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Miroir, cause de malheur, et autres contes coréens/Les saules pleureurs du carrefour Tchun-Ansan-Gry

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LES SAULES PLEUREURS DU CARREFOUR
« TCHUN-ANSAN-GRY »

An Singdo était un pauvre orphelin sans la moindre fortune. Son oncle paternel, An Kidon, un riche gentilhomme de la province de Kiung-Sang, le recueillit et l’éleva avec son fils, An Bondo, qui avait à peine un an de moins que son cousin.

Ces deux enfants s’aimaient et se respectaient à la fois comme les meilleurs amis et frères. Tous deux, fort intelligents et laborieux, poursuivaient leurs études sous la direction d’un illustre maître.

Les parents songèrent un jour à choisir des épouses pour les deux jeunes gens. Et alors que des demandes en mariage affluaient tous les jours pour Bondo, Singdo se voyait négligé et oublié. Cela se conçoit aisément Bondo constituait un riche parti, par contre Singdo était un prétendant sans importance. Cependant les parents, pleins de sympathie pour le malheureux Singdo, voulaient à tout prix lui trouver une épouse digne de lui. De son côté, Bondo déclara qu’il était fermement résolu à demeurer célibataire tant que son cousin n’aurait pas fondé un foyer. Il fit valoir sa déclaration à l’appui de la tradition du pays qui condamnait le mariage d’un cadet avant l’aîné.

Sur ces entrefaites, Bondo fut demandé en mariage, un jour par la fille d’un très grand Seigneur de Cai-Riong, dans la province de Tchoung-Tehung. Logiquement, la demande ne pouvait être refusée : d’abord, parce que le parti était excellent, ensuite, parce que la conclusion d’un tel mariage allait rattacher la famille de An Bondo à une famille très honorable. En conséquence, les deux cousins furent mandés par leurs parents :

— « Mes enfants, leur dit le père, nous sommes en train de chercher des épouses dignes de vous, et nous avons déjà trouvé un très beau parti pour vous, Bondo. J’ai longtemps refléchi avant de prendre une décision. Je veux donc maintenant qu’on m’obéisse ! Quand à vous, Singdo, continua le père, malgré tout vous êtes encore très jeune. Nous vous trouverons bientôt une charmante épouse, et vous en serez content. En attendant allez, mon enfant, faire un tour dans la capitale. Je vous conseille de vous présenter au grand concours du mandarinat qui aura lieu à la fin du mois prochain. Le jour de la cérémonie nuptiale de Bondo est fixé au vingt-troisième jour de ce mois-ci. Le vingt-et-un nous partirons d’ici tous ensemble pour vous accompagner jusqu’à « Tchun-Ansan-Gry » puisque d’une façon ou d’une autre nous devons passer, nous aussi, par là pour nous rendre chez les parents de la fiancée.

Or, donc, le vingt et unième jour du quatrième mois de cette année-là, Bondo, le Seigneur An Kidon et Singdo partirent ensemble Le premier pour se marier, le second pour servir de témoin au mariage de son fils, et le troisième pour se rendre à Séoul, capitale de la Corée. Ils étaient escortés par une suite nombreuse.

Au coucher du soleil, ils atteignirent le carrefour « Tchun-Ansan-Gry », d’où Singdo devait prendre congé de son oncle et de son cousin.

Ce carrefour est certainement un des carrefours les plus intéressants et les plus anecdotiques de la Corée. Situé au milieu de la pittoresque plaine presque déserte de Jun-Jou, il donne naissance à toutes les grandes routes du Sud de la péninsule coréenne. Au surplus, il est le croisement même des routes de Séoul à la province de Kiung-Sang et de Tchoung-Tchung à la province de Jun-La. Tous les jours, une foule considérable des classes les plus diverses du pays passe par ce carrefour. De là tout voyageur se renseigne sur le chemin à parcourir pour atteindre la prochaine auberge, car après le carrefour Tchun-Ansan-Gry, il faut de longues heures de marche pour trouver un gîte. D’ailleurs il est rare que le voyageur ne s’arrête pas au moins une nuit dans quelque auberge aux environs de ce carrefour le beau paysage, les hôtels pittoresques qu’on y trouve et surtout la renommée de leur cuisine sont de nature à tenter les passants, généralement fatigués et ennuyés de leur long voyage. À l’époque où se place notre récit, il n’y avait, à ce carrefour, qu’une vingtaine de jolies chaumières, bordant les deux côtés de la route.

