Mes escalades dans les Alpes et le Caucase/Chapitre XIV

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Traduction par Maurice Paillon.
(p. 289-322).
CHAPITRE XIV


PLAISIRS ET PÉNALITÉS DE L’ALPINISME


Quelques grimpeurs très connus, et dont l’opinion a nécessairement le plus grand poids, ont déclaré récemment que les dangers de la montagne n’existent plus. L’habileté, la science et les textes les ont relégués dans le domaine des croquemitaines auxquels on ne croit plus. Je ne demanderais pas mieux que d’opiner en faveur de ces conclusions optimistes, mais il m’est impossible d’oublier que le premier guide auquel la corde m’ait lié, et qui possédait, oserai-je le dire, une connaissance de la montagne plus grande que toute celle que l’on pourra trouver dans l’encyclopédie de Badminton[1], ne s’en tua pas moins sur la route du Mont Blanc par le Glacier du Brouillard, comme son fils, du reste, plus récemment sur le Koshtantau[2]. Le souvenir de deux joyeuses caravanes, comprenant sept personnes, qui, par un beau jour de 1879, escaladaient la face Ouest du Cervin, est là devant mon esprit comme un fantôme qui m’engage et me force à me rappeler que, sur ces sept, M. Penhall a été tué au Wetterhorn[3], que Ferdinand Imseng l’a été sur le versant de Macugnaga du Mont Rose[4], et Johann Petrus sur le Mont Blanc par le Glacier du Fresnay[5]. Soutenir que chacun de ces hommes était moins prudent ou moins compétent, ou bien qu’il avait moins de connaissance de tout ce qui concerne le métier de grimpeur, que ceux qui survivent encore, serait certainement des plus absurdes. Nos meilleurs efforts doivent être quelquefois secondés par la grande divinité du Hasard ; l’Alpine Club devrait offrir à ce dieu ses vœux et ses actions de grâces.

En effet, si, pour un instant, nous considérons l’essence même du sport alpin, il est certain qu’il consiste, et consiste exclusivement à égaler l’habileté du grimpeur aux difficultés opposées par la montagne. Un accroissement dans l’habileté comporte pari passu un accroissement dans les difficultés avec lesquelles on se mesurera. De l’Arête du Breuil, au Cervin, nous passons au Dru, et du Dru à l’Aiguille du Grépon ; ou, pour choisir un champ plus vaste, du Mont Blanc par Chamonix nous passons au Mont Blanc par le Glacier de la Brenva et par l’Aiguille Blanche de Peuteret. On ne pourra pas dire que Bennen et Walters étaient moins en mesure de s’attaquer à la muraille qui surmonte le « Linceul[6] » que nous autres modernes à escalader la « Fissure du Grépon » ; ou que Jacques Balmat était moins capable de conduire en haut de l’ « Ancien Passage » que Émile Rey d’emporter d’assaut les horribles précipices de la Brenva et de Peuteret[7]. Mais même si l’on admet que l’habileté du grimpeur ne s’est pas accrue en proportion des difficultés avec lesquelles il se mesure, on sera obligé de reconnaître que l’alpinisme n’est ni plus ni moins dangereux qu’avant.

Il est vrai que d’extraordinaires progrès ont été faits dans l’art de grimper le rocher et que, par conséquent, n’importe quelle escalade de roc est beaucoup plus facile maintenant qu’il y a trente ans ; mais l’essence même du sport alpin est, non pas dans l’ascension d’un pic, mais bien dans la lutte pour surmonter les difficultés. Le grimpeur heureux est, comme le vieil Ulysse, celui qui a « goûté aux délices de la lutte avec ses pairs », et cette joie-là le montagnard ne peut l’atteindre qu’en s’attaquant à des murailles qui élèveront ses moyens à leur plus haute limite. La lutte comporte les mêmes risques, et pour le grimpeur ancien qui attaquait ce que nous appelons maintenant des rochers faciles, et pour nous autres modernes qui nous mesurons à de formidables rocs, et pour le grimpeur futur, être encore idéal, qui donnera l’assaut à des murailles que nous regardons aujourd’hui comme sans espoir d’être jamais accessibles. La différence qui existe entre mes idées et celles des autorités dont je parlais plus haut est due, principalement sans doute, à un point de vue tout à fait différent sur la raison d’être de l’alpinisme. Si on le considère comme un sport, un danger y sera, et devra y être toujours attaché ; si on le considère comme un exercice au milieu de beaux paysages en vue de quelque but quasi-scientifique, ou encore comme matière première pour un article intéressant ou pour quelque vantardise, il est devenu aussi sûr que l’ascension du Rigi ou du Pilate l’était pour les grimpeurs d’il y a trente ans. Mais ce n’est pas là l’alpinisme dans le sens que les fondateurs de l’Alpine Club donnaient à ce terme, et ce n’est pas l’alpinisme dans le sens où en usent les élus, un tout petit clan, qui peut-être même diminue. Mettre toutes ses facultés, physiques et morales, à se mesurer à quelque précipice farouche, à forcer quelque couloir déchiqueté et revêtu de glace, est un travail viril, digne d’un homme ; peiner le long de pentes d’éboulis, derrière un guide « capable de dépeindre de son lit chaque marche de la route avec toutes les places pour les mains et les pieds », n’est qu’un travail digne de ce paquet de chairs revêtu d’habits à la mode, apporté à Zermatt par le chemin de fer, avec tous ses parfums et ses onguents, son linge empesé et ses bottes luisantes.

Le vrai montagnard est un vagabond, et par vagabond je n’entends pas un homme qui dépense tout son temps à parcourir la montagne de ci et de là sur les mêmes traces que ses prédécesseurs — tel un cycliste court le long des grandes routes de l’Angleterre — mais j’entends un homme qui aime à aller où jamais homme n’a pénétré avant lui, qui met sa joie à s’accrocher à des rochers n’ayant jamais senti le toucher des doigts humains, ou à tailler sa route dans des couloirs de glace dont les ombres farouches sont le séjour sacré des nuages et des avalanches depuis que la Terre est sortie du chaos. En d’autres mots, le vrai montagnard est l’homme qui tente de nouvelles ascensions. N’importe s’il réussit ou s’il échoue, il prend sa jouissance dans la fantaisie ou le jeu de la lutte. Les dalles décharnées et nues, les ressauts perpendiculaires et précipitueux de l’arête, et la glace noire du couloir en surplomb sont le souffle même de la vie de son être. Je ne prétends pas pouvoir analyser ces sentiments, encore moins les faire saisir aux philistins. Il faut les avoir sentis pour les comprendre ; ils font circuler le sang dans les veines, ils détruisent le cynisme jusqu’à ses dernières traces, ils coupent dans sa racine même le pessimisme, et partant ils rendent heureux.

Ceux qui nous critiquent répètent en substance, assez bizarrement, le vieux reproche de Ruskin[8], à savoir que nous regardons les montagnes comme des mâts de cocagne plus ou moins graissés. Je dois avouer que le piquant de ce reproche n’arrive pas à pénétrer l’épaisseur naturelle et incurable de l’épiderme de mon intelligence. Mettons de côté, si vous voulez bien, la question de graisse, qui est malpropre, et qui serait par trop. horrible à contempler sur le drap de nos culottes — et dont les traces même seraient pires que les effets destructeurs des lames et des esquilles de roc de l’arête du Grépon, — ceci dit, je ne perçois pas l’énormité, disons le crime, qu’il y a à escalader le mât lui-même. Dans le temps, je dois le confesser, je prenais grand plaisir à cet art, et, autant que j’en puis juger, le goût en est encore largement répandu parmi la jeunesse anglaise. Il est possible, il est même probable, qu’une bonne part du plaisir de l’alpinisme vienne de l’effort physique lui-même et du parfait état de santé que procure cet effort à ceux qui s’y vouent ; et, l’on peut, jusqu’à un certain point, prétendre assez plausiblement qu’il est la conséquence simple et le développement même des grimpades de notre jeunesse sur les mâts et sur les arbres. Le piquant du reproche se cache probablement sous la supposition que le grimpeur est incapable de jouir des beaux paysages ; que, suivant le jargon de certains écrivains modernes, il est un pur gymnaste. Mais pourquoi donc un homme serait-il jugé incapable de jouir des plaisirs esthétiques, par le fait qu’il est en outre capable de jouir des plaisirs physiques et inesthétiques de l’escalade de rocher ?

