Macaire, chanson de geste (Anonyme)/Notes

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Anonyme
Texte établi par François Guessard (p. 331-405).
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NOTES.



P. 2, v. 4 :

Li qual fi faire un de qui de Magan.

Magan pour Mayence, ai-je besoin de le dire ? n’est pas une forme française, et le vers tout entier, même en le rétablissant ainsi :

La quel fist faire un de cels de Maian,


ne serait pas dans les habitudes de langage du XIIe ou du XIIIe siècle. La leçon que je propose, au contraire, est calquée sur une forme que les trouvères du temps emploient presque toujours au début de leurs poëmes.

P. 2, v. 10 :

Como fu l’inperer K. el man.

À ce vers inadmissible j’en substitue un autre de même valeur, qui se retrouve partout, et, par exemple, au début de la chanson d’Aspremont :

Plaist vos oïr bone chançon vaillant
De Karlemaine, lou riche roi puissant.

(Ms. fr. 2495.)


Je ne crois pas que maine ou magne, ait jamais été employé sous la forme man. Cependant j’ai trouvé, en prose, Challement :

Parce qu’il estoit du lignage le grant Challement.

(Chroniques Saint-Denis, Hist. France, t. X, p. 304.)

P. 3, v. 5 :

Dont en morurent maint chevalier vaillant.


Vers emprunté presque littéralement à la chanson de Huon de Bordeaux (p. 4).

P. 3, v. 6 :

Li fel Macaires ceste oevre ala brassant.


Brasser une œuvre, une trahison, une honte, sont des locutions fort en usage au temps où fut composé notre poëme. Exemples :

Moult maudit les traïtres qui cheste oevre ont brassée.

(Gui de Nanteuil, p. 95.)

Icelle honte que Lanbers m’a brassée.

(Auberi le Bourguignon, ms. La Val. 40, fol. 77 v°, col. 2.)

Chier lor vendra ce que il ont brassé.

(Bueve d’Hanstone, ms. fr. 12548, fol. 183 v°, col. 2.)

Le mot engan du texte de Venise, qui est l’inganno italien, se trouve bien en provençal, mais je doute fort qu’on en rencontre un exemple français, quoique le verbe enganer (prov. enganar, ital. ingannare) remplace quelquefois engigner, qui paraît être la vraie forme française.

Par foi, dist Hues, nous sommes engané.

(Huon de Bordeaux, p. 113.)

Quant il parçut qu’il estoit enganés.

(Id., p. 59.)

Raynouard ne cite qu’engaigne sous le mot provençal engan, et encore à tort ; car engaigne correspond non pas à engan mais à la forme féminine enguana.

Il eut été facile de calquer le vers que j’ai essayé de refaire en lisant :

Et por Macaire fu tos icil engans ;


mais cette leçon, même en admettant la forme engan, n’eût guère satisfait quiconque a l’habitude et le sentiment de notre vieux langage.

P. 3, v. 7 : Savoir certainement, savoir veraiement, savoir à escient, sont des locutions fréquentes :

Car bien savons por voir certainement.

(Aspremont, ms. fr. 2495, fol. 106 v°.)

C’est des genz K., sachiez veraiement.

(Id., fol. 107 r°.)

Gel sai à esciant.

(Id., fol. 106 r°.)

P. 3, v. 8 : et deriere et devant. Locution qui reviendra souvent dans notre poëme, tantôt sous cette forme, tantôt sous la forme et avant et arrier. On employait figurément et au même sens les locutions sus et jus, aval et amont (haut et bas), environ et en lez, qui signifient, lorsqu’elles ne sont pas prises au propre : en tous sens, de toute manière, complétement. Le plus souvent, ces façons de parier sont purement explétives.

Tant dist Balans et avant et arier
Qu’il fist Naimon à cele fois laissier.

(Aspremont, ms. fr. 2495, fol. 99 r°.)

Tant m’a parlet et avant et arier
Que de saiens s’enfuï ma mollier.

(Raoul de Cambrai, p. 288.)

A grant mervelle le déust bien prisier
Et tot si homme et devant et derier.

(Chevalerie Vivien, ms. de Boulogne-sur-Mer, fol. 87 r°, col. 2.)

P. 3, v. 9 : Hom si sovrains. C’est soverain qui est la forme primitive ; mais, à l’époque où nous sommes, on emploie indifféremment les deux.

P. 3, v. 10 :

Com Kallemaines, li riches rois puissans ;

ou, si l’on veut :

Com Kallemaines, l’emperere des Frans.

P. 3, v. 15 :

Conseil d’enfant n’aloit mie escoutant.


Cet éloge revient souvent sous la plume des trouvères, qui tenaient que

Faus est li hom qui croit conseil d’enfant.

(Huon de Bordeaux, p. 139.)

P. 4, v. 10 : Entro Paris. Je restitue : Droit à Paris, en m’autorisant de nombreux passages, et entre autres de celui-ci :

Droit à Paris, cele cité vaillant
Sunt asenblé Angevin et Normant.

(Aspremont, ms. fr. 2495, fol. 81 v°.)

P. 5, v. 1 :

Et tant que vinrent Guillames et Bertrans.


C’est Guillaume au court nez et son neveu Bertrand, qui, en effet, selon les récits des trouvères, ne se signalent qu’après le règne de Charlemagne, sous celui de son fils l’empereur Louis.

P. 5, v. 9 : Francor.

L’ost Francor. — La terre Francor.

(Aspremont, ms.fr. 2495.)

P. 5, v. 13 :

Et li dus Naimes, ses boins conseléor.


Je n’ignore pas que conseillere était la forme du sujet et conseléor la forme oblique ; mais je n’ai pas cru devoir, ici et ailleurs, me montrer plus scrupuleux que les meilleurs trouvères, qui, pour le besoin de la rime, ont violé sans façon les lois de notre ancienne déclinaison. Je choisis entre mille les exemples ci-après que je trouve dans une même tirade fort courte de la chanson d’Aspremont (ms. fr. 2495, fol. 70) :

Ce dit Balanz : « Enten, emperéor. »


Il eût dû dire : emperere, car le vocatif et le nominatif se traitaient de même.

Dist l’emperere : « Il ment li lechéor. »


au lieu de : li lecherre.

Et ce n’est pas seulement à la rime qu’on trouve par milliers de semblables fautes ; exemple :

Quant paien virent que Franceis i out poi,
Entr’els en ont e orgoil e cunfort ;
Dist l’un à l’altre : « L’emperéor ad tort. »

(Chanson de Roland, éd. Genin, p. 163.)


au lieu de : l’emperere.

P. 5, v. 16 : Soffrir peine et dolor. (Auberi le Bourguignon, ms. La Val. 40, fol. 1, col. 1 r°.)

P. 5, v. 17 :

Sor tos les autres avoit cil la valor.

Je suppose que coréor du texte vénitien est pour poignéor, feréor ; mais je ne retrouve ce mot coréor qu’au sens particulier de coureur d’avant-garde, et non au sens général de vaillant, de hardi combattant, de courageux guerrier. Je le remplace donc par une locution qui me paraît fort bien s’adapter au sens du passage et que j’emprunte à la chanson d’Aspremont, où Naimes dit en parlant de Charlemagne :

Car après Deu a sor tos la valor.

P. 5, v. 19 : l’umainne criator, le créateur de l’humanité. À ne voir que le texte de Venise on pourrait croire que li maine est pour ille magnus, le grand ; mais nulle part, que je sache, on ne trouverait semblable exemple. Au contraire, la leçon que je propose se justifie par le vers ci-après de la chanson d’Aspremont :

Dex le garisse, l’umainne criator.

(Ms. fr. 2495, fol. 133 r°.)

P. 6, v. 3 :

Quant les traï à li rois almansor.

Il se pourrait bien que le compilateur italien eût pris Almansor pour un nom propre, puisqu’il le fait précéder des mots : à li rois. Il avait évidemment sous les yeux, dans le texte français, le mot aumaçor (provençal, almassor), qui, comme l’on sait, désigne un chef arabe, un émir.

P. 6, v. 14 :

J’ai restitué ce vers d’après le sens général qu’il me paraît renfermer, mais sans pouvoir exactement me rendre compte du mot ançoner. Ce mot se retrouve dans le texte italianisé de la chanson d’Aspremont que renferme le ms. fr. 1598. Ogier le Danois dit à l’empereur :

Biem porai por mon cors vostre droit defenser,


et l’empereur lui répond :

Ogier, dist Kalle, trop estes ançoner.

(Fol. 10 r°, col. 1.)


vers qui répondent à ceux-ci du ms. La Val. 123 :

Et bien sarai vostre droit desresnier.
— Vus n’iroiz mie, ce dist li rois, Ogier.

P. 7, v. 6 :

Grant cort tint Kalles l’emperere au vis fier.

Gaydon, p. 295, v. 33 :

Karles i entre, l’emperere au vis fier.


On pourrait lire aussi : nostre emperere ber (voyez Gaydon, p. 1), ou : nostre emperere fier (id., p. 303).

P. 7, v. 18 :

Par droite force et avoir sa moillier.

Par droite force, locution qui revient souvent dans les poëmes du moyen âge, et où le mot droite n’indique nullement que l’emploi de la force fût légitime :

En Rome n’a capele ne mostier
Ne soient ars, fendu et peçoié ;
Par droite force i sont entré paien.

(Ogier, t. I, p. 8.)


Il faut comprendre comme s’il y avait droit par force, tout droit par force.

Avoir sa moillier se retrouve ailleurs :

Li fel Lambers qui vot avoir m’oissor.

(Auberi le Bourguignon, ms. fr. 859, fol. 163 v°, col. 2.)

P. 7, v. 21 :

O mainte dame por son cors deporter.

C’est-à-dire pour se divertir. Son cors ne signifie rien de plus que se. Mes cors, tes cors, ses cors, ne sont le plus souvent que des locutions pronominales, d’un emploi très-fréquent au moyen âge. Dans quelques cas, cependant, mes cors, lorsqu’il n’est pas seul, renforce le pronom au lieu de le remplacer : Je méismes mes cors signifie : moi-même en personne.

A cort s’en vait por son cors deporter.

(Gaydon, p. 12.)

Voyez des exemples analogues dans Huon de Bordeaux, p. 72, 95, 114, etc., etc.

P. 7, v. 22 : Vieler. Le texte de Venise porte violer, mais c’est une forme tirée de viola, et chez nous il ne paraît pas que viole soit de toute ancienneté. C’est viele qui était en usage au XIIIe siècle avec son dérivé vieler.

Vieler font .i. cortois jougléor.

(Auberi le Bourguignon, ms. La Val. 40, fol. 32 v°, col. 2.)

ne se prête pas à l’emploi du mot compaigne ; j’ai donc eu recours à druerie qui, en pareil cas, est le mot le plus usité. V. Raynouard, Lexique roman, III, 79, sous drudaria.

P. 8, v. 16 : Asaçer, italien : assaggiare, essayer. On a dit asaier et essaier en vieux français, et l’on pourrait restituer :

Bien sai la dites por mon corps asaier ;


mais esprover, que j’ai préféré comme plus clair, se dit aussi bien au même sens.

P. 8, v. 26 : e arder e bruser. — Bruser, italien, bruciare ; provençal, bruzar, bruisar. J’ai cru, en m’autorisant du provençal, pouvoir maintenir bruisier ; mais mieux vaut peut-être restituer brusler, qui, avec bruïr et ardre ou ardoir, est généralement employé en français au sens de l’italien bruciare.

P. 8, v. 27 : la polvere à venter. C’est poudre qui répond exactement à polvere, forme purement italienne :

Ardoir en feu et la poudre venter.

(Gaydon, p. 20.)


Mais poudriere, pouriere, poriere (provençal, polverieyra) se trouve aussi fréquemment que poudre et au même sens. Voyez Gui de Bourgogne, p. 24 et passim ; Gaydon, p. 285 ; Aliscans (Rec. des Anciens poëtes), p. 19, etc.

P. 9, v. 1 :

Ez vos Macaire entrant ens el vergier.

Rien de si connu que cette locution ez vos ou es vos, voici, voilà. Le sens en est fort net, mais l’origine en est moins claire. On a pris apparemment, au moyen âge, le mot es pour la seconde personne de l’indicatif du verbe être, puisqu’on trouve parfois estes vos, le pluriel au lieu du singulier. Je crois, comme on l’a ne se prête pas à l’emploi du mot compaigne ; j’ai donc eu recours à druerie qui, en pareil cas, est le mot le plus usité. V. Raynouard, Lexique roman, III, 79, sous drudaria.

P. 8, v. 16 : Asaçer, italien : assaggiare, essayer. On a dit asaier et essaier en vieux français, et l’on pourrait restituer :

Bien sai la dites por mon corps asaier ;


mais esprover, que j’ai préféré comme plus clair, se dit aussi bien au même sens.

P. 8, v. 26 : e arder e bruser. — Bruser, italien, bruciare ; provençal, bruzar, bruisar. J’ai cru, en m’autorisant du provençal, pouvoir maintenir bruisier ; mais mieux vaut peut-être restituer brusler, qui, avec bruïr et ardre ou ardoir, est généralement employé en français au sens de l’italien bruciare.

P. 8, v. 27 : la polvere à venter. C’est poudre qui répond exactement à polvere, forme purement italienne :

Ardoir en feu et la poudre venter.

(Gaydon, p. 20.)


Mais poudriere, pouriere, poriere (provençal, polverieyra) se trouve aussi fréquemment que poudre et au même sens. Voyez Gui de Bourgogne, p. 24 et passim ; Gaydon, p. 285 ; Aliscans (Rec. des Anciens poëtes), p. 19, etc.

P. 9, v. 1 :

Ez vos Macaire entrant ens el vergier.

