Montyon intendant de province - L’Intendance d’Auvergne (1767-1771)

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Montyon intendant de province – L’intendance d’Auvergne (1767-1771) [1]
Louis Guimbaud

Revue des Deux Mondes tome 51, 1909
MONTYON
INTENDANT DE PROVINCE

L’INTENDANCE D’AUVERGNE (1767-1771)[2]

En 1767, continuant de courir la carrière ouverte aux maîtres des requêtes, Montyon devint intendant de province. Il comptait alors trente-quatre ans. Magistrat, il s’était fait remarquer, dans deux ou trois circonstances notoires, par de louables velléités d’indépendance ; courtisan et bel esprit, il s’était mis avec succès au ton du siècle, et, s’il n’avait pas épuisé ce que ses contemporains nommaient la coupe des voluptés, il en avait du moins goûté le fond d’amertume… Pour cet homme distingué, un peu déçu, mais par-là même affermi, le moment semblait donc venu de donner toute sa mesure.

Montyon l’entendit bien ainsi ; la période de sa vie qui s’étend de 1767 à 1771 est celle où il affirmera, avec le plus d’énergie et de suite, un mérite volontairement personnel, une vertu qui ne se contente pas d’être la vertu, mais qui s’efforce encore de paraître originale. Et lui-même confessera plus tard que le moment où il fut le plus près de connaître l’exaltation et l’enthousiasme, fut le jour où il reçut sa commission d’ « intendant et commissaire de parti en la généralité de Riom. »


I

On sait quelles étaient à l’origine les fonctions et les prérogatives des intendans ; on se rappelle qu’envoyés dans les provinces pour y combattre la puissance de l’aristocratie féodale, ils avaient mandat de substituer progressivement à la police, à l’administration et même à la justice des nobles, la police, l’administration et la justice du Roi. Au milieu du XVIIIe siècle, l’œuvre ainsi entreprise était presque complètement achevée. La noblesse avait oublié ses devoirs féodaux et perdu, dans la plupart des cas, l’habitude de la résidence ; elle n’avait conservé que des droits, qu’elle exerçait par l’intermédiaire de régisseurs et de fermiers. Du même coup, elle avait fait la part belle à l’intendant, duquel partaient désormais toutes les initiatives, auquel remontaient toutes les responsabilités et dont l’activité était, pour ainsi dire, sans limites : c’est lui qui présidait aux travaux les plus importans de l’administration, tels que la répartition de l’impôt, la construction des routes, le ravitaillement et le logement des troupes ; c’est lui aussi qui descendait jusqu’aux plus petits détails de l’assistance publique ou de l’économie rurale, et qui était maître de ce que nous appelons maintenant les libertés individuelles ou communales : point de paroisse qui pût engager la moindre dépense sans l’aveu de Monseigneur, point de rôdeur qui pût être arrêté ou secouru, — et quelquefois les deux ensemble, — sans un ordre de Monseigneur, point d’animaux même dont on eût voulu combattre les maladies ou améliorer la race, si Monseigneur n’avait pris au préalable le soin de commettre un vétérinaire, de payer les remèdes, de répandre les recettes d’élevage, les conseils empiriques, et les encouragemens officiels…

Ce pouvoir absolu et si étendu se trouvait un peu borné et diminué dans les pays d’Etats ; mais tel n’était pas le cas de l’Auvergne, dont les Etats avaient cessé de se réunira partir de 1651, et qui avait perdu jusqu’à son nom d’ancienne province pour devenir purement et simplement « la généralité de Riom. » Celle-ci comprenait le territoire des deux départemens actuels du Puy-de-Dôme et du Cantal, avec une fraction de la Haute-Loire ; elle se divisait en sept élections qui forment maintenant les arrondissemens de Riom, Clermont, Brioude, Mauriac, Aurillac, Saint-Flour et Issoire. On voit par-là quelles pouvaient être sa valeur et son importance économiques : alors comme aujourd’hui, des monts du Forez et de la Margeride jusqu’au pied des Dômes, la Limagne étendait sa courbe grasse et pleine et semblait un verger luxuriant, enclos entre des murs de lave ; alors comme aujourd’hui, les mûriers fleurissaient au bas des pentes neigeuses, cependant que la vigne puisait une sève plus chaude jusque dans l’ancienne coulée des volcans endormis. Mais, faute de communications et d’une mise en valeur habile, la plupart de ces richesses restaient ignorées ; quelques hommes de Cour étaient allés prendre « les eaux du Mont d’Or » et connaissaient de l’Auvergne tout ce qu’on peut entrevoir à travers les glaces d’une berline ; d’autres, ayant lu le Mercure ou la Gazette, savaient que la terre défendue par Vercingétorix et chantée par Ausone, était aussi la patrie de la bête du Gévaudan ; tous tenaient qu’elle formait une contrée lointaine et pauvre, abandonnée aux élémens, aux animaux de proie et aux trop fameux paysans, qu’avait décrits La Bruyère.

Par certains côtés, ces idées avaient gagné le ministère et les bureaux, où l’on divisait ordinairement les provinces en trois catégories : les provinces frontières, toujours occupées par la guerre de siège, le passage des troupes, la conclusion des traités, et dans lesquelles l’intendant devait être à la fois un administrateur, un fourrier des armées, et un diplomate ; les provinces commerçantes, ornées de grands ports maritimes et de grandes villes industrielles où la fiscalité royale trouvait à s’exercer ; enfin, les provinces peu fertiles, qui n’étaient d’aucun secours à l’État et menaçaient plutôt de devenir pour lui un embarras et une charge… L’Auvergne, le Limousin comptaient parmi ces territoires décriés ; mais tandis que Turgot, dès longtemps passé maître en l’art de la réclame, avait un peu tiré le Limousin de l’obscurité, ni M. de Balainvilliers, durant une magistrature de vingt années, ni M. da Fortia, durant une apparition de vingt mois, n’étaient parvenus à sauver l’Auvergne du mépris ; dès qu’il y fut nommé, Montyon reçut de ses amis des félicitations qui ressemblaient à des condoléances ; et, dans le ministère, on lui rappela sur un ton condescendant, qu’il allait occuper un poste de début, où la modestie était, pour ainsi dire, de commande, où la sagesse consistait à éviter l’éclat, le zèle indiscret, la vertu bruyante, où l’intendant, en un mot, devait choisir et garder pour maxime la devise des préfets heureux : point d’histoires.

Ainsi qu’on le devine aisément, ce rôle d’enfant perdu de l’administration ne fut pas du goût de Montyon ; après avoir accepté, avec enthousiasme, l’avancement qu’on lui offrait, il se mit, sans découragement, sur le pied d’un homme qui ne borne pas son activité au rôle de consolateur officiel et distributeur de charités ; il s’attacha à transformer véritablement du tout au tout la province que jusqu’à présent on avait simplement songé à secourir. Un dessein aussi hardi supposait le courage et l’habileté de résister tour à tour aux ministres, à la noblesse, aux « communautés, » au peuple lui-même. C’est par les ministres que Montyon commença.

Le contrôleur général de l’époque se nommait Laverdy, ou de Laverdy, ou encore L’Averdy, suivant le soin et la manière que l’on prenait de l’anoblir. Ancien conseiller au Parlement, il s’était enfoncé dans le parti de Choiseul ; il y passait pour un homme juste, sinon avisé ; le parti adverse le traitait couramment de janséniste, voire de républicain[3]. Montyon, toujours indépendant, a tourné vers lui cette pointe : « Le mérite de M. Laverdy auprès de M. le duc de Choiseul fut d’avoir, dans le parlement, attaqué vigoureusement les jésuites dont ce ministre provoquait la destruction ; mais on peut haïr les jésuites, les injurier, même les calomnier, sans avoir les qualités d’un grand ministre, et M. Laverdy le prouva[4]. »

