Mademoiselle Dax/0

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Texte établi par Léon SchulzHenri Jonquières et Cie (p. dédicace).



À STRATONICE


Veux-tu me permettre d’écrire ton nom à la première page de ce livre ? C’est l’histoire d’une pauvre petite pour qui ton cœur fondra de pitié ; l’histoire toute simple et nue d’une jeune fille pareille à beaucoup d’autres, d’une jeune fille que nous avons rencontrée, et que tous nous avons dédaignée…

Te souviens-tu d’un de nos premiers jours, d’un jour d’une douce flânerie dans les bois et sur le lac ? C’était là-bas, dans notre royaume d’Utopie… un soir d’octobre, calme infiniment… Comme tu étais lasse, nous nous étions assis au bord d’un pré. Nous attendions le crépuscule pour oser traverser ensemble le village. Un chevrier en quête nous demanda si nous n’avions pas vu ses chèvres…

Or, nous songions à des choses qu’on ne pouvait pas dire, et nous parlions d’autres choses, indifférentes.

Rappelle-toi… La veille, au bal, une jeune fille étrangère avait fait entre nous la coquette. Par hasard, son nom vint dans notre causerie. Et j’entends encore le son de ta voix, lorsque tu plaignais la pauvre enfant, mal élevée, mal armée pour la vie, tête laissée vide et cœur resté mou.

MADEMOISELLE DAX est née dans cette minute de ma rêverie fécondée par ta pensée. En te la dédiant aujourd’hui, je te rends ce qui est à toi. Daigne l’accepter.

C. F.