Rien de si connu que cette locution ez vos ou es vos, voici, voilà. Le sens en est fort net, mais l’origine en est moins claire. On a pris apparemment, au moyen âge, le mot es pour la seconde personne de l’indicatif du verbe être, puisqu’on trouve parfois estes vos, le pluriel au lieu du singulier. Je crois, comme on l’a dit, que es ou ez n’est autre chose qu’ecce. Je ferai remarquer seulement qu’ecce en latin était suivi tantôt du nominatif, tantôt de l’accusatif, tandis que dans nos vieux textes français ez est d’ordinaire suivi du cas régime. Je me conforme à cette habitude ici et ailleurs.

P. 9, v. 17 :

Et dist Macaires : « D’el vos covient penser. »

d’el (de alio) d’autre chose, autrement. On disait de même : d’el vos covient parler.

Quant m’estordras, d’el te covient parler.

(Moniage Renoart, ms. fr. 774, fol. 148 r°, col. 2.)

P. 9, v. 23 : Or orrés ja com... (Huon de Bordeaux, p. 129, v. 17.)

P. 9, v. 25 : tos les membres coper, — ou tranchier. V. par ex. Gaydon, p. 21, v. 1, et p. 23, v. 3.

P. 10, v. 9 : Apiçer. C’est l’italien appiccare, accrocher. Le mot français usité en pareil cas est encroer ou encruer. Les exemples abondent. On disait également encroer à unes fourches et encroer as fourches.

A unes fourqes soit Gerars encrués.

(Huon de Bordeaux, p. 308.)

P. 10, v. 20 :

De son vita non cura anpelo pelé.

Je ne vois en italien qu’amperlo qui se rapproche d’anpelo, et rien de pareil en français. Anpelo ou amperlo a probablement pris la place d’œuf ou d’ail qui se trouvait dans le texte français. Rien de si commun que oef pelé ou ail pelé, comme dans ce vers :

Je ne le pris vaillant .I. ail pelé.

(Huon de Bordeaux, p. 172.)

Amperlo signifie aubépine, et doit se prendre ici sans doute pour le petit fruit de cet arbrisseau.

P. 11, v. 15, 16 :

Or est ariere la roïne torné,
En son palais si s’en est repairié.

Il faudrait rigoureusement tornée, repairiée. Mais cet accord est loin d’être établi scrupuleusement par les trouvères. Exemples :

L’ore soit benoïte, deslivré s’est d’un fil.

Il s’agit de Parise la duchesse. Avec deslivrée le vers serait faux. Un peu plus loin on lit :

L’ore fust benoïte, d’un fil s’est deslivré.

deslivrée ne conviendrait point la rime de la tirade. (Parise la Duchesse, p. 25.)

P. 11, v. 18 :

Et s’est Macaires traveillié et peiné.

Le texte de Venise dit travalé seulement ; mais il est rare que ce mot ne soit pas accouplé au mot peiné, comme dans ce vers :

Et moi et eus traveilliés et peinés.

(Foulque de Candie, ms. de la bibl. de Boulogne-sur-Mer, fol. 270 r°, col. 2.)

P. 12, v. 20 : In bona ora fust né. C’est ici le calque de la locution italienne : En buon’ ora fusti nato. On disait ordinairement en français de bone ore. V. Raynouard, Lex. rom., III, 538, sous hora.

P. 12, v. 26 :

Çoiant fo e baldo e alé.


alé, d’allegro (comme plus loin de reo, eré d’eretico). Ces formes sont inadmissibles en français. On trouve pour allegro, haligre :

Li plus haligres a le corps empiriet.

(Prise d’Orange, ms. de Boulogne-sur-Mer, fol. 10 r°, col. 2 )

Mais c’est liés (de lætus) qui est le plus souvent employé et d’ordinaire avec les mots baus et joians.

P. 13, v. 2 :

Com la porroit deçoivre et engignier.

Ces deux verbes sont le plus souvent réunis pour exprimer l’idée de tromperie, de trahison. Exemple :

Por lui deçoivre et por lui angignier.

(Gaydon, p. 272.)

P. 13, v. 3 : uns maus nains bocerés.

J’ajoute ici au texte de Venise, parce qu’il me paraît difficile de le rétablir autrement ; mais c’est ce texte même qui me fournit l’une des additions. Le nain y est qualifié méchant un peu plus bas, et quant à l’épithète de bocerés, je ne crois pas lui faire tort en la lui appliquant, puisqu’elle ne messied pas à Oberon dans le poëme de Huon de Bordeaux :

Et dist Geriaumes : C’est li nains boceré.
.    .    .    .    .    .    .    .    .    .    .    .    .
Atant es vous le petit boceré.

(P. 97.)

D’ailleurs, dans la version en prose de notre poëme que renferme le Ms. B. L. F. 226 de la Bibl. de l’Arsenal, le nain, qui s’appelle Segoncon, est « petit, bossu et contrefait. »

P. 13, v. 8 et 22 :

Riche en feras tot le tien parenté.

Si l’on veut éviter la répétition de ce vers, on peut lire, une fois, comme dans Gaydon, p. 7, v. 11 :

Toz tes lingnaiges i aura recovrier.

P. 13, v. 13 :

Lez la roïne quant serés acostés.

Aliscans, p. 108 :

S’est Rainouars dalés lui acostés.

P. 13, v. 14 : belté. (Huon de Bordeaux, p. 312.)

P. 13, v. 23 : de rien ne vos dotés.

Cf. Huon de Bordeaux, p. 83, v. 21.

P. 13, v. 26 :

Si s’en repaire baus et joians et liés.

Huon de Bordeaux, p. 13, v. 29 :

Cil s’en repairent baut et joiant et lié.

P. 14, v. 5 :

Adester, peut-être tiré de l’italien adizzare, provoquer, exciter, si ce n’est pas une altération d’admonester. Cependant, je trouve adestis pour hastis (hâtif, empressé) dans le texte italianisé d’Aspremont, ms. fr. 1598, fol. 10 r°, col. 2, où on lit : troppo vos estes adestis, correspondant à cet hémistiche du texte français, ms. de Berlin : ne soiez si hastis ; et ailleurs (fol. 56 v°, col. 1) : adastés vostre arnois, pour : hastés vostre oirre (ms. fr. 12548, fol. 6).

P. 15, v. 6 :

Coment le plait à chief doie mener.

Mener à chief, synonyme de finer que porte le texte de Venise et que l’on pourrait conserver en restituant le vers ainsi :

Icelui plait coment doie finer.


Mais ce mot finer est déjà trois lignes plus haut.

P. 15, v. 16 : qui nen ot mal penser, ou : qui n’i sot mal penser (Voyez Auberi le Bourguignon, ms. fr. 859, fol. 106 v°).

P. 15, v. 17 :

Tot belement le prist à aplaigner.

Le texte de Venise porte carecer, mais ce mot, fait sur l’italien carezzare, ne me paraît pas fort ancien. En tout cas, on ne le trouverait pas sous la forme caresser, mais sous une forme analogue à celle de chérir. C’est le mot aplener, aplaigner, aplanoier, qui, au XIIIe siècle, signifie caresser, flatter de la main.

Souvent le pine et va aplanoiant.

(Prise d’Orange, ms. de Boulogne-sur-Mer, fol. 3 v°, col. 2.)


Pour aplaigner, v. Raynouard, Lex. roman, t. IV, p. 552, sous aplanar.

L’expression est complète dans ce passage :

Il est costume à maint riche borgois
Son effant aime endementiers qu’il croit ;
En petitece li aplene le poil
Et quant est grans nel regarde en .i. mois.

(Raoul de Cambrai, p. 226. — Ms. fr. 2493, fol. 104 v°.)

P. 15, v. 21 : dosnoier (sans régime).

Li dus Gaydons est venuz donoier
Au tref Claresme.

(Gaydon, p. 271)

P. 16, v. 27 : Si le foit liger ; ital. legare ; franç. lier et loier. Mais bender est le mot usité en pareil cas.

P. 17, v. 1 :

Se vos volés par mon conseil ovrer.

Huon de Bordeaux, p. 120 :

Mais il ne veulent par mon consel ouvrer.

P. 17, v. 6 : Sooler pour saoler, comme poon pour paon.

P. 17, v. 10 : Tais, fol, fait ele. Mato du texte de Venise est purement italien en ce sens. On disait également en français : Tais ou tais toi :

Tais toi, dist il.
Et dist Gorhanz : « Salatiel, taisiez. »

(Aspremont, ms. fr. 2495, fol. 93 v° et 94 r°.)

Tais, gloz, dist Kalles.

(Gaydon, p.16, v. 7.)

Idem, ibid :

... Ne m’user ce parler.

Dans le vieux français et dans le provençal, comme aujourd’hui encore en italien, l’infinitif est parfois employé pour l’impératif, mais seulement après une négation.

Chevauche, rois, ne t’atargier noiant.

(Aspremont, ms. fr. 2495, fol. 103 v°.)

A si grant tort guere ne comencier.

(Raoul de Cambrai, p. 43.)

P. 17, v. 17 :

Puis le saisit maugré sa volenté.

Huon de Bordeaux, p. 29 :

Il et si homme si ont Karlot saisi.

P. 17, v. 18 et passim : tenser pour defenser du texte italien. Je ne trouve pas ce dernier en usage, quoique defensar existe en provençal.

Qu’en si lonc regne m’estes venus tenser.

(Huon de Bordeaux, p. 135.)

Mais par moi n’eres secourus ne tensés.

(Id., p. 137.)

P. 17, v. 19 :

Jus del solier l’a ele fait verser.


Ou, si l’on veut :

Verser l’a fait contreval les degrez.

(V. Gaydon, p. 111, v. 4.)

P. 17, v. 27 : mires manda. Raoul de Cambrai, p. 188 : mandés les mires.

P. 19, v. 1 :

Plus de uit jors jut, ne se pot lever.

On lit dans Huon de Bordeaux, p. 73 :

.II. ans en gut, ainc ne s’en pot lever.

Stete, du texte de Venise, correspond à esta (de stare), qui serait bien impropre appliqué à un malade obligé de garder le lit.

P. 19, v. 5 : encoste d’un piler, ou encore : par delez .i. piler. V. Huon de Bordeaux, p. 143.

P. 19, v. 10 :

Onc ne cessa mener noise et bobant.

C’est risa (rixe) du texte italien que je remplace par le mot en usage en France : noise. Je remplace far ou faire par mener, qui était le terme habituel en pareil cas :

On ne doit mie tel beubance mener.

(Huon de Bordeaux, p. 267.)

P. 19, v. 11 :

Guerroia sempres Renaut de Montauban ;


locution autorisée par ces exemples entre autres :

Que il voloit guerroier roi Karlon.

(Gaydon, p. 93.)

Que mauvais fait guerroier son seignor.

(Idem, p. 177.)

P. 19, v. 16 :

Que ne honisse Kallemaine le franc.

Huon de Bordeaux, p. 41 :

Et s’eslonga Karlemaine le franc.

P. 19, v. 22 :

Et li maus nains, qui n’ot pas sens d’enfant.

Raoul de Cambrai, p. 105 :

Li fil Herbert n’ont mie sens d’enfant.

P. 20, v. 10 : Ne aler en ses man. Que faut-il entendre par man ? — Mains (manus)? mant, racine de commant (mandatum) ; ou mant, mante, manteau ? Ce dernier sens paraît possible, puisqu’on a lu déjà, p. 14, v. 14 : soto son mantel culcer. J’ai préféré un sens moins étroit, plus général : faire son commant (se mettre à ses ordres).

P. 21, v. 3 :

A la roïne plus ne vait en present.

On pourrait lire aussi :

Devant la roine plus ne vait en présent.

Raoul de Cambrai, p. 210 :

Nos .v. espées te sont ci en present.


Et p. 336 :

Tant com je sui devant vous en present.

Foulque de Candie, ms. de Boulogne-sur-Mer, fol. 42 r°, col. 2, et fol. 241 r°, col. 2 :

Devant le roi vos metés en present.
Voit Anfelise devant lui en present.

P. 21, v. 13 : li peres raemans (Raoul de Cambrai, p. 154). Raemans, rédempteur ; mais on trouve aussi roi amant. V. par ex. Huon de Bordeaux, p. 88 : Dieu, le roi amant.

P. 21, v. 14 :

Par lui fu mise la roine en grant torment.

J’ai fait compter ce mot d’ordinaire pour trois syllabes ; parfois cependant, comme ici, je l’ai réduit à deux, en supprimant la diérèse, en quoi j’ai suivi l’exemple de plusieurs bons trouvères. L’auteur d’Auberi le Bourguignon, par exemple, au recto et au verso du même feuillet, écrit :

Forment me poise du rice roi Orri,
De la roïne que Turc enmainnent si.

.   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .
Et la roine est tornée à deshonor.

(Ms. fr. 859, fol. 22.)

On pourrait lire aussi :

Par lui fu mise la roïne à torment.

Voyez Gaydon, p. 311, v. 4.

P. 21, v. 21 : Prendre vengement de.

Fel soie jou se n’en pren vengement.

(Loquiferne, ms. fr. 1448, fol. 284 r°, col. 2.)

P. 21, v. 22 : bruïe (brûlée). Gaydon, p. 145.

P. 23, v. 1 : Avoir vengement de quelqu’un.

Ja de Gaydon n’averons vengement.

(Gaydon, p. 220.)

P. 23, v. 9 :

Porpensé m’ai trestot l’engignement.

Voici deux exemples de ce mot assez rare :

Je n’en puis mès, le cuer en ai dolent,
Qu’il me sosprist par son engignement.

(Auberi le Bourguignon, ms. fr. 859, fol. 110 r°, col. 1.)

V. aussi Gaydon. p. 315.

P. 23, v. 13 :

Mais l’aparler ne me dites noiant.

Aparler quelqu’un pour lui parler, est une locution qui revient souvent au moyen âge, notamment dans le poëme de Huon de Bordeaux :

Que s’il revient, jel vorrai aparler.

(P. 103.)

P. 23, v. 15 :

Et dist Macaires : « Fesons le saigement. »

Fesons le et non simplement fesons ou ferons, comme au texte de Venise. Le faire ou la faire sont des locutions consacrées.