Un montagnard bien connu affirme que les maîtres de l’art ne regardent pas l’action de « surmonter les obstacles physiques à l’aide d’exercices musculaires ou d’habileté » comme « le principal plaisir de l’alpinisme ». Mais en est-il bien ainsi ? Peut-on lire le grand ouvrage classique de la littérature alpine, « The Playground of Europe[9],» sans ressentir que l’assaut de ces obstacles était un des principaux facteurs des jouissances de l’auteur ? Peut-on lire les « Peaks, Passes and Glaciers[10] », et les premiers numéros de l’Alpine Journal sans ressentir que leurs écrivains divers se complaisaient dans la technique de leur art ! Il va sans dire que dans l’objection présentée plus haut l’habile intercalation des mots « principal plaisir » ouvre la porte à la discussion, mais après tout, qu’est-ce que cela signifie ? Comment peut-on mesurer et comparer un plaisir qui a son siège dans la vigueur et la gaîté, dans la bonne circulation du sang» avec un sentiment purement esthétique ? Il paraîtrait difficile d’arguer que, de ce qu’un homme cultive et accroît son habileté musculaire et sa connaissance de la montagne, il doive par cela même rapetisser et affaiblir le côté esthétique de sa nature. S’il en était ainsi, nous arriverions à magnifier le cagneux et l’impotent, le boiteux et l’aveugle, et à reconnaître comme faux l’idéal grec de la perfection humaine. On peut trouver sans doute pareille tendance dans quelques pensées modernes, mais comme beaucoup d’autres idées récentes, elles ne sonnent pas leur pur métal. Ceux qui sont si complètement maîtres d’eux qu’ils peuvent rire et s’amuser sur les arêtes elles-mêmes, libres qu’ils sont de la contrainte de la corde comme de la peur du danger, ceux-là sont beaucoup plus capables d’apprécier les gloires des « monts éternels » que ceux qui ne peuvent bouger qu’avec une crainte constante pour leur précieuse vie, au milieu des bavardages sans fin et de l’acre fumée du tabac de leurs guides jamais lavés.

Le fait qu’un homme prend son plaisir à escalader des rocs à pic ne le rend en aucun cas insensible à tout ce qu’il y a de beau dans la nature. Les deux genres de sentiments ne sont pas du tout du même ordre. Un homme peut aimer à grimper et se moquer des paysages de la montagne ; il peut être passionné pour les beautés de la nature et haïr l’escalade ; mais il peut être également touché par ces deux sentiments. Il est à présumer certainement que ceux qui sont le plus attirés par les montagnes et qui reviennent le plus constamment vers leurs splendeurs, sont ceux qui possèdent au plus haut degré ces deux sources de jouissances, ceux qui peuvent combiner la fantaisie et la gaîté d’un magnifique sport avec la joie indéfinissable qui vient du charme des formes, des tons et de la couleur des grandes chaînes.

Je suis bien libre d’avouer que, quant à moi, je grimperais encore, même, s’il n’y avait plus de paysages à voir, même si les seules escalades possibles se trouvaient dans ces grottes, dans ces horribles trous à marmites sombres des vallons du Yorkshire. D autre part, je rôderais encore dans les névés supérieurs, leurré par les vapeurs silencieuses ou par les rayons rutilants d’un soleil sur son déclin, même si des infirmités physiques ou autres, même si, après les temps révolus, des ailes ou autres apanages angéliques étaient venus emporter dans un passé lointain toute pensée d’escalade rochassière.

Il a été souvent affirmé, même parmi les doctes, que, puisque l’alpinisme comportait un danger quelconque, personne ne devrait jamais s’y livrer, et, à plus forte raison d’aussi précieuses individualités que celles du Club Alpin Anglais. Avant d’examiner cette très pernicieuse doctrine, il est bon de se souvenir que, bien que les périls de l’alpinisme n’aient pas été complètement dissipés dans l’espace par les éclairs et les foudres des encyclopédies de Badminton et de All England, encore s’en faut-il pourtant que ces périls soient très grands. Les pages précédentes contiennent, à une seule exception près[11], le récit de toutes les difficultés que j’ai éprouvées dans la montagne, récit qui a pu faire naître l’idée possible d’un désastre : hé bien ! comme ma dévotion à notre sport commence en 1871, et qu’elle s’est continuée depuis avec une ardeur sans repos, il devient évident — autant qu’un modeste individu peut se poser comme le type d’une catégorie — que les périls qui menacent le grimpeur sont extrêmement peu nombreux et sont très rarement rencontrés. Pourtant tels qu’ils se sont présentés à moi je ne voudrais pour rien au monde les avoir manqués. Il y a dans le danger une puissance éducative et purifiante que l’on ne trouve à aucune école ; c’est en effet une excellente chose pour un homme que de savoir qu’il ne marche pas à la gourmandise et à l’efféminement. On peut admettre que la montagne pousse quelquefois les choses un peu trop loin, et apporte à ses fidèles une vision de l imminence de la mort que le bourreau lui-même, avec son accompagnement d’échafaud, de potence et de bascule, arriverait difficilement à surpasser. Mais, si farouches et désespérantes que puissent parfois paraître les grandes falaises alors que le crépuscule baisse, que les dernières lueurs sont chassées par le vent et la neige hurlants et que les furies chevauchent follement les arêtes, on a toujours le sentiment que de braves compagnons et un courage sans défaillance seront suffisants pour déchirer la toile croissante du danger, forsan et hœc olim meminisse juvabit.

La sensation d’indépendance et de confiance en soi que nous donnent les grands précipices et les vastes champs de neige silencieux a quelque chose d’absolument ravissant. Chaque pas apporte la santé, la fantaisie et la gaîté. Les embarras et les soucis de la vie, et aussi la vulgarité essentielle à toute société ploutocratique, sont laissés bien loin en bas, miasmes délétères répandus dans les bas-fonds des vallées fumeuses. Au dessus, dans l’air limpide, où la lumière pénètre tout, les hommes vont de pair avec les dieux, ils peuvent se connaître et savoir ce qu’ils valent. Aucun sentiment ne peut être plus beau que celui que l’on ressent en marchant, avec « des camarades inébranlables comme les fondateurs de notre race », à l’attaque de quelque muraille décharnée et précipitueuse. Rien ne peut vous être plus agréable que de sentir que de vos doigts, d’une seule de vos mains vous suffisez à assurer l’existence de toute une caravane, que vos jarrets sont fermes et demeurent inaccessibles à tout tremblement de frayeur, même si c’est grâce à la morsure d’un seul clou que vous êtes accroché sur quelque arête pendant sur le vide, que votre corps n’est pas jeté dans l’espace et que votre âme ne va pas rejoindre les régions éthérées.

