Maison rustique du XIXe siècle/éd. 1844/Livre 3/ch. 7

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Texte établi par Jacques Alexandre Bixiola librairie agricole (Tome secondp. 368-391).
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Chapitre VII. — Économie du bétail.

L’économie du bétail est cette partie de la science agricole qui comprend la multiplication, l’élève, l’entretien et l’emploi des animaux domestiques utiles à l’agriculture.

Les principes de l’économie du bétail sont généraux, c’est-à-dire applicables à tous les genres de bestiaux, ou ils sont spéciaux à chaque genre.

Les premiers sont déduits des lois générales de la vie des animaux ; les seconds indiquent l’application de ces règles générales à chaque genre de bétail, selon sa nature particulière et les circonstances dans lesquelles nous le plaçons.

Les notions générales comprendront l’hygiène, la multiplication et l’élève des animaux domestiques.

On élève et l’on tient du bétail dans l’industrie agricole : 1° pour l’exécution des travaux que nécessite la culture des terres ; 2° pour la production de certains articles nécessaires à l’homme, tels que le lait et les produits qu’on en obtient, la chair, la graisse, la laine, la peau, etc. ; 3° enfin pour la production du fumier. Ce dernier motif est, dans l’état actuel de l’agriculture en Europe, le plus important de tous. La tenue du bétail peut être indépendante de l’agriculture ; cette dernière, à l’exception de la petite culture jardinière des environs des villes, ne peut l’être du bétail ; de là cet axiome : Sans bétail point d’agriculture, auquel on pourrait ajouter celui-ci : Sans un nombreux bétail, point d’agriculture lucrative.

Quelque minime que soit le gain direct que donne le bétail, on voit toujours que les cultivateurs qui en tiennent le plus font les meilleures affaires ; partout où des vues courtes et un intérêt mal calculé ont poussé les cultivateurs à se restreindre au bétail qui leur était indispensable pour les travaux de culture et l’usage de la maison, l’épuisement du sol n’a pas lardé à diminuer la fortune des exploitans. Du reste, le bénéfice qu’on retire du bétail, de même que celui de la culture entière, croit en raison de l’extension que l’on donne à cette branche : il dépend en outre du choix et de l’emploi convenables des animaux, et enfin principalement du traitement et du régime auxquels on les soumet. Il est donc important que le cultivateur connaisse la nature des animaux domestiques et les conditions nécessaires à leur réussite. Les principes qu’on en déduit constituent l’hygiène des animaux domestiques.

* Sommaire des sections de ce chapitre *
Sect. 1re
 369
 ib.
 ib.
§ 1er
 ib.
 375
 ib.

[7.1]

Section Ire. — Hygiène.

Il a déjà été question, dans la première partie de cet ouvrage, de la nature des êtres vivans, plantes et animaux. Tous deux ont besoin, outre la nourriture, d’air, d’humidité, de chaleur et de lumière. L’absorption, l’assimilation, l’excrétion, l’accroissement, la reproduction sont des fonctions communes à ces deux classes d’êtres. Les animaux ont de plus que les plantes la sensibilité et le mouvement. Cette dernière faculté excluant les racines qui pénètrent la terre, comme appareil de nutrition, les animaux devaient pouvoir placer en eux-mêmes des provisions d’alimens. De là le premier caractère des animaux, ou leur cavité intestinale d’où le fluide nourricier pénètre les autres parties du corps par les pores ou par les vaisseaux.

Les fonctions variées du corps animal nécessitaient une organisation plus compliquée que celle des plantes, ses parties ne pouvant d’ailleurs conserver entre elles une situation fixe, le mouvement de leurs fluides ne pouvait être produit par des causes extérieures ; il devait être indépendant de la chaleur et de l’atmosphère ; c’est le deuxième caractère des animaux ou leur système circulatoire ; il est moins essentiel que le digestif, car il manque dans les animaux les plus simples.

Les fonctions animales exigeaient des systèmes organiques inutiles aux végétaux ; celui des muscles pour le mouvement volontaire, celui des nerfs pour la sensibilité ; et ces deux systèmes n’agissant comme tous les autres que par des mouvemens ou des transformations de liquides et de fluides, il fallait que ceux-ci fussent plus nombreux dans les animaux, et que la composition chimique du corps animal fût plus compliquée que celle de la plante ; aussi entre-t-il, comme élément essentiel, une substance de plus, l’azote, qui ne se joint qu’accidentellement dans les végétaux aux trois autres élémens de l’organisation, l’oxygène, l’hydrogène et le carbone.

Les plantes qui ont besoin d’hydrogène, de carbone, d’une proportion moindre d’oxygène et de peu ou point d’azote, paraissent conserver de l’eau, de l’air et de la nourriture qu’elles tirent du sol et de l’atmosphère, la totalité de l’hydrogène et du carbone et une partie seulement de l’oxygène ; elles exhalent le reste sous l’influence de la lumière. Les animaux, qui ont, outre l’eau et l’air, pour nourriture médiate ou immédiate le composé végétal, doivent, pour en ramener les principes à leur composition propre, se débarrasser du trop de carbone et d’hydrogène, et accumuler davantage d’azote ; c’est ce qu’ils font dans la respiration par le moyen de l’oxygène de l’atmosphère qui se combine avec l’hydrogène et le carbone de leur sang, et s’exhale avec eux sous forme d’acide carbonique et d’eau. L’azote, de quelque part qu’il pénètre dans leur corps, parait au contraire y rester en grande partie.

[7.1.1]
§ Ier. — De la respiration.

La respiration, par laquelle les animaux reproduisent de l’eau et de l’acide carbonique que défont les plantes, est la fonction la plus essentielle à la constitution du corps animal, c’est elle en quelque sorte qui l’animalise ; aussi un air pur est-il la première condition d’existence pour l’animal.

On conçoit facilement d’après cela quels résultats fâcheux doit avoir sur la santé des animaux l’air vicié des étables, écuries, bergeries où on les tient. Les cultivateurs ne sont pas assez persuadés du mal qu’ils font à leurs bestiaux en les tenant renfermés dans des espaces étroits, privés d’air et de lumière, et remplis des gaz malsains que dégage le fumier qu’on y laisse s’accumuler. C’est là la cause d’une foule de maladies plus ou moins graves que les cultivateurs ne savent à quoi attribuer ou qu’ils attribuent à des sortilèges. Avec la nourriture au pâturage, cet inconvénient se fait moins sentir ; mais dans la nourriture à l’étable, il présente souvent tant de gravité, qu’il rend impossible ou au moins très chanceux ce mode de nourriture qui, du reste, offre tant d’avantages dans la plupart des localités. Il est un seul cas où l’air pur n’est pas nécessaire, où il est même nuisible, c’est dans l’engraissement. Mais il ne faut pas perdre de vue que l’état de graisse est un véritable état de maladie, et que l’animal à l’engrais ne doit et ne pourrait vivre longtemps. On a proposé divers moyens pour désinfecter les habitations des animaux. J’ai obtenu d’assez bons résultats de celui qu’a fait connaître Sprengel, et qui consiste à tenir constamment dans ces lieux des vases plats dans lesquels se trouve de l’acide hydrochlorique étendu d’eau. Toutefois ce moyen est peu énergique. On obtient des résultats plus prompts avec la méthode de suédois, également très-simple. On verse de l’acide sulfurique sur du sel. Il en résulte un dégagement de chlore et d’acide hydrochlorique. Comme ce dégagement a lieu instantanément et avec force, il ne faut verser l’acide sulfurique qu’avec précaution, se tenir assez éloigné et n’opérer qu’en l’absence du bétail. On ferme pendant quelque temps les issues, après quoi on les ouvre avant de faire rentrer les animaux.

[7.1.2]
§ II. — De la nutrition.

Après la respiration vient, sous le rapport de l’importance, la nutrition.

Chaque espèce d’animaux doit recevoir la nourriture qui lui est la plus propre, et qui convient le mieux à sa nature. Si on ne peut lui procurer entièrement les alimens qu’elle préfère à l’état de liberté, on doit tâcher de lui en donner qui s’en rapprochent. L’état particulier de chaque animal doit aussi amener une différence dans la nourriture : des bêtes malades demandent d’autres alimens que les bêtes en bonne santé ; les bêtes qui sont pleines veulent des alimens légers, nutritifs et d’une facile digestion ; celles qui nourrissent demandent des substances qui favorisent la sécrétion du lait, par conséquent des alimens assez aqueux quoique nutritifs ; celles qui travaillent veulent des substances qui, tout en nourrissant, donnent surtout de l’énergie et de l’activité ; tandis que les substances nourrissantes, mais débilitantes en même temps, conviennent mieux aux bêtes à l’engrais.

[7.1.3]
§ III. — Quantité et qualité de la nourriture à donner aux bestiaux.

A. Les animaux dont on tire parti doivent recevoir plus d’alimens qu’il ne leur en faudrait pour s’entretenir dans le même état, c’est-à-dire plus que la simple ration ordinaire d’entretien ; car tous les produits qu’ils donnent, soit en travail, soit en lait, en laine, en viande, ne peuvent être créés que par la quantité d’alimens qui est en sus de la ration d’entretien ; de la aussi ce principe, qu’un petit nombre d’animaux bien nourris rapporte davantage qu’un grand nombre mal nourris, la ration d’entretien n’étant d’aucun produit pour le cultivateur. Un simple calcul le prouvera suffisamment : en donnant à une vache de moyenne taille 12 livres de foin par jour, on la conservera dans le même état ; elle ne maigrira ni n’engraissera, mais elle ne donnera aucun produit, sauf le fumier, par conséquent les 12 livres de foin seront à peu près perdues. Si, au contraire, on lui en donne 20 livres, on en obtiendra 6 à 7 litres de lait qui paieront la nourriture en tout ou en majeure partie. Le même calcul s’applique aux autres bestiaux, soit de rente, soit de travail. Aussi dit-on avec raison : Bien nourrir coûte, mais mal nourrir coûte bien davantage.

La quantité de 3 livres de foin pour chaque quintal du poids vivant de l’animal, quantité qu’indique Burger, paraît être une moyenne assez généralement applicable à tous les animaux dont on tire parti, excepté pour ceux qu’on engraisse. M. de Dombasle a trouvé, il est vrai, que la ration d’entretien pour un lot de moutons pesant 438 livres était de 15 livres de foin, ce qui fait à peu près 3 livres 5/12es par quintal ; mais il faut observer ici que la ration d’entretien était en même temps une ration de production pour la laine.

Du reste, lorsque les produits ne sont pas de la graisse, on ne doit pas dépasser une certaine limite dans la ration de production, sans quoi une partie de cette ration est employée à produire de la viande au lieu de travail, de lait ou de laine que l’on a en vue.

B. Il doit y avoir un rapport convenable entre le volume et la faculté nutritive des alimens.

Tous les animaux, surtout les ruminans, demandent à avoir l’estomac rempli jusqu’à un certain point ; et une nourriture qui, avec une grande valeur nutritive, aurait un trop petit volume, leur conviendrait tout aussi peu, seule, que celle qui pècherait par l’excès contraire. Ainsi, on réussirait tout aussi mal en ne donnant que du grain qu’en ne donnant que de la paille. M. Block a trouvé que, pour une vache de taille moyenne, le volume normal était de 2,7 pieds cubes en hiver (avec du foin) et 3,3 pieds cubes en été (avec du fourrage vert).

C. Il doit également exister un rapport convenable dans la nourriture entre les substances solides et l’eau.

La proportion convenable varie selon l’espèce de bétail ; mais la quantité d’eau ne doit jamais être assez forte dans la nourriture pour que les animaux soient d’ordinaire dispensés de boire, parce que dans certains cas (par une température humide, par exemple) les bêtes se trouveraient forcées, pour se nourrir, de prendre plus de liquide qu’il ne leur convient. Si une trop forte proportion de substances sèches peut les disposer à des obstructions et à des maladies inflammatoires, l’excès contraire leur est encore plus nuisible en relâchant et en affaiblissant leurs organes digestifs. Les bêtes qui donnent du lait exigent en général des alimens plus aqueux que les autres.

D. Le bon effet et la valeur nutritive des alimens se trouvent augmentés par un emploi convenable, par des mélanges appropriés, par la variété et par une bonne préparation.

Tel fourrage qui a beaucoup de valeur pour l’engraissement en a peu pour des vaches laitières ; tel autre qui, seul ou sans préparation, nourrit peu, devient fort bon lorsqu’il est bien préparé ou mélangé avec un autre aliment d’une nature différente. C’est par des mélanges semblables que l’on peut faire consommer avec avantage des alimens trop ou trop peu substantiels, trop aqueux ou trop secs et ligneux.

E. Le passage d’une nourriture usitée depuis longtemps à une autre à laquelle le bétail n’est pas habitué, ne doit avoir lieu que progressivement et avec précaution.

Les heures de repas doivent être autant que possible réglées, et, lorsqu’on le peut, on tâche de donner pendant toute l’année une ration uniforme, eu égard aux besoins de l’animal et aux services qu’il rend.

Ainsi, pendant l’hiver, il n’est pas nécessaire de nourrir les chevaux aussi fortement que pendant l’époque des travaux ; dans cette même saison, on trouvera souvent de l’avantage à peu nourrir les vaches laitières, sauf à ne pas les traire. Mais dans aucun cas on ne doit réduire la nourriture au-dessous de la ration d’un bon entretien, de même qu’il faut éviter de tomber dans l’excès contraire pour toutes autres bêtes que celles à l’engrais. En général, les variations trop grandes et surtout brusques, dans la quantité comme dans la qualité de la nourriture, sont toujours nuisibles.

Pour ce qui est de la distribution de la nourriture, il est difficile de donner à cet égard des principes applicables à tout bétail. On peut dire cependant qu’en général, il faut éviter de faire manger et surtout boire les animaux immédiatement après une course ou autres mouvemens violens et continus et lorsqu’ils sont en sueur ; qu’il est bon de donner, lorsque cela se peut, plusieurs espèces d’alimens dans chaque repas, et commencer par les alimens de moindres qualités pour donner vers la fin ceux dont le bétail est le plus avide ; qu’il faut faire consommer avant de boire les substances aqueuses, et donner après tout ou portion des meilleurs alimens composant le repas, pour le terminer par de la paille entière ou du foin ; qu’enfin, on ne doit présenter à l’animal qu’une petite quantité

de nourriture à la fois. [7.1.4]
§ IV. — Des substances alimentaires propres à la nourriture des bestiaux.

Les alimens qui servent principalement à la nourriture du bétail en été sont : le trèfle, la luzerne, le sainfoin, les vesces et l’herbe en vert (voyez les articles Pâturage et Plantes fourragères tom. Ier, pag. 454 et suiv.). En hiver on supplée à cette nourriture par les alimens suivans :

A. Foin et regain. Le foin est le fourrage le plus sain lorsqu’il vient d’une bonne prairie ; mais favorisant plus particulièrement la force musculaire et l’énergie, il convient mieux aux bêtes de travail qu’aux autres. Le regain est préférable pour les bêtes laitières ou à l’engrais. Il en est de même des fourrages artificiels séchés qui, surtout le sainfoin, équivalent au bon foin. Du reste, il est rarement avantageux de ne nourrir les animaux que de foin.

B. La paille donnée seule est un mauvais aliment, mais mélangée avec d’autres substances, surtout avec des alimens aqueux, elle peut être employée avantageusement à la nourriture du bétail, et, dans quelques cas, remplacer le foin. On hache quelquefois la paille et les fourrages secs en général ; cette méthode est bonne lorsqu’on veut mélanger ces alimens avec des grains, ou avec des substances aqueuses, ou bien lorsqu’on veut les faire tremper ; il est nécessaire néanmoins de donner toujours une partie de la paille et du foin entiers. Toute la paille que l’on destine pour litière peut être mise d’abord devant les bêtes qui en tirent le meilleur. C’est le matin à jeun et le soir que le bétail mange le plus volontiers la paille.

C. Les feuilles d’arbres. Plusieurs espèces d’arbres (voy. t. IV, Agric. forestière), coupées en août et séchées, fournissent un bon fourrage, surtout pour les moutons et les chèvres. Les feuilles du peuplier du Canada sont regardées par Block comme équivalant au meilleur foin.

