Ma vie (Cardan)/Chapitre XXI

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Traduction par Jean Dayre.
Texte établi par Jean DayreHonoré Champion (p. 50).

XXI

DÉMARCHE ET MÉDITATION

L’inégalité de ma démarche fut causée par la méditation. Si l’on n’y prête attention, les pieds et chez quelques-uns même les mains s’agitent à l’image de l’esprit préoccupé. Il y a d’autres causes aussi : la variété des affaires, les circonstances, (85) ou encore l’état du corps. Notre allure est légère quand nous sommes bien portants ou dispos, sans soucis et joyeux ; les autres dispositions retardent notre pas. Ma démarche pourrait passer en proverbe. Elle est inconsidérée, lorsque je médite sur d’autres objets que ceux qui sont présents à mes yeux. En général, l’inégalité se manifeste dans les choses soumises à une dure nécessité ou quand domine l’élan de l’esprit qui ne peut persister dans le bien ni supporter le mal ; seule la méditation est continue, comme je l’ai dit, mais elle ne s’exerce pas toujours sur le même sujet. Néanmoins elle est si intense qu’elle ne me permet ni de manger, ni de m’abandonner aux plaisirs, ni même de sentir la douleur ou de dormir. Le seul bien qu’elle m’apporte est donc d’éloigner le mal et de me procurer un tel calme que je ne sais si le plus grand agrément ou le plus grand malaise, en s’y joignant, la ferait cesser. Au reste, ma marche est tantôt rapide, tantôt lente, la tête et les épaules redressées ou penchées ; et elle diffère peu, en apparence sinon en fait, de celle des jeunes gens.