Il le prouva d’abord en reprenant à son compte une des mesures les plus impopulaires du règne de Louis XIV, le renfermement des mendians. On sait en quoi consistait cet expédient, intermédiaire entre l’assistance et la police : quand la misère était grande et que le nombre des claque-dents semblait dangereux pour la paix publique, on les enfermait dans quelque prison, où la faim, le froid et la maladie les décimaient. Après quelque temps, il fallait bien relâcher ceux qui avaient supporté l’épreuve ; mais, sans ressources, sans attaches familiales, sans métier avouable, ils redevenaient vagabonds comme devant, et rien n’était changé. Voici pourtant les ordres que reçurent du contrôleur général, le 25 novembre 1767[5], tous les intendans de province : « Des dépôts de mendicité seront créés dans toutes les élections, à raison de un au moins par élection. La maréchaussée aura la charge d’y conduire les mendians notoires. » L’intendant prendra le soin de les nourrir de riz, pain et légume. Encore ne faudra-t-il pas que la dépense excède 3 sols et demi par jour et par tête, et que le pain soit trop bien préparé… « Le pain des mendians doit être inférieur à celui des soldats ; il serait dangereux d’établir aucune espèce de similitude entre des citoyens qui doivent faire la gloire de l’Etat et des gens qui en sont l’opprobre. » Cette niaiserie solennelle n’eut pas, semble-t-il, le don d’émouvoir Montyon. Il était encore à Paris, et gouvernait sa généralité par l’intermédiaire de son premier commis M. Jaoul ; il chargea celui-ci de préparer les dépôts existans, de chercher des locaux pour les dépôts nouveaux, et d’embaucher des concierges qui fussent à la fois geôliers et cuisiniers, également versés dans la connaissance des écrous et l’art de préparer le riz aux légumes. La lenteur inhérente aux choses administratives s’en mêla un peu. Si bien qu’au mois de février 1768, le renfermement n’était pas encore commencé[6].

Montyon reçut alors de Laverdy certaine lettre plutôt désagréable. « Il est instant, lui disait-on, que vous vous mettiez en état de recevoir les ordres qui doivent être donnés pour la capture des mendians et vagabonds. Si vous tardiez plus longtemps vous sentez bien que tous ceux que l’on chassera des autres généralités reflueront dans la vôtre[7]. » L’intendant d’Auvergne ne bougea pas : il se contenta de répondre respectueusement, qu’il ne connaissait pas encore assez sa généralité pour renseigner par lui-même M. le contrôleur général, et il attendit, avec sérénité, la réalisation des maux prédits par ce ministre. Malheureusement, soit qu’ils vinssent, en effet, des autres généralités, soit qu’ils fussent autochtones et proprement Auvergnats, les mendians désolaient l’Auvergne. On en trouvait partout, sous le porche des églises, au seuil des hôpitaux, des couvens, et des auberges, dans les foires et marchés, ou bonnement le long des chemins[8]. On en connaissait de sédentaires et de nomades, de valides et d’impotens ; il y en avait d’industrieux, « dont le métier était de faire des pèlerinages pour les uns et les autres[9], » il y en avait de fantaisistes, « venus en Auvergne pour prendre les bains du Mont d’Or[10] ; » il y en avait d’humeur folle chez lesquels on pouvait « regarder la mendicité comme une passion difficile à corriger[11] ; » il y en avait même de pauvres… Mais la plupart semblaient des professionnels invétérés, tel, par exemple, ce Pierre Goualle, du lieu de Goualle, paroisse de Trézioux, qui a femme et quatre enfans, dont le plus âgé n’a que sept ans, et qui « possède de son chef vingt quartonnées de terre, deux œuvres de vigne, six coupées de chenevière, une petite maison et un jardin[12], » — ou tel encore cet « autre que l’on trouve nanti de 260 livres[13]. » « Pour peu que cela continue, écrit à l’intendant M. Mignot, subdélégué de Thiers, la paroisse de Domaise et quelques autres fourniront une pépinière de mendians à inonder le royaume : à peine y sont-ils sortis de la coquille, que les enfans y reçoivent des leçons, pour n’être pas à charge à leurs familles[14]. »

Du coup Montyon connut qu’il lui fallait agir et faire donner la maréchaussée ; mais il y mit tant de précaution, tant de scrupule, tant d’humanité, qu’à chaque instant nous allons le trouver préoccupé de ruiner son propre ouvrage, de réparer les cruautés dont il sera l’involontaire auteur, et d’entr’ouvrir les portes qu’il aura fermées. À Riom, 74 mendians sont amenés par les gens d’armes ; 39 seulement sont retenus et renfermés ; bientôt, au fond de leur commune geôle, « une femme paraît avoir le principe du scorbut, » cependant qu’une maladie « que l’on caractérise du nom’ de peste » se manifeste parmi les autres. Montyon dépêche aussitôt un médecin, envoie des remèdes, et déplore l’impossibilité où il se trouve de visiter lui-même les malades prisonniers. À Saint-Flour, M. Chirol, procureur du Roi et lieutenant de la maréchaussée, manifeste un zèle quelque peu excessif et veut condamner aux galères « tous les mendians robustes ou capables de travailler[15]. » Montyon l’arrête d’un mot : « La santé, ni la force dont jouit un mendiant ne sont pas des raisons pour le condamner aux galères[16], » et, dans le même temps, il mande à tous les subdélégués d’occuper les renfermés, de « faire couper du chanvre aux hommes et filer du lin aux femmes. » Puis, au printemps, il accourt dans sa généralité ; tout paraît y convier les hommes à la liberté et à la vie facile : l’herbe onduleuse des blés, la vigne en fleurs annoncent l’abondance des moissons et des vendanges prochaines ; parfumée et diaprée, la Limagne semble un paradis, où il y aurait autant d’élus que d’appelés. Montyon entend cette leçon des choses. Il manifeste son désir de ne conserver dans les dépôts que les vagabonds dangereux, « ceux qui mettent perpétuellement le laboureur à contribution ; » sous prétexte de favoriser la fauchaison, et moyennant la promesse faite par les parens des renfermés de leur procurer du travail, il multiplie les élargissemens et ferme les yeux sur les évasions[17]. Enfin, le voilà qui harcèle ses subdélégués, ses commis et généralement tous ceux dont il redoute les sévérités maladroites ; au mois de mai 1760, on lui a présenté la liste des mendians détenus dans chaque élection ; après examen, et sans retard, il marque à Lambert, son nouveau premier commis : « Les six premiers mendians compris dans l’état du dépôt de Saint-Flour y sont depuis trop longtemps ; écrire pour en savoir les raisons ; ne pas manquer de les relâcher au moment de la moisson[18]. » Un peu plus tard, le 9 septembre, Louis Pissis, exempt de la maréchaussée à la résidence de Brioude, « ayant fait rencontre, dans ladite ville, d’un quidam se disant frère de l’ordre de Sainte-Camille, paroisse de Saint-Laurent en Piémont, âgé de soixante-huit ans, possédant un âne et une besace, et faisant la quête comme religieux[19], » — l’arrête, saisit ses papiers et l’envoie en prison. Montyon voudrait bien élargir ce digne quêteur et son âne ; mais, vu leur qualité d’étrangers, il est contraint d’en référer à M. de Choiseul qui ne répond pas. Si bien que, le 3 novembre, le frère Nicolas continue de marmonner et gémir dans Brioude, au fond d’une cellule assurément fort monastique, mais peut-être un peu étroite, au gré de son esprit aventureux. « Je viens rappeler à Votre Grandeur, » écrit M. Gueynier, subdélégué à Brioude, « qu’un soi-disant ermite est détenu depuis près de trois mois dans les prisons de cette ville. Son sort me paraît digne de pitié, s’il n’est coupable d’aucun crime. » Et aussitôt Montyon décide de tenter une démarche personnelle auprès de Choiseul ; ayant persuadé le ministre, il revient en Auvergne avec l’ordre de lever l’écrou ; sa joie est si grande, il la contient si mal qu’on croirait voir passer le sauveur de la province[20].

Dans le moment où il réussissait ainsi à diminuer le nombre des renfermés, Montyon s’efforçait, par voie de conséquence, de favoriser la création ou le développement des manufactures auvergnates ; la verrerie, le tissage et la peinture des toiles, l’industrie de la soie, les pépinières[21], recevaient, grâce à lui, l’approbation et les encouragemens officiels. Mais ce qui leur manquait encore, c’étaient les débouchés, ou plutôt les voies de communication qui permettent d’y parvenir. Dès longtemps, Montyon avait recueilli là-dessus les enseignemens du grand Trudaine et connu l’importance de ce facteur économique, que nous appelons aujourd’hui la route, et qu’il appelait bonnement le chemin. « La facilité des communications, disait-il, forme un peuple nouveau, et les chemins servent au bonheur de l’homme. Ils servent à la propagation des lumières ; sous différens aspects, ils servent enfin la richesse ; tant qu’il n’existe pas de communications, chaque pays n’est riche que de sa propre richesse, et certaines contrées sont pauvres, au milieu de la richesse générale[22]. »

Partant de ces principes, l’intendant d’Auvergne nourrissait et avouait le désir de percer à travers ce pays, en apparence impraticable, un réseau de routes, rattachant, d’un côté, la Limagne, à toute la région industrielle du Forez et du Velay, de l’autre côté, la Basse-Auvergne, productive de céréales, de vins et de fruits, à la Haute-Auvergne, susceptible de pratiquer l’élevage Par une rencontre singulière, ce fut un malheur public, la célèbre disette de 1770, qui lui permit de réaliser en partie cet ambitieux projet.