D. Pommes de terre. Elles forment une excellente nourriture pour les diverses espèces de bestiaux ; mais les bêtes bovines et ovines seules s’en accommodent lorsqu’elles sont crues, encore faut-il que ces animaux y soient accoutumés, et jamais elles ne doivent composer plus de la moitié de la nourriture ; le reste doit être donné en foin ou paille. Quant aux pommes de terre cuites, elles sont mangées avec plaisir par tous les bestiaux et peuvent composer une partie notable de leur nourriture. Lorsqu’on donne en outre du grain et du foin, ou de la paille, il est bon de hacher ces derniers et de mêler le tout ensemble. L’expérience a prouvé, du reste, que les pommes de terre crues favorisent davantage la sécrétion du lait, tandis que les pommes de terre cuites sont préférables pour l’engraissement. On les regarde comme équivalant en moyenne à un peu plus de la moitié de leur poids en foin. La cuisson augmente un peu leur valeur nutritive. Cuites, elles se donnent écrasées et refroidies ; les pommes de terre crues, de même que toutes espèces de racines, se coupent avec un coupe-racines. Deux hommes coupent avec le coupe-racines circulaire, jusqu’à deux milliers par heure. On a soin auparavant de nettoyer les racines, soit avec un cylindre à claire-voie tournant dans de l’eau, soit en les jetant à la pelle. On ne doit pas en couper plus qu’on ne peut en faire consommer dans la journée.

E. Les betteraves. Elles conviennent moins que les pommes de terre aux bêtes laitières, mais elles conviennent mieux pour l’engraissement ; c’est surtout le cas pour les espèces peu aqueuses comme la betterave de Silésie. Il est avantageux pour cette raison de les donner conjointement avec les pommes de terre. Elles sont moins nutritives que celles-ci ; il en faut environ 230 livres pour équivaloir à 100 livres de foin.

F. Les résidus des fabriques de sucre de betteraves s’emploient de même que les racines entières. Leur valeur nutritive dépend de la perfection des procédés et de l’espèce de betteraves employée. Les résidus provenant des fabriques, où les presses sont peu énergiques et où la pulpe n’est pas soumise à l’action de l’eau chaude ou de la vapeur, ont à poids égal une valeur nutritive équivalente et quelquefois supérieure même a celle des betteraves. Dans le nord de la France on les paie 5 et 6 francs le millier, souvent même davantage. En les faisant sécher ou en les entassant hors du contact de l’air dans des fosses, on peut les conserver assez longtemps ; une addition de sel, dans ce dernier cas, rend la conservation plus facile, tout en améliorant la qualité de cet aliment.

Ou emploie aussi à la nourriture du bétail les mélasses dont on ne peut tirer d’autre parti ; on les donne étendues d’eau et mélangées avec du foin et de la paille hachés sous forme de soupe.

Quant aux autres racines, voyez l’article de leur culture.

G. Les résidus de brasserie. Ils sont excellents pour tout bétail, même pour les chevaux, lorsqu’ils ne sont pas aigres. Les autres bestiaux, surtout les porcs, les mangent volontiers dans ce dernier état. Les résidus provenant d’une livre de malt peuvent être regardés comme l’équivalent d’une livre de foin. On peut les conserver dans des fosses en les salant et en les couvrant ; du reste ils favorisent la sécrétion du lait.

H. Les résidus de distillerie de pommes de terre et de grains, étant très-liquides, s’emploient avantageusement pour détremper des fourrages secs et durs, de la paille hachée, des siliques de colza, des gousses de légumes, du foin, etc. Ce mélange est nécessaire lorsqu’on veut faire consommer ces résidus en grande quantité. On doit mettre les substances sèches dans les résidus pendant qu’ils sont encore chauds et les laisser tremper l’espace d’une demi-journée ; on évite de les donner chauds parce qu’ils font tomber les dents du bétail. Ils favorisent la sécrétion du lait, mais celui-ci est moins bon qu’avec les résidus de brasserie ; du reste les vaches et les porcs seuls s’en nourrissent pendant longtemps sans inconvénient ; les moutons s’en engraissent, mais s’en trouvent mal à la longue, et les chevaux ne les mangent pas. Plus ils sont aigres, moins ils ont de valeur, et gâtes, ils nuisent. On évalue leur qualité nutritive à 30 ou 40 pour 0/0 de celle de la matière employée.

I. Les résidus de féculerie. Ils conviennent assez aux vaches ou porcs et même aux moutons à l’engrais ; leur faculté nutritive n’est pas déterminée. Quant aux résidus d’amidonniers, la grande quantité de gluten qu’ils contiennent et leur état de fermentation ne les rendent propres qu’aux bêtes à l’engrais, surtout aux porcs.

J. Grains. Ils ne forment jamais qu’une portion minime de la nourriture, excepté chez les chevaux. Ces derniers, ainsi que les moutons, peuvent seuls les recevoir sans aucune préparation ou mélange ; pour les autres animaux on les concasse ou on les fait tremper ou cuire. La première opération peut aussi avoir lieu pour les grains destinés aux chevaux et aux moutons ; elle ne les rend que plus digestibles ; toutefois, plusieurs éleveurs ont repoussé cette préparation, notamment pour les chevaux, prétendant qu’elle détruisait ou diminuait la faculté stimulante des grains, et les rendait propres uniquement à favoriser l’embonpoint et la graisse. Nous manquons encore d’expériences comparatives bien concluantes à ce sujet ; mais ce qui paraît certain, c’est qu’il ne faut pas que les grains soient complètement réduits en farine, et qu’il est préférable par cette raison de se servir, dans ce but, d’un moulin à cylindres cannelés, que d’un moulin à meules.

K. L’avoine. C’est le grain le plus convenable pour les bêtes de travail, les jeunes sujets et pour les animaux destinés à la monte, parce qu’elle donne le plus d’énergie. L’avoine paraît convenir mieux que toutes les autres espèces de grains aux animaux qu’on veut nourrir abondamment et agrandir tout en leur conservant des formes sèches. Il est probable que la composition chimique de la farine d’avoine et un principe résineux qui réside dans la balle sont les causes de cette particularité. Cuite, l’avoine semble perdre sa propriété stimulante et convient beaucoup aux vaches et brebis laitières.

L. L’orge. Dans le midi de l’Europe, en Afrique et en Asie c’est le seul grain donné aux chevaux, mais il semble leur convenir moins que l’avoine dans le nord. En revanche, il est plus propre que cette dernière à l’engraissement, mais paraît ne pas convenir pour les vaches laitières, au lait desquelles il communique, dit-on, un goût amer.

M. Les pois et les vesces sont dans le même cas.

N. Les féveroles sont souvent données aux chevaux ainsi qu’à l’autre bétail. On les donne trempées ou cuites aux vaches, aux brebis et aux porcs. Elles rendent le lait plus gras, sans toutefois en augmenter sensiblement la quantité.

Lorsque les grains sont donnés en juste proportion avec les autres fourrages et qu’on leur a fait subir une préparation convenable, on peut considérer 1 1/5 de livre d’avoine, 1 livre d’orge, un peu moins de 1 livre de seigle, 4/5 livre de blé, et 3/4 livre de pois, vesces et féveroles, comme égales à 2 liv. de bon foin.

C’est à chacun à voir quels sont, eu égard à ces proportions, les grains les moins chers de sa localité. Il faut en général se régler sous ce rapport, non pas sur le volume, mais sur le poids.

Du reste, on trouve de l’avantage à mélanger de la harcel ou paille hachée avec toute autre espèce de grain que l’avoine. On en met d’autant plus que le grain est plus nutritif. Cette précaution est particulièrement nécessaire chez les chevaux, auxquels, en Allemagne, on ne donne même jamais d’avoine sans harcel.

O. Les tourteaux d’huile se rapprochent beaucoup du grain quant à leur valeur nutritive et leur emploi. On les donne à tout bétail, excepté aux chevaux. Ceux de colza ont à peu prés la même valeur nutritive que l’avoine. Ceux de lin sont meilleurs. Leur nature mucilagineuse les rend surtout propres aux bêtes malades ou qui allaitent, ainsi qu’aux bêtes portières prêtes à mettre bas et chez lesquelles ils favorisent le part. Les tourteaux de chènevis et de faines sont les moins bons ; ils ont même souvent des qualités nuisibles. La meilleure manière de donner les tourteaux, c’est délayés dans de l’eau tiède. Ou met moins de cette dernière pour les animaux à l’engrais ; plus pour les bêtes laitières ou malades.

P. Les soupes. Ce sont des fourrages quelconques, coupés ou hachés, que l’on fait tremper dans de l’eau bouillante ou cuire : on emploie le plus souvent dans ce but des balles de grains, des siliques de colza, de la paille et du foin hachés ; on y joint des tourteaux d’huile, du grain concassé, du son, etc.

Cette préparation rend les alimens secs plus digestibles et par conséquent plus nutritifs. Mais si l’on ne veut affaiblir les organes digestifs des animaux, on ne doit leur donner les soupes qu’après qu’elles sont refroidies. On met à tremper le soir pour le matin, et le matin pour le soir.

Du reste, cette nourriture ne convient qu’aux bêtes laitières et à l’engrais, et elle n’est avantageuse que là où le combustible est bon marché. On peut mettre plus ou moins d’eau. Un des grands avantages des résidus de distillerie, c’est de servir à détremper les fourrages secs et à faire des soupes sans frais spéciaux de chauffage. Du reste, il faut toujours que la moitié environ de la nourriture consiste en foin ou paille entiers et non trempés. Pabst, dans son excellent ouvrage sur les bêtes à cornes, dit qu’à Hohenheim on épargnait journellement 2 quintaux de foin sur 60 vaches, en donnant des soupes : elles se composaient pour 1 vache de : 1 livre d’épeautre concassée, 1/4 de livre de tourteau de colza, 5 livres de balles de grain et 3 livres de siliques de colza ; le tout trempé avec 1/2 livre de sel ; on donnait en outre 8 livres de foin de trèfle. Cette nourriture dont les divers alimens ensemble avaient la valeur nutritive de 17 livres de foin, nourrissait autant que 20.

Q. Nourriture fermentée. L’expérience a prouvé que la fermentation poussée jusqu’à un certain degré, c’est-à-dire jusqu’au commencement de l’acidité, augmentait la valeur nutritive de plusieurs substances alimentaires, notamment des grains réduits en farine, du son et des racines cuites ou même crues, coupées par tranches et entassées dans une cuve avec du son ou de la harcel mouillée. Cette nourriture ne convient qu’aux bêtes laitières et à l’engrais. On a remarqué que les pommes de terre crues, traitées ainsi, perdent leurs qualités nuisibles et peuvent être données en grande quantité sans inconvénient. On a essayé de faire également fermenter les foins naturels et artificiels en les entassant avant qu’ils soient complètement secs. Cette opération, connue sous le nom de méthode Klappmayer, et qui produit du foin brun fort bon pour les bêtes à l’engrais, est néanmoins d’une exécution tellement difficile, qu’elle a été presque généralement abandonnée, excepte pour les fourrages grossiers dont elle augmente notablement la qualité. On a soin toutefois, dans ce cas, de ne pas laisser les tas s’échauffer par trop.

R. Sel. Tous les animaux domestiques, mais surtout les ruminans, le recherchent avec avidité. Cette circonstance seule doit déjà prouver qu’il leur est bon. Il favorise la digestion et provoque l’appétit ; il est surtout utile lorsqu’on donne des alimens lourds ou malsains, lorsque l’atmosphère est très-humide, et pour les bêtes à l’engrais. Du reste on ne doit le donner qu’en petite quantité à la fois, surtout aux animaux qui n’y sont pas habitués, et chez lesquels il a, par cette raison, peu d’effets dans les commencemens. Cette dernière circonstance, jointe à la proportion peut-être trop forte de sel employée, expliquerait au besoin le peu de résultats qu’a eu cette substance sur les progrès de l’engraissement, dans une expérience faite à Roville. Quelles qu’en aient été du reste les causes, cet essai isolé, quoique fait avec soin et impartialité, ne peut détruire un principe constaté par l’expérience des siècles chez les nations les plus avancées en agriculture. Le sel est partout considéré comme le préservatif le plus efficace contre la pourriture des moutons et en général contre les maladies provenant de l’atonie des voies digestives.

[7.1.5]
§ V. — Propreté, température, mouvement.

Les autres conditions essentielles pour la bonne tenue des animaux domestiques sont : la propreté, une température convenable et le mouvevement.

Dans l’état de nature, les bêtes prennent soin de s’approprier ; comme elles ne le peuvent dans l’état de domesticité, nous devons y suppléer, si nous voulons les avoir en bonne santé. Nous devons leur procurer chaque jour une couche fraîche et propre, un air pur, et, pour certaines espèces, autant que possible, un pansement journalier de la main, ou des bains de rivière ; pour les bêtes de travail, tous deux à la fois. Le pansement et surtout de fortes frictions, sont particulièrement utiles aux bêtes à l’engrais, en favorisant la formation du tissu graisseux.

La température est aussi très-importante pour la santé des animaux ; en général, une température moyenne est celle qui convient le mieux à toutes nos espèces de bestiaux. Les froids de l’hiver, pourvu que les logemens soient bien garantis, ne leur sont pas nuisibles, mais ce qui leur fait du tort, surtout aux jeunes bêtes, ce sont les automnes et les printemps froids et pluvieux, notamment les transitions brusques de température et les répercussions de transpiration, lorsqu’après une course ou un travail forcé qui les ont mis en nage on les laisse exposés sans les couvrir, au froid, ou à la pluie, ou à des courans d’air. C’est là une des causes les plus fréquentes des maladies parmi les bêtes de travail.

Les jeunes animaux, pour réussir, demandent à être bien garantis du froid. Les logemens où on les tient doivent, par cette raison, être parfaitement clos. La plupart des bêtes adultes, tout en supportant de grands froids dehors, veulent néanmoins aussi des habitations chaudes en hiver. La trop grande chaleur, soit dans les logemens, soit dehors, est du reste nuisible à toutes les bêtes. Pendant les jours chauds, on fait pâturer et on fait travailler avant et après la grande chaleur. Afin que les bêtes ne souffrent pas dans les étables, écuries, bergeries, ces lieux doivent être espacés, suffisamment élevés et munis de fenêtres où puissent pénétrer l’air et la lumière. Les bêtes doivent pouvoir s’y coucher la nuit sans être trop serrées, et l’on doit pouvoir aérer sans produire un courant d’air qui peut souvent être nuisible lorsque les bêtes sont en sueur.

L’exercice est indispensable à la santé des bêtes, surtout chez les jeunes animaux. Autrefois, lorsque tout le bétail était nourri au pâturage, il y prenait déjà l’exercice nécessaire. Aujourd’hui qu’une grande partie est nourrie à l’étable, nous devons lui procurer de l’exercice d’une autre manière, soit en le conduisant tous les jours boire à une certaine distance, soit en le tenant pendant une partie de la journée dans une cour, ou mieux encore, comme cela a lieu en Saxe, sur un vaste fumier peu élevé et entouré d’une clôture. Le mouvement est surtout indispensable aux jeunes bêtes que l’on destine au travail, car seul il peut développer la force musculaire et l’énergie.

[7.2]

Section II. — De la multiplication des animaux domestiques.

Chez les animaux domestiques, l’accouplement est à la disposition de l’éleveur. Par ce moyen il peut non-seulement les multiplier, mais encore conserver, ou changer et améliorer les races ou même en créer de nouvelles par des croisemens ou par d’autres moyens. Dans les notions générales sur la reproduction des animaux domestiques, nous considérerons :

1° La race ;

2° L’âge des individus destinés à la propagation ;

3° Les règles à observer pour l’accouplement.

[7.2.1]
§ Ier. — de la race.

Les animaux de la même espèce peuvent différer entre eux d’une manière très-sensible quant à la taille, aux formes, aux qualités, aux dispositions, à l’aptitude à certains genres de service, etc.

Lorsque ces différences sont héréditaires sous l’influence des causes qui les ont produites, elles constituent ce qu’on appelle une race. Ces différences mêmes se nomment les caractères de la race. Si au contraire elles ne sont que fortuites et non héréditaires, elles constituent seulement des variations, des anomalies.

Les naturalistes admettent généralement pour toutes les espèces d’animaux un type primitif, une race première possédant au plus haut degré les caractères particuliers et les qualités originelles de l’espèce. Ils supposent cette race primitive vivant sous l’influence des circonstances les plus favorables à sa nature. Les modifications qu’elle a subies à la longue et qui ont créé les diverses races sont dues à deux genres de causes différens, les unes naturelles, les autres artificielles.

Les premières sont : le climat, le sol et la nature des pays où des individus de la souche primitive se sont trouvés transportés, de même que la qualité et la quantité de la nourriture.