Je sais bien qu’il y a un âge qui se soucie peu des vertus viriles, et qui regarde de travers toute forme de sport pouvant être, avec une imagination très féconde, considéré comme dangereux ; mais, puisque nous ne pouvons pas tous, pour de très bonnes raisons, prendre notre plaisir à nous « vautrer dans les parages boueux du lucre », il nous faut certainement insister en faveur d’un sport qui enseigne, comme aucun autre ne peut le faire, l’endurance et la confiance mutuelle, et qui force parfois les hommes à regarder franchement et carrément en face la mort sous son aspect le plus farouche. Bien que l’alpinisme ne soit peut-être pas plus dangereux que les autres sports, il apporte pourtant à l’esprit une sensation du danger plus immédiate, sensation, en vérité, hors de toute proportion avec le danger réel. Il est par exemple tout à fait impossible de regarder d’en haut du Petit Dru ses terribles précipices sans ressentir dans chaque filament nerveux qu’une chute entraînerait infailliblement la désagrégation finale de tout ce qu’il y a d’humain en nous, et cette éventualité se présente fréquemment à l’esprit ; ne fait-on pas dans toute l’ascension de constants et énergiques efforts précisément pour l’éviter ? En dépit des enseignements religieux, l’amour du pari est encore inhérent à notre race, et personne, surtout dans ces jours de matérialisme, où le diable des anciens temps ne voudrait plus échanger l’âme du joueur contre du bon or sonnant et trébuchant, personne ne pourra trouver un enjeu plus élevé que la conservation de sa peau ; et c’est là l’enjeu que le montagnard met habituellement et constamment au pari. Il est vrai que les chances sont toutes de son côté ; les chances contraires sont là cependant pour garder la loyauté du pari, et pour prouver aussi à quel degré la décadence physique nous a pénétrés. Peu de personnes, parmi celles qui ont les connaissances suffisantes pour prononcer un jugement impartial, voudront nier que l’alpinisme ait une haute valeur d’éducation. Qu’il ait son mauvais côté, je l’admets franchement : nul ne pourra jeter les yeux sur son triste nécrologe sans ressentir que notre sport se paye d’un effroyable prix.

L’alpinisme étant un sport non complètement exempt de danger, il convient que nous examinions la façon dont ce danger peut venir et la manière dont on peut se mesurer avec lui et le vaincre. Dans la montagne, comme ailleurs, « c’est l’inattendu qui arrive toujours ». C’est un moment d’oubli dans un endroit facile, une faute d’attention, un regard distrait qui sont les auteurs habituels du désastre. Il semble que jusqu’à un certain point les dangers sont évitables et que par conséquent les hautes autorités dont nous avons parlé plus haut peuvent justifier leur optimisme. Mais qui de nous peut se vanter que son attention envers la pente comme envers ses compagnons ne faiblira jamais, que ses yeux seront toujours en éveil sur les chutes de pierres, sur les rochers instables, sur les crevasses cachées, et sur toutes les chausse-trapes que Dame Nature répand à profusion le long des « monts solitaires » ? La principale source de danger est cette nécessité d’une attention incessante, l’invariable promptitude de la glace, de la neige et du rocher à punir sans répit un instant d’oubli, ou la plus légère négligence. La première leçon que doit apprendre le novice est d’être toujours sur ses gardes, et c’en est une sur laquelle les plus vieux grimpeurs sont rarement passés maîtres. Malheureusement, c’est un enseignement que le commençant doit apprendre par lui-même, c’est une habitude qu’il doit acquérir et que rien ne lui donnera, sinon une pratique constante. Il faut une longue expérience pour imprimer dans son esprit que le danger principal d’une ascension extrêmement difficile se trouve aux endroits faciles qui la suivent ; qu’il se trouve moins dans le plein d’une lutte désespérée avec les plus mauvais rochers que dans l’attention relâchée à laquelle vous êtes amené à votre retour sur un terrain comparativement facile. On entend continuellement dire après une formidable escalade — on peut même le lire dans l’Alpine Journal — que dans telle ascension, certains rochers préliminaires ont paru nettement difficiles, qui il la descente, après une lutte terrible dans les murailles supérieures, ont été ensuite trouvés « ridiculement faciles ». C’est cette apparence trompeuse de sécurité présentée par ces « rochers ridiculement faciles » qui augmente la liste des victimes alpines. Il y a peu de grimpeurs, même parmi les plus anciens et les plus fins, qui n’aient pas à lutter contre ce sentiment que les difficultés sont finies et qu’il n’est plus nécessaire de faire attention[12]. Pour ma part j’ai vu deux fois des commencements d’accident arriver de ce fait, et dans chacune de ces occasions le seul bon dieu du hasard a gardé un de mes amis d’un désastre.

De plus, il est impossible de savoir, sauf après expérience, la durée de temps pendant laquelle on pourra se lier à son système nerveux. L’effort prolongé, nécessaire sur une longue pente de glace, agit sur l’homme de façons totalement différentes. Pour quelques-uns il actionne et aiguise simplement leurs facultés ; il ne fait que les assurer et les rendre plus fermes sur leurs marches ; pour d’autres il apporte la dépression et l’épuisement. On comprendra qu’il est parfaitement désagréable d’avoir un compagnon qui, au moment où vous pensez qu’il prend intérêt à l’ascension, vous informe soudain qu’il ne sait plus s’il pourra se tenir sur les marches, que ses genoux tremblent, et qu’il s’attend à glisser d’un moment à l’autre. À de pareils moments, si vous n’avez pas eu une forte éducation religieuse, rien ne pourra vous empêcher de jurer en choisissant les termes les plus énergiques en même temps que les plus soulageants. Vous me direz qu’un homme de cette trempe ne devrait pas grimper ; mais comment saura-t-il qu’il est affecté de cette façon par la montagne, s’il ne l’a pas encore parcourue ? Un homme ne pourra jamais connaître ses capacités, qu’il ne les ait essayées ; et c’est cette preuve qui comporte un risque. Il ne lui servira pas d’aller sur un terrain où une glissade n’entraînerait rien de sérieux ; aussi longtemps que ce sera le cas, il peut être aussi bon et même meilleur que ses compagnons. C’est la connaissance même qu’il tient la vie de la caravane dans ses mains qui le fait se maîtriser et se vaincre, et non pas les difficultés techniques de la pente, qui, pour un homme qui a de bonnes marches taillées sous lui, peuvent n’être pratiquement rien du tout.

Tous ces dangers influencent beaucoup plus le novice que le vieil habitué de la montagne. Ceux qui ont appris le métier, et ont passé quinze ou vingt étés dans les Alpes connaissent leur façon de sentir et leurs faiblesses ; ils sont assurés d’être toujours en alerte. Les dangers auxquels sont sujets ces anciens proviennent principalement et en premier lieu des « courses nouvelles ». On ne peut plus trouver de premières ascensions dans les Alpes que sur des faces non encore escaladées, et le montagnard sait ordinairement que s’il atteint le sommet il pourra en descendre par une route facile et bien connue. La tentation de persévérer dans l’ascension, spécialement si l’on a déjà fait quelque formidable passage, devient extrêmement grande, et une caravane peut être poussée en avant par la crainte de la retraite. Cette crainte ne devrait pourtant jamais entrer en ligne de compte ; elle peut entraîner les grimpeurs au milieu de difficultés d’où ils n’ont ni le temps de se tirer ni l’habileté nécessaire pour le faire. Si un passage ne peut pas être redescendu il ne devrait jamais être escaladé.