La récolte de 1769 avait été mauvaise[23] ; en plein été, dès le 31 août, les officiers municipaux d’Aurillac avaient demandé que l’intendant « eût égard à la disette du bailliage, quand il viendrait faire le département des tailles. » Depuis, les causes de misère s’étaient multipliées et l’hiver rigoureux de 1770 venait d’ôter aux paysans jusqu’à l’espérance d’un sort meilleur. Les blés d’hiver étaient détruits par la gelée, qui empêchait de semer ceux de mars ; toutes les racines, telles que carottes, et navets, avaient subi l’atteinte du froid, les fourrages manquaient, et les bestiaux périssaient faute de nourriture.

En vain, le fameux édit de 1764 concernant la liberté du commerce des grains était-il appliqué dans la généralité de Riom. Personne ne songeait à approvisionner des marchés plus ou moins inaccessibles et sur lesquels l’argent se faisait très rare ; aux yeux de bien des gens, la disette, presque générale en France, semblait d’ailleurs convenir à ce pays d’Auvergne dont nous avons déjà noté qu’il passait pour un des plus pauvres du royaume. Vers le mois de mars 1770, les plaintes commencèrent à grossir le courrier de l’Intendance : « La misère augmente journellement par la cherté et la rareté du grain, écrit M. Pages de Vixouses, subdélégué à Aurillac ; la multitude des pauvres qui viennent de la campagne fait une surcharge pour la ville… Le mauvais temps achève de mettre la désolation dans le pays, nos montagnes sont encore couvertes de neige. » M. de Mallesaigne, subdélégué à Bort, affirme qu’ « il n’est pas un grenier public, ni un particulier, si riche soit-il, qui ait du blé. » M. de Montluc, subdélégué à Saint-Flour, mande qu’il y a « dans la partie de Pierrefort plusieurs gentilshommes pauvres qui souffrent de la disette et risquent de périr de misère, eux et leurs familles. » M. Tournemire, subdélégué à Mauriac, fournit l’état des personnes admises au dépôt de mendicité ; lamentable relevé : il y a là, pour un tout petit pays, 29 indigens, dont 4 ayant plus de soixante ans, 4 de quarante à soixante ans, 3 de vingt ans à quarante : les autres sont des enfans abandonnés, dont l’âge varie entre trois et dix-sept ans ; et, au regard du nom de chacun d’eux, figure la mention : n’a que sa mère, qui est hors d’état de le faire subsister.

Puis, viennent les avertissemens officieux et les doléances privées ; un particulier, M. Mionet, écrit, de Thiers, le 1er juillet : « La plupart des petits habitans épuisés sont réduits à mesurer leur pain par onces ; d’autres y suppléent par des alimens qui ne sont faits que pour les animaux. » Un certain chevalier de Menson mande, le 12 juillet, que, dans la paroisse de Combraille, les hommes ont émigré, « laissant mourir les femmes et les enfans chez eux. » De Riom, le 2 juillet, de Lezoux, le 3, de Serpezet, le 11, on annonce de lugubres trouvailles : vieillard assassiné pour quelques sous, loqueteux morts le long du chemin, petit enfant délaissé au coin du carrefour ; — la maladie et la contagion s’en mêlent et viennent frapper ceux que la faim a laissés debout ; à Blanzat, à Clermont, à Lezoux, à Auvers, à Murat, des épidémies éclatent que les médecins décorent de noms savans ; mais tous les subdélégués notent que les victimes sont « accablées par l’extrême indigence, plutôt que par la réelle maladie, » et l’un d’eux parle de délivrance là où ses collègues sollicitent des secours en argent et des « tablettes de bouillon. »

Montyon n’avait pas attendu ces cris de détresse pour implorer la charité ministérielle ; il s’était d’abord adressé à son neveu, M. Maynon Dinvau[24], qui remplaça M. Laverdy au contrôle général. Malheureusement, M. Maynon Dinvau avait beaucoup médité sur les questions de l’économie politique et se préoccupait, avant tout, de mériter une place brillante parmi les adeptes de Turgot ; c’était proprement ce que nous appellerions aujourd’hui un économiste distingué. A ces provinciaux qui avaient faim, il résolut de rappeler quelques principes substantiels, et il répondit : « Ce n’est que de la liberté et de la concurrence du commerce que les villes qui peuvent craindre la disette doivent attendre des secours. Elles doivent appeler et encourager le commerce, en lui allouant des gratifications qui puissent déterminer les négocians à apporter les grains. » Montyon ne se tint pas pour battu ; il répliqua le 20 novembre 1769 et rédigea lui-même la minute de la lettre : « Monsieur, dit-il, permettez-moi de vous observer, qu’en Auvergne, il y a peu de négocians qui méritent ce nom, qu’il y a encore moins de villes qui puissent donner des gratifications, et que, malgré la liberté établie dans le commerce des grains, de malheureux paysans meurent de faim, si l’on ne daigne venir à leur secours. Je sens qu’il pourrait y avoir inconvénient à faire, pour le compte du gouvernement, des dons de grain, dont la répartition dérangerait les spéculations du commerce ; mais il serait à désirer que l’on voulût bien faire distribuer aux sujets indigens quelques grains qui ne sont point un objet ordinaire de commerce, du riz par exemple. » En même temps, il adressait au sieur Doumère, négociant, rue Neuve-Saint-Eus tache, à Paris, un questionnaire sur le riz, son prix, ses qualités nutritives, son mode de rationnement ; le sieur Doumère répondit qu’« on donnait, dans l’Inde, huit onces de riz à la viande pour nourrir un homme, et une livre, lorsque le riz n’est qu’à l’eau. » Mais M. Maynon Dinvau ne répondit » pas, et ce fut seulement de son successeur, l’abbé Terray ; que Montyon obtint, le 4 janvier 1770, l’allocation d’une certaine quantité de riz.

Aussitôt commence une nouvelle série de difficultés : on devait amener le riz en Auvergne, en le faisant naviguer sur l’Allier, et les paysans étaient tenus de le venir prendre au débarquement, avec leurs voitures. Mais la plupart d’entre eux ne possédaient pas de voiture ; d’autres n’avaient plus d’attelage ; ceux-ci étaient empêchés de faire cent pas par le mauvais état des chemins ; ceux-là s’entêtaient à refuser un aliment dont ils n’avaient jamais goûté, et auquel ils préféraient délibérément « du pain de son ou des écorces d’arbres. »

C’est alors que Montyon conçut l’idée d’employer ces pauvres gens, d’intelligence confuse et de volonté désemparée, à quelque travail facile qui leur rapportât de quoi vivre à leur accoutumée, et qui les tirât de leur sombre inaction, tout en profitant au bien public. Voici comment il résumait lui-même le plan qu’il avait formé.

