Monographie de l’abbaye de Fontenay/2-43

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Librairie Saint-Joseph (p. 207-213).

43e abbé
9e abbé commendataire

Charles Ferrières de Sauvebeuf

Son oncle, Charles d’Escars, évêque de Langres et commendataire de Fontenay, ayant donné sa démission, fut remplacé à Bèze et à Fontenay par son neveu, Charles de Sauvebeuf, seulement de 13 ans. Sa jeunesse ne lui permettant pas d’administrer par lui-même ses commendes, il confia à son père le soin de les gérer. Cet abbé était proche parent de Anne Thérèse Ferrières de Sauvebeuf, marquise de Vasson, aïeule maternelle du célèbre comte de Mirabeau, né le 19 mars 1749, au château de Bignon-Loiret[1].

Dans la longue série des abbés, il n’y en a pas un seul qui ait administré aussi longtemps, de 1614 à 1679, soixante-cinq ans. Pendant qu’il était abbé de Bèze, il vit cette abbaye ruinée de fond en comble par Galas. Elle se releva en 1663 en se réunissant à Saint-Maur de Paris. Il n’était pas bon pour ses religieux. Sous prétexte de guerres, de gelée, des ravages exercés par les Lansquenets logés à Bèze, il voulait diminuer d’un tiers la pitance des religieux, mais sur leurs réclamations, le bailly de Langres le condamna à la leur donner comme auparavant[2]. Il apporta la même dureté avare à Fontenay. Disposant à son gré de tous les revenus, il donnait aux moines qui y résidaient ce qui lui plaisait. Assez mal entretenus, ils demandent un partage plus équitable, mais l’intérêt de l’abbé repousse cette demande cependant bien juste[3].

Il habite rarement son abbaye. Les actes sont signés des Prieurs, des Cellériers, Dom Gillel, Dom Guenichon, des Thevenin, et de Jean Nadaut, son homme de chambre[4].

Durant son absence tout souffre, tout est négligé. Les bâtiments exigent des réparations urgentes. Pour ne pas les faire, il les rase, détruit la plus belle salle de Bourgogne, la grande infirmerie, où il y avait une chapelle des morts, et démolit encore d’autres constructions malgré l’opposition des moines. Il n’y a pas eu d’administration aussi remplie que la sienne, mais pas toujours à l’avantage de Fontenay[5].

En 1614, il amodie la terre de Saint-Remy, afin que les revenus soient employés à réparer le château qui avait été brûlé en 1588. Il amène dans la cour la fontaine du village. En 1623, par Jarris son procureur, il amodie tous ses revenus temporels à Jean Blaisot, grènetier pour le roi au magasin de Montbard et à Jean Fillette, greffier aussi à Montbard. Dans l’acte, il réserve vingt livres tournois pour une messe à l’intention d’une demoiselle de Sauvebeuf, décédée[6].

En 1626, pour réparer les grandissimes ruines occasionnées au moulin, et au foulon de Choiseau, il fait annoncer par Sébastien Magnien, sergent du couvent, la location de ces usines. Elle fut tranchée en faveur d’un Bertbier pour trois Vies, au prix de 17 setiers, tiers froment, tiers seigle, et tiers avoine ; 17 boisseaux par setier, et trente-six livres tournois chaque année. Pour le vin l’amodiateur doit donner à l’abbé 200 livres, et 28 au prieur et aux moines pour être employés de suite aux bâtiments qui avaient beaucoup souffert pendant les guerres 1589-1597[7].

De Sauvebeuf, en 1632, soutint un procès contre Pierre de Damas, seigneur du Fain, sire de Marande, pour le droit de haute justice sur le Pressoir. Un Mathieu de Montbard avait été tué au Pressoir par un homme de Fresnes. Pierre de Damas prétendait avoir le droit d’évoquer cette affaire à son tribunal, sans doute parce que le Pressoir avait été donné autrefois par Béatrix du Fain. Sa prétention injuste ne fut pas acceptée, et l’abbé fut maintenu dans son droit[8].

En 1641, un sieur Paupie de Lucenay, commensal du roi, amodiateur des terres du couvent avait, à l’insu de l’abbé et contrairement aux conventions du bail, converti en étang 13 arpents de prés à Vadenay. L’abbé réclama, mais l’éloquence de Paupie prouva qu’il avait agi ainsi dans l’intérêt de l’abbaye ; sa parole fut acceptée ; il dut en compensation donner chaque année six sous et six des plus belles carpes chaque fois que l’étang serait péché. Pendant 29 ans, sous et carpes ne furent pas donnés, et le procès occasionné par cette omission volontaire fut terminé par Jacob Lemulier de Semur sous l’abbé suivant[9].