Le soleil venait de disparaître à l’horizon dans un ciel de feu, quand le Seigneur An Kidon et ses enfants abordèrent une grande auberge dont le nom à la fois simple et poétique « Maison-de-Campagne », plut à Bondo. C’était, à coup sûr, une des meilleures auberges de Tchun-Ansan-Gry. Son toit était fait de chaumes pointus et ses murs de pisé étaient couverts de plantes grimpantes. Un vaste bar que l’on transformait, la nuit venue, en dortoir pour les voyageurs peu fortunés, était rempli de clients. Par une porte-cochère, le seigneur An Kidon et sa suite entrèrent dans la cour qui était entourée de tous côtés par des bâtiments. Des chaises à porteurs et d’énormes malles toutes prêtes à partir étaient posées ça et là. Dans une écurie, à droite, plusieurs chevaux vigoureux mâchaient gloutonnement dans leurs mangeoires. Quelques domestiques affairés couraient dans la cour.

Le Seigneur An Kidon retint une chambre pour lui et une autre pour ses enfants, et envoya ses domestiques au dortoir en question.

Après un dîner plantureux, l’animation de la journée disparut soudain et une douce sérénité s’étendit sur toute l’auberge. Cependant la soirée était délicieuse. L’air que l’on respirait était léger et vivifiant. La brise qui répandait à cette heure crépusculaire le parfum délicat du gazon en fleurs annonçait joyeusement l’arrivée de la Reine de la nuit. Bondo, triste et silencieux, invita son cousin Singdo à aller faire un tour sur la terrasse. Là, tous deux bavardèrent longuement jusqu’à fort avant dans la nuit.

Le lendemain matin, au grand étonnement de tous, Bondo le fiancé avait disparu ! Vainement on le chercha partout, il était bien parti laissant tous ses effets nuptiaux, muni seulement de la valise de son cousin Singdo qui ne contenait que le nécessaire de voyage. Cette escapade s’expliquait aisément : Bondo désirait céder sa place à son malheureux cousin Sindgo.

Bien que désolé, le père tint pourtant à sauver l’honneur de sa famille. Le fiancé était attendu, dans l’après-midi de ce même jour devant l’autel sacré des ancêtres. Le Seigneur An Kidon appela donc son neveu Singdo et lui dit :

— « Vous voyez la situation ! Je vous ordonne de vous présenter chez la fiancée. Elle vous est destinée, le sort en est jeté ! Quant à moi, je vais retourner à la maison, c’est mon devoir… D’ailleurs vous comprendrez… »

An Singdo, malgré lui, se voyait obligé de se marier. Il partit donc seul suivi de quelques domestique pour Gai-Riong, dans la province de Tchoung-Tchung. Cependant dans sa chaise à porteurs, il pensa : « Je me marie contre mon gré, contre la volonté de tous, contre la coutume du pays, puisque je me marie avec la fiancée de mon cousin ! Mais que va-t-on dire, là-bas, chez la fiancée, en me voyant arriver sans témoin ?… » Il s’imaginait déjà entendre les commérages des vieilles femmes qui sont généralement nombreuses surtout dans les cérémonies nuptiales :

— « Il vient se marier, comme celà, tout seul ! Il n’a donc pas un parent, pas un ami, pas une connaissance quelconque pour lui servir de témoin !…

Soudain les résonnements confus des grelots d’un cheval, le tirèrent de sa torpeur. Et il vit, par la portière de sa chaise, un beau jeune homme à cheval qui venait à sa rencontre.