« J’ai cru devoir, dit-il, partir de ce principe que le Roi n’était ni assez riche, ni assez puissant, pour secourir la multitude immense des indigens ; j’ai donc distingué les pauvres en valides et en invalides. Aux invalides, j’ai assuré la subsistance par le moyen de distributions de grains et principalement de riz ; aux valides, j’ai procuré des travaux publics, et m’en suis bien trouvé. L’aumône devenant le prix du travail, et le salaire étant médiocre, on est en effet assuré qu’il ne sera rien donné que vu le besoin réel… La soumission au travail pour une rétribution est le certificat le plus constant de la réalité du besoin. »

Lorsqu’il s’agit d’exécuter ce programme, Montyon révèle complètement son génie pratique et donne libre cours à sa préoccupation du détail. Avec presque tous les intendans du royaume, il avait reçu de Terray une sorte de tract intitulé : le Riz économique de la paroisse de Saint-Roch à Paris ; on y trouvait énumérés les bienfaits de cette œuvre d’assistance, qui « profitait à plus de 800 personnes, dont les portions de riz ne revenaient pas à un sol et nourrissaient chacune un adulte pour sa journée. » On y voyait même un certificat du marquis de Mirabeau attestant que quinze convives ont goûté chez lui du riz économique, « dont il y eut trois essais,… et que tous les trois furent trouvés très bons. » Malheureusement, ces recettes autorisées n’étaient pas applicables dans les montagnes d’Auvergne, « où manquaient la pomme de terre, les carottes, les citrouilles, les navets et du beurre fondu, qui entraient dans le riz économique. » Il fallut donc trouver autre chose. Et c’est merveille de voir Montyon s’ingéniant à découvrir quelque mode de préparation adapté aux circonstances. Il imagine qu’on peut suppléer aux légumes manquans par d’autres légumes, « ou même rien du tout ; » il compose lui-même et fait imprimer un nouveau tract intitulé : Manière d’accommoder le riz de façon qu’avec 10 livres de riz, 10 livres de pain, 10 pintes de lait et 60 pintes d’eau, 70 personnes se sont trouvées nourries parfaitement pendant vingt-quatre heures. Enfin, il exhorte les riches à prêcher d’exemple, en mangeant de ce nouveau brouet : « Il faudrait, écrit-il au subdélégué d’Aurillac, M. Pages de Vixouses, que les principaux citoyens d’Aurillac achetassent du riz chez les marchands et en fissent venir tous les jours sur leurs tables, afin de donner cours à cette denrée et que le peuple la désirât : c’est de tous les alimens le moins cher, le plus nourrissant et le plus sain. »

Dans le même temps, il s’occupait de rechercher et de choisir un travail public, simple, « de pure main-d’œuvre, à l’occasion duquel il ne soit pas payé un sol pour autre chose que le salaire de l’ouvrier, » qui fût accessible même aux enfans et susceptible de secouer le découragement des Auvergnats. Ceux-ci n’avaient jamais passé pour des hommes d’initiative : le chemin du progrès leur était toujours apparu, comme à tous les montagnards, sous l’aspect d’une côte raide, glissante, qu’il fait bon gravir sans hâte et en assurant ses pas. Pour beaucoup, sous l’influence du froid et des privations, l’inaction était devenue une règle de vie ; à Saint-Flour, privés de maisons en maçonnerie, parce qu’ils n’avaient pas eu l’idée de ramasser la pierre à chaux, les ouvriers et les artisans se voyaient obligés de suspendre leur travail, pendant cinq mois, faute d’être calfeutrés : à Pontgibaud, perdus dans une sorte de torpeur hivernale, les paysans passaient la moitié de l’année, entre l’âne et le bœuf, au fond de l’étable. — Par une intuition singulièrement heureuse, Montyon connut que seul le travail en commun réchaufferait ces bonnes volontés engourdies ; il fit donc lire au prône de presque toutes les paroisses et placarder, dans toutes les élections, des affiches dont voici le texte :

« On est averti que dans la ville de… des travaux sont ouverts où les personnes de tout âge et de tout sexe sont admises. Les hommes sont payés à raison de 12 sols, les femmes à raison de 10 sols, les enfans à raison de 8 ou de 6 sols. »

Les travaux devaient comporter le percement et le terrassement déroutes nouvelles ; on promettait de payer les ouvriers au moyen d’allocations ministérielles ; quant aux piqueurs et ingénieurs, les corps de ville s’étaient engagés à en découvrir de bénévoles ou bien à les appointer.

Dans la plupart des chantiers, l’affluence devint vite si considérable que les crédits furent dépassés. Quant aux travaux eux-mêmes, ce qu’ils perdirent parfois en rapidité et, sans doute aussi, en fini et en élégance, ils le gagnèrent en pittoresque ; jamais peut-être, depuis le temps des cathédrales, auxquelles chaque fidèle apportait sa pierre, on n’avait vu pareil empressement de fainéans et de vagabonds, autour d’une œuvre laborieuse. Jamais, par suite, aucun chantier public n’avait inspiré à la fois, tant d’inquiétude et tant de curiosité. A Aurillac, sitôt que le travail a cessé, c’est-à-dire à l’heure du dîner et à la fin de la journée, les ouvriers se répandent dans la ville pour mendier. A Saint-Flour, il se présente beaucoup de monde pour « les travaux de la côte, » mais les ouvriers ne font pas un travail proportionné à leur nombre, car la plupart ont de la peine à se traîner jusqu’aux chemins ; il faut « les veiller, les caresser, les piquer d’amour-propre pour que le chemin s’élargisse. » Au Mont d’Or, il n’était pas inutile de protéger l’œuvre accomplie contre les dévastations de ses auteurs eux-mêmes, et voici quel tableau original le vicomte de Mirabeau traçait à ce sujet, dans une lettre à l’intendant : « Vous apprendrez bientôt, monsieur, par les cent bouches de la Renommée, les vastes travaux que votre munificence a opérés au Mont d’Or et leurs effets, Grâce à M. l’abbé Baudeau qui s’est étrangement et utilement démené pour rassembler ce troupeau de sauvages, et qui, surtout au payement, a failli être divinisé comme Romulus, nous avons actuellement à la sortie du village, auprès des eaux, et en allant vers le Mont d’Or, une promenade fort honnête et qui ne demande plus que d’être achevée par quelques canaux d’écoulement, et d’être plantée… » Enfin, Montyon lui-même ne dédaignait pas de mesurer le bien réalisé et, sans gloriole, comme sans fausse modestie, il exposait au contrôleur général les différentes particularités de son entreprise, ainsi que les résultats acquis :

« Pour la plupart des villes qui ont été affligées de la cherté des grains, écrit-il, l’époque de leur malheur sera celle de leur embellissement ; Riom et Clermont ont raccommodé leurs remparts, le Mont d’Or aura une promenade ; Mauriac, au milieu d’un petit amas confus de maisons, s’est formé une place et une espèce de rempart qui est tout ensemble promenade et chemin ; à Aurillac, une espèce de marais inégal et fangeux a été converti en route régulière… On ne pouvait, avec sûreté, arriver en voiture à Saint-Flour ; une route facile et d’une pente égale vient d’être ouverte à travers le roc, les ingénieurs n’avaient pas même conçu l’idée d’un travail aussi hardi. Toute la ville s’est intéressée à ce travail ; les officiers municipaux ont été transformés en piqueurs et en ingénieurs ; le maire, le plus digne homme d’Auvergne, est devenu le plus déterminé et le plus habile mineur, on a vu même des ecclésiastiques prêter la main pour faire rouler les rochers qu’avait enlevés la poudre ; une colonnade de rochers, de seize toises de haut, borde ainsi le chemin et forme un monument de l’audace des hommes et de la nature vaincue. »

On croit généralement, on a souvent imprimé, que ces résultats des travaux publics entrepris par Montyon lui valurent une très grande popularité. Cela est à la fois exact et inexact. Exact, en ce sens que, dans la classe moyenne et éclairée, on appréciait vraiment à sa valeur l’effort tenté par l’intendant pour conserver la vie de ses administrés, maintenir la paix sociale, et améliorer le sort du pays. Inexact, en ce sens que ni le peuple, ni la noblesse locale n’avaient entendu grand’chose à l’œuvre administrative de Montyon.