Faisons le noblement.

(Gaydon, p. 176.)

Dist à ses homes : « Saigement le fesons. »

(Auberi le Bourguignon, ms. Fr. 860, fol. 241 r°.)

P. 23, v. 16 : il est costume l’emperéor.... que.

Raoul de Cambrai, p. 226 :

Il est costume à maint riche borgois...

Jourdain de Blaives, ms. fr. 860, fol. 115 v°, col. 2 :

Que n’est costume à nul franc chevalier
Que son seignor doie nul jor tancier.

P. 23, v. 20 : en la chambre couchant, locution analogue à celle de chandeille alumant, qu’on trouve dans Gaydon, p. 10.

P. 23, v. 21 : faire une vengeance de.

Voyez Ogier, I, 26 et 27.

P. 24, v. 14 :

De toi ofendre li paroit vituper.

Je ne pouvais songer à conserver le mot vituper, qui n’a jamais existé en français sous cette forme. On le trouve sous la forme vitupere, mais seulement au XIVe siècle. (Voyez, par exemple, Bauduin de Sebourc, I, 112.) Je doute fort qu’il ait été en usage au siècle précédent.

P. 25, v. 2 :

Gentil conseil te saurai bien doner.

(Huon de Bordeaux, p. 264, v. 28.)

P. 25, v. 14 : Au mot ofendre du texte italien je substitue adeser, qui est le terme propre en pareil cas :

Mais por l’anel, ne t’osons adeser.

(Huon de Bordeaux, p. 172, v. 10.)

Messaigiers est, ne doit iestre adesez.

(Gaydon, p. 110, v. 10.)

Se il m’avoit feru ne adesé.

(Ibid., v. 15.)

Mais il ne l’ont touchié ne adezé.

(Id., p. 188, v. 31.)

Idem, ibid. : li sembleroit viltés.

Ou vieutés, comme dans ce vers de Huon de Bordeaux, p. 149 :

Car il li sanble che seroit grant vieutés.

P. 25, v. 19 : Sovente fois, ou au pluriel, comme dans Raoul de Cambrai, p. 169 : Soventes foiz.

P. 25, v. 24 : Ne t’estuet esmaier, ou, en conservant le mot doter : ne te covient doter ; ou enfin : pas ne t’estuet doter.

P. 27, v. 13 : ens el palais plenier. Le texte de Venise dit droiturier, dont je ne connais pas d’exemple ainsi employé ; au contraire, palais plenier est partout.

Pour lui servir en son palais plenier.

(Huon de Bordeaux, p. 11.) Etc.

P. 27, v. 15 : dormir et reposer. Le texte de Venise dit polser, français pousser. J’aurais pu employer ce terme en restituant :

Ens en lor chambre et dormir et pousser.


Mais je ne trouve le mot qu’un peu tard, dans une version en prose d’un de nos anciens poëmes : Il fist semblant de dormir et moult pousse et souffle (Miles et Amis, exemplaire sur vélin de la Bibl. imp., fol. 76 v°. Antoine Verard, sans date). Au contraire, on rencontre fréquemment la locution dormir et reposer :

Onqes n’i pot dormir ne reposer.

(Aliscans, p. 77, v. 16.)

P. 27, v. 17 :

Deriere l’uis de la charnbre roiel.

Regiel se trouve déjà dans la cantilène en l’honneur de sainte Eulalie. Roiel est dans la chanson de Parise la Duchesse, 2e édit., p. 25, où il rime, comme ici, avec des mots terminés en é et en er.

P. 27, v. 27 :

De traïtor ne se puet nus garder.


Ou gaitier, comme dans Gaydon, p. 128 :

De traïtor ne se puet nus gaitier.

P. 29, v. 6 : com ert acostumés, ou, pour conserver le mot usé du texte italien : com il l’avoit usé.

Se mes ancestres l’a ensement usé.

(Huon de Bordeaux, p. 174.)

P. 29, v. 9 : ices dras. Le texte de Venise dit pani, mais précédemment, p. 26, v. 23, il porte drape. Dans le premier cas, le compilateur a conservé le mot français ; dans le second, il le remplace par un mot purement italien, au moins en ce sens. Pan, en vieux français, signifiait un morceau d’étoffe et ne se prenait point au sens de vêtement.

Qui li véist ses dras desrompre et desmaller,
Et par panz et par peces aus pores ganz doner.

(Parise la Duchesse, 2e édit., p. 20.)

La dame le conroie à un pan de cender.

(Id., p. 25.)

P. 29, v. 13, 14 : Il y a ici dans le texte de Venise une répétition que je n’ai pas cru devoir reproduire.

P. 29, v. 17 :

S’en est issu en la sale el pavé.


Ou encore :

S’en est issu par le palais pavé.

Cf. Gaydon, p. 111.

P. 31, v. 16 : cuivert renoié. Voyez Huon de Bordeaux, p. 35 et passim.

P. 31, v. 21 :

... Sire, par foi vos le saurès.

Cf. Huon de Bordeaux, p. 245, v. 4 et passim.

P. 33, v. 2 : qui tot a à jugier. Locution des plus fréquentes. Voyez, par exemple, Gaydon, p. 180, et Huon de Bordeaux, p. 295. Cette locution s’adapte ici fort bien au sens du vers. Peut-être, cependant, pour rester plus près du texte italien, faut-il lire : qui tout a à baillier (Huon de Bordeaux, p. 11.), ou encore : qui le mont doit jugier (id., p. 3).

P. 33, v. 7 :

Maléurée, lasse se vait clamer.

Aliscans, p. 86, v. 30 :

Sovent se claime lasse, maléurée.

P. 33, v. 11 :

Qui l’achoisonne et dure et asprement.

On sait que les adverbes comme asprement sont formés d’un adjectif ou participe au féminin et du mot ment, issu de mens, mentis (aspera mente). Dans l’ancien français comme en provençal, quand deux adverbes de cette classe se suivent, le second seul est complet, et la finale ment sert ainsi à deux fins. Dure et asprement pour durement et asprement.

P. 33, v. 14 :

A une part l’en menent coiement.


Ainsi restitué d’après ce vers de Gaydon (p. 229) :

En cel broillet l’enmenrons coiement.


C’est sans doute ce mot coiement que le compilateur italien a remplacé par secretament.

P. 35, v. 18 :

Vers la roïne que furent tant embronc.

Enpron, du texte italien, m’a paru le même qu’enbron, qui se lit au vers 18 de la page suivante, où il est employé au propre, tandis qu’ici il aurait, selon moi, un sens figuré. Il peut se faire cependant qu’enpron signifie ici empressé. En ce cas, je propose de lire :

Vers la roïne qu’ont tant aïrison
Que de l’ocirre.


On pourrait même se servir ici de l’adjectif :

Vers la roïne que sont tant aïrouz
Que....


Aïrouz, dans Gaydon p.17, et ailleurs, se trouve à la rime dans une tirade en on.

P. 35, v. 19 : Sans point de raençon.

De même Gaydon, p. 301 : Sans point d’arrestison.

P. 35, v. 22 : n’est mie as autres bon.

Gaydon, p. 88 :

Voit le Auloris, ne li fu mie bon.

Auberi le Bourguignon, ms.fr. 860, fol. 245 v°, col. 1 :

François le voient, ne lor fu mie bon.

P. 36, v. 8 et 27, et p. 38, v. 4. Je n’ai pas cru pouvoir conserver le mot çuçeson du texte italien, qui serait sans doute jugeoison ou jugison en français. Mais je n’en connais pas d’exemple, et il me semble que çuçeson est encore ici une de ces simplifications d’expression si familières à notre compilateur.

P. 37, v. 7 : murent noise et tenson.

Gaydon, p. 93 :

Qui son seignor muet noise ne tenson.

P. 37, v. 13 : vos en menés si lonc.
Ou mieux peut-être : vos traiés si en lonc.

P. 37, v. 15 : honte en aurés et reprovier. C’est une locution qui revient à chaque instant dans nos vieux poëmes. Voyez Préface, p. cxxix.

P. 37, v. 19 :

Tel duel en ot par poi d’ire ne font.

Gaydon, p. 316 :

Lors a tel duel à poi d’ire ne font.

On disait également à poi ou par poi, mais dans cette locution si fréquente on trouve plus souvent fent que font, et l’image est alors beaucoup meilleure.

P. 39, v. 1 :

Et si n’ont cure quels est s’estracion.

C’est ce vers ou tout autre de même sens que notre compilateur italien a si étrangement traduit dans son jargon barbare :

Ni no sa mie de qi fila ela son.


traduction aussi absurde qu’incorrecte ; car les barons de Charlemagne ne peuvent ignorer l’origine de la reine, seulement ils ne s’en inquiètent pas, ils n’en tiennent pas compte. Voilà le vrai sens. J’ai donc remplacé ni no sa mie par et si n’ont cure, locution bien connue. Pour estracion, voici des exemples qui me justifient :

Plaist vos oïr quels est s’astration?

(Ms.fr. 1448, fol. 295 r°, col. 1.)

Plus loin, dans le même manuscrit, on lit :

.IIII. jéans de male estracion.

(Fol. 322 v°, col. 1.)


et dans le Moniage Renouart, ms. de Boulogne-sur-Mer, fol. 182 r°, col. 2 :

Vés là un homme de grant estrasion.

P. 39, v. 3 : faire lonc sermon.

Huon de Bordeaux, p. 281 : trop faites lonc sermon.

P. 39, v. 4 : amendison. Voyez Aliscans, p. 212, et Gaydon, p 124.

P. 39, v. 6 : S’ele i a colpes,
expression empruntée au poëme de Parise la Duchesse. Voyez notre édition de ce poëme, p. 10 : Madame n’i a colpes.

P. 39, v. 8 : Nos la respiterons, et non resplenteron comme au texte italien ; de même qu’il faut lire à la p. 41, v. 8, respitier au lieu de resplaiter.

Par Saint Denis, dist li quens Brachefier,
Par itel chose dois estre respitiés.

(Couronnement Loéys, ms. de Boulogne-sur-Mer, fol. 27 r°, col. 1.)

Quant por avoir est tes cors respitiés.

(Id., fol. 28 r°, col. 2.)

« J’étais perdu, dit le duc Naimes dans Aspremont, quand Balant prit ma défense » :

A moult grant peine me pot il respitier.

(Ms. fr. 2495, fol. 103 r°.)

P. 39, v. 11 : ovraigne.

Quant voit sa gent morir à tel ouvraigne.

(Anséis de Cartage, ms. fr. 12548, fol. 69 v°, col. 1.)

V. aussi Gaydon, p. 164.

P. 39, v. 13 : regnier (royaume). On disait au même sens regne, regné, regnier ou renier (regnum, regnatum, regnarium). Les deux premières formes sont les plus connues ; la troisième l’est moins, parce qu’elle ne revient pas à beaucoup près aussi fréquemment. En voici deux exemples :

..... Dont vuidiés mon regnier.

(Ogier, v. 3213.)

Il ne a marche ne païs ne renier.

(Huon de Bordeaux, p. 7.)

P. 39, v. 18 :

De soe fille à tel vilté jugier ;


à tel vilté pour si vilment, ou, avec la forme contracte, à tel vieuté, comme dans ce vers de Huon de Bordeaux (p. 297) :

Quant en vo vile estes à tel vieuté.

P. 39, v. 21 :

Conseil vos doin que l’aliés espargnier ;


espargnier, pour conserver du texte de Venise, se justifie par de nombreux exemples, par ceux-ci entre autres :

Faites moi pendre et au vent encroer ;
Mal ait qui m’en espargne.

(Amis et Amiles, ms. fr. 860, fol. 96 v°, col. 2.)

Par le doloive furent trestuit noié,
Fors sol Noel que il ot espargnié.

(Aspremont, ms. fr. 2495, fol. 72 v°.)

P. 41, v. 4 : contralier (ou contraloier).

C’est la forme ancienne la plus fréquente du mot contrarier. Exemples :

Je voi ici Ogier qui à me contralie.

(Gui de Bourgogne, p. 3.)

Iez tu venu por nos contraloier ?

(Gaydon, p. 303.)

P. 41, v. 5 :

Et si li dist : « Emperere, frans ber ;


ainsi restitué d’après ce vers de Huon de Bordeaux (p.299) :

S’il est ensi, empereres, frans bers ;


en supprimant l’s d’emperes et de bers, mots dont le sujet au singulier se distinguait fort bien du régime sans cette addition.

P. 41, v. 8 : mettre en respitier (différer).

Ceste bataille mettez en respitier.

(Gaydon, p. 182, v. 10.)

P. 41, v. 11 :

Et s’aucuns est qui ce voille noier.

Dans une situation identique, le traître Thibaut dit :

Se cest afaire voloit noier Gaydon.

(Gaydon, p. 18.)


On peut lire aussi, en restant plus près du texte de Venise :

Et s’aucuns est qui voille i contrester.

P. 41, v. 15 :

Mal de celui qu’osast vers lui tenser.

Gaydon, p. 22 :

Fransois oïrent lor seignor desraisnier ;
Mal soit de cel qui ost lever le chief ;


et p. 157 :

Tense vers lui, et vers lui guerre enprent.

P. 41, v. 19 :

Quant voit dus Naimes le roi asoploier.

Auberi le Bourguignon, ms. fr. 859, fol. 156 v°, col. 1 :

Quant Lambers l’ot ainsi asoploier.

P. 43, v. 6 : c’ot el cuer déablie.

Ici le compilateur italien a certainement changé la rime : c’oit le cor enbrasie n’est pas une locution du temps, et, en tout cas, il faudrait : c’ot le cuer embrasé. Peut-être lisait-on dans le texte français : c’ot le cuer espris d’ire (car ire se trouve à la rime dans des tirades en ie). J’ai pensé qu’on pouvait admettre aussi la leçon que je propose : Macaire était endiablé contre la reine. Déablie, diablie, diablerie, sont fréquents dans nos anciens poëmes. Voir, par exemple, Gaydon, p. 120 ; le Siege de Thebes, ms. fr. 375, fol. 36 r°, col. 3 ; les Enfances Ogier, ms. fr. 1471, fol. 64 r°.