À la vue de ce jeune homme, il poussa un profond et heureux soupir de soulagement comme s’il était à bout de patience de l’attendre.. Et il trouva tout naturel de l’interpeller poliment sans savoir au juste pourquoi ni comment :

— « De grâce, Seigneur, êtes-vous pressé ? Puis-je savoir d’où vous venez et où vous allez ? »

— « Si cela vous fait tant plaisir, Seigneur, je viens de chez mes parents qui habitent dans la province de Tchoung-Tchung, et je vais à la province de Jun-La chez mon père qui en est le gouverneur. »

— « Seigneur, vous n’êtes donc pas un voyageur pressé. Rendez-moi un service dont je vous serais reconnaissant toute ma vie. Je viens de Kiun-Sang et je me rends chez ma fiancée pour mon mariage. Or une grave indisposition, tout à fait inattendue, ayant contraint mon père de garder le lit, je n’ai point de témoin pour m’accompagner. Ce fâcheux événement s’est produit si soudainement que je n’ai pas même eu le temps de choisir un ami pour remplacer mon père. Seigneur, si vous n’y voyez pas d’inconvénient, faites-moi la grâce de me servir de témoin ».

L’adolescent, d’un air fort amusé, accepta la proposition. Il fait faire à son cheval demi tour et suivit joyeusement la chaise à porteurs. Au début de l’après-midi, ils atteignirent la maison de la fiancée. An Singdo se présenta le plus naturellement du monde devant l’autel sacré de la cérémonie nuptiale et la journée se termina sans le moindre incident.

Le soir, après le dîner, An Singdo s’excusa auprès de ses hôtes pour aller rejoindre un moment son nouvel ami. Il le remercia, une fois de plus, d’avoir bien voulu lui servir de témoin. Et tout en conversant, ils bûrent abondamment jusqu’à une heure tardive…

Depuis longtemps minuit était passé et la nouvelle mariée attendait impatiemment son mari. Ses parents inquiets envoyèrent un laquais dans le salon des hommes pour voir de quoi il retournait. Celui-ci revint dire que le nouveau marié et l’hôte d’honneur dormaient profondément, sans doute à la suite d’une ample libation. Alors on lui ordonna de transporter le nouveau marié dans la chambre nuptiale. Le laquais s’exécuta. Il prit donc soigneusement dans ses bras le nouveau marié, un beau jeune homme de belle prestance et le déposa sur la couche qui lui était réservée. L’ami fut abandonné seul dans la pièce.

Le lendemain matin, à son réveil, le jeune hôte d’honneur constata à sa grande surprise que la pièce où il reposait n’était pas celle où il se trouvait la veille. Magnifiquement décorée, cette chambre ne pouvait qu’être une chambre nuptiale. Comme il se retournait sur sa moelleuse couchette, il se heurta à un corps étendu à ses côtés. Eh ! quoi ?!! qui était donc cette belle jeune fille couchée innocemment près de lui ? En se remémorant ce qui s’était passé la veille, il mesura toute l’erreur qui avait été commise inconsciemment. Après une toilette hâtive, il s’apprêtait pour quitter les lieux, quand la nouvelle mariée, réveillée brusquement, le retint en le prenant par la manche. Elle lui dit, toute effarée :

— « Seigneur, où allez-vous ? Votre agitation m’inquiète. Pourquoi mettez-vous tant d’empressement pour me quitter ? Que signifie ce visage hâve ? »

Le jeune homme, n’osant pas lever ses yeux, la mit au courant de toute la vérité.

— « Non, non, Seigneur, vous ne sortirez pas d’ici ! s’exclama-t-elle en éclatant en sanglots. Qu’importent les fiançailles et la cérémonie ! Vous êtes le premier homme que j’ai reçu dans ma chambre. Je suis perdue certainement si vous m’abandonnez… »

Pendant qu’une vive discussion se poursuivait dans cette étrange chambre nuptiale, An Singdo se réveilla, à moitié abruti par l’alcool. Il s’étonna d’abord de se trouver encore au salon. L’air floréal et doux qu’il respira avec volupté lui permit de reprendre nettement conscience.