Ce fut le peuple qui donna, le premier, des marques de mécontentement. Dans leur crédulité, mêlée de crainte, comme elle est aujourd’hui mêlée d’illusions, paysans et ouvriers imaginaient communément qu’il y avait, derrière les bienfaits du Roi et les mesures prises par l’intendant, quelque piège tendu à leur ignorance ou quelque machination peu rassurante pour leur liberté. L’aumône elle-même leur parut donc suspecte, et quand, un jour, les bureaux de l’intendance s’adressèrent aux curés des paroisses pour avoir l’état des familles nécessiteuses et chargées d’enfans, auxquelles on comptait distribuer le « riz économique, » voici le singulier avertissement que reçut, entre autres, de M. Bugnet, subdélégué à Murat, M. Lambert, premier commis de Montyon : « Au nom de Dieu, monsieur, n’envoyez plus de circulaire aux curés de nos montagnes. J’ai été obligé d’y en joindre une de mon côté, pour chacun de ces échappés de la tribu de Lévi ; ils m’ont inondé de lettres : et pourquoi cela ? On leur a persuadé qu’on voulait envoyer toutes les familles les plus nécessiteuses à la Cayenne ; ils l’ont dit aux laboureurs ; et les plus éloignés d’eux sont encore dans cette erreur, parce qu’il ne m’a pas été possible de les détromper, étant séparé par des montagnes de neige. »

Ceux qui étaient détrompés ne tardèrent pas d’ailleurs à trouver insuffisans et dérisoires ces secours en nature, qu’il fallait venir chercher à la ville, et transporter, par de mauvais chemins, jusqu’au lieu de leur consommation. Des troubles éclatèrent ; le 21 mars 1770, M. de Montluc, subdélégué à Saint-Flour, mande « qu’un convoi de blé a été attaqué sur la grand’route : les sacs ont été éventrés ; la jument aussi. » Le 24 avril suivant, M. Pages de Vixouses écrit d’Aurillac : « Il est venu nombre de femmes, chez moi, ce matin, me demander du riz ; Je leur ai répondu que je ne pouvais pas disposer du riz de cette façon, qu’il fallait y mettre une règle. Il y en a qui ont crié qu’il fallait aller trouver M. l’Intendant, d’autres que c’était l’aumône du diable ; je conviens, monsieur, que les pauvres sont en souffrance, mais il faut convenir aussi qu’ils sont bien insolens. »

Enfin, quelques accaparemens s’étant produits, leur nombre et leur importance prirent dans l’imagination populaire de formidables proportions ; on crut voir partout des organisateurs de famine ; à Ussel, le 26 mars, un certain Natali Chaumeix fut attaqué par la foule et lapidé en place publique, parce qu’il voulait emporter, hors du pays, quarante setiers de blé régulièrement acheté ; dans le même moment, un citoyen anonyme dénonçait à l’intendant d’Auvergne « ces infâmes greniers inaccessibles aux misérables et dont l’État a le devoir de forcer les portes. » Un autre accusait les autorités du Limousin d’avoir fait acquérir du blé en Auvergne et d’affamer ainsi une province, pour en sauver une autre. Montyon, par acquit de conscience, demanda des explications à Turgot, qui les lui donna, il autorisa aussi la visite de quelques greniers suspects, tout en recommandant aux exempts d’en user avec prudence et d’éviter les vexations. Mais, à la vérité, rien ne l’agaçait comme ces plaintes sans fondement, ces délations, ces malentendus, engendrés, disait-il, par la méchanceté et l’imbécillité, et qui engendraient à leur tour la fermentation et le désordre. Rien n’influera autant sur son humeur, et rien ne contribuera davantage à faire naître en lui une certaine misanthropie. Dans son amour pour la méthode, il ne concevait pas qu’une foule misérable et ignorante pût en venir aux violences qui compromettent les justes causes, et aux crimes qui les déshonorent ; et, de même qu’on le trouve souvent tatillon, autoritaire, presque dur, dans le gouvernement de ses biens personnels, de même, nous allons le retrouver, dans l’exercice de ses attributions de police et de tutelle administrative, sans flexibilité, indifférent aux nuances et dédaigneux des tempéramens.


II

La tutelle administrative était organisée, sous l’ancien régime, à peu près comme elle l’est aujourd’hui ; quand une paroisse voulait engager une dépense extraordinaire, et, par suite, s’imposer extraordinairement, elle devait obtenir l’aveu de l’intendant. Autant vaut-il dire que ce dernier présidait à une grande partie de la vie communale. Dès le début de sa magistrature, Montyon marqua son intention d’exercer soigneusement une telle prérogative, et comme, un jour, on voulait lui faire viser, sans autre forme, les états des frais médicaux et pharmaceutiques dus par quelques paroisses de sa généralité, il répondit à M. Lambert, son premier commis : « Quand je serai en Auvergne, les médecins, les chirurgiens et fournisseurs n’auront qu’à remettre leurs mémoires, ils seront payés sur-le-champ. Mais je n’arrêterai pas les mémoires à Paris[25]. » Cette rigueur devint tout à fait impitoyable à partir du moment où la disette commença de se manifester. Montyon, aux prises avec la difficulté d’asseoir et de lever l’impôt dans un pays en proie à la famine, ne veut plus alors entendre parler d’aucune espèce de taxe communale. Les propositions de dépenses somptuaires l’indignent et l’irritent ; celles qui intéressent le culte religieux lui-même ne trouvent pas toujours grâce devant sa critique. Voici, par exemple, le corps de ville de Laqueuille dont la supplique est bien touchante : elle expose qu’une des cloches de la paroisse est cassée, « qu’elle est cependant très nécessaire, tant à cause des tonnerres que pour la sonnerie des offices divins… que depuis qu’elle n’a plus sonné, les habitans ont essuyé chaque année des pertes considérables sur leurs récoltes, qu’enfin, le lieu de Laqueuille se trouvant situé au pied des montagnes, il arrive très souvent, en temps d’hiver, que plusieurs voyageurs s’écartent du chemin et qu’il est d’usage alors de sonner la cloche, pour qu’ils puissent faire plus aisément la découverte du lieu. » Ce dernier argument ne laissa pas que de toucher Montyon, il ordonna d’abord d’instruire l’affaire ; mais, quand il connut le chiffre de la dépense, il se ravisa et commanda de la classer[26].

Cependant on était au printemps de 1770 : le mariage du Dauphin de France avec Marie-Antoinette d’Autriche avait été annoncé pour le 16 mai ; dès qu’elle eut pénétré jusques au fond des provinces, la nouvelle y fit battre tous les cœurs et, pour si malheureux qu’ils fussent, les Auvergnats voulurent prendre leur part de la joie nationale ; curés et notables organisèrent des Te Deum, des salves d’arquebuse, des bals populaires ; à Aurillac, on annonça un feu d’artifice, à Billom, on rêva d’un cortège, où paraîtrait le corps de ville, en robes flambant neuves !… Mais, du coup, Montyon s’émut : qui donc payerait la dépense ? et combien de privations ne coûterait pas aux malheureux tout ce luxe de costumes et de pyrotechnie ? Aux officiers municipaux de Billom, représentant que leurs robes, rongées par les mites, ne peuvent même plus servir à habiller les clercs de ville, et qu’ils sont obligés d’emprunter celles du palais, pour assister aux processions, Monseigneur l’Intendant répondit donc que « nulle dépense n’était moins nécessaire[27]. » Et pour le feu d’artifice, il n’y consentit qu’après avoir reçu de M. Pages de Vixouses, subdélégué à Aurillac, cette nouvelle rassurante : « La dépense du feu d’artifice ne retombe point sur la ville ; c’est un particulier qui en est lui seul l’auteur, il a voulu se l’aire honneur de son talent pour ces sortes de divertissemens et il ne pouvait avoir de plus belle occasion que le bonheur qui arrive à la famille royale. »

Nous sourions aujourd’hui de ces tout petits incidens, nous y voyons, pour ainsi dire, la menuaille de l’histoire. Montyon, lui, continuait d’y attacher beaucoup d’importance ; il enrageait de ne pouvoir introduire dans les habitudes de ses administrés le souci du bien de l’État, le soin de l’épargner, et le désir de le faire prospérer. Aussi quelles ne furent pas sa colère et sa rancœur, le jour où il trouva les Auvergnats ligués contre la fortune publique, en faveur d’un contrebandier notoire, véritable bandit des grands chemins. Il en pensa perdre l’appétit et le sommeil ; il en négligea le soin de sa santé, pourtant fort ébranlée ; se jetant lui-même à la poursuite du malfaiteur, il faillit troquer la perruque contre le casque, la toge contre l’épée ; ce fut la page héroï-comique de sa vie, et c’est pourquoi, sans doute, on nous pardonnera d’y insister.