P. 43, v. 10 :

De la roïne jugier si s’asoplie.

On disait au même sens asoplier ou asoploier et asoplir.

Charles l’entent, moult en fu asouplis.

(Huon de Bordeaux, p. 65.)

P. 43, v. 11 :

A lui l’amenent de samit revestie.

Gaydon, p. 182 :

Ferraut amainnent au roi.

Alixandre, p. 231, éd. Michelant :

De dras religious fu toute revestie.

P. 43, v. 15 : d’un chier paile roé, expression consacrée et qui revient à chaque instant dans nos vieux poëmes. Voir, par exemple, Alixandre, p. 342, édition précitée.

P. 43, v. 16 :

Bel ot le vis come rose en esté.

Je m’éloigne un peu du texte, qu’on ne peut d’ailleurs restituer en le serrant de trop près. On pourrait s’en rapprocher davantage, mais en répétant les mots coloré et descoloré, qui, dans le texte de Venise, terminent ce vers et le vers suivant. On pourrait lire, par exemple :

Ses vis qu’estoit et bels et colorés,
Or est tot pales et tot descolorés.


Mais mieux valait reproduire ici une comparaison qui revient si souvent dans nos anciens poëmes. Exemples :

Plus sont vermel que n’est rose en esté.
Plus est vermaille que n’est rose en esté.

(Ms. de Boulogne-sur-Mer, fol. 177 r°, col. 2.)

La rose samble en mai la matinée.

(Aliscans, p. 33.)

P. 43, v. 19 :

Cele le voit sel prent à araisnier,

d’après Gaydon, où on lit, p. 92 :

Gaydes le voit sel prent à arraisnier.

P. 43, v. 21, 22 et 23.

Il ne faut pas s’étonner d’entendre la reine dire, dans le même temps, au roi : tu et vos. Rien de plus fréquent dans nos anciens poëmes. En voici un exemple choisi entre mille :

Ramenrai toi en France à sauveté
Et tous iciaus que tu as à guier,
Se nel perdés par vostre malvaisté.

(Huon de Bordeaux, p. 104.)

P. 43, v. 22 : Si fait au sens de tel, con fait au sens de quel, sont des expressions dont les exemples abondent dans tous les textes.

P. 45, v. 3 :

Ne se me vint en cuer ne en pensé.

Cf. Parise la Duchesse, 2e édit., p. 8, v. 27.

P. 45, v. 4 : por noient en parlés, ou, mieux peut-être, comme dans Huon de Bordeaux, p. 3 : pour noient en plaidiés.

P. 45, v. 9 : Qui son segnor faut.....

Fierabras, p. 7 :

Qui son droit signeur faut, il n’a droit de parler.

P. 45, v. 13 et 14 :

N’aimes l’oï, s’en a le chief crollé ;
A soi méisme a dit sans delaier ;


leçon empruntée presque littéralement au poëme de Gaydon (p. 93, v. 3 et 4) :

Riolz l’entent, s’en a le chief hocié ;
A soi méismez a dit sans delaier ;

P. 45, v. 16 : Mar verra Kalles.....

Gaydon, p. 163, v. 10 :

Mar vistez onques les gloutons deffaez.

P. 45, v. 17 : engané. C’est une forme très-voisine de l’italien ingannare. Le mot le plus usité en ce sens est engignier.

Huon de Bordeaux, p. 98 :

Sainte Marie com fui mal engignié !


Mais dans ce même poëme, je l’ai dit déjà, on trouve aussi enganer :

Tant m’enorta et tant m’ot engané.

(P. 291.)

P. 45, v. 18 :

Li emperere cui douce France apent.


On pourrait lire aussi, comme dans Huon de Bordeaux, P. 179 :

Li emperere ù douce France apent.

P. 45, v. 22 :

Ne face d’ele faire le jugement.

Je suis de près le texte de Venise. Mieux vaudrait lire peut-être :

Que ne la face mener par jugement.

V. Huon de Bordeaux, p. 68 et 69, où on lit :

Quant desirete ensi .i. de vos pers,
Et ne le veut mener par jugement.

P. 47, v. 6 : aportent bois. On pourrait conserver legne du texte de Venise.

Dient as pelerins qu’il aportent la laigne
Si feront faire un fu.

(Chanson d’Antioche, II, 298.)

V. Ducange, au mot laignerium.

P. 47, v. 27 : ne me le va celant (texte italien : di m’o segurement). Huon de Bordeaux, p. 89 : ne m’alés pas celant, ou, si l’on veut : di le moi vraiement. Cf. Gaydon, p.78.

P. 49, v. 7 : ardoir et feu ardent, ou en feu ardent.

Ja la verrai ardoir en feu ardent.

(Amis et Amiles, ms. fr. 860, fol. 99 v°, col. 1.)

P. 49, v. 10 :

Or li nains art, li traïtre puslens.

On lit dans Gaydon, p. 132 :

Hertaus l’angoisse, li traïtres puslens.

P. 49, v. 14 :

Et plore et plaint et ses poins vait tordant.

Cf. Huon de Bordeaux, p. 37.

P. 49, v. 15 :

Et prie Dieu cui tos li mons apant.

Cf. Gaydon, p. 310, v. 30, et passim.

Si la rime était en é, on pourrait conserver le mot majesté du texte italien, et lire :

Et prie Dieu de sainte Majesté.

Parise la Duchesse, 2e édition, p. 11 :

Damedeu reclama de sainte Majesté.

P. 51, v. 6 :

A grant merveille fu Kalles droituriers.

C’est une épithète souvent attachée au nom de Charlemagne dans nos anciennes chansons de geste. Exemple :

Je sui .i. hon Kallon le droiturier.

(Aspremont, ms. fr. 2495, fol. 97 r°.)

P. 51, v. 12 et 14, ces deux vers se retrouvent ainsi dans la chanson d’Aliscans :

Tot li gehi, n’i laissa que conter.
De che k’il pot savoir ne ramenbrer.

(P. 26, rec. des Anciens poëtes.)

P. 51, v. 16 et 17 :

Si com ençainte de fil o de fille ert,
Que Kallemaines ot en ele engenré.

Je m’éloigne ici forcément du texte de Venise pour me rapprocher d’un texte français où l’on trouve pareille situation :

Je sui de vos ançainte, de verté le sachez,
Ou de fil ou de fille...

(Parise la Duchesse, p. 19.)

Pour la locution du second vers, que Kallemaines, etc., elle est commune :

Et si ai feme que jou ai espousé
Et biax enfans qu’ens li ai engerré.

 (Huon de Bordeaux, p. 83.)

P. 51, v. 20 :

De cele chose dont la vont encorper.

J’ai substitué ce dernier mot au mot calonçer du texte vénitien, non que chalenger ou chalonger ne soit très-français, non que son origine, et loin de là, lui refuse le sens qu’il prendrait ici ; mais je ne le trouve nulle part employé dans nos chansons de geste avec ce sens. Dans ce passage d’Amis et Amiles, par exemple :

Ancui voldrai ma dame chalongier
.   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   . 
Envers Hardré, le cuivert renoié.

c’est le défenseur et non l’accusateur qui se sert du terme chalongier. Au contraire, le mot encorper se retrouve partout au sens d’accuser, d’inculper, et particulièrement dans Gaydon :

Ce devez vos jurer,

Dont voz avez mon seignor encorpé.

(P. 41.)

Car quant vers Karle fui à tort encorpez.

(P. 226.)

Encouper n’est qu’une autre forme du même mot :

Se traïssons ne vous va encoupant.

(Huon de Bordeaux, p. 37.)

P. 53, v. 17 :

Ens en ma chambre le mist il à celé.

On trouve plus fréquemment à celée. C’est la forme ordinaire ; mais parfois on emploie la forme masculine, comme dans cet exemple :

En .i. gardin, coiement, à chelé.

(Bueve d’Hanstone, ms. La Val. 80, fol. 2 r°, col. 1.)

P. 53, v. 23 : On pourrait lire aussi :

Adont me pristrent si me firent loier,


d’après ce vers de Huon de Bordeaux :

Iluec le prist et se le fist loier.

(P. 5, v. 12.)

P. 57, v. 7 :

Tos ses pechiés m’a gehis et contés.

Palenté, du texte vénitien, et son composé apalenter qui se lit plus bas, v. 11, ne sont pas français ; le compilateur les a substitués à des mots tels que gehir (avouer), acertener, acréanter :

A lui s’est lues li enfes confesés
Tout li jehi, n’i laissa que conter.

(Huon de Bordeaux, p. 57.)

P. 57, v. 10 :

Si com par ele ne fu dis ne pensés ;


ou mieux peut-être :

Que mais par ele....

P. 57, v. 12 : Voyez ci-dessus la note sur le vers 16 de la p. 51.

P. 59, v. 11 :

Que ne se laisse ne véoir n’esgarder.

Ou que ne se laist. On trouve les deux formes, non-seulement pour ce verbe, mais pour beaucoup d’autres. L’auteur de Gaydon, par exemple, dit, p. 106 :

Cil Dex de gloire, .  .  .  .  .  .  .  
Il saut et gart le riche duc Gaydon.

Et p. 230 :

Jhesus de gloire nos sauve tel parent.

P. 59, v. 25 : terrier (territoire).

De Bordiax virent les murs et les terriers.

(Huon de Bordeaux, p. 286.)

Vos, li viel homme, garderés le terrier.

(Raoul de Cambrai, p. 76.)

P. 61, v. 3 : Et vueil je l’otrier, ou plutôt, selon l’expression consacrée : Bien fait à otrier.

P. 61, v. 12 :

Aubri ot nom.....

J’ai le plus souvent écrit Auberi et compté ce nom pour trois syllabes ; mais parfois j’ai dû le réduire à deux et l’écrire Aubri, en quoi j’ai suivi l’exemple du trouvère auquel nous devons le poëme d’Auberi le Borgoin ou le Bourguignon. Presque partout dans ce poëme le nom du héros se lit ainsi : Auberi, ce qui n’empêche pas de lire au début de la chanson :

Bone chanchon du temps anciennor.
.  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .
Du duc Basin à la fiere vigor,
Et de son fil Aubri le poignéor.

(Ms. de la B. I., fr. 859, fol. 1.)

P. 61, v. 15 :

Auberis sire, alés vos aprester.

Huon de Bordeaux, p. 149 :

Or fai dont tost, si te va aprester.

Aparillier, conréer, atorner, adober, s’emploient au même sens.

P. 61, v. 24 :

Et ceint le branc, sans plus, à son costé.

Corer, du texte italien, est inadmissible.

P. 63, v. 2 : Si se mist à l’errer.

..... Si pensent de l’errer.

(Gui de Bourgogne, p. 7.)

P. 63, v. 13 :

D’armes se vest et d’autre garnement.

Prise d’Orange, ms. de Boulogne-sur-Mer, fol. 54 r°, col. 1 :

Et beles armes et autre garnement.

P. 65, v. 1 : à pendant ou en un pendant, comme dans cet exemple :

Le tref le roi coisist en un pendant.

(Ogier, II, p. 405.)

P. 65, v. 4 : en oiant, locution difficile à expliquer littéralement, mais fréquente dans nos anciens poëmes :

Li arcevesque se leva en estant
Et lut le brief hautement an oiant.

(Aspremont, ms. fr. 2495, fol. 69 v°.)

Et a parlé hautemant en oiant.

(Idem, fol. 74 r° et v°.)

P. 65, v. 20 :

..... il nos vait malement,


locution fort usitée au moyen âge :

Par Deu, Ogier, or vos va malement.

(Ogier, II, 322.)

En non Deu, rois, or voz vait malement.

(Gaydon, p. 113.)

P. 65, v. 24 :

Bien vos serai à mon pooir garans.

Huon de Bordeaux, p. 88 :

...... Cil Dix vous soit garant.
Qui de la Vierge nasqui en Belléant.

Idem, p. 35 :

...... il m’ala maneçant
Qu’il m’ociroit, ja n’aroie garant.

P. 67, v. 1 :

D’ele ferai trestot le mien talent,


ou encore

D’ele ferai mon bon et mon talent.

Gaydon, p. 289 :

Faire en voloit son talent et son bon.

P. 67, v. 2 : Non fras, pour feras.

V., par exemple, Otinel, p. 25, v. 23.

P. 67, v. 6 :

Por la roïne que je ai à guier.

Huon de Bordeaux, p. 114 :

Et tous iciaus que tu as à guier.

P. 67, v. 19 : chalengier. V. ci-dessus la note sur le vers 20 de la p. 51.

P. 67, v. 20 :

S’Auberis fust fervestus et armés.

Huon de Bordeaux, p. 149 :

Car, se je fusse fervestus et armés.

P. 69, v. 3 :

Et brandist l’anste où ot bon fer d’acier.

J’emprunte ce dernier hémistiche au poëme de Gaydon :

La hanste prent où ot bon fer d’acier.

(P. 95, v. 6.)

P. 69, v. 5 :

Et Auberis n’ot fors le branc d’acier.

Huon de Bordeaux dit, en employant le même tour :

Et je n’avoie fors m’espée trençant.

(P. 35.)

P. 69, v. 8 : hom desarmés — ou desgarnis.

Huon de Bordeaux, p. 23, v. 12 :

Tu es armés et je sui desgarnis.

P. 69, v. 9 : armés et haubergiés.

Gaydon, p. 34 :

Est il encor armez ne haubergiez ?

P. 71, v. 2 : selve.

Raoul de Cambrai, p. 93 :

Ybert estoit leiz la selve foillie.

P. 71, v. 2 et 8 : herbor. Je n’en connais pas d’exemple, mais il se justifie par l’analogie de tenebror.

P. 71, v. 5 :

Il se resgarde environ et entor.