Un danger similaire et encore plus trompeur se trouve dans les ascensions matinales de couloirs, qui, quoique parfaitement sûrs à cette heure de la journée, sont connus pour être dans l’après-midi sujets aux avalanches et aux chutes de pierres. Qu’une cause imprévue arrête la caravane dans le haut de la montagne et il ne se trouve plus aucune ligne sûre de retraite. Par exemple, quand MM. Lammer et Lorria, déjoués par les rochers verglassés de la face Ouest du Cervin, furent forcés de revenir sur leurs pas, ils trouvèrent le grand couloir balayé sans cesse par les chutes de pierres et de neige. Persistant malgré cela dans la descente, ils furent emportés par une avalanche, et, bien que par une extraordinaire chance ils aient l’un et l’autre échappé, ils n’en furent pas moins sérieusement blessés[13]. À moins donc que le grimpeur ne soit absolument certain que l’ascension puisse être menée jusqu’au bout, il est dangereux au plus haut point d’entrer dans de pareils couloirs, et ceux qui le font doivent reconnaître nettement qu’ils courent des risques très sérieux. Si pourtant la caravane a couru ce risque et qu’elle soit tenue en échec dans le haut de la montagne, il lui sera préférable de passer la nuit sur les rochers et d’attendre que le froid ait scellé les pierres instables, la neige et la glace. Cet expédient a été adopté plus d’une fois par mon vieux guide, Alexandre Burgener. Dans la fameuse descente du Col du Lion, il a incontestablement sauvé ainsi la vie du Dr Güssfeldt et la sienne[14]. Je sais bien que par ce procédé on court un léger risque de la part d’un changement dans le temps, que l’on a le gros désagrément du froid, de la faim même possible, mais ces désagréments sont de légers riens pour des hommes forts et dûment vêtus ; quant au risque, il faut bien dire que des endroits comme le grand couloir de la face Ouest du Cervin sont beaucoup plus sûrs pendant une tourmente de neige que lorsque le soleil commence à chauffer les grandes pentes qui le dominent. En effet, quand la neige tombe à une basse température, elle tarit tout de suite les filets d’eau, arrête le ramollissement des gros glaçons suspendus, et empêche généralement la chute de tous projectiles, rendant alors pratiquement sûrs des pentes et des couloirs, que l’on n’ose pas escalader par le beau temps. Mais d’un autre côté une rafale de neige estivale, suivie d’un vent au dessus du point de congélation (ce qui est un phénomène assez fréquent), convertira des pentes rocheuses habituellement sans danger en cascades d’eau, rendues terribles par les pierres et les rochers délogés. On voit dès lors combien il faut savoir juger très exactement ; et les connaissances nécessaires pour bien juger, l’alpiniste ne les obtiendra que le jour où il aura appris par de dangereuses expériences à saisir la nature exacte de la tourmente et les effets qu’elle aura vraisemblablement sur les pentes qu’elle frappe.

Quelques grimpeurs soutiennent qu’il est possible d’éviter toutes les pentes exposées aux chutes de pierres ou de glaçons. En fait, bien que l’on puisse jusqu’à un certain point les éviter aux jours et aux heures dangereux, il est impossible de s’en garder complètement.

Des montagnards d’une grande expérience et d’une prudence à l’épreuve, même des présidents actuels ou d’anciens présidents de l’Alpine Club, sont connus pour avoir descendu, des heures durant, des pentes de rocher ou de glace sans le moindre abri et exposées à tout moment à être enfilées du haut en bas par des chutes de pierres ou de glace. Le critique orthodoxe protestera : il n’en est pas moins certain que ceux qui cherchent à faire de nouveaux passages se trouvent parfois dans des positions qui ne leur laissent aucune bonne alternative. Le pseudo-alpiniste, il est vrai, pourra presque éviter ces dangers. Accompagné de guides qui connaissent tous les ressauts de la montagne, il est conduit par une route assez bien abritée, ou, s’il n’en existe pas, il en est averti avant le départ, et peut en conséquence changer ses plans. Mais répéter une ascension déjà faite, la répéter dans les conditions voulues, avec un plan soigneusement calculé, sous le commandement rigide d’un guide comme metteur en scène, ne se recommandera jamais au véritable montagnard. La joie et le plaisir de ce sport dérivent surtout de l’incertitude et des difficultés mêmes que la vraie fonction d’un tel guide est précisément d’éliminer. Même si le passage n’est pas tout à fait nouveau, le vrai montagnard aimera l’attaquer sans avoir la connaissance exacte de la route, connaissance qui réduirait la course à une simple promenade de tant d’heures de durée ; il ne pourra donc pas éviter invariablement tous les risques.

En fait, bien peu des ascensions habituelles sont complètement à l’abri des chutes de glace et de rochers. La route elle-même de Chamonix au Mont Blanc passe à un endroit où la trace est quelquefois balayée par les pierres de l’Aiguille du Midi[15], et à un autre endroit où les avalanches de glace du Dôme du Goûter menacent, et quelquefois atteignent le voyageur[16]. Il n’y a vraiment aucune immunité certaine contre ce danger, et il est pourtant à désirer que le jeune montagnard apprenne les différents moyens par lesquels il pourra le plus convenablement lutter contre lui. Acquérir l’art d’attendre une pierre qui tombe, et, au moment critique, sortir de la ligne de tir est chose essentielle pour le rochassier. Obtenir les connaissances suffisantes pour juger où et quand on doit s’attendre aux avalanches de glace et de neige, est également nécessaire pour guider avec sécurité une caravane. Il faudra pour cela les meilleures leçons des guides les plus anciens et les plus expérimentés, et combiner encore ces enseignements avec une longue expérience des neiges supérieures. Ceux qui aspirent à servir de guide à une caravane ne porteront jamais une trop grande attention à ce sujet ; ils doivent être capables de juger avec une certitude suffisante les effets causés, par la neige nouvelle d’un côté, par la persistance du beau temps de l’autre, sur les séracs qui dominent les pentes inférieures des glaciers. Les commençants oublient facilement que les chutes de glace ne sont jamais plus à craindre que lorsqu’un soleil prolongé a travaillé fortement ces monstres suspendus en équilibre au dessus d’eux et qui guettent les traces où ils vont passer. Faire concorder une expédition avec l’état météorologique nécessaire pour la mener à bien est fréquemment d’une importance toute critique ; cela peut conduire non seulement a la différence qu’il y a entre la réussite et l’insuccès, mais même à celle qui existe entre la santé et la gaîté d’une part et un désastre irrémédiable de l’autre.

Sous ce rapport, il faut noter qu’une caravane inattachée est plus en sûreté qu’une caravane encordée, et que ses chances d’échapper aux projectiles que la montagne tient en réserve, varient au moins en sens inverse de sa longueur. À trois à la corde, celui du milieu est plus ou moins un meuble à demeure et il a fort peu de chances d’esquiver les chutes de pierres, à moins qu’il n’ait un abri sous la main. S’il n’y a pas d abri possible, le fait, que la caravane est répandue sur une grande étendue de rocher, rend très probable que la vraie façon d’éviter les pierres est pour le premier et le dernier d’être dans une direction opposée. Dans ce cas, aucun mouvement n’est permis à celui qui est au milieu et sa position n’est guère enviable. Personnellement, je préfère beaucoup quitter la corde dans de pareils endroits, et s’il vaut mieux ne pas le faire, je considère deux comme le nombre maximum permis. J’ajouterai que c’est l’opinion préconisée par des hommes tels que Alexandre Burgener et Émile Rey. J’ai vu chacun d’eux faire à l’addition d’un troisième dans la caravane l’objection que cela empêche la rapidité des mouvements aux endroits où cette rapidité peut être nécessaire. Il y a aussi le risque, très sérieux, des pierres détachées par le premier, et qui peuvent acquérir une vitesse très dangereuse avant d’atteindre le dernier lors-, qu’il y a plusieurs grimpeurs à la corde. Pendant la première ascension du Rothhorn depuis Zermatt, un désastre fut près d’arriver précisément pour cette raison[17].