Les secondes sont : le genre spécial de services auquel les animaux ont été assujettis pendant toute une série de générations, ainsi que le choix des individus reproducteurs, l’éducation et le régime, tous trois dirigés dans la vue de rendre la race plus apte à certain usage.

L’influence des causes naturelles, quelque réelle qu’elle soit, n’a dû agir que fort lentement et n’a pu, dans la plupart des cas, se faire sentir qu’après un grand nombre de générations.

L’action des causes artificielles a été beaucoup plus puissante. C’est uniquement à ces causes que nous devons les races si nombreuses et si tranchées de chiens, et parmi les autres animaux domestiques, la plupart des races spécialement appropriées à certains emplois.

Envisagées sous le point de vue de la nature, les races primitives sont les plus parfaites. Mais, considérées sous le point de vue de notre utilité, elles sont, au contraire, fort éloignées de la perfection. L’emploi varié que nous faisons des diverses espèces d’animaux domestiques n’a pu avoir lieu qu’en exagérant certaines dispositions naturelles, ou en en faisant naître de nouvelles, par conséquent en nous éloignant de la nature. Aussi est-ce une erreur de croire que le perfectionnement des animaux domestiques consiste à les rapprocher de leurs types primitifs.

La perfection d’une race pour nous, c’est sa plus grande aptitude à remplir nos vues, à nous être utile. L’animal le plus parfait serait donc celui qui réunirait au plus haut degré toutes les qualités qui rendent propres aux divers genres de services auxquels nous employons l’espèce. Malheureusement, il a été jusqu’à présent, et il sera probablement toujours impossible de réunir dans une seule race les qualités souvent exclusives et opposées qui sont disséminées dans toutes les autres. L’éleveur ne doit pas se faire illusion à cet égard. Si l’on a pu croire parfois qu’une race, parce qu’elle présentait de belles formes et qu’elle excellait dans un genre spécial de service, pouvait être employée avec avantage comme type régénérateur de toutes les autres races et les rendre plus propres aux différens usages auxquels nous les faisons servir, l’expérience est bientôt venue détruire cette opinion.

Nous devons donc nous borner à créer pour chaque genre de service une race type possédant au plus haut degré l’aptitude à cet emploi spécial, ainsi que l’a fait Bachwell pour les bêtes d’engrais, les éleveurs de chevaux en Angleterre pour les chevaux de courses, les propriétaires de Naz pour les moutons fins. Toutefois, lorsqu’on peut rendre une même race parfaitement propre à deux genres d’emploi, elle acquiert un double degré d’utilité. À la vérité, on a constamment remarqué que chez ces races à deux fins, le double but était atteint moins complètement que chez les races spéciales. Ainsi les races de bêtes à cornes, en même temps propres à l’engraissement et à la laiterie, sont moins aptes à l’un et à l’autre de ces emplois que Il races uniquement laitières ou d’engraissement. Il y a cependant avantage dans beaucoup de cas à sacrifier un peu de la perfection sous l’un et l’autre rapport, afin de tirer parti de deux qualités importantes et qui s’avantagent mutuellement.

Plus une race est ancienne et pure de tout mélange avec d’autres races, plus faction des circonstances qui lui ont donné ses caractères particuliers était énergique et prolongée, et plus les caractères qui la distinguent sont tranchés, durables et susceptibles de se transmettre aux descendans. C’est ce que les Allemands appelent la constance d’une race, qualité précieuse, d’une haute importance dans les croisemens, et à laquelle on ne paraît pas avoir donné, jusqu’ici, assez d’attention en France.

[7.2.2]
§ II. — Amélioration des races.

Il y a trois manières de se procurer une race plus parfaite et plus avantageuse que celle que l’on possède déjà : 1° en important chez soi des individus mâles et femelles d’une race étrangère possédant spécialement les qualités que l’on recherche et en la conservant dans sa pureté ;

2° En croisant la race indigène avec la race étrangère, ou deux races étrangères ensemble ;

3° En améliorant la race du pays par elle-même.

[7.2.3]
§ III. — Introduction d’une race étrangère.

Lorsque la race indigène ne nous convient pas, cette méthode est la plus prompte et la plus efficace pour arriver à la possession d’une race qui remplisse parfaitement notre but. Toutefois elle est ordinairement coûteuse, et dans certains cas impuissante à la longue.

Lorsqu’on met des individus d’une race sous l’influence de circonstances différentes de celles où cette race s’est développée, on voit ordinairement de génération en génération certains caractères de la race s’affaiblir, disparaître même, et la race étrangère finir par s’assimiler plus ou moins à la race indigène. C’est ainsi que même plusieurs caractères fort constans chez nous, comme, par exemple, la laine de nos moutons et notamment des mérinos, la voix des chiens, etc., se perdent sous les tropiques. Plus est grande la différence entre les circonstances naturelles des deux pays, plus est prompt et complet le changement qu’éprouve la race. De là cette règle, de tirer autant que possible la race étrangère d’un pays analogue à celui dans lequel on veut l’importer. Du reste, plusieurs causes viennent retarder les modifications que subit une race dans un pays étranger.

Plus une race a de constance, plus est lente la dégénération. Les chevaux de la Camargue, quoique vivant depuis des siècles sous l’influence de circonstances bien différentes de celles où se sont développées les races de l’Orient, ont néanmoins conservé beaucoup de traces de celles-ci.

L’art, qui, dans tant de circonstances, lutte avec honneur contre la nature, est plus efficace encore que la constance, et peut empêcher, sinon tout changement, du moins la dégénération d’une race étrangère en atténuant l’influence des circonstances naturelles défavorables, ou en la contrebalançant par celle de moyens artificiels dont on règle l’énergie. Il arrive alors souvent que sous l’action de ces diverses circonstances réunies, il se forme une race nouvelle ayant ses caractères particuliers, conservant cependant plus ou moins des qualités de la race primitive, et qui finira par devenir constante si on la conserve dans sa pureté. C’est ainsi que se sont créées en Europe plusieurs races de chevaux qui proviennent des races orientales : le cheval de pur sang anglais, le genêt andalous, le cheval limousin, et, parmi les autres animaux, le mérinos électoral, celui de Rambouillet, de Naz et du Roussillon, les porcs chinois et tonquins, etc. Plusieurs de ces races importées ont même dépassé sous certains rapports leurs types primitifs. Ainsi, les électoraux et les moutons de Naz sont plus fins que les mérinos d’Espagne ; les chevaux de pur sang anglais sont supérieurs aux chevaux arabes pour les courses de peu de durée. Si les électoraux n’ont pas la taille, la vigueur, l’abondance de laine des moutons espagnols ; si les chevaux anglais sont bien inférieurs aux chevaux arabes sous le rapport du fond, de la durée, de l’aptitude à supporter la fatigue et les privations de tout genre, si même ils sont inférieurs sous ce rapport à beaucoup de nos races communes, ainsi que l’a prouvé une multitude de faits, ce n’est point au climat et aux circonstances locales qu’il faut l’attribuer, mais uniquement à la différence des vues qui ont dirigé les éleveurs dans le traitement des animaux en général, et surtout dans le choix des types reproducteurs. Tandis que la vie nomade des mérinos d’Espagne forçait les éleveurs dans ce pays à rechercher pour la monte les mâles les plus robustes et les plus vigoureux, les éleveurs saxons, qui n’avaient pas les mêmes motifs, et qui étaient poussés par les circonstances commerciales à tout sacrifier à la finesse de la laine, préféraient un bélier petit, chétif, mal conformé, mais d’une haute finesse, à l’animal le plus beau, le plus fort, le plus chargé en toison, lorsque, comme cela se voit ordinairement, sa laine n’était pas aussi belle. Tandis que l’Arabe, toujours en guerre, toujours en course à travers des pays arides et déserts, devait rechercher dans son cheval, outre la vitesse absolue, la faculté de pouvoir supporter facilement des marches rapides et forcées et de dures privations, qualités essentielles pour lui, puisque sa vie en dépend souvent, l’éleveur anglais, se conformant au goût de sa nation pour les courses de chevaux, ne voyait et n’appréciait dans les chevaux arabes importés en Angleterre qu’une seule qualité, la rapidité dans les allures. Négligeant toutes les autres, et ne s’attachant qu’à perfectionner celle-ci et encore seulement pour les courses de peu de durée, il dirigea le régime, le traitement et l’accouplement des animaux de façon à créer des coureurs qui pussent parcourir deux ou trois kilomètres dans le plus court espace de temps possible, sans qu’il s’inquiétât du reste si ces chevaux ne devaient pas précisément leurs succès sous ce rapport, à l’exagération vicieuse de certaines formes, et s’ils eussent pu fournir à une course quelque peu prolongée. Aussi l’Arabe a-t-il créé le meilleur cheval de guerre, de route et en général de selle qui existe ; l’Anglais n’a créé que le meilleur cheval de course.

On obvie encore efficacement à toute dégénération et même à toute modification d’une race étrangère introduite dans un pays, en rafraîchissant le sang, c’est-à-dire en important de temps à autre des individus mâles et femelles de la race pure élevés dans leur patrie. Ce moyen n’est, du reste, nécessaire que lorsqu’on a croisé la race étrangère avec celle du pays, ou lorsque les circonstances locales sont de nature à favoriser certains défauts que l’on veut éviter. Sans ces motifs, il est souvent mauvais de rafraîchir le sang, surtout lorsque par des soins on est parvenu à développer dans la race importée certaines qualités essentielles, plus qu’elles ne le sont dans la race primitive. On nuirait, sans contredit, à la finesse de la race électorale en y introduisant de nouveau du sang de mérinos espagnols. Il en serait probablement de même pour les chevaux de pur sang anglais à l’égard des courses, si on voulait les croiser de nouveau avec des chevaux arabes.

L’introduction d’une race étrangère est avantageuse toutes les fois que la race indigène est trop abâtardie, ou du moins montre trop peu d’aptitude au genre de service que nous avons en vue pour que nous puissions espérer obtenir des résultats prompts et sensibles, soit en l’améliorant par elle-même, soit en la croisant. Ainsi dans le Limousin, lorsqu’on veut se procurer de bonnes vaches laitières, on préfère, avec raison, faire venir des bêtes bretonnes que d’améliorer sous ce rapport, la race du pays qui n’est bonne que pour le travail et l’engraissement. On conçoit, du reste, que la préférence qu’on doit accorder à cette méthode sur les autres, dépendra beaucoup de la facilité qu’on aura de se procurer du dehors une race telle qu’on la désire.

[7.2.4]
§ IV. — Croisemens des races.

En accouplant des individus du même genre, mais d’espèces ou de races différentes. c’est-à-dire en croisant, on obtient un produit qui tient en même temps du père et de la mère. Si ces derniers sont d’espèces différentes, le produit se nomme bâtard ou mulet, et presque toujours il est inapte à la reproduction. S’ils sont seulement de races différentes, le produit se nomme métis, croisé, demi-sang.

Le premier mode de croisement ne s’applique qu’à la production des mulets et des bardeaux. Le second s’emploie : 1° pour transformer et fondre une race commune dans une race meilleure ; 2° pour créer une nouvelle race participant des qualités des deux races croisées.

Buffon, et après lui d’autres naturalistes, se fondant sur quelques faits isolés, prétendaient que toute race multipliée par elle-même et conservée pure de croisemens, de même que toute semence cultivée constamment dans le même pays, devaient nécessairement dégénérer. Cette théorie, dont la conséquence naturelle serait la dégénération complète de tous les animaux sauvages et de toutes les plantes spontanées, et qui du reste est en désaccord évident avec l’existence des races les plus parfaites d’animaux domestiques et des meilleures variétés de plantes cultivées, cette théorie a malheureusement été partagée par beaucoup de nos éleveurs, et a eu fréquemment de tristes résultats. Le croisement est un de ces moyens dont on n’abuse jamais impunément. Si, bien appliqué, il produit d’excellens résultats, pratiqué sans connaissance de cause, sans principes rationnels, sans but déterminé, il peut souvent détruire les bonnes qualités de la race qu’on voulait améliorer, et remplacer ses défauts par d’autres plus graves encore. Il est donc de la plus grande importance de connaître les effets du croisement, les cas où il est utile et la manière de l’effectuer.

A. Influence du père et de la mère sur le produit. — L’expérience a démontré que le produit tenait ordinairement du père pour toute la partie antérieure du corps, pour les cornes, le poil, la laine, la voie, pour la durée, la sobriété, la solidité de jambes et de corps, l’aptitude à supporter des travaux longs et pénibles ; et de la mère pour la partie postérieure du corps, pour les jambes de derrière, pour la force, l’énergie, la vivacité, le caractère et surtout pour la taille. Les deux parens influent également sur la robe. On sait, en outre, que les femelles tiennent en général plus du père ; les mâles davantage de la mère. Du reste, on a remarqué que celui des parens qui appartient à la race la plus constante prédomine ordinairement le plus dans le croisement.

Ces règles, quoique susceptibles de fréquentes exceptions, n’en doivent pas moins être prises en considération par l’éleveur qui veut croiser, et diriger son choix, tant que l’expérience ne sera pas venue lui prouver le contraire. Ainsi, dans le choix d’un mâle, il tiendra à ce que la conformation des parties du corps et les dispositions physiques ou morales que le produit hérite plus particulièrement du père, soient exemptes de tout défaut. Il pourra juger également si la race indigène est susceptible d’être améliorée et rendue plus propre à ses vues par le croisement avec des mâles d’une race étrangère qu’il est à même de se procurer, et qui possède spécialement les qualités qu’il recherche.

B. Croisement de deux races très-différentes. L’expérience a prouvé qu’il y avait inconvénient à accoupler ensemble deux races par trop différentes sous le raport de la taille, des formes ou des caractères particuliers. Cette marche, que l’on a tentée quelquefois, espérant obtenir des produits dans lesquels les défauts contraires des deux races seraient neutralisés, n’a eu pour résultats que des animaux plus ou moins défectueux. Ce qui précède sur les formes et les qualités que le père et la mère transmettent respectivement à leurs descendans, explique suffisamment ce fait. De bons éleveurs ont conseillé par cette raison de prendre d’abord pour type améliorateur une race mixte, lorsqu’on veut donner à la race indigène les qualités d’une autre qui en diffère essentiellement. Toutefois ce mode de procéder est fort long. La première méthode serait préférable, si on ne voulait utiliser les premiers produits que principalement pour la propagation. Lorsque, par exemple, on croise des brebis à laine de peigne fort grossière, avec des béliers électoraux ou de Naz, la plupart des métis qui en résultent ont une laine qui n’est ni de peigne ni de carde, mais mélangée des deux et qui, est ordinairement rejetée par les fabricans. Mais que l’on accouple les métis femelles, de nouveau avec des béliers électoraux, et la deuxième génération se sera beaucoup rapprochée des pères, et donnera déjà une laine de quelque valeur. À la quatrième ou cinquième génération, on sera plus avancé en procédant ainsi, qu’on ne l’eût été à la dixième en employant d’abord des béliers mérinos communs. Néanmoins dans des cas pareils, il y a presque toujours avantage à introduire et à conserver pure la race que l’on veut posséder, à moins qu’il n’y ait trop de difficultés à s’en procurer un assez grand nombre d’individus. C’est ce qui arriva dans les commencemens de l’introduction des mérinos en France et en Allemagne. Aujourd’hui on ne voit plus que quelques cultivateurs employer le croisement pour ce genre de bétail. Mais c’est encore, pour toutes les espèces et les races chères et provenant de contrées éloignées, la seule méthode qui soit à la portée de la plupart des éleveurs.

Si néanmoins, en pareil cas, la race du pays était trop différente de celle avec laquelle on veut la croiser, on pourrait se procurer des individus d’une race voisine moins éloignée de la race étrangère, pour croiser avec cette dernière. Si par exemple, on voulait créer par croisement un troupeau de Dishley dans les Ardennes ou dans la Sologne, il ne faudrait pas songer à employer la race du pays, mais faire venir, dans les Ardennes des bêtes allemandes, en Sologne des bêtes du Poitou, qui les unes et les autres se rapprochent des Dishley.

C. Méthode d’effectuer les croisemens. Dans les croisemens opérés entre une race commune et une race perfectionnée, on n’emploie jamais que des mâles de cette dernière. On pourrait également employer des femelles que l’on accouplerait avec des mâles de la race indigène, mais cela serait infiniment plus coûteux et plus long, un mâle suffisant pour un grand nombre de femelles et pouvant donner chaque année 40 à 50 produits.