Gaydon, p. 297 :

Moult se regarde et avant et arrier.

P. 73, v. 9 :

Qu’as tables erent li baron asegié.


On pourrait lire aussi :

Qu’as tables erent assis li chevalier ;


le sens resterait le même. Asseoir et asegier sont deux formes différentes, mais leur valeur est identique. On disait indifféremment, par exemple, asseoir une ville ou l’assieger.

Se voz au Mans me volez asséoir.

(Gaydon, p. 16.)

Aval les tables s’alerent assegier.
Fait le message devant lui assegier.

(Idem, p. 264, v. 15 et 17.)

P. 73, v. 13 : assis au disner, pour éviter une répétition.

Huon de Bordeaux, p. 167 :

Li amiraus ert assis au disner.

P. 73, v. 16 :

Et en la char forment l’a entamé ;


ou empirié.

Mais en la char ne le pot empirier.

(Gaydon, p. 224.)


pour entamer. Voyez Gaydon, p. 123 ; Fierabras, p. 37 ; Huon de Bordeaux, p. 137.

P. 73, v. 18 : Sa voie en vait.

Aliscans, p. 202 :

Va a voie, desvez

P. 75, v. 2 : qui sa plaie ont bendé.

Huon de Bordeaux, p. 28 : bandés moi ma plaie.

P. 75, v. 19 : enmalolé (emmaillotté) ; on disait aussi simplement mallolé. (Voyez cette forme dans la Chevalerie Vivien, ms. de Boulogne-sur-Mer, fol. 129 v°, col. 2, et enmalolé dans Parise la Duchesse, 2e édit., p. 27.)

P. 75, v. 25 : de grans cops le fiert.

Notre compilateur italien, qui aimait les rimes riches, aura sans doute reculé devant celle-ci.

P. 77, v. 20 : por les .II. iex dou front. J’ajoute deux au texte italien. Rien de si commun que cette façon de parler :

Andui li œil li sunt el chief larmé,

 (Aspremont, ms. fr. 2495, fol. 101 r°. )

P. 79, v. 1 :

Es chevaus montent qui miex miex à tenson.

On lit un vers à peu près identique dans Renaut de Montauban (I, 86) :

Qui ainz ainz, qui mielz mielz, monterent à tençon.

C’est fort probablement la locution qu’avait sous les yeux le compilateur italien et qu’il a rendue par celle-ci : qui tot meio poon.

On pourrait lire encore, comme dans Gaydon (p. 282) :

Es chevax montent, par fiere contenson.

P. 79, v. 3 : n’i font demorison (Ogier, II, 401).

P. 79, v. 5 :

Dont flairors ist dou mort à grant fuison.

V., pour flairors, Raynouard, Lexique roman, sous ce mot. Le verbe issir, en provençal comme en français, se joignait à ce substantif.

P. 79, v. 10 : plorison (Ogier, II, 508).

On peut, si l’on veut, rapporter ici ce vers de Huon de Bordeaux (p. 298) :

Et quant le voient, grant duel demené ont.

P. 79, v. 15 :

Hé ! gentis rois, ci a grant encombrier.

Sans la rime, on pourrait suivre de plus près le texte de Venise en reproduisant ce vers d’Ogier (t. I, p. 22) :

Drois emperere, grant damage i avons ;


et même, en accommodant ce vers aux exigences de la rime, on pourrait lire :

Drois emperere, grant damage i avés.


Mais le tour que j’emploie est plus fréquent encore et rend la même idée.

Raoul de Cambrai, p. 44, 124, 150 :

Biax fix, dist elle, ci a grant destorbier.
Biax niés, dist il, ci a male raison.
Dist l’uns à l’autre : « Ci a bel chevalier. »

P. 79, v. 21 : cobrer (texte italien pier, pigliare) se disait des personnes comme des choses.

Parise la duchesse, 2e édit., p. 21 :

Et li escuier saillent à l’evesque cobrer.

Huon de bordeaux, p. 110 :

Le hanap prist, a .ii. mains l’a conbré.

P. 81, v. 8 : qui moult flairent souef (ou soué).

Plus soué flairent que baumes destenpré.

(Huon de Bordeaux, p. 147.)

P. 81, v. 13 : Quant fu en terre. (Quando fo seveli.)

Raoul de cambrai, p. 126 :

Tant que ces niés soit dedens terre mis.

P. 81, v. 19 et 20 :

A tote gent quant je t’oi demander
La mort Aubri.


Demander la mort, c’est-à-dire demander compte de la mort.

La mort mon pere Fernagu te demant.

(Otinel, préface, p. viii.)

P. 83, v. 2 : Vez moi tot prest (V. Gaydon, p. 19, v. 6)

P. 83, v. 11 :

N’estes mais dignes de corone porter.

Voyez l’expression corone porter dans Gui de Nanteuil, p. 26, et dans le poëme même de Macaire, p. 102. Le compilateur ici l’a rejetée sans doute pour simplifier, selon son habitude.

P. 83, v. 15 :

Sus el palais, en la sale votie ;


ou, pour conserver antie du texte vénitien :

Sus el palais, en une sale antie.

Gaydon, p. 326 :

Dont l’amenarent en la sale voltie.

P. 83, v. 18 :

Faite me fu une grans estoutie.

Otinel, p. 34 :

Il lur fera ja mult grant estultie.

P. 83, v. 19 :

A grant vergoigne ma moillier chalengie.

J’ai admis ici, fort à regret, le mot chalengie, faute d’en trouver un meilleur. Je crois qu’acusie (pour acusée, comme brisie, bautisie, pour brisée, baptisée) est la véritable leçon ; mais je ne connais pas d’exemple du mot accusée sous cette forme (Voyez ci-dessus la note sur le vers 20 de la p. 51).

P. 83, v. 20 : dont en ai l’ame irie ; ou mieux peut-être : dont ai el cuer grant ire. Inutile de dire que la rime n’est pas un obstacle à cette leçon.

P. 85, v. 1 :

Quant li baron ont la parole oïe,
Mal de celui qui un sol mot en die.

Gaydon, p. 20, v. 26 :

Quant Fransois oient lor seignor si parler,
Mal de celui qui osast mot sonner.

P. 85, v. 17 :

Et ne croi mie de nul en sois blasmé.

« Et je ne crois pas (qu’en suivant mon conseil) tu sois blâmé de personne. » C’est le sens que j’ai donné à ce vers. Si l’on préfère celui que paraît indiquer le texte de Venise, on peut lire :

Et n’en serai, ce croi, de nul blasmés.

P. 85, v. 18 : apelés. Comme il s’agit ici d’un duel judiciaire, j’ai substitué au mot calonçer du texte italien l’expression employée en pareil cas :

La vilonnie dont iestes apelés.

(Gaydon, p. 28.)

P. 85, v. 19 :

Et en bliaut si soit il despoilliés.

Gerart non plus, dans Huon de Bordeaux, n’a point d’armes offensives lorsqu’il va au-devant de Charlot, et c’est ce qu’il exprime ainsi :

T’as bon haubert et çaint le branc forbi,
Et je suis nus el bliaut sebelin.

(P. 23.)


J’ai donc substitué le mot bliaut au mot guarnelo du texte italien.

P. 85, v. 21 : uns plaissiés, une palissade, pour fermer le champ de combat et limiter le parc où le duel va avoir lieu. Astelé, du texte italien, n’est pas un mot français sous cette forme ; mais il se peut bien qu’on ait dit estalier d’une série de pieux, puisqu’on trouve la forme féminine estalliere en ce sens. (Voyez Du Cange sous stalaria.) En ce cas, il faudrait lire :

Et sor la place soit fais uns estaliers.

P. 87, v. 2 : coilli en hé (texte italien aü en aé). Coillir en hé, on le sait, signifie prendre en haine. C’est une expression qui revient trop souvent dans nos anciens poëmes pour qu’il soit nécessaire de la justifier ici. Voyez, cependant, à cause de la forme , Parise la Duchesse, p. 98, à la note sur le vers 11 de la p. 10.

P. 89, v. 1 : crier un ban, ou huchier, comme dans Raoul de Cambrai, p. 333 :

Parmi Arras a fait un ban huchier.

P. 89, v. 3 : apendus com larron, ou, si l’on veut, pendus comme un larron.

Je vos pandroie ausiz com un larron.

(Jourdain de Blaives, ms. fr. 860, fol. 113 r°, col. 2.)


Il faudrait lerre dans mon texte ; mais j’ai déjà justifié les licences de ce genre.

P. 89, v. 16 : li est sore coru.

Gaydon, p. 115, v. 21 :

Qui fierement li sont sore coru.

P. 89, v. 17 : aconséu. Le mot prendu du texte italien n’est point français ; au contraire, on rencontre fréquemment aconsivre ou consivre au sens d’atteindre :

Renoart vise si l’ait aconséu.

(Loquiferne, ms. fr. 1448, fol. 281 v°, col. 2.)

Et li bastons contreval descendi,
Que le cheval en chief aconsievi.

(Gaydon, p. 105.)

Par les espaules a conséu Morel.

(Gaydon, p. 283.)

P. 89, v. 18 : referu.

Ogier I, 123 :

Ogiers le haste si l’a tost referu.

P. 91, v. 1 : Cf. Gaydon, p. 291, v. 3.

P. 91, v. 2 : Sainte Marie, aiu ! pour aïue, aide !

P. 91, v. 5 : Grans fu l’estors.

Ce mot peut fort bien s’appliquer à une lutte entre deux combattants, à un duel. Gaydon, p. 99 : Grans fu l’estors, c’est-à-dire la joute de Ferraut et de Renaut d’Aubepin.

P. 91, v. 10 : uns des lors saillis fu.

On pourrait maintenir à la rime le mot salu du texte italien, sous cette forme ou sous la forme saillu, puisqu’on trouve dans le Moniage Renoart, ms. de Boulogne-sur-Mer, fol. 190 v°, col. 1 :

Tibers se haste si est en piés salus,


et, même manuscrit, fol. 209, le composé asaillu.

P. 91, v. 13. C’est pour éviter une répétition que je m’éloigne un peu du texte de Venise. Rien de plus facile que de lire :

En celui lieu où il estoit salus.


Mais embatu ou enbatu était un terme fort usité au sens où je l’emploie, et il se pourrait bien que le compilateur italien n’eût pas trouvé ce mot assez clair pour ses auditeurs.

P. 91, v. 14 : Quant il l’ot entendu. Je garde le sens en changeant la rime. Metu, du texte italien, n’est pas plus français que prendu qu’on lit dans la même tirade.

P. 91, v. 23 :

Il l’en arreste au passer d’un placer.


On pourrait lire aussi :

Il l’en arreste à un placer passer.

Voici un tour identique :

Ogier coisi à un tertre puiier.

(Ogier, I, 135.)

Placer, mot assez rare, se trouve par exemple dans Parise la Duchesse, où on lit : sol placer, p. 50, et placer seulement, p. 51.

P. 93, v. 3 : l’a en present mené. J’ai justifié ci-dessus la locution en présent (en présence). Rien n’empêche d’ailleurs de conserver le texte :

Devant le roi le vait à presenter.

P. 95, v. 15 et 16. Même tour dans Aspremont, ms. fr. 2495, fol. 105 v° :

Que faites vos que ne nos secorez ?

P. 95, v. 17 : de toi sont il lointain.

Berte as grans piés, ms. fr. 1447, fol. 38 r° :

Selonc ce que ele ert de ses amis lontaigne.

P. 95, v. 23 : abatre jus. Voir Gaydon, p. 115.

P. 95, v. 25 : qui sor tos es poissans (nobele e sovran). Rien de plus aisé que de lire :

Hé ! gentis rois, nobiles et sovrains.


Mais nobiles aurait le même sens que gentis, et je ne vois nulle part de locution identique ou analogue. Au contraire, Charlemagne est souvent qualifié li rois poissans, ou sorpoissans.

P. 95, v. 27 :

Un confessor me mandés maintenant.

On pourrait sans doute conserver le mot chapelain et le maintenir à la rime ; mais un qualche çapelan sent trop l’italien pour ne pas me faire croire à une altération complète du vers. Je propose, cependant, cette seconde leçon :

A ma confesse mandés un chapelain.

Voyez confesse dans Parise la Duchesse, p. 21.

P. 97, v. 1 : engignement. V. ci-dessus la note de la p. 23, v. 9.

P. 97, v. 4 :

Et cil i vient volentiers, tot errant.

Je remplace par cette locution si fréquente celle du texte vénitien : por talan, qui ne me paraît pas admissible en la forme. Mais peut-être vaut-il mieux lire : volentiers, non engrans, locution analogue à celle-ci : volentiers, non envis. V. Raynouard, au mot engrant.

P. 97, v. 11 : bassetement.

Auberi le Bourguignon, ms. fr. 859, fol 45 v°, col. 1 :

Entre ses dens a dit bassetement.

P. 99, v. 5 : ci orendroit se disait comme c endroit.

Huon de Bordeaux, p. 140 :

Et se m’irés chi endroit atendant.


Et même page : ichi orendroit.

P. 99, v. 9 : ci a voir un miracle de Dé.

Voyez ci-dessus la note sur le vers 15 de la p. 79. J’ajoute qu’après ces mots ci a on trouve le substantif employé au cas régime.

P. 99, v. 12 : et des boins et des mels.

Le mot (reo) du texte de Venise est inadmissible. Le compilateur italien aura sans doute rejeté le mot mel (malus), qui à ses yeux comme à son oreille ne formait pas une rime suffisante. La forme mel se trouve bien des fois dans le poëme de Huon de Bordeaux, et à la rime, et dans des tirades en é ou en er. V. aussi Gui de Bourgogne, p. 7, et Fierabras, p. 6, où on lit : à meles armes. Quant à la locution entière, elle était en usage comme li jone et li chanu, li petit et li grant, etc. :

De lor maus soient quite et li mal et li bon.

(Chanson d’Antioche, t. I, p. 62.)