Il y a certains couloirs où il est impossible de ne pas détacher des pierres, et, comme conséquence, les grandes caravanes y sont forcées de se « serrer sur elles-mêmes ». Cette pratique obvie, jusqu’à un certain point, au risque des chutes de pierres, mais elle annihile tous les avantages de la corde, et, force souvent tous les grimpeurs, sauf le premier, à être simultanément sur un endroit dangereux. Et même ainsi, j’ai vu plus d’une fois un homme être blessé sérieusement par des pierres ; on doit en conclure que quelques-uns des accidents inexpliqués sont dus à un bloc détaché qui est venu frapper et jeter un des touristes hors de ses marches, sa chute entraînant les membres de la caravane « serrée sur elle-même », les uns après les autres, hors de leurs appuis. De plus, sur la glace en grande pente, le premier est quelquefois sérieusement gêné par l’existence d’une longue caravane au dessous de lui, et par la nécessité conséquente de ne faire que de petites entailles de glace à chaque coup de piolet, ou d’éviter absolument en atteignant les rochers de les dégarnir de glace ; la chance de détacher un fragment, suffisamment large pour frapper un camarade à 20 ou 25 mètres en-dessous de lui, étant plus forte que l’avantage de se faire un appui sûr pour le pied. Ces considérations sur la corde et le nombre des touristes s’appliquent avec plus de force encore à tous dangers provenant des avalanches de glace. Tout homme de plus à la corde comporte un décroissement sérieux de la vitesse extrême avec laquelle une caravane peut se mouvoir, et c’est par la vitesse, et par la vitesse seule, qu’elle peut, ainsi surprise, espérer se tirer du danger. En 1871, la caravane de M. Tuckett fut presque balayée par une grande avalanche tombant de l’Eiger, et il attribue d’avoir échappé au danger, surtout au fait que la caravane n’était pas encordée, et eut en conséquence une plus grande rapidité de mouvements qu’elle ne l’eût possédé autrement[18].

Il est bien entendu que, si un touriste incompétent se trouve dans la caravane, la corde devra être constamment employée, et qu’il faudra au moins deux bons et solides montagnards pour surveiller ses idiosyncrasies ; mais des cordées ainsi empêtrées doivent éviter des couloirs semblables à ceux que l’on ascensionne au Schreckhorn, ou des pentes impitoyables comme celles du côté italien du Col des Hirondelles.

Il y a une autre condition dans laquelle la corde accroît sérieusement les risques d’alpinistes compétents. En cas d’avalanche détachée, une caravane encordée est presque dans l’impossibilité de se secourir. Souvent l’un des grimpeurs peut échapper à la neige bouillonnante, mais, s’il est encordé, il sera nécessairement entraîné par ses compagnons. En pareil cas, sortir d’une avalanche n’est possible que si tous peuvent sauter de la neige en mouvement sur celle qui ne l’est pas, du même côté et à la fois, et même alors seulement, s’ils peuvent affranchir la corde de la masse mouillée de la neige dans laquelle il est sûr qu’elle sera plus ou moins prise. Il est certain que, dans des circonstances qui comporteraient pour un seul membre de la caravane une douzaine de chances d’échapper, il sera très improbable que tous aient une chance simultanée, et dès lors la corde devient une véritable cause de mort. Dans de fortes avalanches, là où tout ce que peut faire le grimpeur est de garder la tête hors de la crête de la vague, celui qui est encordé est enchevêtré avec ses camarades, comme le serait un nageur au milieu d’un furieux ressac. On n’a qu’à lire le récit de la mort de Bennen pour se rendre compte combien la corde peut être désastreuse[19].

Je n’ai pas ici le moindre désir de m’élever contre l’usage de la corde, mais seulement de faire remarquer certains faits bien connus qui ont été perdus de vue dans des articles récents de la littérature alpine. En thèse générale elle est de la plus grande valeur, et, lorsqu’il y a des grimpeurs d’habileté et d’expérience différentes, son usage constant est réclamé par les sentiments primordiaux de camaraderie et de solidarité. Mais il y a quelque danger à la regarder comme une sorte de Providence, toujours prête à sauver l’insouciant ou l’inhabile, n’importe s’il a peu d’expérience, n’importe s’il n’est pas fait pour l’expédition qu’il a entreprise. Si j’ai déjà longuement disserté sur les désavantages occasionnels que la corde comporte, et si j’ai dit peu de choses sur la sécurité constante qu’elle assure, c’est seulement parce qu’il n’y a, me semble-t-il, aucun danger de méconnaître cette dernière assertion et qu’il y en a beaucoup à totalement oublier la première. Il faut d’ailleurs se souvenir que j’ai en vue surtout la conduite des caravanes sans guides. Chaque touriste dans un parti ainsi composé doit être absolument certain de ne jamais glisser, la précaution monotone de la corde pourra alors, en de nombreux endroits, être abandonnée en toute sécurité et parfois même avec avantage.

Je sais bien, il est vrai, que les hautes autorités affirment qu’une caravane devrait toujours être encordée, et qu’elle ne devrait jamais être moindre de trois, l’encyclopédie de All England ne dit-elle pas : « n’importe quel nombre peut être bon, mais celui de deux est mauvais » ? J’avoue que je n’arrive pas à comprendre les raisons qui ont amené l’auteur à cette assertion inqualifiable. Il est certain que le meilleur nombre dépendra d’une foule de conditions, qui varient elles-mêmes avec l’expédition en vue. Par exemple, au Col du Lion, deux est sans aucun doute le nombre le meilleur et le plus sûr. Non seulement il est désirable de réduire à sa plus petite dimension la cible offerte à la mousqueterie de ces canons colossaux ; mais il est de plus essentiel d’être capable de se mouvoir avec la plus grande rapidité obtenable. En pareil cas chaque personne ajoutée est une source de danger.

Beaucoup de récents écrits sur la question posent en principe que, sur des pentes rapides ou sur des murailles, trois hommes sont plus en sécurité que deux. Nous allons démontrer que c’est là une erreur. Si le premier glisse, cela entraîne presque nécessairement la perte de la caravane ; en effet le choc tout entier viendra se produire sur la personne qui est au dessous de lui dans la ligne de chute, et si celle-ci est enlevée de son point d’appui il est absurde de supposer que le troisième sera capable de supporter le choc de deux hommes qui tombent. On peut en dire exactement de même d’une traversée ; si le « leader » glisse il doit être soutenu, s’il est soutenu il doit l’être par celui qui vient immédiatement après lui dans la ligne. N’importe le nombre de ceux qui sont derrière lui, ils seront nécessairement enlevés les uns après les autres de leur point d’appui. Il est certain que si le premier est retenu par celui qui se trouve immédiatement derrière lui, deux sont suffisants pour la sécurité ; s’il ne l’est pas, alors trois ou plus sont également voués à la destruction. Ceux qui ont écrit sur ce sujet semblent croire qu’une caravane de trois et plus n’a pas de fin à la corde — que chaque membre de la caravane se trouve toujours entre deux autres — auquel cas sans doute un appui assez efficace pourrait être donné. Il n’y a pas besoin de faire remarquer que pareille chose est impossible. Dans toute caravane, il y a deux personnes dont la chute dans une traversée de forte pente serait extrêmement dangereuse, sinon fatale. L’intercalation d’un troisième grimpeur, entre les deux autres, ne réduit ou ne diminue en aucun cas le danger, bien que dans certaines circonstances que l’on pourra facilement concevoir elle puisse gravement y ajouter.