Le brigand de Montyon portait un nom prédestiné ; il s’appelait Montagne[28]et répondait dans l’intimité au délicat prénom de Taurin ; âgé d’environ vingt et un ans, haut de cinq pieds quatre pouces, les épaules larges, le visage rond et plein, la lèvre supérieure élevée, les yeux bleus et clairs, il avait d’abord servi au régiment des mousquetaires noirs, qu’il déserta, puis il s’était fixé, autant qu’un brigand peut le faire, à Lezoux, près de Thiers, c’est-à-dire sur l’unique route conduisant de Clermont à Lyon. Son occupation ordinaire était de détrousser les voyageurs ; mais il eut la bonne idée de s’associer à des faux sauniers, et aussitôt il vit croître son prestige en proportion de l’impopularité dont jouissait la Ferme générale. Les femmes lui surent gré de cette nouvelle hardiesse ; les hommes considérèrent que l’intention de partager les bénéfices de la Ferme n’était point si criminelle ; ceux qui n’entraient pas dans ce sentiment se laissèrent intimider, tant qu’enfin au mois de février 1768, et au dire de M. Boudai, subdélégué à Lezoux, « le drôle devint littéralement maître de la contrée. » Fier d’un succès aussi prompt, instruit par tout le monde des moindres recherches entreprises à son endroit, Taurin Montagne voulut s’amuser un brin ; ses jeux consistèrent, tantôt à se promener dans Lezoux armé de fusil, pistolet et sabre, suivi de sa bande, et « criant qu’il allait mettre à la raison tous les gabelous, » tantôt à assaillir et laisser sur le carreau quelque exempt de la maréchaussée, tantôt, enfin, à venir coucher, en ami de la maison, dans l’auberge même où étaient descendus, vêtus comme des colporteurs, les gens chargés de l’arrêter.

Et les Auvergnats de rire, et les commères de jaser !… Montyon comptait parmi les rares Français qui n’admirent jamais que Polichinelle pût impunément rosser le commissaire ; pendant tout le temps que durèrent les facéties de Taurin Montagne, il ne tint donc pas en place : dès le commencement, on le voit inscrire en tête d’un rapport de M. Boudai : Il faut y mettre ordre absolument. Puis il n’arrête plus d’envoyer aux habitans de Lezoux, par l’intermédiaire du subdélégué, des exhortations, des réprimandes, parfois des menaces. « Le peu d’empressement, dit-il, que, témoignent les habitans de Lezoux, pour purger le pays d’un brigand, donne une faible idée de leur zèle pour l’ordre et la tranquillité publics. Vous voudrez bien faire, à ce sujet, monsieur, des remontrances aux plus sages d’entre eux ; aux autres vous direz que les hôtes du nommé Montagne seront mis, s’ils continuent, dans un cul-de-basse-fosse ; s’ils le livrent, ils auront une gratification très, honnête. » Mais ces promesses elles-mêmes demeurèrent inefficaces ; les gens de Lezoux continuèrent de receler et protéger leur brigand favori, celui-ci continua de bourrer les gabelous et de rançonner les voyageurs ; au mois de juin 1769, une véritable terreur régnait sur le chemin de Lyon et la nouvelle en parvint jusqu’aux oreilles de M. de Choiseul et du contrôleur général. C’est alors que Montyon inscrivit en tête d’une missive de M. Boudai, subdélégué à Lezoux, cette terrible annotation : Dire que je vais y aller. En même temps, il sollicitait, de M. de Saint-Florentin, un envoi extraordinaire de troupes, et il ajoutait : « Afin de pourvoir au rétablissement de l’ordre dans ce pays, j’ai résolu de m’y transporter et je pars dans l’instant. »

Une opération de gendarmerie, conduite par un homme de robe, contre des brigands d’opéra-comique, présente évidemment quelque chose de burlesque, et qui prête au sourire. Mais voici un incident qui sauva Montyon de tout ce ridicule et lui permit de prouver, une fois de plus, son indépendance et sa fermeté. Dès que Monseigneur l’Intendant eut fait entrée dans Lezoux, un zèle nouveau anima les fonctionnaires, et même de simples particuliers. Mille moyens d’arrêter Taurin Montagne furent soumis au choix du magistrat. L’un voulait que, dans quelque auberge, renouvelée des grottes de Circé, on endormît, avec de l’opium, le bandit, ses compagnons, ses hôtes « et généralement tous les voyageurs ; » un autre demandait plus simplement que l’on arrêtât cinq ou six des amis et receleurs de Montagne et qu’on les mît sous les verrous, « jusqu’à ce que leur langue s’en trouvât déliée. » A la première de ces propositions Montyon répondit qu’il ne convenait pas « d’empoisonner toute une hôtellerie pour s’emparer de trois ou quatre chenapans ; » à la seconde, il opposa fort justement qu’il était toujours délicat d’ « arrêter des domiciliés, » sur de simples soupçons ; qu’il serait odieux de les maintenir en prison « extraordinairement, » qu’il fallait respecter avant tout la liberté des citoyens ; et s’il fit ensuite « enlever » deux des prétendus amis de Montagne, ce fut seulement pour quelques heures, afin d’intimider les autres, et « d’allier, disait-il, ce qu’exige la sûreté publique avec ce que prescrivent les formes judiciaires. »

Cependant, nous l’avons dit, le duc de Choiseul avait été informé des événemens de Lezoux, par les rapports de l’intendant et par mille dénonciations officieuses ; les fermiers généraux le pressaient d’intervenir avec énergie, et de les débarrasser une fois pour toutes d’un adversaire plutôt gênant ; enfin, M. de la Ribbe-Haute, lieutenant de la maréchaussée à Riom, lui avait marqué les noms de deux ou trois personnes soupçonnées de cacher Taurin Montagne et contre lesquelles l’intendant avait refusé d’instrumenter, faute de preuves. Toujours prime-sautier, le ministre envoya l’ordre d’écrou à Montyon qui répondit, lui aussi, de prime-saut : « J’aurais été bien fâché, monsieur le duc, de faire exécuter votre ordre, convaincu qu’il n’est, ni dans la volonté du Roi, ni dans vos intentions, de compromettre légèrement la liberté des sujets de Sa Majesté, encore moins de les en priver injustement… Si l’on sévit contre des gens auxquels il n’y a rien à reprocher, tandis qu’on laisse impunis les véritables coupables, c’est le plus sûr moyen de mettre partout le trouble et le désordre. » À cette leçon d’autant plus dure qu’elle était méritée, Choiseul ou ses commis opposèrent le droit qu’ils possédaient de se renseigner directement auprès des maréchaussées, et de prendre des décisions en conséquence. Mais l’intendant d’Auvergne poussa jusqu’au bout « le courage de la vérité, » et voici de quel style il écrivit à nouveau au premier ministre, le 30 juillet 1770 : « Je sais, monsieur le duc, et personne n’ignore que les maréchaussées doivent vous rendre compte de tout ce qui se passe ; mais il me semble qu’ordinairement ce ne sont point des officiers de maréchaussée que vous avez la bonté de consulter pour diriger les opérations d’administration d’une province et faire agir l’autorité du Roi. D’autant que le défaut de connaissances, l’étourderie, ou de petits intérêts particuliers compromettraient souvent les ordres souverains auxquels tout Français doit autant de respect que de soumission… Je crois qu’il est de mon devoir et de ma reconnaissance pour les bontés et l’amitié particulière dont vous m’avez toujours honoré, de vous parler ainsi. J’aurai d’ailleurs l’honneur de vous entretenir de cette affaire, à mon premier voyage à Paris… »

Une pareille lettre grandit également l’inférieur qui l’écrit sans faiblesse, et le supérieur qui la reçoit sans colère. Cette dernière attitude convenait si bien à Choiseul, qu’il fut le premier à féliciter Montyon, lorsque, deux semaines plus tard, les exempts de l’intendant d’Auvergne appréhendèrent Taurin Montagne, et l’emmenèrent dans la prison de Clermont. Les félicitations du contrôleur général vinrent ensuite, puis celles de M. de Saint-Florentin, ministre de la Maison du Roi, puis celles des fermiers généraux… Montyon commençait à prendre quelque orgueil, quand, un beau matin d’été, Taurin Montagne bondit à travers les ruelles du vieux Clermont et gagna le chemin de Lezoux.