— « Comment ! ne suis-je pas le nouveau marié ?… Ne devrais-je pas me trouver dans la chambre nuptiale ? Que signifie tout celà ?  !… Mais où est donc mon ami Yang-Tchun-Bal ? Serait-il déjà parti… »

Tout en se questionnant ainsi avec nervosité, An Singdo regardait sans cesse autour de lui et interrogeait les domestiques. Il comprit enfin la vérité. L’indignation s’empara de lui, mais il ne tarda pas à se calmer.

À vrai dire, An Singdo n’avait nullement le désir de se marier. Ce mariage, il ne l’avait accepté que pour se conformer à la volonté de son oncle. Il s’estimait à présent heureux d’avoir évité un acte en tous points en contradiction avec les traditions de son pays.

Il ne me reste, pensa-t-il, qu’à rassurer l’heureux jeune homme, puis à quitter le plus tôt possible cette maison ! »

Il était à cet endroit de ses pensées, quand, tout à coup, Yang-Tchun-Bal entra chez lui. Le visage pâle, les yeux humides et hagards il se tint coi, semblait attendre la sentence de An Singdo. Mais celui-ci d’un air souriant lui prit amicalement la main, et lui dit :

— « Mon cher, que voulez-vous ! Tout s’accomplit selon la volonté de Dieu. D’ailleurs vous n’êtes pas à plaindre Soyez digne de votre heureux sort. Quant à moi, je me contente du mien. N’ayant plus rien à faire dans cette maison, je vais m’en aller. Adieu, mon ami ! »

— « Ah ! ciel ! que tout cela est étrange, balbutia le jeune homme. La nouvelle mariée est obstinée, elle ne veut rien entendre ! Elle est résolue à mourir si je ne deviens pas son mari. Elle attend ma réponse. Vous êtes trop indulgent ! Condamnez-moi, bâtonnez-moi ! Quoi ! vous ne manifestez pas la moindre irritation à mon égard ! »

— « Je laisse faire le destin. Le fait est accompli. Montrez-vous digne de votre race ! » répliqua An Singdo d’une voix ferme.

Le jeune homme saisit vivement le bras de son ami. Puis après un long silence pendant lequel il fixa ses regards indécis sur le visage doux et triste de An Singdo, il reprit d’un ton résolu, en baissant la tête :

— « Ne serait-ce que pour vous obéir j’accepte ce mariage. Cependant vous n’ignorez pas la gravité de mon acte. C’est presque un crime non seulement envers l’honneur et envers vous, mais encore envers mes parents. Vous seul pouvez sauver ma situation. Je vous demande donc maintenant de me rendre un service : Soyez le témoin de mon mariage et accompagnez-nous jusque chez mes parents. »

— « Si ce n’est que celà, je me conforme à voire désir… »

Quelques jours après, An Singdo, monté sur un magnifique cheval accompagna le nouveau couple qui se rendit de Tchoung-Tchung à Jun-La, où habitaient les parents du nouveau marié. Après avoir passé par le carrefour Tchun-Ansan-Gry, ils arrivèrent à la nuit tombante au chef lieu de la province de Jun-La, chez le gouverneur qui était, comme nous l’avons vu plus haut, le père de Yang-Tchun-Bal.

Sitôt débarqué, ce dernier se prosterna devant son père et lui fit fidèlement le récit de son mariage. Le gouverneur manifesta d’abord une profonde indignation, puis fit venir An Singdo à qui il présenta ses excuses :

— « L’injure que vient de vous faire mon fils est impardonnable ! Vous vous êtes montré trop indulgent pour lui. Pour avoir sauvé l’honneur de ma famille, je vous dois une profonde reconnaissance… »

Après un moment de silence, il poursuivit d’un ton calme :

— « Il me vient une idée… j’aime mieux vous la dire tout de suite. J’ai une fille de dix-huit ans. On ne la prendrait sûrement pas pour une laide. Je me refuse à la juger sotte ou ignorante. Si le rang social de ma famille n’a rien qui déshonore le vôtre, je vous accorde avec grand plaisir la main de ma fille. »

Yang-Tchun-Bal approuvant avec joie la proposition de son père, engagea vivement son ami An Singdo à donner son consentement. Celui-ci accepta, après quelques mots de politesse, tout en remerciant le gouverneur de tout son cœur. On arrêta, sur le champ, la date du mariage et An Singdo se maria au milieu d’une fête grandiose.