La vérité est évidemment dans ce fait que, si d’une caravane de trois vous enlevez le moins bon grimpeur, les deux restants seront, sur des pentes abruptes, beaucoup plus en sûreté que la caravane entière. Si d’un autre côté, de la caravane de trois vous enlevez l’un ou l’autre des plus expérimentés, les deux restants seront alors beaucoup moins en sécurité. Il faut bien se souvenir que je ne parle pas d’une caravane comprenant un montagnard et un imbécile, mais bien deux hommes également compétents et expérimentés dans tout ce qui concerne l’art du grimpeur. Un examen soigneux de tous les événements qui peuvent assaillir le montagnard sur des pentes très rapides nous amènera à la conclusion qu’une caravane de trois ou de quatre est aussi souvent trop nombreuse qu’une caravane de deux l’est trop peu. Les pertes de temps et le danger des pierres détachées, et même la glace et la neige enlevées pendant la taille des marches semblent à peu près contrebalancer les avantages d’un plus grand nombre.

Ces avantages consistent principalement en ce que, dans certains endroits, quand le second prête au chef de la caravane l’appui de ses épaules, le troisième peut tenir tout le monde en accrochant la corde ; ou encore, lorsque la lèvre supérieure de la rimaye est presque hors d’atteinte, un troisième peut apporter son aide effective en hissant et en soutenant le premier sur les épaules de son compagnon pendant que les marches nécessaires sont taillées. Il est aussi à désirer que, dans toutes les expéditions où il y a souvent à venir à l’aide du premier, le second soit libéré et désencombré du sac, de la corde de secours, etc., et ceci comporte nécessairement un troisième pour servir de porteur. Il semble donc que, tant que nous avons à considérer les fortes pentes, le nombre des participants devra être adapté à la nature de la course, et que l’on ne devra pas tenter d’enfreindre aucune règle déterminée et importante.

La plus forte objection à l’escalade de deux hommes seuls est peut-être dans la croyance commune que si l’un tombe dans une crevasse, son compagnon sera incapable de l’en retirer. Si l’on examine cette supposition peu agréable, on pourra remarquer d’abord qu’il n’y a pas de raison d’y tomber. Qu’un individu tienne à aller se balancer dans une crevasse noire et froide, est un des profonds et insondables mystères qui confondent l’imagination. C’est en effet un incident qui n’est pas du tout nécessaire, et un de ceux qui, peut-être, n’arrivent pas si fréquemment qu’un vain peuple imagine. Une fois seulement je me suis trouvé près de tomber dans une crevasse, mais à cette occasion, comme je n’étais pas à la corde, je fus d’avis d’abandonner tout le plaisir que pourrait m’apporter semblable visite.

Une crevasse, excepté après la neige fraîche, est toujours visible pour quiconque se donne la peine de chercher ; et même si le guide ne fait pas attention et qu’il brise la croûte qui la recouvrait, la corde doit, si on en use avec rapidité et habileté, l’empêcher de tomber plus bas que la ceinture.

C’est un fait curieux que, depuis les premiers temps de l’alpinisme, deux guides, renvoyés après avoir passé un col, aient toujours l’habitude de rentrer chez eux sans personne avec eux. Autant que je sache, aucun accident de crevasse ne leur est arrivé. Si l’on remarque que des champs de glace, aussi immenses et aussi crevassés que ceux que traversent les routes du Col du Géant, du Mönch Joch, du Weiss Thor, du Col d’Hérens et de la Brèche de la Meije, sont parmi ceux qui sont habituellement franchis par deux guides seuls, on s’apercevra que le danger pour de semblables expéditions n existe pas du tout ou presque pas du moins. Si de pareilles caravanes étaient exposées au danger auquel nous faisons allusion, ce serait une sorte de crime de faire passer à deux hommes un col de glacier et de les renvoyer dans des conditions qui, pratiquement, comportent leur traversée à deux à la corde. Permettre aux guides de courir un risque auquel leur employeur n’aura pas à faire face est, au bas mot, contraire à toutes les traditions des Anglais en général et à celles de l’Alpine Club en particulier.

Les difficultés de réconcilier sur ce point la pratique et la théorie me font supposer que ces réclamations sont peut-être bien portées, non pas contre une cordée de deux montagnards, mais contre une caravane composée d’un montagnard et d’un maladroit. C’est peut-être la politesse, cette archi-corruptrice de la vérité, qui a amené nos maîtres à dire que « une caravane ne devrait jamais être composée de moins de trois, sur lesquels deux doivent être des guides », au lieu de dire de préférence que « une caravane devrait toujours être formée de deux montagnards avec ou sans adjonction d’un ou deux spécimens de colis vivant ». Il serait en effet des plus étranges que mes vieux amis Alex Burgener et Émile Rey, désireux de passer le Col du Géant, soient obligés de recourir à quelque faible écolière ou à quelque touriste décrépit, avant de pouvoir faire face aux dangers du col ! Et ce sont là les conclusions auxquelles nous conduisent nécessairement les doctrines de nos prophètes ! Ceux qui aspirent à se promener avec les « dieux tranquilles » sur des hauteurs plus qu’olympiennes devraient laisser là la politesse formaliste qui cache la vérité et dire toute leur pensée, sans s’inquiéter des incompétents et des imbéciles. Deux de mes amis désiraient un jour traverser un immense champ de neige norvégien ; enseignés par la sagesse des livres, ils pensaient qu’un troisième était nécessaire. Ils le trouvent et pendant les deux jours suivants ils se réjouissent fort de la garantie ainsi apportée à leur sécurité ! Hé bien ! Non seulement ce troisième les força à aller si lentement qu’ils furent obligés de coucher dans le plus inconfortable des bivouacs, non seulement il fit de son mieux pour les dérocher, toutes et quantes fois qu’il y avait possibilité de voir ses efforts récompensés ; mais, j’en ai eu l’assurance auprès d’autorités absolument indiscutables, il se livra parfois à des écarts de langage des plus profanes et des moins convenables ! Depuis ce temps mes amis ont été fermement convertis à cette doctrine que, si d’un parti de trois vous enlevez le plus faible, la cordée se trouve matériellement renforcée et améliorée, et que deux grimpeurs expérimentés constituent une caravane beaucoup plus sûre et bien meilleure que les deux guides et le voyageur si chers aux autorités orthodoxes de l’alpinisme.

Mais, puisqu’il est possible de concevoir qu’un large pont de neige puisse donner coup et laisser tomber le premier pendant quelques instants avant que la corde puisse entrer en jeu, il sera avantageux de décrire un moyen de se servir de la corde par lequel, même dans ce cas, une caravane de deux sera capable de travailler à son propre salut. C’est un fait assez connu, attesté par un nombre considérable d’expériences involontaires, qu’un homme peut retenir un compagnon qui est tombé à quelque distance dans une crevasse. La friction de la corde sur le bord de la crevasse et le splendide appui qu’apporte une neige molle horizontale, empêchent la chute sans grande difficulté. Mais le point critique est de ramener votre compagnon. Ceci est impossible avec la corde employée comme d’habitude. Ferdinand Imseng[20] et d’autres expérimentateurs auxquels j’ai fait allusion plus haut l’ont essayé sans réussir et leur expérience peut, je crois, être prise comme concluante. Mais si, à la place de la corde habituelle, vous employez une corde de moilié poids et de demi-force, en la doublant, le problème est aisément résolu. Une de ces cordes est garnie de deux brides, l’une près de chaque grimpeur. Dans le cas d’un bris de pont de neige, et aussitôt que la chute a été arrêtée, le grimpeur restant plante son piolet dans la neige, se rend libre de la corde aux brides et glisse sa bride par dessus la tête du piolet. La position se trouve maintenant la suivante : l’homme qui est dans la crevasse est soutenu par la corde fixée au piolet ; autour de sa taille se trouve une seconde corde passée aussi autour de la taille de son compagnon et soutenue par lui. Celui qui est dans la crevasse tire sur la corde fixée au piolet, et celui qui est au dessus tire sur la corde passée autour de la taille de son compagnon ; en d’autres termes, deux hommes travaillent pour en hisser un seul. Chaque avance est assurée et rendue permanente par l’homme qui est au dessus, qui n’a pas de corde flottante dans les mains, mais qui s’éloigne de la crevasse, pas à pas, au fur et à mesure que son compagnon s’approche du bord. Arrivé à ce point où les cordes ont profondément coupé la neige, celui qui a été englouti n’a plus qu’à se laisser aller de tout son-poids sur la corde qui passe autour de sa taille, il peut alors secouer l’autre corde, la libérer de la neige, la reprendre un peu plus loin, et, peu à peu, se sortir lui-même de la crevasse.

