunesse, est de deux syllabes ; ἥ forme la première, ϐη la seconde.

3°. Les consonnes qui s’unissent au commencement d’un mot s’unissent aussi au milieu ; ainsi, comme on dit φθόνος, envie, en disant une syllabe de φθό, on dira également, ἄφθονος, exempt d’envie, ainsi divisé ἄ-φθο-νος. C’est d’après ce principe que nous avons divisé les mots, déjà cités, ὀ-κτώ, ὄ-γδοος[3], ἔ-χθος, etc.

§ 11.
PONCTUATION.

Le Point annonce, comme en français, un sens fini.

Le Point en haut équivaut à nos deux points.

La Virgule distingue, comme chez nous, les divers membres d’une phrase.

Enfin, le Point et la Virgule tiennent lieu de notre Point d’interrogation.

On trouve aussi le point d’exclamation (!) dans quelques éditions modernes très correctes.

Voilà tous les signes de ponctuation usités en grec.

§ 12.
DIALECTES.

On appelle Dialectes certaines manières de parler propres à chacun des peuples de la Grèce, et qui s’éloignent de la langue commune.

Il y en a quatre principaux ; l’Attique, l’Ionien, le Dorien, l’Eolien.

Le plus usité de tous est le dialecte Attique.

Nous donnerons à la fin de cet Ouvrage les règles principales de chaque dialecte.

  1. Il est certain que les Anciens prononçaient χ et θ autrement que κ et τ. Les Grecs modernes articulent le θ à peu près comme le th anglais, et le χ comme le ch allemand. Ils donnent aussi à β, γ, δ, une légère aspiration. Au reste, nous indiquons ici la prononciation française, sans examiner si elle est, ou non, la meilleure.
  2. Chez les Grecs modernes αι se prononce é ; οι et ει se prononcent i. La lecture, et surtout celle des vers, en est bien plus douce. Pour ἀφαιρεῖται ils disent aphérité, et nous aphaïreitaï. Quelle différence !
  3. Si l’on cherche un mot qui commence par γδ, on trouvera ἐρίγδουπος, où ἐρι est une particule, inséparable à la vérité, mais qui ne fait point partie du mot primitif.