Pour fondre une race dans une autre, on accouple de nouveau les métis femelles produits par le premier croisement, avec un mâle de la même race que le père, et on coutinue ainsi jusqu’à ce qu’après une série de générations, il n’existe plus aucune différence entre la race améliorée et son type améliorateur. C’est alors seulement et lorsque la nouvelle race est devenue constante, c’est-à-dire après la dixième et douzième génération, qu’on peut la multiplier par elle-même.

Un grand nombre des plus beaux troupeaux mérinos de l’Allemagne ont été créés de cette manière.

[7.2.5]
§ V. — Création d’une nouvelle race par croisement.

Au moyen des croisemens on peut non-seulement fondre une race dans une autre, mais encore en créer une nouvelle qui participe en même temps des deux races dont elle provient. Il suffit pour cela d’arrêter le croisement lorsque les produits ont pris de la race étrangère et conservé de la race indigène, autant qu’il convient à nos vues.

Cette méthode, qui a été suivie et conseillée assez généralement pour les chevaux, et qui paraît au premier abord simple et facile, offre cependant de grandes difficultés et exige une connaissance approfondie de la matière, des soins et des précautions sans lesquelles elle n’a ordinairement que de mauvais résultats.

Il est d’abord impossible de déterminer d’avance avec certitude quels seront les caractères, les formes, les qualités et les défauts que le produit héritera du père et ceux qu’il héritera de la mère. Les notions qui précèdent sur ce sujet ne sont qu’approximatives, et les principes qui en découlent subissent des exceptions fréquentes. D’ailleurs, cela ne serait-il pas, qu’il y aurait toujours impossibilité de préciser dans quelle proportion le père et la mère transmettront respectivement leurs caractères spéciaux, et jusqu’à quel point l’influence de l’un sera neutralisée par celle de l’autre. Un seul fait rapporté par Pabst prouvera combien les circonstances peuvent modifier les prévisions sous ce rapport. Un bélier électoral, d’une haute finesse, accouplé avec des brebis métis, avait donné une première année de fort beaux produits ; l’année suivante, accouplé de nouveau avec les mêmes bêtes, il ne produisit que des agneaux médiocres et à peine différens des mères. En recherchant les causes de cette anomalie, on s’aperçut qu’en dernier lieu, le bélier, confié aux soins d’un berger peu intelligent, avait reçu une nourriture si abondante qu’il en était devenu fort gras, et par suite lourd et paresseux, tandis que la première année il avait été entretenu dans l’état de vigueur le plus approprié à la monte, par un régime convenable.

Il se présente de plus une autre difficulté, c’est le peu d’aptitude qu’ont en général les métis à transmettre leurs caractères à leurs descendans. J’ai déjà dit qu’une race possédait d’autant plus cette faculté qu’elle avait plus de constance. Or, le croisement détruit toute constance, il la détruit d’autant plus complètement, et augmente d’autant plus le temps et le nombre de générations nécessaires pour la créer de nouveau, que les deux races croisées étaient plus dissemblables.

Une longue expérience a appris aux éleveurs de moutons fins en Allemagne que des métis, même de 8e génération, en tout semblables aux bêtes de race pure, multipliés entre eux, ne donnaient cependant la plupart que des produits médiocres et dont plusieurs se rapprochaient de leurs ascendans maternels. Dans les croisemens avec des bêtes de race commune on a pu remarquer également chez les métis cette absence de la faculté de transmission à leurs descendans ; aussi n’est-ce en général qu’au bout de la 10e et 12e génération que l’on croit pouvoir se passer de béliers mâles de race pure, et au bout de la 14e ou 15e que l’on se hasarde à employer les béliers métis à l’amélioration d’une race commune. Il est probable que ces faits, qui se sont presque constamment représentés chez les métis d’une race aussi ancienne, aussi constante que la race des moutons mérinos, doivent avoir lieu pareillement chez les produits croisés dans les autres genres de bestiaux.

On a observé que les produits des métis tendaient en général à se rapprocher de celle des deux races composantes qui avait le plus de constance et qui était le plus en harmonie avec les circonstances naturelles et artificielles de la localité. Or, les premières, et presque toujours aussi les circonstances artificielles, favorisant nécessairement la race indigène, plus que la race étrangère importée, on ne pourra éviter le retour vers la première qu’en changeant le régime, le traitement, peut-être même l’emploi, en plaçant en un mot la nouvelle race que l’on veut créer, dans une position exceptionnelle.

Il n’en est pas tout à fait de même lorsqu’on croise deux races également étrangères à la localité ; il est plus facile alors de créer, avec les métis qui en résultent, une race nouvelle qui, après un certain nombre de générations, pourra posséder des caractères à part et constans.

Plusieurs races de bêtes à cornes fort estimées, de l’Allemagne, ont été créées de cette manière, et on s’occupe aujourd’hui dans le même pays à former de nouvelles races de chevaux par un moyen semblable.

De ce qui précède, il résulte que, s’il peut être avantageux dans certains cas d’introduire plus ou moins de sang étranger dans nos races de chevaux et d’autres bestiaux, il y aurait danger à appliquer cette méthode généralement. Le succès en sera particulièrement douteux toutes les fois que le type améliorateur aura peu de constance, lorsqu’il différera considérablement de la race indigène, et qu’enfin, par sa nature, ses dispositions, ses vices, ses qualités, il s’éloignera du but que nous voulons atteindre et pour lequel nous n’avons besoin que d’une faible partie de ses caractères ; c’est ce qui a lieu, par exemple, pour la race de chevaux de pur sang anglais, race artificielle, née d’hier, créée pour un usage unique et spécial, par desseins et des moyens compliqués et dispendieux, et que l’on est également obligé de prodiguer aux produits qui en résultent, si l’on ne veut pas les voir dégénérer promptement. Les résultats des croisemens opérés avec cette race en France et en Allemagne, résultats qui l’ont fait définitivement rejeter par la plupart des hippiatres les plus distingués de ce dernier pays, et notamment par le célèbre de Burgsdorf[1], confirment suffisamment cette opinion.

[7.2.6]
§ VI. — Amélioration d’une race par elle-même.

La possibilité de changer et d’améliorer une race sans croisemens repose, en partie, sur la différence qui existe, même dans les races les plus constantes, les plus uniformes, entre les divers individus qui en font partie ; et ensuite sur l’influence très-grande qu’exercent la nourriture, les soins, le genre de vie, l’emploi, sur les formes, la taille, les dispositions, et en général sur les caractères des animaux domestiques.

Il n’est point, par exemple, de troupeau de vaches dans lequel on ne remarque quelques bêtes meilleures laitières que les autres, ou se tenant toujours en bonne chair, tandis que les autres restent maigres. Dans tous les troupeaux de bêtes ovines, il est également quelques individus ayant une plus belle laine, ou plus de dispositions à l’engraissemenl que le reste du troupeau, etc. ; que les individus mâles et femelles qui présentent ces particularités soient accouplés ensemble, de même que leurs descendans, et que la nourriture, le traitement, les soins, l’emploi soient dirigés de manière à favoriser encore ces caractères, et au bout de quelques générations on aura créé une souche à part, qui, dans un temps plus ou moins long, finira par devenir une race distincte ayant des caractères bien tranchés et constans.

La plupart des races les plus distinguées d’animaux domestiques doivent leur origine à ce mode de procéder ; ainsi, la race électorale, les chevaux de course anglais, probablement aussi les races chevalines de l’Orient. Enfin, c’est la méthode qu’ont suivie Backwell, Fowler, Princeps, ces célèbres éleveurs anglais, pour créer les races si justement vantées de bestiaux que l’Angleterre leur doit.

Cette méthode est moins chanceuse que le croisement et que l’introduction d’une race étrangère ; bien suivie, son succès n’est presque jamais douteux, Néanmoins il est des cas où le temps nécessaire pour atteindre le but serait tellement long, qu’il y a un avantage évident à lui préférer l’un des deux autres moyens. C’est ce qui a lieu lorsque la race que l’on veut améliorer ainsi diffère considérablement de celle qu’on désire posséder, et s’en éloigne surtout par des caractères sur lesquels la nourriture, le traitement, le genre de service n’influent que faiblement.

Je suppose qu’on veuille créer en Franche-Comté, et sans croisement, une race de chevaux de selle fins ; malgré l’énorme distance à franchir, on y parviendrait incontestablement. Par un choix convenable des jumens, et surtout des étalons, par une nourriture sèche et composée en majeure partie de grains, par un emploi prolongé à la selle, ou finirait par rendre le poil plus fin, les membres plus secs, le corps et surtout le ventre moins développés, la croupe plus horizontale ; il est probable même qu’on parviendrait également à rendre la tête plus légère, la pose de la queue et des oreilles plus gracieuse ; mais il faudrait une longue série de générations pour atteindre à ces résultats, surtout aux derniers qu’on obtiendrait promptement par les croisemens accompagnés d’un traitement convenable, ou mieux encore, par l’introduction d’une race étrangère de chevaux de selle.

La même chose aurait lieu pour des moutons grossiers qu’on voudrait rendre fins, ou pour les bêtes à cornes à demi sauvages de la Camargue dont on voudrait faire une race bonne laitière ou propre à l’engraissement.

Avant de se décider pour ce mode de perfectionnement, l’éleveur doit donc s’assurer si la race qu’il possède ne s’éloigne pas trop du type qu’il a en vue de créer, et si les dispositions et les caractères qu’il veut faire naître ou supprimer sont du nombre de ceux que la nourriture, le traitement, les soins et le genre de service peuvent modifier promptement. Parmi ces caractères on doit placer en première ligne la taille des animaux domestiques.

[7.2.7]
§ VII. — Taille de la race.

Des trois moyens qu’a l’éleveur d’augmenter la taille, le dernier mentionné est dans presque tous les cas le seul avantageux.

La taille dépend trop de la nourriture pour que l’on puisse espérer de bons résultats de l’introduction d’une grande race dans un pays pauvre, à moins que par une bonne culture on n’ait préalablement augmenté la nourriture dans une égale proportion. Mais dans ce cas on aurait pareillement augmenté la taille de la race indigène, et cela avec beaucoup plus d’avantage et moins de risques ; car on a observé généralement que, proportion gardée du poids des individus, les bêtes de petite taille sont plus sobres, se contentent plutôt d’un fourrage de médiocre qualité, utilisent en un mot mieux la nourriture que celles de grande taille, tant que cette nourriture reste au-dessous d’un certain terme, tant pour la qualité que pour la quantité. On engraisse de petits bœufs dans des pâturages, ou avec des alimens qui souvent ne serviraient qu’à entretenir un nombre proportionné de grands bœufs. Des vaches de l’Oberland ou du Cotentin cessaient de donner du lait et devenaient d’une maigreur effrayante, dans des pâturages où de petites vaches du pays trouvaient assez, non seulement pour se bien entretenir, mais encore pour donner des produits satisfaisans.

En laissant à l’amélioration dans la nourriture le soin d’augmenter la taille et les produits de la race indigène, on a l’avantage fort grand de pouvoir procéder avec lenteur et prudence aux changemens que cela nécessite dans le système de culture ; de ne pas craindre de dégénération dans la race ainsi améliorée, cette amélioration étant progressive, et le résultat immédiat de causes qui existent toujours ; enfin, on jouit à mesure de l’effet de chaque amélioration introduite dans le régime alimentaire.

Qu’on ne craigne pas, du reste, que ce mode de procéder soit trop lent. L’effet de l’insuffisance, aussi bien que de l’abondance de la nourriture sur la taille des animaux se remarque de la manière la plus sensible dès la première génération. J’ai vu en Lorraine, entre autres à Roville, des produits de la petite et chétive race de bêtes à cornes du pays, avoir, à 12 ou 13 mois, plus de taille que leurs parens, et cela, par le fait seul de la nourriture. M. Yvart, directeur d’Alfort, vient d’obtenir des résultats plus remarquables encore, avec de petites bêtes de Waz.

On a objecté, notamment pour les chevaux, que l’augmentation de la taille, lorsqu’elle était due seulement à la nourriture, avait ordinairement pour résultat de gâter les formes, et de rendre les animaux ventrus, lourds et empâtés. Cette objection, généralisée, est sans fondement ; elle ne peut s’appliquer tout au plus qu’à une seule espèce d’aliment, les fourrages verts. Une nourriture sèche, peu volumineuse et substantielle, comme par exemple les grains, tout en augmentant la taille autant et plus que les fourrages verts, bien loin d’avoir l’inconvénient en question, est au contraire un moyen puissant de le faire disparaître, et cela non-seulement dans une race, mais encore chez l’individu isolé. Pendant mon séjour en Saxe, j’ai eu fréquemment l’occasion de voir les chevaux à demi sauvages de la Podolie et de l’Ukraine, qu’on amenait en grandes troupes pour la remonte d’une partie de la cavalerie saxonne. Ces animaux qui, jusque-là, avaient vécu sans aucun soin et en pleine liberté, étaient d’un aspect véritablement repoussant, et je ne pouvais d’abord assez m’étonner que l’on payât 25 à 30 louis pièce des rosses pareilles. Mais au bout d’un mois, mon étonnement fut plus grand encore en revoyant ces mêmes chevaux. Leur poil long et hérissé, leurs formes défectueuses avaient disparu, et beaucoup d’entre eux auraient pu figurer à côté des plus beaux chevaux de selle au bois de Boulogne ou à Longchamps. Les Anglais disent avec raison que la taille d’un cheval est dans le sac à avoine. Ce n’est pas, en effet, par le jeûne qu’ils sont parvenus à faire des chevaux de 10 à 12 pouces avec des étalons arabes de 3 à 4. Or, la sécheresse des formes de leurs chevaux fins prouve, mieux que tous les argumens, le peu de fondement de l’opinion citée plus haut.

Plusieurs auteurs se sont basés néanmoins sur cette opinion pour conseiller le croisement avec des étalons étrangers de grande taille, comme le seul moyen convenable d’augmenter la taille des petites races indigènes, ou du moins comme devant toujours accompagner l’augmentation de la taille par le fait de la nourriture. L’expérience n’a point sanctionné ce principe ; tous les faits oui, au contraire, prouvé que la taille dépendait beaucoup plus de la mère que du père, et qu’ensuite, s’il y avait inconvéniant à croiser deux races très-dissemblables, c’était surtout le cas lorsque les mâles appartenaient à une grande race, les femelles à une petite. Les produits qui en résultent sont décousus et disproportionnés dans leurs formes. Certaines parties du corps tiennent du père pour la grandeur ; d’autres se ressentent de l’étreinte qu’elles ont éprouvée dans l’étroit bassin de la mère. Cette dernière court aussi beaucoup de danger dans le part. On a observé qu’il y avait même presque toujours de l’avantage à employer des mâles un peu plus petits que les femelles. On obtient ainsi des animaux bien conformés et ordinairement plus grands que leurs pères. Les mulets et les bardeaux sont des preuves bien évidentes en faveur de cette théorie : les premiers, issus d’un baudet et d’une jument, sont toujours beaucoup plus grands que leurs pères, souvent même plus grands que leurs mères, et ont presque la conformation extérieure de ces dernières, tandis que les bardeaux, qui résultent de l’accouplement d’un étalon avec une ânesse, sont à peine plus grands que leurs mères, ont des formes décousues et sont paresseux. Aussi la production de ces animaux, production qui, sans ces inconvéniens, eût été si avantageuse, n’a-t-elle lieu nulle part eu grand. En Suisse, le taureau est souvent le plus petit animal du troupeau.

[7.2.8]
§ VIII. — Accouplement consanguin.

Dans l’amélioration d’une race on est souvent obligé d’opérer l’accouplement entre individus de la même famille, c’est ce qu’on appelle l’accouplement consanguin.

Les opinions sont très-partagées sur les effets de cet accouplement prolongé. Les uns prétendent qu’il conduit infailliblement à la dégénération. Les autres, parmi lesquels on compte le célèbre Backwell et d’autres bons éleveurs anglais et allemands, tout en accordant qu’il y a dégénération par l’exagération de certains défauts, lorsque ces défauts prédominent dans les individus de la même famille que l’on veut accoupler ensemble, sont d’avis, néanmoins, qu’il n’y a point dégénération par le fait seul de l’accouplement consanguin (que les Anglais nomment in and in et les Allemands Inzucht), et que l’on ne doit par conséquent pas craindre de l’employer toutes les fois que la famille appartient à une race bien constante et est exemple de défauts spéciaux à tous ses membres et prédominans. On ne doit donc faire attention qu’à la perfection des animaux reproducteurs, surtout pour le but que l’on se propose d’atteindre, et choisir le plus parfait, qu’il soit parent ou étranger. De part et d’autre on présente des faits, de sorte que la question est encore en suspens ; toutefois, le plus grand nombre paraît être en faveur de l’accouplement consanguin. C’est ainsi que se sont formés et que se forment encore chez un grand nombre de petits et de moyens propriétaires les troupeaux de métismérinos : le bélier mérinos, qui a servi à produire les métis de première génération, sert encore à produire ceux de seconde avec ses filles, et ceux de troisième avec ses petites-filles, etc. ; et on n’a pas éprouvé d’inconvenient de cette méthode d’opérer, mais on en aurait eu, ainsi que l’expérience l’a prouvé, de faire saillir les mères par les fils, parce que ceux-ci étaient des métis et par conséquent dénués de constance.