Puisque la corde ainsi employée est une sauvegarde absolument effective contre ce danger — aussi effective peut-être que la corde employée de la façon habituelle par une caravane de trois — on admettra que ceux qui ont une tendance constante et irrésistible à plonger dans les profondeurs bleues des crevasses feraient sagement de voyager avec deux compagnons ou plus. Un cabestan léger et portatif serait peut-être un judicieux placement pour les forces supplémentaires et inemployées que pareille caravane possède. Mais, ceux qui ont l’énergie de résister au charme de la crevasse, ceux dont les oreilles sont garnies de poix et n’entendent pas dans les profondeurs le chant des sirènes pourront adopter la précaution de la corde double et être assurés de sa complète efficacité. On devra aussi se souvenir qu’il faut au moins 15 mètres de corde entre deux hommes lorsqu’ils veulent aller seuls sur le glacier.

L’habitude de grimper seul donne lieu à beaucoup et à de très sérieuses objections. Il est vrai que dans des circonstances absolument exceptionnelles, lorsque, par exemple, un beau temps a rendu visibles toutes les crevasses on peut traverser de bon matin les champs de neige sans grand risque. Dans des conditions pareilles, j’ai passé le Trift Joch, le Weiss Thor, le Col du Géant et d’autres cols sans apercevoir un symptôme de danger ; mais la sensation de solitude, sensation qui, lorsque le brouillard et les vapeurs ondulent autour des arêtes, devient presque pénible, est de nature à affecter la fermeté et les ressources d’un homme. Il est certainement à désirer qu’on ne pousse pas ces promenades solitaires au delà de limites très étroites.

D’un autre côté, rien ne développe les facultés aussi rapidement et complètement. Personne ne découvre une crevasse aussi promptement que celui qui est habitué à traverser seul des champs de neige. Personne ne prend aussi soigneusement note de la ligne d’ascension, que le rochassier qui est obligé de retrouver tout seul sa route de retour. La concentration de toutes les responsabilités et de tout le travail sur un seul individu le force à acquérir une habileté de tout genre, qu’il est difficile de gagner autrement. Grimper en caravanes développe la spécialisation. L’un taille des marches, l’autre grimpe le rocher, et le troisième s’inquiète de la direction. La division du travail est sans doute une excellente chose, et mérite peut-être tout ce que Adam Smith a dit en sa faveur ; mais elle ne développe pas le montagnard idéal ; dans ce compartiment des devoirs humains, William Morris nous donne de meilleurs avis. Bien entendu, cela revient à dire que le chasseur de chamois, c’est-à-dire le montagnard solitaire, est la meilleure matière première pour faire un guide. Le fait qu’un homme a eu l’habitude de grimper seul comporte que la loi de survie du plus apte aurait eu entière et ample occasion de l’éliminer s’il avait été un montagnard sans précaution et sans capacité.

Au point de vue individuel, cette élimination pourra peut-être ne pas paraître tout à fait désirable ! mais le vrai grimpeur, jugeant par ses habitudes, emporté par des sentiments d’altruisme et pensant simplement au salut de ses futurs compagnons, préférera que la loi de survie du plus apte ait libre carrière et le passe lui-même à son feu d’épuration. Les critiques supposeront peut-être bien à ce devoir d’autres motifs moins aimables, et je pourrais peut-être bien aussi en trouver moi-même, mais pourquoi enlever à l’ennemi qui se cache la joie d’une attaque virulente ? En tous cas, quelques motifs qu’il ait eus, l’homme ainsi éprouvé est tout à fait indépendant de la corde, et il se meut aussi librement, peut-être plus librement sans elle qu’avec elle. Il fait croire qu’à chaque marche il ajoute à la poule de sécurité du jeu et qu’il la personnifie même. Quant à ceux qui, imbus des textes d’encyclopédies, craignent de mouvoir une main et un pied lorsqu’ils ne sont pas entravés par quelques brides et quelques nœuds, ils suggèrent insensiblement qu’ils empruntent au lieu de donner à cette même poule de sécurité. Ne supposez pas que je sois un avocat de l’alpinisme solitaire. Il n’est pas nécessaire d’avoir une connaissance approfondie de la moyenne des amateurs pour savoir que neuf sur dix se casseraient le cou s’ils voulaient sérieusement le tenter. Tout ce qu’il y a à dire, c’est de préciser, à ceux qui désirent aller sans guides, la façon dont ils doivent chercher des compagnons de confiance. La méthode d’ascensionner des pics entre deux guides est certainement très recommandable ; mais ses fervents doivent être évités par ceux qui aspirent à attaquer les grandes arêtes, confiants exclusivement dans leurs bras vigoureux et dans leur expérience lentement acquise.

La corde devrait être regardée par chaque membre de la caravane, exclusivement comme une aide et une protection pour son compagnon. Ceux qui sentent son emploi constant comme essentiel à leur confort propre devraient, comprendre avec une indiscutable évidence, qu’ils sont engagés dans des expéditions trop difficiles pour eux ; pratique qui ne fera jamais d’eux de bons grimpeurs confiants en soi. Être capable de marcher librement et en sécurité sur une pente de montagne, devrait être l’objectif de tout jeune alpiniste. À l’occasion, dans un mauvais pas, il peut légitimement demander à son compagnon de faire attention à lui, et même de lui donner une aide effective ou de le sauver d’un désastre s’il glisse, mais cette aide ne doit être que tout à fait exceptionnelle. S’il s’aperçoit que, dans chaque course, il a constamment besoin de cette protection, il devra franchement reconnaître qu’il tente un travail pour lequel il n’est pas fait.