P. 99, v. 27 : tu as bien meserré. (Vu avi ben falé.) Falé n’a jamais été français. On ne trouve que failli et falu. Meserré rend la même idée, mais le mot, si j’ai rencontré juste, n’était pas de ceux qui pussent accommoder notre compilateur. V. meserrer, dans Huon de Bordeaux, p. 198 et passim.

P. 101, v. 9 : laidement. (Gaydon, p. 175.)

P. 101, v. 15 : nuisement.

Que ne voz voillent faire aucun nuisement.

(Gaydon, p. 315.)

P. 101, v. 22 : Si l’enchauça. On peut lire sans doute arier li vint ou après li vint, en restant plus près du texte ; mais enchaucer est le terme le plus usité en ce sens.

Et Aulaïz de prez les enchauça.

(Gaydon, p. 72.)

V. d’ailleurs Raynouard, sous encaussar.

P. 103, v. 6 : tant ne quant n’est qu’une variante que je propose pour éviter des répétitions fastidieuses. Il est clair, du reste, qu’on peut lire de noient.

P. 103, v. 12 : reté m’oissor.

Gaydon, p. 57 :

A com grant tort m’avoit cis gloz reté.

P. 103, v. 13, 14, 15 :

Ne soie onc rois ne corone portant,
Ne mengerai onques à mon vivant
S’aurai de toi véu le jugement.

On retrouve souvent ce tour, par exemple dans Gaydon, p. 9 :

Dex me confonde parmi la crois, en som,
Se mais menjuz de char ne de poisson,
Ne ne bevrai de clarè, de vin bon,
S’aurait tenu son cuer dedens mon poing.

P. 103, v. 22 : inprimemant, du texte italien, n’a jamais été français, que je sache ; premierement l’a été de tout temps.

Dos de Nantuel parla premierement.

(Ogier, II, 406.)

P. 103, v. 25 :

Méisme d’eus ferions nos autretant.

On retrouve un vers à peu près identique dans Raoul de Cambrai, p. 336 :

Et d’iax méisme ferai je autretant.

P. 105, v. 9 : penéant. (Huon de Bordeaux. p. 88.)

P. 105, v. 15 : après lui (derrière lui).

Après lui vin moult durement courant
Après celui alai esperonnant.

(Huon de Bordeaux, p. 35.)

P. 107, v. 6 :

Cil de Maience en ont grant reprovier.

Raoul de Cambrai, p. 187 :

Tuit ti ami en aront reprovier.

P. 107, v. 7 : Or lairons ci.

Or vos lairons ci endroit de Gaydon.

(Gaydon, p. 28.)

P. 107, v. 8 :

Si com ovra ot éu son loier.


On peut lire aussi : De son service ot.....

Gaydon, p.224 :

De vo service aurez vostre loier.

P. 107, v. 9 : est remés. (Huon de Bordeaux, P. 170.)

P. 107, v. 15 : jus del cheval verser, ou, comme dans Huon de Bordeaux, p. 54 : à la terre verser.

P. 109, v. 13 : solette. V. plus loin, p. 238, v. 4.

P. 109, v. 15 : Coment le faites ? C’est le how do you do des Anglais. On peut lire aussi : Comment vos est ? (Voyez Gaydon, p. 50.)

Ele li a demandé et enquis
Comment le fait Karles de Saint Denis.

(Anséis de Cartage, ms. fr. 1254, fol. 2 v°, col. 2.)

Idem, ibid : avés encombrement ?

V. ce mot dans Gaufrey, p. 310 ; dans Otinel, p. 2 et 13 ; et surtout dans Jean de Lanson, ms. fr. 2495, fol. 29 v°.

P. 109, v. 25 et 26 :

Que véoir puisse par toi séurement
Costantinoble, où sont li mien parent.

Le texte de Venise dit : Aler en Costantinopoli, locution que la mesure des vers ne permet pas de conserver, de quelque façon qu’on s’y prenne. Voir Constantinoble m’a paru admissible :

Ne quit véoir Bordele, le grant cit.

(Huon de Bordeaux, p. 26.)

P. 109, v. 27 : boin loier en atent.

Ogier, II, 324 :

Autel loier alons nos atendant.

P. 111, v. 12 : deponu me paraît admissible, quoique je n’en trouve pas d’exemple ; mais ponu, pour pondu, se trouve encore dans quelques patois.

P. 111, v. 16 : or est au Dieu salut, et même salu sans t, comme dans Gaydon, p. 88.

P. 111, v. 18 : un grant baston costu.

Prendu, je l’ai déjà dit, me paraît inadmissible ; et je dirai ci-après pourquoi je substitue costu à quaru.

P. 111, v. 20 : les cheveus borfolus.

Je ne connais pas d’exemple de ce mot.

P. 113, v. 2 :

Et la roine si vait deriere lui.

On peut conserver la forme lu du texte de Venise.

A grant merveille me sera deffendu
S’encor ne trai le sanc dou corps de lu.

(Gaydon, p. 25.)


Mais on trouve aussi la forme lui dans des tirades en u. Je la rencontre plusieurs fois, par exemple, dans le ms. de Boulogne-sur-Mer, qui contient une grande partie de la geste de Guillaume au court nez. Elle y rime avec fu, etc. (fol. 76), avec coru, etc. (fol. 169). De même dans Girart de Vianne, ms. fr. 1448, fol. 75 v°, col. 1.

P. 113, v. 6 : arrestéu. On pourrait conserver arestu, du texte vénitien, et lire :

Tant sont alé, que n’i sont arestu
Que.  .  .  .  .


Mais, pour éviter ces que superposés, j’emploie la forme arrestéu dont on trouve aussi des exemples.

Dans la même page de Raoul de Cambrai (p. 77) on lit :

Li quens Ybers n’a gaires arestu.
De ci au gué ne sont arestéu.

P. 113, v. 8 : outre mer ont coru. Je n’admets pas metu, non plus que le composé trametu du texte de Venise. On pourrait lire peut-être : outre sont descendu, en restant plus près du texte oltra forent metu ; mais descendu se trouve quelques vers plus bas. Il est probable que le compilateur italien l’eût conservé ici comme là, s’il l’y eût trouvé. Sans doute il aura rencontré une leçon moins simple, comme celle que je propose ou comme celle-ci : la mer ont trescoru.

P. 113, v. 11 : parmi ces puis agus.

Raoul de Cambrai, p. 152 : parmi .i. pui agu.

P. 113, v. 18 : Sages et membrus (pour membrés).

Sire ce est Robers, li sages, li membrus.

(Chanson d’Antioche, t. I, p. 28.)

P. 113, v. 20 : des grans et des menus.

Girart d’Amiens, ms. fr. 778, fol. 83 :

Il fu amez des grans et des menus.

P. 113, v. 23 :

En sa main prist un gros baston costu.

Ce mot costu, que j’ai ajouté tout à l’heure au texte de Venise, je le substitue ici au mot quaru, dont je doute fort qu’on rencontre un exemple. Arrestu (d’arrêter) ne semble pas, il est vrai, de formation plus régulière, mais on le retrouve souvent. Costu, appliqué à un bâton, donne le même sens que quaru ou carré, et peut se justifier par des exemples du temps :

Ne toi ne t’arme ne ton baston costu,
Toute ta force ne pris pas .i. festu,

(Moniage Renoart, ms. de Boulogne-sur-Mer, fol. 173.)

Li un sont plat et li autre costu.

(Ms. fr. 294. v°, col. 1.)

On disait aussi baston cornu. Voyez Gaydon, p. 87.

P. 113, v. 25 :

Et quiert li ostes li soit amentéu.
(Et l’hôte demande qu’il lui fasse connaître.)

C’est sans doute ce verbe amentevoir qui aura rebuté notre compilateur, dont le vers, si c’en est un, est à remanier entièrement.

On lit dans la Chanson des Saisnes, ms. de l’Arsenal, B. L. F. 175, fol. 240 :

Le covenant son pere li a amentéu
Que chevalier le face...

Girart de Vianne, ms. fr. 1448, fol. 194 r°, col. 2 :

On voit lou roi si l’a amentéu.

P. 115, v. 3 et 4 : servu, metu, du texte italien, qui forment la rime de ces deux vers, sont de la fabrication du compilateur. La leçon que je propose se justifie dans ses termes principaux par un passage de Berte as grans piés, où l’on trouve une situation analogue.

A Bertain aaisier met chascune s’entente.

Elle dit à ses hôtes :

Bien m’avés reschaufée et moult bien repéue.

Quant à la locution sus et jus, elle est souvent employée comme ici.

P. 115, v. 15 : ensi l’a il usé.

Sire, dist Hues, je ne l’ai mie usé.

(Huon de Bordeaux, p. 96.)

P. 115, v. 18 : cil qui m’a à garder, ou à guier.

P. 117, v. 3 et p. 121, v. 4 :

S’agiut la dame d’un moult bel iretier...
D’un fil s’agiut qu’au mostier vai portant.

Le texte de Venise porte : Cella dame partori. — Ces enfant a partori, du latin parturire. L’italien a conservé ce verbe sous la forme partorire ; mais jamais, que je sache, il n’a passé ni en provençal ni en français, où l’on ne trouve que le substantif part (de partus). Au contraire, l’une et l’autre langue ont au même sens ajazer et agesir. Pour ajazer, voyez Raynouard, III, 583. Quant à agesir, voici un exemple qui le donne sous la forme même où je l’emploie :

D’un fil s’agiut, s’ot non Guillaumes.

(Philippe Mouskes, cité par Sainte-Palaye, au mot agiut.)

P. 117, v. 17 :

Puis quant ce vint qu’ele dust relever ;


ou, avec la diérèse : que déust relever.

Je restitue ainsi le vers assez obscur du texte vénitien, en imitant un vers de Parise la Duchesse :

Quant vint li termes que déust relever

(Parise, p. 28, 2e éd.)

Je n’ai pas besoin de justifier le tour si connu : quant ce vint que.....

P. 121, v. 14 :

Sor destre espaule une crois blanchoiant.

Je substitue blanchoiant à blanc que porte le texte de Venise, parce qu’il faudrait blanche, que la rime rejette. Je doute qu’on ait volontiers employé blanc pour blanche au moyen âge. J’en puis cependant citer un exemple :

Mais il n’i a pain ne vin ne forment,
Fors .ii. gastiaus et .i. mice blanc.

(Prise d’Orange, ms. de Boulogne-sur-Mer, fol. 54 r°, col. 1.)

Mice blanc pour miche blanche ; mais fallait-il suivre cet exemple ?

P. 121, v. 18 : estre à bautisier ou au bautisier, selon le cas.

Là ot enfant ; g’i fui au bautisier.

(Raoul de Cambrai, p. 316.)

P. 121, v. 20 : Se Diex me soit aidant. Locution qui revient deux ou trois fois dans chaque tirade en ant du poëme de Huon de Bordeaux.

P. 123, v. 5 :

D’emperéor com se fust iretiers,


ou : com se fust engenrés.

Aliscans, p. 199 :

Renoars sui, engendré fui d’un roi.

P. 123, v. 7 :

L’evesques chante la messe hautement.

(Raoul de Cambrai, p. 145.)

P. 123, v. 8 : mestier, service, office divin.

Raoul de cambrai, p. 52 :

Et si faisoient le Damedieu mestier.

Parlant d’un évêque :

Si se revest por faire le mestier.

(Idem, p. 7.)

P. 123, v. 14 : rengenerer.

De saint baptesme se fist rengenerer.

(Aspremont, ms. fr. 2495, fol. 124 r°.)

P. 125, v. 9 : de son droit nom.

Huelins est par droit nom apelés.

(Huon de Bordeaux, p. 77.)

P. 125, v. 17 : quinze jor ajornés.

Gaydon, p. 37 et 186 : toute jor ajorné. — Autre jor ajorné.

P. 127, v. 1 :

Si vuet venir à son gent cors parler.

Cf. Huon de Bordeaux, p. 95, v. 13.

P. 127, v. 2 : Et ne le voil véer, ou : de gré et volentiers, ou encore : bie fait à otrier, toutes locutions de même sens et qui reviennent presque à chaque page dans nos anciens poëmes.

P. 127, v. 14 et 15 : bien veigniés ! — bien soiés ! (Huon de Bordeaux, p. 13, v. 34.)

P. 127, v. 24 :

Por amor Dieu, le voir justicier.

J’ai répété le voir justicier du texte italien ; mais mieux vaudrait lire peut-être le verai justicier, comme dans ce vers de Raoul de Cambrai (p. 111) :

Dieu reclama, le verai justicier.


On trouve toutefois, quoique plus rarement, des exemples comme celui-ci :

Et croi en Damediu, le vrai justicier.

(Fierabras, p. 13.)


À l’origine, sans doute, le second i a compté dans la mesure, mais de bonne heure on l’a négligé.

P. 127, v. 25 et 26 :

Si com commete qui pas ne doit boisier
A son compere mentir ne losengier ;


vers restitués d’après ceux-ci :

Cil de Nerbonne qui ainc ne pot boisier
A son signeur mentir ne losengier.

(Aliscans, p. 248.)

P. 129, v. 10 :

De mon reaume si me fist il geter.

On disait aussi bien en pareil cas geter que chacier :

Et tos mes oncles de la terre chacier.

(Raoul de Cambrai, p. 73.)

Por tant firent la dame de la terre geter.

(Parise la Duchesse, p. 52.)

P. 129, v. 13 : malvaistié.

Huon de Bordeaux, p. 87 :

La voit on bien qui a fait mauvaisté.

P. 130, v. 2 :

Il semble qu’après ce vers le copiste italien en ait omis un dont le sens était : « Il se battit. » Ce qui me le fait croire, c’est le mot cun (avec) par lequel commence le vers suivant et dont je ne tiens pas compte dans ma restitution.

P. 131, v. 4 : à l’espié amolé, ou amollié. On trouve un exemple de cette seconde forme dans Du Cange, sous le mot amollare ; mais on y trouve également amolare, qui permet de croire qu’amolé a été aussi en usage. Peut-être le texte français portait-il : al branc forbi d’acier. Voyez p. 136, v. 9.