[7.2.9]
§ IX. — Qualités individuelles des animaux reproducteurs.

Soit que l’on croise ou qu’on améliore d’une autre manière les animaux domestiques, il ne suffit pas de considérer la race des sujets reproducteurs, il faut encore voir leurs qualités individuelles. Il existe sous ce rapport de très-grandes différences entre les animaux d’une même race, et c’est souvent pour n’y avoir pas attaché assez d’importance qu’on a obtenu de mauvais résultats de croisemens, du reste bien entendus. On est trop disposé à oublier toute l’influence qu’exercent les circonstances artificielles sur les caractères et les qualités d’une race et même des individus isolés, et jusqu’à quel point ces circonstances peuvent les modifier.

Parmi les défauts de plusieurs races perfectionnées, on remarque une faiblesse et une délicatesse de complexion qui viennent évidemment de soins trop grands et d’une nourriture trop recherchée. Malheureusement, ce défaut est héréditaire et paraît se transmettre surtout du père aux produits. Lorsque ces derniers sont privés des soins et des alimens substantiels qu’on prodiguait aux parens, et sont traités a l’instar de la race commune, ils succombent ou deviennent chétifs et misérables.

C’est surtout dans la production de l’espèce chevaline, pour laquelle une constitution robuste est une qualité essentielle, que ces faits ont été observés et ont été le plus préjudiciables, et c’est à cette circonstance qu’on doit attribuer en partie le peu de résultats qu’a eus jusqu’à présent l’institution des haras en France, institution qui, dirigée dans un autre sens, aurait pu être d’une haute utilité.

Pour qu’une race puisse être employée avec avantage comme type améliorateur, il faut que les qualités qui la distinguent ne soient pas le résultat de circonstances exceptionnelles, et puissent persévérer sous l’influence du régime, des soins et du genre de service que la grande majorité des éleveurs peut lui appliquer.

Il est inutile d’ajouter qu’une des premières conditions que l’on doit rechercher dans les animaux reproducteurs, c’est une bonne santé ; et que pour obtenir de beaux produits d’un mâle, on ne doit lui donner qu’un petit nombre de femelles à saillir.

[7.2.10]
§ X. — De l’âge le plus convenable à la reproduction.

L’âge le plus convenable pour la propagation est depuis l’époque où le désir d’accouplemeni commence à se manifester fortement et d’une manière réitérée, jusqu’à celle où il faiblit. C’est la période où l’animal est dans toute sa force.

La plupart des animaux manifestent de très-bonne heure le désir de génération, souvent lorsqu’ils ont à peine acquis la moitié de leur développement. En laissant des individus de cet âge s’accoupler ensemble, on se nuirait non-seulement par la petitesse des produits qu’on en obtiendrait, mais encore en arrêtant la croissance des parens. Toutefois, si l’on voulait attendre, pour les accoupler, qu’ils aient acquis toute leur taille, on risquerait de dépasser l’époque la plus propice pour la reproduction, surtout chez les mâles qui, ordinairement, deviennent lourds et paresseux dès qu’ils cessent de croître. Il est vrai que les premières produits de jeunes bêtes sont un peu moins gros à leur naissance que ceux de bêtes adultes, mais ils récupèrent cela plus tard, et ils atteignent la même taille que les autres individus de la race. La plupart des animaux domestiques peuvent s’accoupler lorsqu’ils ont environ les trois quarts ou même seulement les deux tiers de leur taille. D’un autre côté, les vieilles bêtes, lorsqu’elles produisent encore, ne créent ordinairement que des sujets faibles et chétifs. D’ailleurs, les vieux mâles ne peuvent guère saillir qu’à de longs intervalles ; et les vieilles femelles, lors même qu’elles manifestent de la chaleur, ne retiennent et ne conçoivent que rarement.

On observe que les petites races sont en général plus précoces sous ce rapport comme sous les autres, et cessent aussi plus tôt que les grandes.

Mais quel que soit, du reste, l’âge des individus, ce qu’il faut considérer particulièrement lorsqu’on veut les employer à la propagation (à part les circonstances spéciales à notre but), c’est leur vigueur, leur énergie et la force avec laquelle ils manifestent leurs désirs.

[7.2.11]
§ XI. — Des règles à observer dans l’accouplement.

Les animaux domestiques entrent en chaleur à certaines époques de l’année plutôt qu’à d’autres. On peut changer cette époque presque à volonté, et on l’a déjà fait pour la plupart des genres de bestiaux, suivant les besoins de la culture.

La nourriture influe beaucoup sur le moment où l’animal entrera en chaleur. Cette dernière se manifeste ordinairement à l’époque où la nourriture devient meilleure, c’est-à-dire au printemps, avec la nourriture au pâturage. L’éleveur, en améliorant le régime alimentaire à certaines époques, peut déjà influer sur cet objet, et notamment hâter l’époque de la chaleur ; il peut également la retarder, en ne satisfaisant pas les premières manifestations. Toutefois, ce n’est pas sans précautions qu’il faut employer ce moyen, parce que la femelle ne conçoit pas aussi sûrement, et souvent ne conçoit plus du tout lorsque plusieurs chaleurs sont restées non satisfaites.

On a observé, du reste, que les bêtes trop grasses, de même que les bêtes maigres et débiles, soit mâles, soit femelles, procréaient moins sûrement que celles qui sont en bon état de chair et de vigueur. Les femelles, notamment, ne retiennent presque jamais dans

cet état. [7.3]

Section III. — De l’élève du bétail.

On peut diviser l’élève en trois périodes différentes : La première comprend la période pendant laquelle l’animal se trouve dans le sein de sa mère ;

La seconde, pendant laquelle il tête et dépend encore de sa mère ;

La troisième comprend l’intervalle depuis le sevrage jusqu’à l’accouplement.

[7.3.1]
§ Ier. — Première période.

Avant que l’animal soit au monde, nous pouvons influer sur son état futur, sa venue, sa taille, etc., par le traitement auquel nous soumettons la mère.

Celle-ci doit être mieux nourrie, principalement pendant la seconde moitié de sa gestation, que dans l’état ordinaire ; on doit aussi éviter avec soin, dès cette époque, de lui faire faire des travaux pénibles et de la mettre dans le cas de recevoir de mauvais traitemens, surtout des coups sur le ventre, si l’on ne veut pas risquer de la faire avorter.

Le danger est d’autant plus grand, les soins sont d’autant plus urgens, que le moment du part approche davantage. Il est important de ne donner à l’animal immédiatement avant et après le part, qu’une nourriture légère, en quantité modérée et composée d’alimens de facile digestion, et cela, non-seulement pour la mère qui ne pourrait digérer une nourriture très-substantielle, mais encore dans l’intérêt du petit sujet qui n’a pas besoin d’une si grande abondance de lait et qui souffrirait même de sa faculté trop nutritive.

[7.3.2]
§ II. — Deuxième période.

Chez toute espèce de bétail, on doit, autant que possible, abandonner le part (la mise-bas) à la nature, et ce n’est que lorsque le petit se présente mal, qu’il faut aider la mère en tâchant de le replacer avec précaution dans la position normale.

Dès que le petit est né, on l’abandonne aux soins de sa mère qui sait déjà le traiter de la manière la plus convenable. Chez les chevaux, les moutons et les porcs, cette méthode ne souffre aucune exception ; ce n’est que chez les bêtes à cornes qu’on sépare quelquefois le veau de sa mère, pour des motifs développés plus loin.

Tous les mammifères cherchent par instinct leur nourriture aux mamelles de leurs mères jusqu’à ce que leurs organes de mastication et de digestion soient assez développés pour qu’ils puissent manger d’autres alimens.

Pendant l’allaitement, la mère doit recevoir une nourriture bonne et abondante, et surtout des alimens qui, tels que les carottes, les pommes de terre en petite quantité, les eaux blanches, les fourrages artificiels verts, favorisent la sécrétion du lait ; ou doit aussi lui éviter les fatigues et les mouvemens violens ; enfin on la laisse toujours autant que possible avec son petit.

À mesure que ce dernier croit, ses besoins augmentant, en même temps que le lait de la mère diminue, il se trouve bientôt forcé d’y suppléer par d’autres alimens ; comme à cet âge le petit est déjà fort et fait souffrir sa mère en tétant, celle-ci l’évite tous les jours davantage, et c’est ainsi qu’il se trouve enfin réduit à la nourriture des adultes.

Mais si l’on veut sevrer le petit avant cette époque, pour utiliser le lait de la mère ; ou si celle-ci est malade ou morte, on doit donner au jeune sujet du lait tiède ou un mélange de lait et de décoctions mucilagineuses faites avec de la farine, jusqu’à ce qu’il puisse manger et digérer des alimens solides.

Le sevrage des animaux dont nous n’employons pas le lait, et chez lesquels, par conséquent, nous laissons téter les petits jusqu’à ce qu’ils soient assez forts, n’éprouve aucune difficulté et n’a aucun danger ; mais lorsque le sevrage s’effectue bien avant l’époque indiquée par la nature, et qu’il a lieu en séparant la mère du petit, on doit s’y prendre avec précaution et progressivement, afin que le petit passe sans mauvaises suites aux nouveaux alimens, que la mère n’éprouve pas des affections du pis et que la séparation subite ne les rende pas malades l’un et l’autre.

[7.3.3]
§ III. — Troisième période.

Après le sevrage, la jeune bête doit être soumise à un régime qui convienne à sa nature et favorise le développement de ses forces et de ses bonnes dispositions.

Il faut aux jeunes bêtes le pâturage, pendant l’été, non-seulement pour s’y nourrir, mais encore pour y prendre de l’exercice, et pour y jouir de l’air et de la lumière ; la nourriture à l’etable, en été, ne convient pas à l’élève du bétail. — En hiver on les tient renfermés comme tout autre bétail ; mais si l’on veut faire de beaux élèves, il est nécessaire, surtout si c’est une race de grande taille, de leur procurer des étables vastes, où on les tient sans être attachés.

Les jeunes bêtes demandent toutes, proportionnellement, une meilleure nourriture que les bêtes adultes.

Ce serait agir contre ses intérêts que de mal nourrir des animaux à une époque où leur accroissement est le plus fort, et où ils exigent le plus de nourriture. Le bœuf de travail et le mouton adulte peuvent tous deux être hivernés avec un peu de racines et de la paille ; il n’en est pas de même des jeunes bêtes de ces deux genres de bestiaux ; si on réussissait à les conserver avec une nourriture pareille, on n’aurait jamais que des animaux chétifs. C’est dans l’enfance que l’on pose les bases de la force et de la taille, de même que les germes de la faiblesse et des défectuosités qui en résultent. On le comprendra facilement en songeant que l’accroissement dans la première année est triple, quadruple même, de ce qu’il est dans la seconde, et décuple de ce qu’il est dans la troisième, et que c’est dans les premiers mois de la première année que cet accroissement a lieu en majeure partie. Ces faits doivent particulièrement être pris en considération par les éleveurs qui veulent augmenter la taille de leurs bestiaux.

L. Moll,
Professeur d’agriculture au Conservatoire
des arts et métiers
[7.4]

Section IV. — Engraissement des bestiaux.

[7.4.1]
§ Ier. — Définition et but de l’engraissement. —
Localités où l’on peut s’y livrer.

On appelle engraissement une opération qui consiste à soumettre les bestiaux destinés à la nourriture de l’homme, à un régime et à des soins propres à augmenter la quantité de leur graisse, et à rendre leur chair plus abondante, plus tendre et plus savoureuse. — Aujourd’hui que les jouissances du luxe se sont multipliées et que l’emploi des différentes graisses animales dans les arts et dans l’économie domestique a pris une extension considérable, la nécessité d’engraisser les animaux que l’on destine à la consommation est plus impérieuse que jamais ; les cultivateurs et les propriétaires de bestiaux ne peuvent donc trop se pénétrer de l’avantage qu’il y a pour eux de chercher les moyens les plus prompts et les plus économiques d’y parvenir.

Les animaux que nous soumettons à l’engraissement sont le bœuf, le mouton, le porc, la volaille, quelquefois la chèvre et le lapin. Dans quelques pays du Nord, on engraisse, pour la consommation de l’homme, des poulains et des ânons. La chair du chien gras est, dit-on, un mets exquis chez certains peuples de l’Asie, de l’Afrique et de l’Amérique ; enfin en Angleterre on a essayé de châtrer des poissons pour les engraisser.

Il ne sera question ici que de l’engraissement du bœuf, du mouton et du porc. Sous le rapport de l’agriculture et de l’économie sociale, l’engraissement du bœuf est plus important que celui de tous les autres animaux domestiques réunis ; car il fournit plus de viande à la consommation, et plus d’engrais à la terre.

« On doit gémir, dit M. Groguier, de ce qu’on engraisse si peu de bêtes bovines en France. Il résulte de cette pénurie que pour l’exiguë consommation de ses habitans, en viande de boucherie, on est forcé d’avoir recours à l’étranger. — Il serait facile de prouver que si l’agriculture, en Angleterre, est si supérieure à la nôtre, c’est parce qu’on y engraisse plus de bétail et qu’on y consomme plus de viande. — En effet, pour avoir ces grands moyens d’engraissement, il a fallu étendre dans ce pays la culture des fourrages : de là plus d’alternations de récoltes, de meilleurs assolemens, la suppression des jachères ; et les terres emblayées, recevant plus d’engrais, ont donné 10 à 12 pour un, au lieu de 5 ou 6, comme elles le font en France. — C’est ainsi que tout s’enchaine dans l’économie rurale. On ne peut nier les rapports qui lient cette économie à celle de l’industrie manufacturière. Nous engraissons peu, voilà pourquoi celles de nos manufactures qui emploient des cuirs et du suif sont forcées d’acheter de l’étranger de si grandes masses de ces matières premières. — D’un autre côté, l’extension de cette pratique ne donnerait-elle pas lieu à la formation d’un grand nombre de fabriques éminemment utiles, dont les résidus sont de puissans moyens d’engraissement ? Telles sont les distilleries, féculeries, sucreries de betteraves, etc. »

De ce qui précède doit-on tirer cette conclusion, que l’on retire des avantages de l’opération qui nous occupe, partout où l’on s’y livrera ? Non sans doute, et bien que, dans l’intérêt de notre pays, il soit à désirer de voir l’engraissement mieux dirigé et plus généralement adopté, il y aura toujours certaines localités qui devront s’en abstenir : ce sont celles où les fourrages sont chers, et où la consommation du lait est grande ; les environs de Paris, de Lyon et de toutes les grandes villes sont dans ce cas. Un calcul bien simple suffira pour prouver la vérité de ce que j’avance.

Si on s’en rapporte à quelques expériences qui ont été faites en Angleterre, en donnant à un bœuf à l’engrais quarante livres de foin par jour, ou bien une quantité équivalente d’une autre nourriture, on parvient à augmenter son poids de deux livres tous les jours. Si cette proportion est exacte, et une foule de circonstances peuvent la faire varier, la valeur d’un bœuf à l’engrais augmente, terme moyen, d’un franc par jour, car un kilogramme de viande vaut à peu près cette somme ; pour arriver à ce résultat, il faudra faire consommer à ce bœuf quarante livres de foin, qui aux environs des grandes villes représentent approximativement une valeur de deux francs ; il y aurait donc un franc de perte par jour. Il est vrai qu’à l’augmentation du poids de l’animal, on doit ajouter comme gain l’amélioration de sa chair, et le produit de son fumier. Mais pour faire ce fumier il faut de la litière, et la paille est à un prix élevé à la porte des grandes cités ; il faut également des hommes pour soigner les bêtes à l’engrais, et la main-d’œuvre y coûte fort cher. — C’est donc à l’industrie de la laiterie qu’il faut se livrer de préférence dans ces localités ; là, une vache qui mangera quarante livres de fourrage donnera dix pots de lait valant au delà de deux francs, résultat double de celui que l’on peut espérer en se livrant à l’engraissement.