Le Cervin nous fournit un curieux exemple de la manière dont le niveau des alpinistes amateurs modernes est en train de baisser. Les premiers grimpeurs s’encordaient à « l’Épaule ». En 1873 ils se mettaient à la corde à la vieille cabane. En 1886 ils s’attachaient à quelque distance au dessous de l’ancienne cabane. Maintenant ils le font au nouveau refuge et les exploits d’un certain Monsieur, en 1893, ne rendent pas impossible que les futurs grimpeurs ne prennent la corde au Hörnli. Ces infortunés devraient reconnaître qu’ils entreprennent un travail tout à fait au dessus de leurs forces, et qu’ils sont pouponnés et dorlotés par leurs guides de façon à perdre tout respect de soi-même et à détruire tout sentiment de bravoure et de confiance en soi. Alors que le vrai montagnard est sans conteste « l’œuvre de Dieu la plus noble », on pourra s’imaginer facilement comme un objet digne de mépris ce genre de colis qui, poussé et hissé en haut des pics par des paysans suisses, est tellement incapable de prendre soin de soi que l’on ne peut pas même se fier à l’asseoir sur un roc s’il n’est tenu par la corde. Un homme ne devrait jamais, en connaissance de cause et de propos délibéré, se mettre en situation d’être maîtrisé et dominé sans espoir par ce qui l’entoure. Ceux qui agissent ainsi sont regardés par leurs guides comme une vache à lait, source commode d’émoluments et de pourboires ; un plastron pour les petits jeux d’esprit ; une chose à enduire de graisse, à décorer d’un masque ou d’un voile, et à boutonner dans d’étranges guêtres chaînées de fer ; un objet à remonter avec du vin et du cognac, et à ne jamais perdre de vue jusqu’à ce qu’il soit remis sain et sauf entre les mains du propriétaire de l’hôtel. Il est difficile de comprendre comment des hommes, qui dans d’autres situations de la vie ne manquent pas d’un sens suffisant de dignité personnelle, consentent à être traités de cette façon. Il n’en va pas ainsi parce qu’il n’y a d’ouverte pour eux qu’une seule forme de courses de montagne. Le travail dont sont capables les moins compétents se trouve abondamment réparti dans toute vallée alpine, la plupart du temps au milieu des plus beaux paysages de glace et de neige. L’art de l’alpinisme consiste à vous rendre capable de grimper facilement et en sécurité, à élever votre talent à la hauteur des pointes qui vous dominent et vous environnent, et cet art peut jusqu’à un certain point être agréablement pratiqué de façon compatible avec une sécurité raisonnable et aussi avec le respect de votre personne ; tout homme peut en jouir n’importe quelle soit la faiblesse de ses aptitudes naturelles ou de son entraînement. Il est seulement nécessaire qu’il sache reconnaître les limites qui lui sont ainsi imposées.

On n’est passé maître dans un sport que lorsqu’une aptitude naturelle vient se combiner avec de longues années de pratique, et cela non sans un peu, parfois beaucoup, de danger, d’accidents partiels et même vitaux. Fort heureusement, le bon grimpeur acquiert d’ordinaire cette habileté à un âge où les responsabilités de la vie n’ont pas encore mis leur griffe sur lui, et où il peut avoir quelque latitude pour les affaires de cette sorte. D’autre part il y gagne la connaissance de soi-même, l’amour pour tout ce qu’il y a de plus beau dans la nature, et un débouché comme n’en apporte aucun autre sport pour les énergies inquiètes de la jeunesse ; gains pour lesquels on ne saurait demander un trop grand prix. Les grandes escalades, il est vrai, demandent parfois leur sacrifice, mais le vrai montagnard ne renoncera pas à sa passion même s’il sait qu’il est la victime désignée. Heureusement pour la plupart de nous les grandes dalles brunes suspendues par delà l’espace incommensurable, les lignes et les courbes des corniches moulées par le vent, les délicates ondulations de la neige sur les fissures de la glace, sont de vieilles et de bonnes amies ; elles nous amènent à la santé, à la gaîté et au rire, et nous rendent capables d’opposer un vigoureux défi à toutes les misères que le temps et la vie nous opposent.


FIN



  1. Voir la note de la page 198. — M. P.
  2. Johann Fischer, je père, de Zaun près Meiringen, périt en compagnie de M. J. A. G. Marshall, tandis que U. Aimer échappait à la mort par un hasard heureux ; ce fut la chute d’un pont de glace qui les précipita tous trois dans la rimaye (Voy. Alpine Journal, VII p 110 ; Johann Fischer, le fils, disparut avec M. Donkin dans le Caucase près du Dych Tau (le Koshtantau de la littérature alpine), le 30 ( ? ) août 1887 (Voy. Alpine Journal, XIV, p. 100). — M. P.
  3. Tué avec son guide Andréas Maurer de Meiringen, le 3 août 1882 (Voy. Alpine Journal, XI, p. 93). — M. P.
  4. Dans une tentative de Macugnaga au Mont-Rose par l’Est, le 8 août, 1881, avec les guides Battista Pedranzini et Damiano Marinelli (Voy. Alpine Journal, X, p. 364 et Pioneers, p. 166-68). — M. P.
  5. Avec M. F. M. Balfour, le 18 juillet 1882, dans une tentative à l’Aiguille Blanche de Peuteret (Voy Alpine Journal, XI, p. 90). — M. P.
  6. Dans une tentative d’ascension au Cervin ; Bennen devait aller mourir au Haut-de-Cry, le 20 février 1864, enseveli en compagnie de M. Boissonnet dans une avalanche de neige. — M. P.
  7. Cette rude et admirable expédition, de Courmayeur à Saint-Gervais, prit 5 jours, du 15 au 20 août 1892. On en trouvera la description dans le livre de M. Paul Güssfeldt, Le Mont Blanc, in-8 de XVIII-344 p., Genève 1899, p. 271-91, traduction de l’édition allemande de Berlin 1894. — M. P.
  8. John Huskin, dans son splendide ouvrage, Modern Painters, a consacré son vol IV (dernière édition, in-8, de XII-435 p., avec magnifiques illustrations, London 1896). à la Beauté des Montagnes. Ce livre peu connu en France, n’est pas traduit et mériterait de l’être. — M. P.
  9. Par Leslie Stephen ; ce volume, outre d’intéressantes descriptions de courses alpines, a deux chapitres magistralement traités, le premier et le dernier, sur la psychologie de l’alpinisme ; il en est à sa quatrième édition, 1e et 2e en 1871, 3e en 1894 et 4e en 1899. — M. P.
  10. Voir la note 1 de la page 97. — M. P.
  11. Voyez la note de la page 8. — M. P.
  12. La mort d’Émile Rey, arrivée l’année même où paraissait le livre de Mummery, est venue donner une terrible confirmation de la vérité des assertions contenues dans cette dernière page. On sait que ce fameux guide, particulièrement estimé par Mummery, glissa, à la Dent du Géant, l’ascension une fois terminée, et qu’il perdit ainsi la vie (Voy. Revue Alpine, Lyon 1895. p. 272-77). — M. P.
  13. En 1881, Voy. An Accident on the Matterhorn in 1887, in-8 de 4 p., tirées à part du St-Moritz Post, Samaden 1888, et une série de notes parues dans l’Alpine Journal, XIII, p. 399-400, 468, 470, 550-53. — M. P.
  14. In den Hochalpen, p. 269-270.
  15. Le dernier en date des accidents de ce genre est celui qui contusionna, peu gravement il est vrai, le baron de Holzhausen, le 11 juillet 1895 (Revue Alpine, Lyon, 1895, p. 311). — M. P.
  16. Allusion à l’accident du 21 août 1891, dans lequel M. Kothe et le guide Simond perdirent la vie, ensevelis sous une avalanche du Dôme. Se reporter à l émouvant et pathétique récit de cette tourmente par M. F. Schrader, dans l’Annuaire du Club Alpin Français, 1895, p. 21-45 et spécialement p. 42. — M. P.
  17. [C. T. Dent]. Above the Snow Line [in-8 de XIV-327 p. ; London 1885], p. 49-50.
  18. Alpine Journal ; vol. 11, p. 341 et seq.
  19. [John Tyndall]. Hours of Exercise in the Alps, [London 1811], p. 204-205 — A. F. M.
    Quatre éditions ont paru depuis, la dernièreen 1894 — M. P.
  20. Dans chacune de ces circonstances une autre caravane se trouvait heureusement à portée, et la délivrance du grimpeur enseveli fut effectuée grâce à son assistance.