De l’aveu même de l’intendant, l’alerte fut très vive : « Il vient de s’évader des prisons de cette ville, écrivit-il à M. de Saint-Florentin et au contrôleur général, neuf hommes, dont huit criminels et un prisonnier pour dettes ; du nombre des premiers est le nommé Montagne, déserteur, assassin, contrebandier fameux, que j’avais eu tant de peine à faire arrêter… Les prisonniers se sont évadés à cinq heures et demie du matin, j’en ai été averti à six ; je venais de prendre médecine, cela ne m’a pas empêché de lancer les ordres nécessaires, pour qu’on donnât aux coquins la chasse la plus rapide ; aussi ont-ils été repris le même jour. » A quoi M. de Saint-Florentin répondit par de nouvelles félicitations, et en ajoutant fort consument : « J’ai vu avec peine que cet événement était arrivé un jour où vous aviez pris médecine, et où vous aviez besoin de repos. » Quant à Montagne, il ne se découragea point, pour une promenade contrariée ; il attendit l’occasion ; elle lui fut offerte, de la plus galante manière, par les dames de la société clermontoise.

En ce temps-là, raconte Montyon « ces bonnes âmes » avaient accoutumé de visiter les prisons ; « sous le prétexte de la piété, » elles entraient dans les cachots, montraient des procédés pour les captifs et leur distribuaient des charités ; « comme de grands coquins bien faits et à moitié nus semblent généralement plus intéressans que d’autres, » le nombre des visites avait augmenté, depuis l’arrestation de Montagne, et, par fortune, dans le cabas de provisions que lui portait une sensible Auvergnate, le drôle découvrit les clefs du geôlier. Il prit aussitôt celle des champs. On était au mois d’août, Montagne fut rattrapé en septembre. Il se sauva, aux premières gelées. On le ramena dès les premières neiges. Pour en finir, on dut le condamner à être rompu, en place publique, lui et ses compagnons, et l’exécution se fit à Lezoux, le 13 février 1771. Mais jusqu’au bout, ces malheureux conservèrent la faveur populaire ; l’opinion condamna leurs juges et leurs bourreaux, et c’est sans doute vers cette époque que Montyon commença de ranger, parmi ses papiers, d’assez nombreuses notes, dans le goût et le ton suivant :

« O public, multitude imposante, composé respectable de tant de vils individus, juge souvent aveugle mais toujours souverain ; combien de grands hommes tu as maltraités, combien de vertus tu as méconnues, que ta justice est tardive, combien de tes erreurs couvre pour toujours la nuit des temps ! Sujet aux préjugés, aux passions, aux contradictions, tu prétends à l’infaillibilité, on t’encense comme un Dieu, on te flatte comme un Roi, on te maudit et on t’adore comme une maîtresse charmante et cruelle : tu règnes comme elle, et tu en as les caprices, tu recherches qui te fuit, tu fuis qui te recherche, terreur du faible, et faible toi-même, tu opprimes qui te craint, tu es femme[29]. »


III

Après avoir résisté aux ministres et contrarié le peuple, il ne restait plus à notre intendant, pour devenir un objet complet d’animadversion et de disgrâce, qu’à mécontenter les nobles de la province. La vérité nous force de reconnaître que Montyon s’y employa.

Tout d’abord, les heurts furent rares, parce que les rencontres l’étaient aussi. À l’exemple de la plupart de ses confrères, Montyon, en effet, ne résidait pas, ou résidait peu.

Mais, à la fin de l’année 1770, il crut devoir s’installer et s’accommoder à Clermont, dans le vieil et bourgeois hôtel de l’Intendance, situé rue des Gras. Assemblant à sa table, en des réunions qui passèrent vite pour fort animées[30], toute la bonne compagnie du pays, il ne tarda pas à être convié chez elle ; on le voit alors portant dans le monde auvergnat l’agrément inséparable d’un homme d’esprit, qui connaît Paris et Versailles autrement que par les gazettes, promenant fièrement quelques-unes des lettres qu’il a reçues de ses amis, grands faiseurs de bons mots, ou grands nouvellistes. Aujourd’hui la missive est de Depont, l’intendant de Moulins ; elle relate les bruits de cour, apportés jusqu’aux rives de l’Allier par Mme de Brionne, Mlle de Lorraine et Mme la princesse de Ligne qui se rendent à Vichy. Demain la lettre sera de Mme d’Épinay ; vrai régal, que Montyon juge trop délicat pour les oreilles clermontoises, et qu’il réserve aux raffinés de Riom, l’Athènes auvergnate. « Ah ! ah ! mande en effet à Galiani l’aimable femme, vous dites que je vous ai écrit une lettre charmante ! Cela peut bien être. Mais j’espère que vous garderez vos réflexions pour vous et ne faites pas comme notre cher intendant d’Auvergne, qui s’en va nigaudement lire une de mes lettres au milieu d’un cercle à Riom ! Ne voilà-t-il pas que j’ai une réputation à soutenir en Auvergne, à présent ? Je ne pourrai lui écrire, sans penser à ce que je dis[31] ! »

Ni la cordialité de son accueil, ni le plaisir que l’on trouvait dans son commerce, ne parvinrent cependant à attirer vers Montyon la noblesse proprement locale et indépendante ; trop pauvres, pour figurer honnêtement à la Cour, ces hobereaux se montraient aussi trop fiers pour fréquenter les gens de robe ; ce qu’ils attendaient de l’intendant, ce n’étaient pas de l’urbanité ou de l’esprit, c’étaient des grâces. Remises sur la capitation, la taille réelle, ou les vingtièmes, exemptions de corvées ou autres services publics, pour leurs fermiers et domestiques, protection légale ou abusive accordée à l’exercice de leurs droits féodaux, tels étaient les objets ordinaires de la conversation qu’ils daignaient entamer avec les bureaux, sous la forme de suppliques et de mémoires. Or, Montyon avait accoutumé d’opposer un refus à presque toutes les demandes de faveur. Que l’on portât un des grands noms de France, ou simplement celui d’un village auvergnat, que l’on se recommandât des parens de l’Intendant, de ses amis, ou de ses protecteurs, le résultat était le même et la forme du refus présentait seule quelque variété. Tantôt Montyon y mettait de l’enjouement, et tantôt du sérieux ; un jour, il raillait avec politesse ; le lendemain, il usait de ruse et négociait ; d’autres fois, il n’hésitait pas à menacer ou même à sévir. En 1768, les habitans de la paroisse de Corans trouvèrent la taille lourde et se plaignirent de ce que leur suzeraine, Mme la marquise de Tana, ne payait pas celle qui grevait un de ses domaines. « Un consul qui avait voulu prendre les voies juridiques pour assurer le recouvrement de l’impôt fut maltraité par les régisseurs. » Montyon connaissait Mme de Tana, il trouva bonne l’occasion qui s’offrait de se montrer magistrat inflexible, sans cesser d’être galant homme ; et, par un singulier mélange de sévérité et de gentillesse, il écrivit, le 28 octobre 1768 : « Je vous prie, madame, de donner des ordres à vos gens pour qu’ils acquittent vos impositions et pour qu’ils respectent un peu plus les fonctions et le dos des consuls… On dit que vous avez tiré un assez bon parti de vos vins, je vous en félicite. Les sentimens que je vous ai voués me font prendre part à tout ce qui peut vous intéresser. Je suis avec respect, etc.[32]. »

Vers le même temps, une vieille querelle venait de se rallumer entre les habitans de Thiers et leur seigneur. Celui-ci n’était autre que Louis Crozat, fermier général, oncle des Choiseul, « le petit oncle, » comme on l’appelle dans la correspondance de Mme du Deffand avec Barthélémy et Mme de Choiseul. Ayant acquis, de ses deniers, la baronnie de Thiers et les droits jadis exercés par Mlle de Montpensier, « dame de Thiers, » il prétendait gouverner ses vassaux suivant les principes en honneur dans les bureaux de la Ferme[33]. Il avait donc installé à Thiers un receveur, le sieur Théodore Belin, rompu aux secrets de la fiscalité la plus ingénieuse, dur aux pauvres et aux besogneux, insolent et processif à l’égard des bourgeois. « Le sieur Belin, dit une délibération des échevins de Thiers, en date du 22 janvier 1758, exagère à plaisir tous les articles de sa recette : il a inventé deux droits nouveaux : l’un qu’il appelle moisson du châtelain, et qui est de cinq sols sur chaque article de cens, l’autre qui est proportionnel au prix de toutes les acquisitions… »

Cette dernière taxe constituait proprement ce que les Thiernois appelaient le droit de leyde ou de levée, et formait, à l’origine, « le prix de l’asile, protection et sauvegarde, accordés par les seigneurs de Thiers aux forains qui vendaient leurs draps, sous la halle. » En l’étendant aux blés du marché, les prédécesseurs de Crozat avaient déjà mécontenté un assez bon nombre de minotiers et de boulangers ; mais « avant le sieur Belin il n’était venu à l’idée de personne de percevoir la leyde sur les grains que le bourgeois faisait venir pour sa provision, encore moins chez le bourgeois qui vendait son blé propre, dans son grenier, sans le porter au marché. » Et c’est pourquoi, dans les premiers mois de 1768, à la suite d’un long procès au civil que Crozat venait d’ailleurs de gagner, le conflit fut porté devant l’intendant, dont les bourgeois et artisans de Thiers sollicitèrent humblement la médiation.