On peut engraisser avec de grands avantages des bœufs et des moutons dans les localités où le fourrage est abondant, et où on le vend difficilement et à bas prix en nature. Ces bêtes, étant grasses, se rendent elles-mêmes à une longue distance au lieu de consommation, tandis que le lait en nature doit être consommé à proximité du lieu où il a été produit. — Au reste, les localités où le lait se vend en nature sont fort restreintes en France ; elles ne s’étendent guère, en effet, au delà de la banlieue des villes. — Partout ailleurs il y a au moins autant d’avantages à changer le fourrage en viande qu’en lait.

Dans les contrées où l’on cultive beaucoup de grains, on trouve très-enracinée l’opinion que l’engraissement des bestiaux est réellement désavantageux ; mais cette opinion est loin d’être toujours fondée. Chacun reconnaît en effet que, pour cultiver les grains, on ne peut se dispenser d’entretenir des bêtes à laine, et tous les cultivateurs savent quelle immense influence cet entretien a sur le produit en grains. Dans le plus grand nombre des circonstances on ne peut également se passer de bêtes à cornes. Lorsqu’on ne peut se livrer en même temps à l’éducation et à l’engraissement de ces deux espèces d’animaux, la question se réduit donc à savoir quelle est l’espèce qui peut rapporter davantage, et pour les bêtes à cornes en particulier, s’il est plus avantageux de faire consommer les fourrages par des vaches à lait, ou par des bœufs à l’engraissement. — Cette dernière partie de la question se fond dans les deux suivantes :

1° Dans quelle proportion le fourrage qu’une vache à lait consomme dans toute l’année, est-il à celui qu’un bœuf consomme pendant le temps nécessaire pour accomplir son engraissement ?

2° Quel est le produit que donne ordinairement un bœuf à l’engraissement pendant le temps que dure cette opération, et quel est le produit d’une vache à lait pendant toute l’année ?

La mesure de la nourriture d’une vache à lait ne peut pas être déterminée d’une manière générale, mais seulement selon la race, l’individu et l’âge. Pour une vache adulte de taille moyenne, la ration la plus convenable, suivant Thaër, paraît être soit 18 livres de foin, dont la moitié peut être avantageusement remplacée par des racines, soit 80 livres de trèfle vert. Quant aux grandes vaches, elles peuvent consommer de 25 à 30 livres de foin sec, ou 112 à 140 livres de fourrage vert. Outre cela on leur donne autant de paille qu’elles en veulent manger, — On voit que de 18 à 30 livres de foin, il y a loin. — Ce qu’il faut à un bœuf à l’engraissement varie tout autant selon la taille de l’animal, et selon la quantité de graisse ou de chair à laquelle on veut le pousser. Mais il est peut-être plus facile de fixer un tarif pour eux, que pour les vaches à lait. Dans les localités où l’on a quelque expérience sur l’engraissement, on détermine avec assez de précision la ration que doit avoir chaque jour un bœuf de certaine race ; on peut ainsi faire facilement son calcul à l’avance, et résoudre soi-même cette question ; on voit alors qu’assez suivent le fourrage est mieux payé par des bœufs à l’engraissement que par des vaches à lait, surtout lorsque l’on met la courte durée du temps de l’engraissement en parallèle avec l’entretien de la vache à lait pendant toute l’année, et les soins de la laiterie. Ajoutons à cela que l’engraissement des bœufs pendant l’hiver a lieu dans un moment où les bras sont abondans, tandis que l’entretien des vaches continue également pendant l’été, où souvent on manque d’ouvriers. Dans bien des cas il faut aussi ne pas perdre de vue que le capital qui est consacré à l’engraissement des bœufs rentre dans quatre ou cinq mois, tandis que celui qu’on applique à des vaches à lait est constamment employé.

On peut calculer qu’un bœuf à l’engraissement consomme, terme moyen, pendant cette opération, à peu près autant de fourrage qu’une vache pendant toute l’année ; de même, la quantité de fumier que l’on obtient d’un bœuf durant le temps de son engraissement est égale à celle qu’une vache fournit pendant toute l’année, et ce fumier est peut-être de meilleure qualité ; d’ailleurs on l’obtient dans un temps où l’on peut facilement en faire le charroi.

Lorsque, tout calcul fait, on ne juge pas qu’il soit avantageux de faire de l’engraissement la base de l’économie du bétail, cette opération pourra cependant être utile comme branche accessoire. — Si une fois on a appris à connaître et à organiser toute l’économie de l’engraissement, on pourra toujours disposer avec facilité la quantité de bêtes que l’on doit engraisser, d’après la quantité de fourrage que l’on récolte. — On ne devrait jamais étendre la quantité de bêtes que l’on entrelient au delà de celle que l’on est parfaitement certain de pouvoir nourrir, même dans les mauvaises années ; lorsque de bonnes années ont produit un excédant de fourrage, il est toujours facile de se procurer au dehors un excédant de bêtes à mettre à l’engrais.

[7.4.2]
§ II. — Conformation indiquant le plus d’aptitude des bestiaux à l’engraissement

Celui qui veut entreprendre d’engraisser beaucoup de bétail, doit, pour le faire avec un grand avantage, chercher à acquérir de l’expérience dans la coinnaissance et l’appréciation des animaux destinés à la consommation. Il faut, pour le choix du bétail et son évaluation, un certain coup d’œil, et plus encore un certain tact dans la main qui ne peuvent être acquis que par une longue pratique. Les Anglais, qui mettent tant de soin à perfectionner tout ce qu’ils font, sont si persuadés de la capacité plus ou moins grande de certains bœufs, de certains moutons à prendre le gras, qu’ils ont formé des races uniquement pour l’engrais, races dont ils sont fiers, et dont ils permettent difficilement la sortie. — Ils ont été plus loin, car ils sont parvenus à faire prendre la graisse principalement dans les parties du corps qui sont regardées par les consommateurs comme les meilleurs morceaux. C’est ainsi que Bakewell a montré à Londres un bœuf dont l’aloyau était démesurément gras, tandis que le reste de sa chair l’était moins qu’à l’ordinaire. Pour arriver à un pareil résultat, il a fallu allier ensemble dans une longue suite de générations les bêtes bovines à gros aloyaux, et apporter à cet appareillement une infatigable persévérance.

Les races de bœufs et celles de moutons qui prennent le mieux la graisse, offrent, d’après M. Grognier, les caractères suivans :

1° Tête fine et légère, indice d’une ossature peu massive : yeux vifs et doux, signe de santé et de naturel calme et tranquille ; cornes, chez les bœufs, lisses et courtes : les animaux de cette espèce à cornes longues et rugueuses, tels que ceux de la Romanie, s’engraissent difficilement.

2° Encolure courte, peu chargée ; la chair de cette partie, nommée viande de collet, étant peu estimée.

3° Dos large et horizontal ; corps allonge, signe d’une bonne complexion chez les animaux ruminans ; poitrine haute, annonçant que les poumons s’y dilatent librement.

4° Côtes amples, arrondies ; flancs pleins ; ventre volumineux, ce qu’on appelle un bon dessous ; forme du corps à peu près cylindrique, ce qui annonce des estomacs bien développés et agissant librement.

5° Hanches, croupe, fesses, cuisses volumineuses, constituant la prédominance de l’arrière-main dont les parties offrent une meilleure viande de boucherie.

6° Extrémités aussi courtes, aussi menues que possible. Bakewell s’attachait à ce caractère d’une manière toute particulière ; Arthur Young dit avoir mesuré chez ce fameux engraisseur un bélier qui avait 2 pieds 5 pouces de hauteur, 5 pieds 10 pouces de circonférence, et dont les jambes avaient à peine 6 pouces de longueur. En Angleterre il y a une race de porcs qui prend si complètement la graisse, que lorsque l’opération de l’engraissement a été terminée à l’égard de quelques animaux de cette race, on leur aperçoit à peine l’extrémité inférieure des membres. La figure 237, représentant le porc qui a gagné le prix à l’exposition de Smithfield, en décembre 1834, peut donner une idée de ces précieux animaux.

7° Peau douce, souple, flexible, élastique, se détachant facilement ; poils longs, brillans, clairs, moelleux ; veines superficielles, apparentes. Il faut qu’après la saignée l’épingle, destinée à fermer l’ouverture de la veine, traverse la peau avec facilité ; et pour mieux saisir ce signe, il y a des engraisseurs qui saignent exprès.

C’est en fixant ces caractères par voie de génération, que les Anglais ont créé des races de bestiaux spécialement destinés à la boucherie.

Une bonne constitution est donc la qualité la plus importante qu’on doive désirer dans les animaux qu’on veut engraisser. Ceux qui sont maladifs, ceux dont la fibre est devenue roide par vieillesse, ceux qui ont travaillé avec excès, ceux enfin qui ont été incomplètement châtrés par le bistournage, s’engraissent plus difficilement que ceux qui sont dans des conditions opposées, et fournissent une chair de moindre qualité. — La finesse de la peau est un indice de facile engrais, parce qu’une peau fine se distend plus facilement qu’une peau épaisse, et qu’il faut qu’elle se distende sans difficulté pour que la graisse puisse s’accumuler dessous. Columelle avait déjà fait cette remarque.

Il est, au reste, dans toutes les races de bœufs, de moutons et de porcs, des animaux qui, sans défectuosités apparentes, et sans signes de maladies, ne sont pas susceptibles d’être engraissés ; on les désigne sous le nom de bêtes brûlées.

Il est presque inutile de recommander de ne pas mettre à l’engraissement les bêtes malades ou convalescentes, et les animaux qui mangent peu, qui digèrent mal, ou qui ont des goûts dépravés, c’est-à-dire qui mangent la terre, lèchent les murs, etc. ; on rejettera également les bêtes chez qui l’on remarque de la roideur dans les mouvemens de l’épine et dans le jeu des membres, ainsi que celles qui marchent toujours à la queue du troupeau, qui ont la peau adhérente aux os et qui toussent habituellement.

[7.4.3]
§ III. — Influence de l’âge sur rengraissement.

Il est prouvé que la nature forme la graisse avec l’excédant des sucs nourriciers qui servent à augmenter la masse du corps des animaux, ou à réparer les pertes qu’ils éprouvent pendant tout le cours de leur vie. De là on doit conclure 1° que l’engraissement doit être plus long et plus difficile dans la jeunesse et dans la vieillesse des animaux, et que le véritable moment à choisir est celui où ils cessent de croître ; 2° que les substances les plus nourrissantes sont les plus propres à engraisser sûrement et prompt"ement les animaux, et qu’il ne faut pas en épargner la quantité ; 3° qu’on doit employer tous les moyens possibles pour diminuer leurs pertes, en les châtrant et les empêchant de travailler à la propagation de l’espèce, en les tenant dans un repos continuel et même en évitant tout ce qui pourrait trop les distraire.

C’est à cinq ou six ans pour le bœuf, un an et demi pour le mouton et le cochon, au’il conviendrait de mettre ces animaux à l’engrais ; mais la nécessité de tirer parti du travail du bœuf et de la tonte de la laine du mouton, retarde quelquefois leur engrais jusqu’au double de cet âge, ce qui empêche qu’ils deviennent aussi promptement et aussi complètement gras, et oblige cependant à autant de dépense. — C’est ordinairement vers l’âge de huit à dix ans que les bœufs de travail sont dételés pour être soumis à l’engraissement ; ceux d’entre ces animaux qui font un bon service sont gardés jusqu’à douze et même quinze ans ; ceux au contraire qui se montrent paresseux et mauvais travailleurs sont engraissés aussitôt qu’ils ont atteint leur croissance. Outre les raisons que je viens de faire connaître, les engraisseurs sont encore guidés par les motifs suivans : 1° un bœuf de cinq à six ans consomme à l’engrais autant qu’un bœuf de huit à dix, et donne cenpendant un fumier moins bon et moins abondant. — 2° Un bœuf de cinq à six ans ne prend pas à l’engrais de la graisse en proportion de l’augmentation du volume du corps, ce qui suppose qu’à cet âge une partie des sucs nutritifs est encore employée à l’accroissement des os, des ligamens, des membranes et autres parties de peu de valeur. — 3° La graisse des jeunes bœufs n’a pas la consistance de celle des bœufs plus âgés ; elle contient beaucoup plus de parenchyme, ce qui occasionne beaucoup plus de déchet lorsqu’on la fond. La chair de ces jeunes animaux, quoique de bon goût, est moins nutritive ; leurs cuirs sont moins fermes et d’une qualité inférieure ; les tanneurs, qui savent fort bien en faire la distinction, paient ces cuirs moins cher à poids égal, que ceux des vieux bœufs.

Examinons maintenant avec M. Grognier la question sous un point de vue plus vaste. « Si, à la suite d’une révolution dans l’économie bovine, les bœufs envoyés à la boucherie avaient 5 à 6 ans, au lieu de 10 à 12, il en arriverait le double dans le même espace de temps, et la consommation de la viande augmenterait dans la même proportion ; le commerce recevrait de son côté deux fois plus de suif, de peaux, etc. — La population bovine resterait la même, mais elle ne serait pas composée de la même manière : les veaux d’élève seraient plus nombreux, et l’agriculture aurait à supporter les frais de leur enfance improductive. — Les bœufs travailleurs, les vaches laitières seraient en moindre nombre et on aurait deux fois plus de bêtes à l’engrais. — Mais on aurait du bétail pour tous les usages en augmentant la population bovine. Les Anglais ont fait plus que la doubler ; ils ne laissent guère vivre au delà de quatre ans leurs bœufs de boucherie ; ils ont créé des races dont l’engraissement prématuré offre autant de produits qu’un engraissement tardif. C’est par l’augmentation de leur population bovine, et la création des races de boucherie, que les Anglais ont répondu à toutes les objections élevées par l’intérêt particulier contre l’engraissement des jeunes bœufs. Ce sont ordinairement de jeunes bœufs gras qui remportent les prix aux fameuses exhibitions de Smithfield. Au concours de 1826, le lauréat n’avait que 2 ans et 11 mois ; il fut jugé peser, viande nette, 1.300 livres, Il faut l’avouer cependant, les Anglais enverraient moins de jeunes bœufs à la boucherie, s’ils employaient moins de chevaux aux travaux agricoles.

» En ce qui concerne l’engraissement des moutons, c’est aux lumières de Daubenton que nous devons avoir recours. « Si l’on veut avoir des moutons gras, dont la chair soit tendre et de bon goût, dit l’auteur que je viens de citer, il faut les engraisser de pouture (à la bergerie) à l’âge de trois ans. Les moutons de deux ans ont peu de corps et prennent peu de graisse ; à trois ans ils sont plus gros et prennent plus de graisse ; à quatre ans ils sont encore plus gros et ils deviennent plus gras, mais leur chair est moins tendre ; à cinq ans la chair est dure et sèche ; cependant si l’on veut avoir les produits des toisons et des fumiers, on attend encore plus tard, même jusqu’à dix ans, lorsqu’on est dans un pays où les moutons peuvent vivre jusqu’à cet âge ; mais il faut les engraisser un an ou quinze mois avant le moment où ils commencent à dépérir. »

[7.4.4]
§ IV. — Influence de la taille sur le choix des bêtes
destinées à l’engraissement.

La taille des animaux que l’on veut engraisser doit être proportionnée à la richesse des pâturages où on les met à l’engrais, ou à la quantité de nourriture qu’on peut leur donnera à l’étable. Si l’on n’a à sa disposition que des prairies médiocres, on ne peut livrer à l’engrais que des bêtes de petite taille, car dans ces herbages les bêtes volumineuses n’auraient pas le temps de prendre la quantité de nourriture nécessaire à leur engraissement. — Ce serait donc se ruiner que de placer pour cet objet des bœufs très-gras dans des prés peu garnis d’herbes, ou de leur ménager le bon foin, les graines farineuses, et les autres alimens employés en pareille circonstance.