Les habitants de Fontaines et des Morots ne voulant pas ou ne pouvant pas payer les 24 setiers qu’ils devaient, parce que plusieurs des amodiateurs qui étaient solidaires, avaient laissé leurs terres incultes demandent à changer cette redevance en tierce de 15 gerbes l’une de toute graine. Cette proposition est acceptée dans l’intérêt du couvent et des habitants. L’année suivante, ces amodiateurs trouvant ces conditions encore trop lourdes proposent de changer les terres tierçables en cens plus léger. Cette demande est encore admise. Avec cette mauvaise foi d’un côté, cette faiblesse de l’autre ; quel revenu les 885 journaux des Morots pouvaient-ils procurer au couvent[10] ?

Bornot, curé de Fontaines avait dépensé à la chapelle Sainte-Anne des Morots, 50 livres ; les habitants ne voulaient pas les lui rendre ; sur le conseil de Sauvebeuf, les 50 livres seront rendues, le curé ira dans la suite aux Morots pour y faire les mariages, la levée du corps des grands et petits, et l’abbé lui donnera, comme gros décimateur, chaque année un quart d’arpent de bois dans le Vaux[11].

Un Pierre de Fresnes, ex-moine à Fontenay en 1662, répare la chapelle de Saint-Bernard près de la fontaine la Racherie, y fait célébrer une grand’messe pour accorder une indulgence plénière qu’il avait obtenue du Pape. Il y eut une grande affluence de population. L’officiant était Antoine Legros, abbé de Marcilly-lès-Avallon ; le Diacre, Dom Jacques de Moutiers-Saint-Jean et le sous-diacre, Dom Bénigne de la Plante de Saint-Étieune de Dijon. Nicolas de Lessalot, doyen du mépart de Montbard, y fit une très belle instruction, qui fut très applaudie[12].

À la demande de l’abbé de Sauvebeuf, Louis XIV en 1660 commande à ses huissiers de forcer tous les débiteurs de Fontenay de payer ce qu’ils devaient. Quand la somme était de 50 livres, elle devait être versée à Dijon ; si elle était inférieure à ce chiffre, les débiteurs étaient soumis à la justice locale. Cette ordonnance royale lit rendre à Tonnerre plusieurs propriétés usurpées depuis quelques années et cultivées sans payer de redevances[13].

En 1642, Jean Lebeau, couvreur à Fontenay, achète de Philibert Épry de Marmagne un journal à la combe Saint-Laurent ; un Jacob, un Thévenin, domestiques à Fontenay, cèdent au couvent les journaux dans la même combe et un journal à la Fontaine-Ferrée[14].

Au nom de Sauvebeut, Dom Paget, cellérier, reçoit d’une dame Reine Renard de Montbard, 90 livres pour avoir une messe de Requiem avec vigiles la veille, mais au maître-autel ; de Charles Sordoillet, joueur d’instruments, sa maison proche la chapelle de Saint-Jean pour deux services à trois grand’messes ; de Sébastien Magnien, leur sergent, un champ de la Chardonnière près l’étang du côté de la combe Belle-fin[15].

En 1662, de Sauvebeuf accorde aux habitants de Poiseul-la-Grange la permission de cuire où ils voudront, à condition que chaque famille donnera une mesure d’avoine. Quatre ans plus tard, il abandonna aux mêmes habitants la possession de l’église, à condition qu’ils en supporteront toutes les charges et qu’ils poseront au chœur une plaque commémorative de cette concession avec les noms de l’abbé et des religieux de Fontenay[16].

Cette même année, de Sauvebeuf signa la prise de possession de Agnès de Rouvres comme abbesse de Rougemont[17].

Quoique les moines fussent moins nombreux, l’abbaye avait encore une grande influence morale. Ses abbés, ses prieurs étaient députés aux États de Bourgogne. Dés 1618, frère Antoine en faisait partie ; en 1622, Dom Claude Vaussin ; en 1632, en 1645, sa nomination continue. Dom Gauthier de Clairvaux, vicaire-général de Sauvebeuf, en 1650, et Dom Jouvenet, prieur en 1653.

Sous l’abbé de Sauvebeuf, Du Hamel a été prieur de Fontenay.

De Sauvebeuf était en même temps abbé de Saint-Amand, de Chelle dans le diocèse de Sarlat. Il mourut à Paris, après avoir été abbé commendataire 65 ans, ayant été nommé à 13 ans.

  1. Courtépée, 48 vol. 712. — Chron. de Langres, Vign. 216.
  2. Courtépée, Art. Bèze. — Roussel. Art. Bèze.
  3. Cahiers de visites aux archives de Dijon.
  4. Cartulaires de Font. Tonn. Marm. passim. Montb. 3l,
  5. Manuscrits de Châtil. Documents sur Font.
  6. Cart. de Font. 140.
  7. Cart. de Marm. 252.
  8. Cart. du Fain. 225.
  9. Cart. de Marm. 275.
  10. Cart. de Marm. 235.
  11. Cart. de Marm. 148.
  12. Cart de Font. 138.
  13. Cart de Font. 142.
  14. Cart. de Marm. 20.
  15. Cart. de Marm. 189.
  16. Manus. de Châtill. — Ridet.
  17. Roussel et Rougemont.