P. 131, v. 6 : Si m’en fuï.

Huon de Bordeaux, p. 5, v. 1 :

Si s’enfuï tous seus...

(Fierabras, p. 63.)

P. 131, v. 15 : mes estres (ma situation).

Lor couvine et lor estre enquerre et demander.

(Fierabras, p. 63.)

P. 131, v. 17 :

Por moi vorra chevaliers envoier.

On disait même envoyer pour quelqu’un, sans régime :

Car faites tost por Guiot envoier.

(Gaydon, p. 181.)

P. 131, v. 22 :

Et que ses pere Costantinoble tient.

Il est manifeste qu’ici le compilateur italien a refait en entier le vers français qu’il avait sous les yeux. À mon tour, je prends avec lui la même liberté. Voici les exemples dont je m’autorise et pour la rime et pour la locution tenir Constantinople :

Jules César, selon la légende de Huon de Bordeaux, était l’un des prédécesseurs du père de Blanchefleur, c’est-à-dire qu’il régna à Constantinople.

Constantinoble tint il tot son éaige.

(Huon de Bordeaux, p. 1.)

L’auteur du même poëme fait rimer vient (p. 12) et souvient (p. 13) avec fier, pitié, mesagier, grasiiés, etc. Il y a grande apparence que tient ne rime pas plus mal avec verité, crestienté, envoier, etc.

P. 131, v. 24 : bien trovée soiés. Cf. Huon Bordeaux, p. 119, v. 34.

P. 133, v. 1 : d’Ongrie.

On disait indifféremment de Hongrie ou d’Ongrie.

An la terre d’Ongrie sont en un bois entré.

(Parise la Duchesse, 2e Édition, p. 24.)

Et rois fu de Hongrie s’en fu sire clamez.

(Id., p. 26 et passim.)

Honguerie est, selon toute apparence, la forme primitive. Voyez cette forme dans Gaufrey, p. 252 et passim.

P. 133, v. 20 :

Dire et conter trestot le covenant.


Covenant, aventure, affaire, situation.

Huon de Bordeaux, p. 91 :

Or vous ai dit trestout mon convenant.

Moniage Rainouart, ms. de Boulogne-sur-Mer, fol. 194 r°, col. 1 :

Mairefer fu en son cuer mult dolant
Quant de son pere entent le couvenant.

Ibid., col. 2 :

Dist Mairefer : « Com vos est covenent ? »

Cf. Macaire même, page 134, v. 12 et 13.

P. 135, v. 2 : traïtrement.

Gaydon, p. 220 : tort, traïtrement.

P. 135, v. 3 :

Dont l’emperere cui France est apendant.

Ogier, t. II, p. 398 :

Et Babiloine à lui est apendant.

P. 135, v. 6 : dire son talent.

Bien poés, frere, dire vostre talent.

(Foulque de Candie, Ms. de Boulogne-sur-Mer.)

P. 135, v. 10 : quant sont à terre.

V. Huon de Bordeaux, p. 85, v. 15.

Idem, ibid. : il se traient avant. Otinel p. 11 : se tret Rollans avant.

P. 135, v. 15 :

En son palais les mande à parlement.

Gaydon, p. 263, v. 4 :

Comment Claresme le mande à parlement.

P. 135, v. 16 :

D’oïr noveles lor enquiert et demant.

Gaydon, p. 95 :

Ferraus li a demandé et enquis.

P. 137, v. 4 :

Si l’enchargea ad un suen chevalier ;


ou encore : Si la chargea.

Raoul de Cambrai, p. 140 :

Je vos charchai mon enfant à garder.

P. 137, v. 16 :

Voit sor s’espaule une crois blanchoier.

L’auteur a dit plus haut, p. 120, v.14, que la croix était blanche ; j’ai cru pouvoir le répéter ici, m’autorisant d’ailleurs, pour le tour que j’emploie, d’exemples comme ceux-ci :

De sa cité voit les murs blanchoier.

(Aimeri de Narbonne, ms. fr. 1448, fol. 63 r°, col. 2.)

Si que les deuz véissiez blanchoier.

(Otinel, p. 52.)

On disait de même :

... Li sans que ci voi rougoier.

(Raoul de Cambrai, p. 69.)

P. 139, v. 9 : hautement mercier, ou gracier, comme au texte de Venise.

P. 139, v. 16 :

Que por ma fille manderai à estros.

J’ai à peine besoin de dire que la locution à estros, et même à estrous, n’est pas déplacée à la rime dans une tirade en or. On l’y trouve cent fois.

P. 139, v. 18 : Mais ne faura guerre. « La guerre ne manquera pas, » c’est-à-dire : « Je ne manquerai pas de faire la guerre à l’empereur. »

Ne faudra guerre vers lui tout mon aé.

(Gaydon, p. 27.)

P. 141, v. 17 : en nef corant (en un legno corant). Legno, au sens de navire, est purement italien.

P. 141, v. 20 : de par le roi de Hongrie.

Alez à Karle, ditez lui de par mi.

(Gaydon, p. 177.)

P. 143, v. 14 : contre lor vait corant, c’est-à-dire : court à leur rencontre, au-devant d’eux.

Contre li sont alé si ami et si dru.

(Renaut de Montauban, I, 201, rec. des Anciens poëtes.)

P. 144, ligne 1 et 2.

Je supplée par conjecture la rubrique omise dans le manuscrit.

P. 145, v. 5 : de paile et de cendel ou de cendé.

P. 145, v. 16 :

Et Blancheflor où il n’ot qu’ensegner.

Il m’était facile de lire, en suivant de près le texte de Venise :

Et Blancheflor, qui tant ert preus et ber ;


mais preus et ber surtout me paraissent convenir à un homme beaucoup mieux qu’à une femme ; et d’ailleurs ici il ne s’agit pas des vertus, des qualités que ces deux mots expriment, il s’agit bien davantage de reconnaissance, de politesse. La locution où il n’ot qu’ensegner me semble mieux en situation ; elle s’applique à une personne bien apprise, qui a de bonnes et belles manières, et c’est ici le cas de s’en servir.

P. 147, v. 9 : à icel jor que. C’est par ces mots que débute la chanson d’Aliscans.

P. 149, v. 2 : nel porroient durer (pour endurer).

P. 149, v. 17 : acréanter ou, si l’on veut, acertener.

P. 149, v. 21 :

Mais ele a moult envers lui meserré.

Raoul de Cambrai, p. 63 :

Por quoi ont il envers moi meserré ?

V. encore Gaydon, p. 58.

P. 151, v. 4 :

Se il la fa it par jugement mener.

Huon de Bordeaux, p. 69, v. 1 :

Et ne le veut par jugement mener.

P. 151, v. 7 :

Mais la roïne qui la nori souef.

Cette expression, que je substitue à celle du texte de Venise : que l’avoit elevé, revient souvent dans nos chansons de geste, et notamment dans Huon de Bordeaux :

A nostre mere qui souef nous nori.

(P. 19, v. 9.)

A la ducoise qui l’ot nouri souef.

(P. 72, v. 9.)

Car vostre pere me nori bien soé.

(P. 93. v. 8.)

Gaydon, p. 26 :

Je voz norri, petit anfant, soef.

P. 151, v. 8 :

Chis savoit de sa dame le cuer et le penser.

(Charles le Chauve, ms. La Val., 49.)

P. 151, v. 11 :

Bien conois cele qu’en mon ventre ai porté ;


ou, si l’on veut : en mes flans, comme dans ces vers de Parise la Duchesse (p. 37, 39, 2e édit.) :

Ne la mere ausimant que à ses flans t’a porté.
Et conoistrai la mere qu’en ses flans m’a porté.

P. 151, v. 13 : Nes por tot l’or de Dé.

Pour tout l’or de Dieu, c’est-à-dire pour tout l’or du monde. On pourrait lire aussi : Nes por trestot l’or Dé. Mais à l’époque où fut composé notre poëme, tantôt on supprimait, tantôt on exprimait la préposition :

Por tout l’or Dieu n’aroit il garison.

(Raoul de Cambrai, p. 115.)

P. 151, v. 19 :

Mal fait li rois, quant la blasme, et pechié.

Gaydon, p. 35 :

« Sire vassal, mal faites et pechié,
« Quant vos le duc blasmez ne laidengiez. »

P. 153, v. 4 :

S’ele gehist, mar fu ses gens cors nés !

Huon de Bordeaux, p. 95 :

Se ne volés à son gent cors parler.

P. 153, v. 8 : pesme renoié, eré, du texte de Venise, est sans doute là pour hérétique, qui en vieux français était herege ou érite.

P. 153, v. 22 : dolereuse vengeance.

Si averés un dolerous loier.

(Moniage Rainouard, ms. de Boulogne-sur-Mer, fol. 181 r°, col. 2.)

P. 154, v. 16 et 17 :

On lit ces deux vers ainsi dans le manuscrit. Il y manque évidemment un verbe (je suis allé) pour en compléter le sens.

P. 155, v. 5 :

Bien ert Kallon vos mesages contés.

Aliscans, p. 72, v. 25 :

Au roi sera mes mesages contés.

P. 155, v. 6 :

Congé demande et si s’en torne arier.

Huon de Bordeaux, p. 72, v. 24 :

Dont s’en torna s’a congié demandé.

P. 159, v. 13 : Jerusalan, ou Jerusalant, comme dans ce vers d’Aspremont :

Et Moydas qui tint Jerusalant.

(Ms. fr. 2495, fol. 93 r°.)

P. 159, v. 21 : hom de conseil plus grant.

Aspremont, ms. La Val. 123, fol. 1 r°, col. 1 :

Karle apparut qu’il iert de conseil grant.

P. 161, v. 1 :

Qui en vos se fie, bien puet estre certains.

J’ai à peine besoin de dire que qui en ne doit former qu’une syllabe. Les exemples de ce genre abondent, et ce serait vouloir renchérir sur les meilleurs trouvères que de ne pas s’en autoriser.

P. 161, v. 4 :

En vos auroit éu boins chapelains.

Ce tour est très-fréquent dans nos anciens poëmes :

En Rocoul ot mervillous chevalier.

(Raoul de Cambrai, p. 114.)

P. 161, v. 6 : Ce dist li dus Naimon.

Il faudrait Naimes, je le sais, mais je sais aussi que la chanson de Roland elle-même contient des licences de ce genre.

P. 161, v. 19 : por en faire son bon, locution bien connue, et particulièrement employée quand il s’agit de désirs amoureux.

P. 161, v. 21 : desevroison. (Gui de Bourgogne, p. 30.)

P. 163, v. 3 : entresi que. (Fierabras, p. 51, etc.)

P. 163, v. 10 :

L’emperéor et dire et conter.

Je maintiens cette locution si fréquente et dire et conter, en dépit de l’hiatus, qui ne fausse point le vers, selon moi, ainsi que je l’ai déjà dit ci-dessus (note sur le vers 23 de la page 7). Rien ne serait plus facile d’ailleurs que de substituer ici au mot conter le mot deviser qui le remplace parfois, comme dans cet exemple :

Mais tant vos voil et dire et devisser.

(Loquiferne, ms. fr. 1448, fol. 293 r°, col. 2.)

P. 163, v. 14 et suiv.

Ici le bon duc Naimes, donnant un conseil à l’empereur, lui dit : Voici ce que je ferais ; puis il fait parler l’empereur lui-même sans que la transition soit indiquée.

P. 163, v. 20 :

Et s’amendise vuet d’ele demander.

Raoul de Cambrai, p. 120 :

Por l’amendise poi avoir maint destrier.

P. 167, v. 7 : entroblier.

Huon de Bordeaux, p. 185 :

Ses prisonniers n’a mie entroublié.

P. 169, v. 4 : Sel prent à apeler.

Je pouvais lire comme au texte : Si li respont arier ; mais arier termine encore le vers suivant.

P. 173, v. 8 : roion. (Gui de Bourgogne, p. 30.)

P. 173, v. 18 :

Chacie l’ot com on fait le larron ;


ou, si l’on veut :

Banie l’ot à guise de larron.

P. 173, v. 19 : Sore li mist. Il lui mit sus, il lui imputa, il la chargea de.

gaydon, p. 50 :

Mis m’avez sore que je fiz la puison.

P. 175, v. 22 : de l’or d’Arage, (d’Arabie) ou d’Arabe.

... el bon destrier d’Arrabe.

(Jourdain de Blaives, Ms. fr. 860, fol. 116 r°, col. 2.)

P. 179, v. 9 et 10 : J’emploie la forme de salutation la plus fréquente :

Cil Damediex qui le mont estora
Saut la contesce et ciax que amés a.

(Raoul de Cambrai, p. 11.)

Cil Damedieus qui tout a à jugier
Il saut et gart l’evesque droiturier.

(Id., p. 6.)

P. 191, v. 2 :

Costantinoble qui tient et tot l’onor.

C’est ici une forme très-usitée au moyen âge :

Il tint Aufrike et tot le regne grant.

(Ogier, II, 398.)

Et de Huon, le nobile guerrier,
Qui tint Bourdele et le grant iretier.

(Huon de Bordeaux, p. 2.)

P. 193, v. 3 :

Dex les confonde, l’altismes criator.

A qui me rappellerait que criator est la forme du régime, je répondrais en invoquant l’exemple de plusieurs trouvères, et notamment de l’auteur de Gaydon :

Si m’aït Dex, li verais criators.

(P. 153.)

Criators avec une s, pour voiler la faute apparemment. Mieux vaut, je crois, la laisser paraître que d’y ajouter encore par cette addition malencontreuse.

P. 193, v. 20 :

Dolor en ai et mautalent et ire.

Il n’est pas rare de voir cette finale ire à la rime dans des tirades en ie. Exemple :

Amont l’en dresce par moult grant druerie,
Si li pardonne son mautalent et s’ire.

(Gaydon, p. 326.)