Il a été reconnu en Angleterre que le plus souvent les bêtes de petite race s’engraissent plus facilement que celles de grosse race ; il y a lieu de penser, d’après un certain nombre de faits, qu’il en est de même en France. Doit-on en conclure que dans tous les cas il est plus avantageux de choisir, pour mettre à l’engrais, des bêtes de petite taille ? Examinons cette question, et prenons les bœufs pour exemple. — Il est prouvé que la force des animaux destinés au tirage est en raison directe, de leur poids ; donc un bœuf pesant mille livres pourra faire autant d’ouvrage que deux bœufs de 500 : cette circonstance est déjà à prendre en considération dans le choix des bêtes que l’on élève. Si l’on en croit M. Mathieu de Dombasle, la consommation respective suit la même loi. « Il est assez indifférent, dit cet agronome, d’obtenir un quintal de viande en une bête, ou deux, car dans un cas comme dans l’autre cette quantité de viande a consommé une égale quantité de nourriture pour être produite ; elle coule par conséquent autant au producteur, toutes choses égales d’ailleurs. » Victor Yvart, dont l’autorité est d’un si grand poids en économie rurale, pensait que deux petits bœufs de 500 livres consommaient ensemble plus qu’un bœuf unique de 1000 livres et ne donnaient pas du fumier dans la même proportion. — Il soutenait qu’en réunissant les squelettes de deux petits bœufs, leurs estomacs, leurs intestins, toutes leurs issues, tous leurs rebuts, on a une masse notablement plus considérable que celle de ces mêmes matières tirées d’un bœuf unique ; celui-ci, quoique ne pesant qu’une fois plus, donne au delà du double en viande et en suif. Il offre donc un bénéfice réel, la consommation eût-elle été égale à celle des deux petits ; et tout porte à croire qu’elle a été moindre.

M. Grognier nous apprend que les bouchers de Lyon achètent plus cher un bœuf gras de la Bresse ou du Charolais du poids de 1200 livres, que deux petits bœufs engraissés dans le pays et pesant chacun 600 livres ; ils regardent comme d’égale qualité la viande de l’un et des autres, et ils préfèrent, comme étant plus ferme, le suif du premier. Quant aux cuirs, comme ils se vendent au poids, et que ceux des grands animaux sont nécessaires dans beaucoup de manufactures, l’avantage est encore sous ce rapport du côté du gros bœuf.

En résumé, partout où l’on a à sa disposition de gras pâturages, ou une abondante nourriture, on doit, toutes choses égales d’ailleurs, préférer les races volumineuses pour l’engraissement.

[7.4.5]
§ V. — Circonstances qui favorisent l’engraissement.

Une température chaude et humide et la moins variable possible ; une obscurité complète, ou, au plus, un jour à peine suffisant pour pouvoir se conduire ; un silence presque absolu sont trois circonstances qu’il faut que les animaux trouvent dans les étables où on les enferme pour les engraisser. On dit qu’en Angleterre, pays où l’engraissement des bœufs est beaucoup plus perfectionné qu’en France, on entoure la tête et le corps de ces animaux de deux, et même de trois ou quatre couvertures de laine qui les tiennent toujours en moiteur, et qui les empêchent complètement de voir et d’entendre. En France on met les animaux dans des étables basses et peu éclairées, mais généralement on n’y surveille pas assez la température, qui doit être chaude et constamment humide. Une atmosphère saturée de vapeur d’eau favorise l’engraissement en donnant de la souplesse et de la mollesse à la peau et aux fibres, et en s’opposant à la transpiration des bêtes qui y respirent ; cette transpiration, ne pouvant se dégager, reste dans les tissus et contribue au développement et à l’accumulation de la graisse. On sait qu’il suffit d’un brouillard de vingt-quatre heures pour engraisser les ortolans, les grives et autres oiseaux, au point de les empêcher de voler. Le célèbre engraisseur Bakewell jetait au milieu de l’été ses moutons dans des pâturages humides et succulens ; la pourriture y était devancée par l’engraissement, et cet agronome saisissait le point précis où ce dernier était complet, et où la maladie allait commencer.

Dans le Limousin et en Allemagne, les étables destinées à recevoir les animaux à l’engrais sont souvent pourvues d’une galerie extérieure percée de trous pratiqués vis-à-vis la mangeoire de chaque animal ; c’est par ces ouvertures que l’on donne la nourriture aux bœufs sans troubler en aucune manière leur repos. On n’entre dans l’étable qu’une fois par jour pour mettre de la nouvelle litière, et on ne fait sortir les animaux qu’une fois par semaine, pendant une ou deux heures au milieu du jour, pour leur faire respirer l’air du dehors, et avoir le temps d’enlever les fumiers. Dans ces étables, où il ne pénètre que peu de lumière, les bœufs placés chacun dans une stalle où ils jouissent de la plus complète tranquillité, sont presque toujours couchés sur la litière pour ruminer, digérer et dormir ; ils ne se lèvent guère que pour prendre de nouveaux alimens.

La propreté est une condition essentielle de l’engraissement des animaux à l’étable ; dans le Limousin et la Vendée, on étrille même tous les jours les bœufs qu’on y a soumis à l’engrais ; cependant, comme cette opération favorise leur transpiration, il semble, d’après ce que j’ai dit plus haut, qu’elle doive retarder l’époque où ils doivent être livrés au boucher.

Ce ne sont pas les animaux qui mangent davantage et le plus vite qui s’engraissent le plus promptement, ce sont ceux qui mangent peu à la fois, souvent et lentement. Il faut que la digestion soit complète pour que la faim renaisse ; et, toutes choses égales d’ailleurs, un animal qui a mangé deux fois plus qu’un autre, a besoin de trois fois plus de temps que cet autre pour digérer ce qu’il a mangé. Donner peu à la fois et souvent doit donc être le principe de tout bon engraissement.

Les bœufs et les moutons qu’on met en liberté dans des pâturages abondans pour les engraisser, ou qu’on fait souvent sortir pendant qu’on les engraisse à l’écurie, n’importe de quelle manière, arrivent plus tard à point, comme disent les engraisseurs, que ceux que l’on a tenus sans mouvement et sans distraction. On pourrait croire d’après cela que l’intérêt de tous les spéculateurs est de ne pas employer les premiers moyens ; cependant on en fait souvent usage, soit par habitude, soit parce que le repos absolu, joint à une nourriture abondante, donne quelquefois lieu à des maladies qui emportent rapidement les animaux qui en sont atteints. De plus, les animaux ainsi engraissés ont la chair moins délicate et moins savoureuse que ceux qui ont toujours respiré un air pur, et on les recherche moins. — Dans l’engrais à l’herbe, il suffit de laisser les animaux dans des enclos abondans en herbe, et où ils ne soient troublés par rien ; la vue fréquente de personnes inconnues, les aboiemens des chiens, les coups, suffisent pour retarder l’engraissement. On se rappelle dans la vallée d’Auge, en Normandie, une année où l’engraissement ne réussit pas, parce que des ouvriers, qui travaillaient pour le compte du gouvernement, passaient continuellement à travers les herbages. — Cette méthode est la plus longue et la plus incomplète ; elle permettrait difficilement d’augmenter la quantité de graisse, lorsqu’elle est parvenue au degré ordinaire, si on ne cherchait pas à arriver à ce but en saignant l’animal pour l’affaiblir et disposer sa fibre à se relâcher.

La saignée favorise encore l’engraissement en facilitant l’absorption des principes nutritifs, et en provoquant une réparation supérieure à la perte. On saigne au commencement de l’engraissement, et dans le courant de cette opération, on réitère la saignée si l’examen du pouls la fait juger nécessaire.

Mais de toutes les circonstances qui peuvent favoriser l’engraissement, la castration des animaux que l’on y soumet est, sans contredit, la principale. Dès les temps les plus reculés, on a fait subir cette mutilation aux animaux domestiques destinés à la nourriture de l’homme. Hésiode, qui vivait il y a trois mille ans, parle de l’usage, pratiqué longtemps avant lui, de châtrer les taureaux, les béliers et les chevreaux, pour en rendre la chair plus grasse et plus savoureuse. Plusieurs siècles après, Aristote et Pline écrivirent que cette opération était, dans le même but, pratiquée chez les Grecs comme chez les Romains sur les femelles des animaux domestiques.

Les génisses et les brebis châtrées s’engraissent mieux et plus promptement que les femelles qui n’ont pas subi cette opération ; mais il est bien rare de nos jours, en France du moins, que l’on y ait recours. Des expériences récentes semblent démontrer que, lorsque les vaches sont châtrées dans le moment où elles donnent beaucoup de lait, elles continuent à fournir une égale quantité de ce liquide pendant tout le reste de leur vie. Si de nouvelles expériences viennent confirmer ce fait, il est probable que la pratique de la castration de ces femelles se généralisera. Cet usage est déjà assez répandu dans quelques contrées de l’Allemagne et de l’Angleterre. — On ne connaît pas très-bien la manière d’agir de la castration ; toujours est-il vrai qu’elle favorise singulièrement l’accumulation de la graisse dans le tissu cellulaire. Mais ce but s’obtient difficilement lorsqu’on châtre tard et incomplètement : c’est pour cela que les taureaux et les béliers que l’on châtre par bistournage conservent encore parfois une partie des attributs de leur sexe, et prennent plus difficilement la graisse que ceux auxquels on a enlevé tout à fait les testicules. — Ce dernier moyen doit donc être employé de préférence à l’égard des animaux qui sont spécialement destinés à la boucherie ; encore faut-il qu’il se soit écoulé, entre l’époque de l’opération et celle de l’engraissement, assez de temps pour que l’animal ait été entièrement modifié dans sa nature.

Lorsqu’on veut engraisser une vieille vache, il est avantageux qu’elle soit pleine ; mais il faut qu’elle soit grasse trois mois avant l’époque où elle devrait mettre bas, et la tuer alors.

[7.4.6]
§ VI. — Alimens propres à l’engraissement.

Les hommes repoussent presque partout la chair des animaux uniquement carnivores, et le cochon est le seul des quadrupèdes omnivores qui se mange en Europe. C’est donc presque exclusivement avec de l’herbe, des racines et des graines que l’on engraisse en France les animaux destinés à la consommation. Je dis en France, parce qu’il paraît qu’en Norwége et dans quelques autres lieux du Nord, on engraisse quelquefois les bœufs avec des poissons de mer, ce qui ne doit pas rendre leur chair fort agréable au goût et leur suif bien solide.

Les engraisseurs de Normandie divisent leurs enclos en cinq parties, dans lesquelles ils mettent successivement leurs animaux pendant l’été, parce qu’ils ont reconnu que cette division était celle qui favorisait le plus la repousse de l’herbe. — Les pâturages élevés donnent moins d’herbe, mais une herbe plus propre à l’engrais que les prés bas ou trop ombragés ; de plus, la chair des animaux qui y sont engraissés est plus savoureuse. L’engraissement artificiel, c’est-à-dire à l’étable avec des fourrages secs, des racines et des graines, est désigné sous le nom d’engrais de pouture. Dans cette méthode, on commence toujours par des herbes fraîches, des feuilles de choux, des raves qui rafraîchissent et même affaiblissent les animaux ; ensuite on leur donne du foin de bonne qualité, et non des foins de relais, de regain et de bas prés, comme on le fait trop souvent ; on entremêle cette nourriture de panais, de carottes, de pommes de terre, de topinambours, etc. ; puis en dernier lieu de farine d’orge, d’avoine, de sarrasin, de fèves de marais, de pois gris, de vesce, etc. Quelquefois, au lieu de faire moudre ces grains, on les fait bouillir.

En Angleterre, c’est principalement avec des turneps qu’on engraisse les bœufs en hiver. Ils les mangent en plein air et sans être attachés, soit dans des cours, soit dans des parcs établis sur les chaumes. Lorsque l’engrais de ces bœufs n’est pas terminé à l’époque où la provision des turneps est épuisée, on le finit en les mettant dans des prairies artificielles de ray-grass (ivraie vivace), plante éminemment engraissante d’après l’opinion des cultivateurs de ce pays.

Dans quelques lieux, on engraisse avec de la graine de lin, des marcs de bière, des châtaignes, des glands, des tourteaux huileux, etc. Ces tourteaux donnés en quantité suffisante engraissent, il est vrai, assez promptement les animaux ; mais ils donnent souvent à la chair une saveur désagréable, et à la graisse peu de blancheur et de consistance, ce qui force à leur substituer une autre nourriture vers la fin de l’engraissement ; il suffit de quinze jours à trois semaines pour faire disparaître ce goût. Les tourteaux huileux sont formés d’un parenchyme, de beaucoup de mucilage et d’un peu d’huile ; ils ne sont pas tous également nourrissans ; ceux de lin possèdent le plus de qualités nutritives, et ceux de chènevis sont les plus mauvais.

On a essayé d’utiliser à l’engraissement des bestiaux le gluten qui forme le résidu de la fabrication de l’amidon de froment ; mais, bien que cette substance soit essentiellement nutritive, que ce soit à sa présence que les farines doivent une grande partie de leurs propriétés alimentaires, il n’en est pas moins vrai que seule elle forme une très-mauvaise nourriture qui dégoûte bientôt les animaux et les rend malades. — On a utilisé avec beaucoup plus de succès, pour la même opération, les mélasses qui résultent de la fabrication du sucre de betteraves ; on mêle ces mélasses avec le marc qui, sans cela, serait peu appelé par les bestiaux que l’on en nourrit. — Nous examinerons bientôt plus au long ces différentes méthodes.

On a remarqué que les graines germées engraissaient plus rapidement les animaux qui en étaient nourris que celles qui étaient données dans leur état naturel. On comprendra facilement ce fait, lorsqu’on saura que dans l’acte de la germination certains principes insolubles et peu utiles à l’alimentation disparaissent en grande partie, et sont remplacés par d’autres principes essentiellement nutritifs. L’analyse comparative de l’orge crue et de l’orge germée, analyse que nous devons à Proust, servira de preuve à cette proposition. Voici les résultats qui ont été obtenus par le chimiste que je viens de citer.

Orge crue sur 100 parties.
Gomme 
4
Sucre 
5
Gluten 
3
Amidon 
32
Résine 
1
Hordéine 
55
  ———
  100
 
Orge germée sur 100 parties.
Gomme 
15
Sucre 
15
Gluten 
1
Amidon 
56
Résine 
1
Hordéine 
12
  ———
  100
On voit par les tableaux qui précèdent que dans l’acte de la germination l’hordéine, principe peu nutritif, a été réduit de 55/100 à 12/100, et que la gomme, le sucre et l’amidon ont augmenté, le premier de ces principes de 11/100, le second de 10/100 et le troisième de 24/100. — Si l’on n’arrêtait pas la fermentation en temps convenable, tout le principe sucré se transformerait en alcool (esprit-de-vin). [7.4.7]
§ VII. — Manière d’opérer la transition de la nourriture ordinaire à celle de l’engraissement.

L’expérience et le raisonnement indiquent assez que cette transition doit s’opérer peu à peu. Je regarde comme mal fondés, dit Pabst, les principes de certains engraisseurs qui veulent que, dès le début, on force sur la nourriture, afin, disent-ils, d’activer davantage les organes de la sécrétion et la graisse. — Il peut être avantageux de donner, dès le commencement, des substances très-nourrissantes et en même temps émollientes, comme, par exemple, l’eau blanchie avec des matières farineuses, afin de préparer les organes digestifs ; mais on atteindrait mal ce but en doublant tout de suite la quantité de nourriture jusqu’alors donnée. Un bœuf qui pendant longtemps n’a eu que vingt livres de foin, en mangera quarante si on les lui, donne, surtout si on s’entend à les lui bien préparer ; néanmoins il ne pourra s’approprier immédiatement toutes les parties nutritives de cette masse de fourrage, et trente livres données pendant quelque temps avant de passer aux quarante livres auraient produit les mêmes résultats.

Un autre fait non moins avéré par l’expérience de tous les bons engraisseurs, c’est que, dans les commencemens, les bêtes à l’engrais se contentent de toute espèce d’alimens ordinaires, et augmentent plutôt en chair qu’en graisse ; qu’au contraire, plus tard, lorsqu’elles ont acquis un certain degré d’embonpoint, il leur faut une nourriture plus recherchée, et en particulier des alimens renfermant plus de substance nutritive sous un moindre volume, si l’on veut quelles continuent à faire des progrès dans l’engraissement. On a remarqué en outre que les fourrages grossiers, composés en grande partie de fibre végétale, de mucilage et de fécule brute, comme le foin, le fourrage vert, les pommes de terre, etc., influent particulièrement sur la formation de la viande ; tandis que d’autres, renfermant beaucoup de gluten, de mucilage sucré, d’huile, de fécule changée par l’effet de la fermentation, comme le grain surtout après qu’il a été fermenté, les tourteaux d’huile, les drèches de brasseurs, etc., influent davantage sur la formation de la graisse. — De ces divers faits il résulte la règle suivante pour le régime convenable à suivre à l’égard d’un animal qui, comme cela a lieu ordinairement, se trouve dans un état moyen de maigreur lorsqu’on commence à l’engraisser.