Après un mois de lune de miel passé chez les parents et beaux-parents, les deux jeunes couples se préparèrent enfin à retourner chez eux avec leurs épouses. Le gouverneur se proposa de les accompagner jusqu’au carrefour Tchun-Ansan-Gry, qui était alors sous son administration. Ils arrivèrent en grande pompe à Tchun-Ansan-Gry, un jour vers le milieu de l’après-midi. Et ils descendirent à la « Maison de Campagne ». La présence du gouverneur dans ce petit village perdu au milieu de cette immense plaine créa une animation curieuse. Tout le monde voulant voir le magistrat s’arrêter devant la « Maison de campagne ». Ce jour-là le gouverneur commanda pour ses enfants un grand dîner auquel il convia quelques voyageurs de marque qui se trouvaient dans la même auberge. Le soir, alors que tous les convives étaient réunis dans une vaste pièce en attendant d’être servis, un laquais, tout essoufflé, vint annoncer qu’un grand Seigneur, le nouvel inspecteur du Royaume, arriverait de Séoul, et que quelques uns de ses laquais étaient déjà là avec les ordres formels de leur maître de préparer son repos dans l’auberge « Maison de Carmpagne ».

À l’annonce de cette nouvelle, le gouverneur fut plus désemparé que toutes les personnes présentes. Il avait appris pourtant depuis quelques jours la nomination d’un nouvel Inspecteur du Royaume, mais il n’attendait pas à le voir arriver de sitôt.

Un Inspecteur du Royaume de la Corée est un représentant direct du Roi, choisi par un concours extraordinaire du mandarinat. Muni d’un pouvoir exceptionnel quasi royal, il se rend sans prévenir personne sauf le Roi, pour contrôler les gouvernements provinciaux.

Le gouverneur donnait déjà des ordres pour faire évacuer la pièce la plus belle de l’auberge, quand tout à coup la chaise seigneuriale de l’Inspecteur entra dans la cour illuminée en l’honneur du gouverneur.

À la vue de l’Inspecteur Royal, un jeune homme au teint fleuri, tout le monde se prosterna. Cependant An Singdo ne se prosterna pas, malgré les invitations pressantes de son beau-père de se prosterner. Il fixa ses regards interrogateurs sur le visage de l’Inspecteur qui, lui aussi, s’arrêta brusquement, tout surpris, au seuil de la chambre pour regarder celui qui ne se prosternait pas. Soudain, un émouvant cri de joie attira l’attention de tous. Ils virent les deux jeunes hommes, l’Inspecteur et le gendre du gouverneur, s’embrasser. An Singdo présenta ensuite à tous ses compagnons, son cousin An Bondo qui venait d’être nommé Inspecteur Royal, au récent concours du mandarinat. Gaîment, on se mit aussitôt à table. Durant tout le repas An Singdo les larmes de joie aux yeux, fit fidèlement le récit de toutes les péripéties qui avaient précédé son mariage. Tous les convives avaient, eux-aussi, les larmes de joie aux yeux, et admiraient la belle conduite de ces deux jeunes hommes, tout en rendant grâce à la bonté clairvoyante de Dieu.

— « Le carrefour Tchun-Ansan-Gry, dit tout à coup Bondo, l’Inspecteur Royal, d’une voix émue, est pour moi un lieu désormais inoubliable. Je vous propose d’y laisser un souvenir commun ».

— « Seigneur, le saule pleureur est une célébrité de Tchun-Ansan-Gry, dit le gouverneur. Plantons des saules au point de départ des quatre directions. »

Le lendemain matin, avant de se séparer, Bondo, l’Inspecteur Royal, planta un saule dans la direction de Séoul, le gouverneur dans celle de Jun-la, An Singdo dans la direction de Kiung-Sang, et enfin Yang-Tchun-Bal dans celle de Tchoung-Tchung.

Ces saules pleureurs, par la suite, furent la source féconde du lyrisme de beaucoup de poètes et de chansonniers coréens qui vinrent s’abriter sous leurs ombres douces.