Et plus bas, même page :

Gaydon appelle, si li a prins à dire :
« Gaydes, biax sire, nel me celés vos mie.

P. 195, v. 6 : Blancheflor (texte italien : Blançiflon). Les trouvères faisaient parfois fléchir, pour les accommoder aux besoins de la rime, les désinences des noms communs et même des noms propres. C’est ainsi que l’auteur de Gaydon appelle une fois son héros Gaydier ; mais celui de Macaire n’était pas obligé ici de modifier le nom de Blancheflor, les mots en or étant parfaitement admis dans les tirades en on. C’est donc le compilateur italien qui a imaginé la forme Blançiflon.

P. 195, v. 15 : paoniers. V. Du Cange, v° Pedo.

P. 199, v. 5 : prodon. Il faudrait prodomme ; mais les licences de ce genre se trouvent dans les meilleurs textes.

P. 199, v. 9 : Ains qu’il soit esclairié. (Huon de Bordeaux, p. 165.)

P. 199, v. 12 : demainne tref, la tente impériale. Cel demainne tref. (Gaydon, p. 3, v. 11.) On disait au même sens : maistre tref, tref maior.

Et Kallemaines fu en son tref maior.

(Aspremont, ms.fr. 2495, fol. 102 r°.)

P. 201, v. 6 :

Cil de Maience font moult à resoingnier.

Gaydon, p. 167 :

Cil emperere fait moult à resoingnier.

P. 201, v. 8 et 22 :

Fors cel roi qui Constantinoble tient.
.   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .
Cil dou roi cui Constantinoble apent.

Ces deux vers sont mal coupés, je l’avoue, mais on en trouverait aisément de pareils dans nos meilleurs poëmes. Exemple :

Par qui est toute créature vivant.

Dans le second vers, Costantinoble devrait prendre l’s, signe du sujet ; mais cet s disparaissait souvent pour obéir aux exigences de la mesure.

P. 202, v. 10 :

Le personnage nommé Floriadent prend plus bas (v. 20) et plus loin (p. 206 et suiv.) le nom de Floriamont. Je n’ai pas cru devoir lui conserver ces deux noms, je me suis arrêté au premier.

P. 203, v. 21 :

A grant merveille fu li Griés orguillos.

Li Griés, le Grec, le chevalier grec. Je m’autorise, pour le désigner ainsi, du passage où Alberic de Trois-Fontaines a résumé ce poëme.

P. 205, v. 7 :

Donc oïssiés des cous moult grant tabor.


Tabor au sens de bruit, de tapage. On le trouve parfois ainsi employé, par exemple dans ce vers du poëme d’Alixandre :

Dusc’ à l’aube aparant lor dura cis tabors.

(P. 287, éd. Michelant.)

P. 205, v. 10 : dou chief blos.

Roman d’Alixandre, p. 270 : del ceval fait blous.

P. 211, v. 4 :

Com s’éussiés esté une s’amie ;


tour analogue à celui-ci :

Je lor ai mort un lor prochain parent.

(Raoul de Cambrai, p. 336.)

P. 211, v. 11 : li pardoner vostre ire. (Gaydon, p. 326.)

P. 211, v. 13 :

Se tot premier n’en ai vengance prise.

Ce dernier mot est très-admissible en rime dans une tirade en ie.

P. 212, v. 27 : l’inperer Cleramon.

C’est la seule fois que l’auteur désigne par son nom l’empereur de Constantinople. Il s’appelait Richer dans la seconde version analysée par Alberic de Trois-Fontaines.

P. 213, v. 6 :

En moi n’avés chevalier, ains garçon.

J’ai dû substituer garçon au mot poltron du texte italien. Je ne retrouve pas ce mot dans nos chansons de geste, mais bien celui par lequel je le remplace. Dans le poëme de Renaut de Montauban, par exemple, le père des quatre fils si connus leur dit :

N’estes pas chevalier, anceis estes garçon.

(Renaut de Montauban, t. I, p 142, recueil des Anciens Poëtes.)

P. 213, v. 7 : galon, du texte de Venise, est purement italien (gallone, flanc, côté). On peut lui substituer le mot français giron, et lire :

Mais se vos plaist de me ceindre au giron
Le branc d’acier.

Ogier, II, 541 :

Puis trait Cortain qui li pent au giron.

P. 213, v. 17 : Si m’avoia. Avoier s’employait au même sens que convoier. Voyez Raoul de Cambrai, p.257.

P. 215, v. 4 :

Qu’en lui rois Kalles aura mau compaignon.

Voici un tour identique :

Cil chevals a en vos mal compaignon.

(Aspremont, ms. fr. 2495, fol. 119 v°.)

P. 215, v. 12 :

Quant Varochers se vist si atorner.

Cf. Gaydon, p. 226, v. 25.

P. 219, v. 15 : en recoi, belement.

Aspremont, ms. fr. 2495, fol. 101 v° :

Dist l’uns à l’autre coiement, en recoi.

P. 219, v. 19 : par delez un pendant ;
locution tirée textuellement de Raoul de Cambrai, p. 158.

P. 219, v. 20 : le trait à un arpent. On disait beaucoup mieux : le trait à un archer, — le trait à un bongon (ou bouzon). Voyez, par exemple, Gaydon, p. 81, et Ogier, II, 543. La meilleure leçon ici serait peut-être celle qu’on peut tirer du vers ci-après :

La terre, en crosle environ un arpent.

(Gaydon, p. 113.)

P. 220, v. 6 : lo somiant (somigliante), le semblable, la même chose.

P. 221, v. 19 : s’en est errant tornés.

Huon de Bordeaux, p. 173 : errant s’en torne.

P. 225, v. 5 : en ot des iex lermé.

Aspremont, ms. La Val. 123, fol. 3 r°, col. 2 :

Savez quel chose li fait les iaulz lermer ?

P. 225, v. 8 : à nul fuer (à aucun prix).

Si j’avais reproduit littéralement le texte italien, le mot tens se serait trouvé répété dans deux vers consécutifs.

P. 225, v. 20 : les escus bouclés, ou bouclers. Cet adjectif désigne la boucle qui faisait saillie au centre de l’écu. Boucler ou bouclier, employé substantivement, remplace le mot écu.

P. 227, v. 12 : Si est remese.

Amis et Amiles, ms. fr. 860, fol. 109 v°, col. 2 :

Remese fuisse, jel vos di sans fausser...

P. 229, v. 2 : ne viels ne jones hon.

Est Agolans ou viels ou jones hon ?

(Aspremont, ms. fr. 2495, fol. 71 v°.)

P. 229, v. 6 : en Dieu créant.

Puis ne vi homme qui fust en Dieu créant.

(Huon de Bordeaux, p. 89.)

P. 229, v. 17 :

L’un mort sor l’autre verser et trebuchier.

Ce vers se retrouve textuellement dans presque toutes les chansons de geste, et par exemple dans Amis et Amiles, ms. fr. 860, fol. 94 v°, col. 2.

P. 230, v. 15 :

L’aubers fu bon, que nel pot empirer.

Le texte italien porte daner (damnare, endommager), que l’on peut conserver si l’on veut :

Ja par nulle arme ne fust le jor dampnée.

(Gaydon, p. 33, v. 4.)


mais ce mot était d’un usage rare ; empirer est l’expression usitée en pareil cas.

P. 233, v. 11 : Me le resanle. (Huon de Bordeaux, p. 81.)

P. 233, v. 13 :

Chier li ferai à mon branc comperer.

On disait fort bien : chier li vendrai ; mais aussi bien et aussi souvent : chier li ferai comperer ou achater.

P. 233, v. 20 :

[Que flors et pieres en fait jus craventer.]

Je supplée ce vers, omis sans doute par le compilateur, et qui se retrouve textuellement dans presque tous les récits de combats.

P. 235, v. 1 : raviser. (Huon de Bordeaux, p. 131.)

P. 237, v. 27 : Qu’il espenisse le mesfait.

Desor paiens là t’espenéiras.

(Aspremont, Ms. fr. 2495, fol. 85 v°.)

P. 239, v. 3 : ma vie aler querant, ou mieux peut-être : m’en aler mendiant.

P. 239, v. 18 : entrencontré. (Gaydon, p. 46, v. 4.)

P. 239, v. 19 : Naimes et Isorés. Je substitue le nom bien connu d’Isorés à celui de Salatré qui reparaît au vers suivant.

P. 243, v. 8 :

De deus vassals, sol à sol, en un pré.

Otinel, p. 8 et 9 :

Mès car alons le matin en ces prez,
Tout seul à seul.

P. 245, v. 4 : d’aler ou champ. V. Huon de Bordeaux, p. 50, v. 34, et 51, v. 1.

P. 245, v. 12 : Qui la fera ?Faire la bataille est une locution habituelle. Voir cette expression à la page 244, vers 4, où je l’ai rejetée parce qu’elle ne s’adaptait pas à la mesure du vers.

P. 247, v. 3 :

Par foi, dist ele, vos estes fos provés.

On peut lire aussi : vos estes forsenés, en restant plus près du texte ; mais l’autre leçon est peut-être plus fréquente :

Dist l’amirés : « Te sire est fos provés. »

(Huon de Bordeaux, p. 172.)

P. 251, v. 8 : emperiel pour emperial, comme roiel pour roial, mel pour mal, etc.

P. 251, v. 14 : tote voie. Locution qui a le même sens que toutefois, sans avoir la même origine.

P. 251, v. 22 :

Por varocher est en grant sospeçon.

Gaydon, p. 292 :

Moult ai esté por voz en souzpeçon.

P. 253, v. 4 :

Et le bon branc a ceint au lez selonc ;


ou encore :

Le branc a ceint au senestre giron.

P. 253, v. 21 : et or cuit et mangons.

Gaydon, p. 293 :

Chargié un mul d’or fin et de mangons.

P. 255, v. 5 :

Sire emperere de France et de Loon.


Je lis Loon (Laon), et non Lion ou Lyon, comme au texte de Venise. Un Italien devait mieux connaître Lyon que Laon, et de là la substitution que je suppose.

Gaydon, p. 55 :

Rois cuidai iestre de France et de Loon.

P. 255, v. 21 : au lez senestre en son.

Cette expression en son est souvent employée d’une manière purement explétive. Voir les exemples cités par M. Gachet dans son glossaire, au mot son. Quoi qu’il en soit, mieux vaut lire peut-être :

Ceinte a Courtain au senestre giron.

P. 257, v. 4 : ne se contint pas mu, locution tirée textuellement de la chanson d’Aspremont (ms. fr. 2495).

P. 257, v. 19 : entreferu.

Otinel, p.41 : s’entrefierent.

P. 261, v. 3 :

Vers sarrasins s’en vont iréemant.

(Aspremont, ms. fr. 2495, fol. 106 v°.)

P. 265, v. 16 : l’afaire tot entier. Affaire, comme l’on sait, était du genre masculin.

P. 265, v. 17 : de chief en chief. V. Raynouard, Lexique, au mot Cap, II, 318, col. 2.

P. 275, v. 18 :

Et vers ma fille esploitié laidement.

Je n’ai pas dû répéter loiaument ou desloiaument dans trois vers successifs, comme au texte de Venise ; j’ai remplacé ici desloiaument par laidement, comme m’y autorisait ce vers de Gaydon (p. 175) :

Emprisonner ne l’ait fait laidement.

P. 275, v. 25 :

Ad un fil d’or sa crigne vait nouant,


ou encore : ses crins vait acesmant. (Cf. Gui de Nanteuil, p. 24.)

P. 279, v. 19 : aclin vos erent. V. Raynouard, Lexique, au mot aclis.

P. 287, v. 5 : poon. C’est la forme la plus fréquente du mot paon. Elle est à ce mot ce que sooler est à saoler.

P. 287, v. 11 : dansillon. (Gaydon, p. 235.)

P. 289, v. 11 : Sa mere Blanchefier.

J’ai usé ici d’une licence analogue à celle dont je trouve un exemple dans le poëme de Gaydon. L’auteur, pour le besoin de la rime, a fait une fois fléchir le nom de son héros en Gaydier (p. 272).

P. 289, v. 20 : Si me li lut parler (mihi licuit).

P. 289, v. 22 : longues (longtemps).

Gaydon, p. 120, 168 :

Ne puet longues durer, — se longues vit.

P. 291, v. 7 : Kallemaines li ber. Voyez cette expression ci-après, p. 307, dans la seconde version de notre poëme.

P. 291, v. 14 : acorde. (Raoul de Cambrai, p. 222.)

P. 291, v. 22 : le trait à un bouzon ; c’est-à-dire que les deux empereurs s’avancèrent chacun à la portée du trait nommé bouzon, en avant de leur camp.

P. 295, v. 11 : entr’eus tienent content. (Cf. Gaydon, p. 218.)

On pourrait lire aussi : entr’eus est li contens ( ils discutent les conditions de la paix).

Ou encore :

De la pais faire entr’eus vont porparlant.

Gui de Nanteuil, p. 94 :

Il ont toute la pès pourquise et pourparlée.

P. 295, v. 20, il faut peut-être lire : com dit tote la gent. Dans le doute, j’ai employé une locution qui se retrouve partout et qui donne au vers ce sens : « Vous en avez tiré vengeance publiquement. »

P. 298, v. 5 : en Paris ladan. Sic, en un mot. Ladan me paraît être une altération de là dedens.

P. 301, v. 22 :

Une charée d’avoir li a doné.

Aliscans, p. 12 :

Une carée porteroit bien de plon.

P. 305, v. 1 :

Ne pain, ne vin, ne mais char ne poisson.

Auberi le Bourguignon, ms. fr. 859, fol. 65 r°, col. 1 :

N’i trouverés pain ne vin ne poisson.

P. 305, v. 10 :

D’or en avant faut ici la chansons.

On lit à la fin de Raoul de Cambrai :

D’or an avant faut la chançon ici.

P. 305, v. 11 et dernier : Dex vos garisse. Voyez à la fin de Gui de Nanteuil.