« Dans les premières semaines de l’engraissement, on augmentera peu à peu la nourriture que l’animal a eue jusqu’alors, en y ajoutant une boisson nourrissante. Jusque-là, les animaux (il est ici question plus particulièrement des bêtes bovines) peuvent encore être employés, soit à un travail modéré, soit à donner un peu de lait. Lorsqu’on a atteint le point où l’animal ne se soucie plus d’une augmentation de cette nourriture et qu’il dénote un accroissement marqué, on cessera de tirer de lui tout service, et on ajoutera à sa nourriture des alimens plus substantiels et agissant davantage sur la production de la graisse. À mesure que les bêtes deviendront grasses, on supprimera peu à peu une partie des fourrages grossiers, et on les remplacera par des alimens plus nutritifs. — Lorsqu’au contraire, on engraisse des bêtes qui sont déjà en chair, on conçoit qu’il est plus avantageux de débuter incontinent par la ration entière de l’engraissement sans avoir besoin de régime transitoire ; car il ne faut pas oublier que les animaux n’emploient à la formation de la graisse que le surplus des alimens qui leur sont nécessaires pour persévérer dans cet état ; d’où il suit qu’un engraissement prompt est plus avantageux que celui qui est tiré en longueur. »

C’est à J. Pabst que nous devons le principe sus-énoncé. — Thaër développe des principes à peu près analogues. « Tous les engraisseurs de l’Angleterre, dit ce dernier auteur, prétendent qu’il convient de commencer d’abord par la nourriture la plus substantielle, afin, disent-ils (et l’explication n’est rien moins que physiologique), d’élargir les vaisseaux de sécrétion, ou plutôt de les stimuler, et de les mettre mieux en activité. Cela s’opère surtout par le moyen de boissons farineuses, et d’une digestion facile ; de tels breuvages sont très-utiles pendant les huit à quinze premiers jours, durant lesquels on donne une moins grande ration des autres fourrages. Ensuite lorsque le bétail a atteint un certain point de graisse, le désir de manger diminue peu à peu chez lui ; à cette époque il ne consomme plus les mêmes rations qu’auparavant, et il reste ainsi à peu près dans le même état. Si alors on veut le pousser à un degré d’embonpoint plus élevé, il faut passer à un genre de nourriture plus succulent et qui, sous un moins grand volume, contienne une plus grande proportion de parties nutritives. »

De ce qui précède il résulte que, lorsqu’on pousse les animaux à un point très-avancé de l’engraissement, les dernières livres de graisse sont beaucoup plus difficiles à produire que les premières ; il est également évident que, soit relativement à la masse de substance alimentaire nécessaire pour produire un poids donné de graisse, soit relativement à la valeur d’une même quantité de substance alimentaire, la production d’un quintal de graisse doit être beaucoup plus coûteuse, sur la fin de l’engraissement d’un lot d’animaux, que dans les premiers momens de cette opération. Les prix de vente de la viande grasse compensent au reste, jusqu’à un certain point, cette différence ; car sur tous les marchés, le quintal de viande se vend à un prix d’autant plus élevé que les animaux ont été poussés à un plus haut degré de graisse. Comme l’engraisseur obtient cette augmentation de prix, non pas seulement sur le dernier quintal de graisse qu’il a produit à grands frais, mais sur le poids total de l’animal, il peut se trouver souvent remboursé de ses avances.

Il faut mettre la plus grande régularité dans les heures auxquelles on donne à manger aux bestiaux et dans la force des rations. Le bétail acquiert une connaissance très-précise du temps ; on peut l’observer d’une manière très-particulière chez les bêtes de trait qui sont avancées en âge, et qui, lorsque les heures de repas sont arrivées, se refusent au travail, et veulent s’en aller à la maison, ou bien dans la prairie où elles doivent pâturer. Le bétail qui est à l’étable s’agite lorsque les heures où il doit recevoir ses repas ne sont pas ponctuellement observées, tandis que jusqu’à ce moment il demeure très-tranquille. Il connaît aussi la ration qu’on lui donne ordinairement ; lorsqu’il l’a reçue et mangée, il se livre au repos ; si au contraire il ne l’a pas reçue en entier, il demeure inquiet. Cette régularité dans la distribution de la nourriture contribue tellement à son engraissement, qu’une alimentation incomparablement plus abondante, mais donnée irrégulièrement, ne peut dédommager du défaut d’ordre. On peut régler de différentes manières les heures des repas et la quantité de nourriture qu’on veut donner aux bêtes ; mais quand ils ont une fois été réglés, il faut toujours les continuer sur le même pied. — On tomberait dans une erreur très-préjudiciable, si l’on voulait donner à manger jour et nuit sans interruption. Les animaux ruminans principalement ont besoin à chaque repas de remplir leur panse jusqu’à un certain point ; après quoi il leur faut un long intervalle de repos, pendant lequel, couchés sur leur litière, ils puissent ruminer à leur aise ; ce repos leur est indispensable si l’on veut que la nourriture leur profite. Il suffit de donner trois fois ou tout au plus quatre fois à manger par jour, en faisant durer chaque repas deux heures, et en le divisant en plusieurs services.

[7.4.8]
§ VIII. — Moyens d’activer l’engraissement.

On a proposé d’administrer dans ce but, aux animaux à l’engrais, différentes substances, parmi lesquelles je citerai : 1° le sel ; 2° les substances amères ; 3° l’antimoine et le soufre ; 4° l’eau-de-vie.

Si le sel, considéré généralement comme facilitant la digestion et stimulant l’appétit, est employé dans ce but avec succès pour tous nos bestiaux, à plus forte raison doit-il présenter de l’avantage dans l’engraissement. Du reste, il faut toujours avoir égard à la nature des alimens pour la quantité de sel à donner : une nourriture fermentée, acide, en nécessite moins que des alimens mucilagineux, météorisans ou difficiles à digérer. Une trop forte dose affaiblirait les animaux, et leur causerait des diarrhées ; néanmoins, on peut en toute sûreté donner aux bêtes à l’engrais le double et même le triple de ce qu’on donne ordinairement aux autres bêtes, ce qui, d’après J. Pasbt, peut aller à 3, 4 et même 6 livres par mois pour un bœuf. L’emploi du sel et des différens toniques est donc inutile à l’égard des bêtes saines, vigoureuses et bien nourries, surtout au commencement de l’engraissement, mais présente des avantages chez des animaux vieux, débiles ou très-lymphatiques, nourris avec des fourrages aqueux ou malsains. — Le sel se donne mélangé aux alimens ou dans la boisson ; on peut encore le présenter à lécher aux animaux. La première méthode mérite la préférence, parce que les bêtes mangent plus volontiers les fourrages imprégnés de sel.

Quelques substances amères aromatiques, comme la gentiane, les baies de genièvre et autres, employées de temps en temps à la dose de 2 à 3 onces par bœuf, peuvent favoriser l’engraissement en fortifiant les organes digestifs. Quant à l’antimoine, que l’on a quelquefois employé à cet usage en Allemagne, les opinions sont partagées sur ses effets. Plusieurs personnes les regardent comme très-convenables, d’autres comme un moyen de supercherie pour faire paraître l’animal plus gras qu’il ne l’est réellement. Il est bien reconnu que cette substance a la propriété de pousser à la peau, et de favoriser sa souplesse en augmentant la transpiration insensible ; sous ce rapport, donnée en même temps qu’une bonne nourriture, à la dose d’une 1/2 once tout au plus en huit jours par tête de bétail, elle peut en effet favoriser et activer l’engraissement ; mais je doute que l’on puisse obtenir de bons effets de son emploi à trop fortes doses. — Le soufre agit de la même manière ; mais il convient moins encore.

Des expériences nombreuses entreprises en Allemagne ont démontré que l’eau-de-vie, administrée en petite quantité, favorise la formation de la graisse ; aussi Pabst nous apprend-il que l’on a trouvé avantageux d’en donner jusqu’à la dose journalière d’une livre par bœuf vers la fin de l’engraissement. C’est sans doute la présence de l’alcool (esprit) qui contribue à rendre les alimens fermentés si convenables aux bêtes à l’engrais, et qui fait que les résidus mal distillés sont meilleurs que les autres.

[7.4.9]
§ IX. — Effets de l’engraissement.

Le premier effet de l’engraissement est l’embonpoint. Il est caractérisé par la disparition des interstices musculaires et des saillies osseuses, par la légèreté, la gaieté, la vigueur des animaux. Alors toutes les fonctions s’exécutent avec régularité ; les excrétions et les exhalations sont abondantes ; la transpiration est onctueuse, surtout aux ars postérieurs ; les poils s’allongent, grossissent, tombent, et le volume du corps augmente. — À mesure que l’engrais fait des progrès, la gaieté diminue et bientôt elle disparait ; en même temps la démarche devient lourde et chancelante ; le corps s’arrondit, le ventre devient tombant et volumineux, et la sensibilité s’émousse. Cet état d’insensibilité est quelquefois poussé chez le cochon à un point incroyable. M. Grognier rapporte que l’on a vu de ces animaux, étendus sur la litière, ne faisant d’autres mouvemens musculaires que ceux des mâchoires, ne pas s’apercevoir de l’existence d’une famille de rats nichée dans la profondeur du lard. — L’animal arrivé à cet état a atteint ce que l’on nomme le fin gras. Si alors on ne le tuait pas, il ne tarderait pas à périr par la fonte et la résorption de la graisse. L’obésité est donc un véritable état maladif, dont la mort serait le terme, si l’homme ne s’empressait pas de la prévenir ; et il faut que les engraisseurs s’attachent à reconnaître le point précis où ils ne pourraient plus, sans danger pour leurs intérêts, conserver les animaux engraissés.

M. Chambert, vétérinaire et auteur d’un Essai sur l’amélioration des animaux domestiques, observe que les bêtes à cornes élevées et engraissées à l’air dans les pâturages, ont plus de tendance à prendre de la graisse intérieurement ; et que ceux qui ont été élevés presque constamment à l’étable avec du foin, des racines, des grains secs, ont une plus grande disposition à un embonpoint extérieur. La cause en est que l’action de l’air froid sur la peau l’empêche de se distendre dans le premier cas, et que la chaleur constamment chaude et humide des étables produit l’effet contraire dans le second. Il observe encore que dans le premier cas les bœufs sont constamment tourmentés par des démangeaisons qu’il regarde comme les signes d’un bon engrais, et dont on doit adoucir l’effet en plantant, dans les enceintes où les bœufs sont retenus, des pieux contre lesquels ces animaux puissent se frotter.

La graisse se forme d’abord sous la peau et entre les muscles ; ce n’est qu’après que ces parties en sont à moitié saturées, qu’elle se dépose autour des viscères du bas-ventre. Ainsi un animal peut paraître gras aux yeux d’un homme peu exercé, et ne l’être cependant pas complètement. Cette remarque est importante, parce que la quantité de graisse qui se forme dans l’intérieur est souvent considérable (100 livres de suif, terme moyen, pour un bœuf), et que c’est de là seulement que l’on peut facilement retirer celle que l’on veut vendre séparément pour l’usage de l’économie domestique et des arts.

[7.4.10]
§ X. — Produits des animaux engraissés.

Ces produits sont la viande et les issues, y compris le cuir et le suif ; toutes ces matières réunies ensemble, l’animal étant ou n’étant pas dépecé, constitue le poids brut. On donne au contraire le noms de poids net au poids de la viande et des os, c’est-à-dire des matières livrées à la consommation. — Terme moyen, le poids brut d’un bœuf est au poids net comme 3 est à 2, c’est-à dire que la viande et les os forment à peu près les deux tiers du poids de l’animal, et que le troisième tiers est représenté par le poids du cuir, du sang, de la tête, des pieds, de l’estomac, des intestins et des matières qu’ils contiennent, du foie, du poumon, du cœur, et enfin du suif ; mais cette proportion est loin d’être constante, plusieurs circonstances peuvent la faire varier. En général, le poids des issues est d’autant plus considérable, toute proportion gardée, que les animaux sont d’une plus petite stature.

Voici le calcul fait par sir John Sainclair, des substances d’un bœuf tiré du Devonshire, tué à l’âge de 3 ans et 10 mois :

Il pesait en vie, 1439 livres.

Saif 
 133
Peau 
 79
Tête et langue 
 34
Cœur, foie, poumons 
 19
Pieds 
 16
Entrailles et sang 
 152
433
Viande nette 
1006
—————————
Total égal 
1439

Comme on le voit, la viande formait plus des deux tiers. — Les issues se sont trouvées en moindres proportions dans un énorme mouton Dishley, ainsi que le démontre le relevé suivant :

Poids du mouton en vie, 271 livres.

Peau 
 23
Sang 
 9
Fressure et tête 
 13
Suif 
 25
Entrailles 
 15
85
Viande nette 
186
—————————
Total égal 
271

À égalité de poids les bouchers paient généralement plus cher les animaux engraissés de pouture que ceux qui l’ont été dans les herbages ; ils savent très-bien que la viande est plus savoureuse, qu’elle se conserve plus longtemps et que le suif en est plus ferme et plus blanc. — Les fabricans de chandelles font aussi une différence dans le suif des animaux, suivant la manière dont ils ont été engraissés ; ils reprochent au suif des animaux engraissés à l’herbe, d’être verdâtre, peu consistant, de faire beaucoup de déchet à la fonte, et, pour me servir de leur expression, de n’être pas assez mûr.

[7.4.11]
§ XI. — De la saison la plus favorable à l’engraissement.

Pabst établit en principe que, dans le choix de l’époque où l’on veut engraisser les bestiaux, on a généralement quelque égard à la convenance de la saison sous le rapport de la facilité de l’engraissement ; mais que l’on considère encore bien plus l’occasion favorable de vendre et d’acheter les bêtes, et la possession de fourrages appropriés à l’engraissement.

Il est reconnu que, pendant l’été, on engraisse avec peu de succès, à cause de la trop grande chaleur, et de l’agitation qu’occasionne au bétail la multitude d’insectes qui se tiennent alors dans les étables et dans les pâturages. Le froid n’est pas avantageux non plus ; néanmoins, excepté dans un climat d’une extrême rudesse, il n’est préjudiciable que lorsque les étables sont mal garanties, et qu’on met les bêtes au pâturage pendant les mauvais temps. La saison tempérée est sous ce rapport, de même que sous d’autres, la plus convenable à l’engraissement. Cette règle s’applique également au climat en général. La situation n’est pas indifférente, du moins pour l’engraissement au pâturage, qui a lieu avec moins de succès dans des endroits élevés, exposés à de grands vents, que dans des pâturages abrités. — Mais la température et la convenance matérielle d’une saison sont des considérations secondaires : ce qui doit principalement diriger l’engraisseur dans le choix qu’il fait d’une époque pour engraisser, ce sont les considérations économiques, c’est-à-dire l’occasion de vendre et d’acheter les bêtes avec profit. Or, comme à cet égard les règles varient suivant les localités et les circonstances, il est impossible de présenter des données générales.

Lorsqu’on n’engraisse qu’en petit et qu’on n’achète pas le bétail à l’engrais, on prend aussi en considération l’époque la plus favorable pour réformer les bêtes de rente et de travail que l’on destine à l’engraissement. — Cette circonstance est souvent en opposition avec l’occasion favorable de vendre avec profit ; ce n’est, par exemple, qu’au commencement de l’hiver que l’on peut réformer les bœufs de trait ; ce n’est non plus que vers cette saison que l’on aime à se débarrasser des vaches de peu de valeur. Comme ce cas a lieu chez beaucoup de cultivateurs en même temps, il arrive que le bétail d’engrais baisse subitement de prix à une certaine époque de l’année, comme, par exemple, au commencement et vers le milieu de l’hiver ; tandis que dans un autre moment son prix augmente, parce que peu de cultivateurs se trouvent alors dans la position favorable et avec les fourrages nécessaires pour engraisser. Là où l’engraissement est fait avec le résidu de certaines fabrications, on se règle nécessairement sur l’époque où celles-ci sont en pleine activité ; il en est qui peuvent aller toute l’année, et qui permettent alors de se livrer à l’engraissement à toutes les époques ; telles sont les distilleries de grains et de pommes de terre.

J. Reugnot.

  1. Voy. Lundwirths shaltiche Mittheilnngen v. Fr. Schmalz. Tome IV, pag. 60.