Montyon écrivit aussitôt au baron de Thiers ; il essaya de le visiter ; il n’obtint de lui que des refus, accompagnés de commentaires malveillans à l’adresse des « mutins et des entêtés. » Même insuccès auprès de. Trudaine de Montigny, qui répondit, à son ordinaire, par des généralités économiques. Montyon se souvint alors d’avoir entrevu « le petit oncle, » dans l’entourage immédiat de Mme de Choiseul, entre Gatti le médecin, Gleichen, l’amant platonique, et Barthélémy, l’abbé inséparable. Il se rappela que le baron de Thiers, qui se piquait d’être collectionneur, affectionnait particulièrement le futur auteur d’Anacharsis, pour sa connaissance des antiquités et des choses d’art. Tous ces souvenirs réunis valurent au savant abbé une des plus jolies lettres qu’ait écrites l’intendant d’Auvergne ; en voici les principaux passages :


Paris, le 10 mars 1769.

« J’ai eu l’honneur de passer chez vous, monsieur, pour une affaire qui m’affecte et qui ne peut vous être indifférente, puisque c’est celle de l’humanité : déjà, une multitude de plaintes lui ont donné trop de célébrité dans les tribunaux de justice et dans les cabinets des ministres.

« Vous savez, monsieur, qu’il existe, dans ma généralité une ville dont M. Grozat est seigneur et porte le nom ; c’est la ville de Thiers, la plus commerçante de ma généralité, l’une des plus peuplées et des plus malheureuses. Il n’en est point où les habitans aient plus d’activité pour le travail, plus d’avidité pour le gain, plus de goût, plus de talent ; mais je crains qu’ils ne perdent bientôt le courage et la folie, précieuse pour l’Etat, de donner le jour à des malheureux. Un droit fort dur, quoique assez commun, et plus dura Thiers qu’ailleurs par l’exorbitance du taux auquel il est porté, une leyde s’y perçoit, au profit du seigneur, qui consiste dans le vingt-quatrième des grains qui se vendent à la ville et même de ceux qui passent de l’Auvergne dans le Forez et le Lyonnais, lorsqu’ils séjournent dans Thiers, et il est moralement impossible, par la situation de la ville, qu’ils n’y séjournent pas. Je sais que ce droit a une origine ancienne, qu’il est possible qu’autrefois les habitans de Thiers aient été persuadés de donner à leurs seigneurs qui avaient des troupes, et les armes à la main, une partie des grains qui entrent dans leurs villes, à condition qu’ils empêcheraient les ennemis de les piller… Je connais aussi assez le monde et les lois, pour être convaincu qu’une vieille usurpation est un titre ; mais ce droit perçu autrefois avec modération est devenu exorbitant, on l’a étendu, il faut maintenant que les habitans de Thiers payent la leyde dans tous les cas ; la chose vient d’être ainsi jugée, par des sentences, des arrêts du Parlement, et autres parchemins fort respectables, qui n’empêchent pas que les habitans de Thiers aient faim ; ils ont voulu se pourvoir en interprétation ou cassation de l’arrêt ; mais il leur en a déjà assez coûté pour être convaincus juridiquement que leur estomac doit contenir un vingt-quatrième de moins que les autres. Si M. de Thiers avait vu comme moi, sous un mauvais toit, des enfans maigres et demi-nus se disputer quelques morceaux de pain noir, il n’aurait pas le courage de vouloir prendre sa part d’un repas aussi mauvais que mesquin.

« Il n’est pas possible que les choses subsistent dans l’état actuel, malgré tous les arrêts : il faut que les habitans de Thiers fassent supprimer le droit, ou que le droit détruise la ville… Je sais bien que je les désole, pour ma part, au nom du Roi, par les impôts que je les oblige de payer ; mais si M. de Thiers se joint à moi, avec sa leyde perçue en toute rigueur, nous ferons un désert de la ville de Thiers ; il faudra malgré moi que je poursuive les habitans dans le lieu où ils se réfugieront et ils seront perdus pour M. de Thiers… Dans cette position, je sais quel parti je dois prendre et je ne veux pas vous cacher que, si les choses ne changent pas, je trouverai le moyen de hâter la dépopulation de Thiers, soit en portant à Ambert tous les avantages que je puis accorder au commerce, soit en hâtant la communication tracée de Lyon à Clermont par Ambert. Ainsi malgré tous arrêts obtenus, je saperai la leyde par ses deux fondemens, la consommation des artisans et le commerce des grains. Ce n’est pas certainement que j’aie envie de nuire à M. de Thiers, encore moins de l’offenser, mais je ferai avec courage ce que je crois de mon devoir… M. de Thiers est votre ami : plaidez la cause de ses vassaux ; je le connais de réputation, il en sera touché ; ceci ne regarde point les gens d’affaires ; il ne faut point être jurisconsulte pour connaître les droits d’un pauvre à la pitié.

« M. de Thiers vous dira peut-être que ces habitans sont des esprits mutins, querelleurs, inquiets, qui lui ont fait mille chicanes pendant le cours du procès ; il vous dira la vérité, mais enfin ce sont des hommes, je ne les trouve pas faciles à gouverner, mais je cherche à les soutenir, parce qu’ils sont malheureux et travailleurs, les deux meilleurs titres qu’un homme puisse avoir.

« Je ne vous demande point de pardons, monsieur, de la longueur de ma lettre je connais votre manière de penser et d’après le sujet que je traite, je ne crois point vous avoir importuné. Je vous offre une bonne action à faire, et je m’attends à vos remerciemens. »


L’excellent Barthélémy ne gagna point sa cause ; de Chanteloup, le 18 juin 1769, Crozat fit savoir à Montyon que toute insistance nouvelle était inutile… L’histoire ne dit pas si l’intendant mit alors à exécution ses projets et ses menaces ; mais tout ce que nous venons de rapporter montre assez combien ses rapports avec la noblesse devenaient difficiles, et quels risques courait par-là sa fortune administrative. A la bande des mécontens, il ne manqua bientôt qu’un chef et une occasion. L’occasion, ce fut la crise parlementaire et ministérielle de 1770-1771, le chef, ce fut M. de Chazerat, premier président de la Cour des Aides, à Clermont-Ferrand.

Charles-Antoine-Claude de Chazerat[34], vicomte d’Aubusson et Montel, baron de Ligones, Seychelles, Mirabelle, Saint-Agoulin et autres lieux, appartenait à une famille bourbonnaise dont la noblesse remonte au XIIe siècle, mais qui ne craignit jamais de déroger en se mêlant d’administration, de judicature, ou même d’arts manuels. Le grand-père, ingénieur distingué, collabora aux travaux de Vauban ; le père avait présidé la Cour des Aides de Clermont ; le fils venait d’hériter de cette présidence, lorsqu’en 1767, à la mort de M. de Balainvilliers, intendant, il forma le projet de réunir sur sa tête la qualité de premier administrateur du pays et celle de premier magistrat[35] : heureux s’il pouvait de la sorte éviter, à la noblesse locale, la venue d’un nouveau maître des requêtes, c’est-à-dire de quelque robin, ennemi des privilèges et redresseur des torts. Aussi bien, le cumul des fonctions judiciaires et administratives existait-il déjà dans deux ou trois provinces[36]où la paix sociale et l’harmonie entre les ordres paraissaient admirables. Lors de cette première tentative, M. de Chazerat ne réussit point ; « ses démarches servirent seulement à découvrir ses vues. » Mais il n’en continua pas moins de mener la vie d’un magistrat vraiment né, fort riche et ambitieux à l’excès. Partageant le temps entre sa terre de Ligones, près de Lezoux, et son hôtel de Clermont-Ferrand[37], il tenait un grand état de maison, et son hospitalité, accueillante aux hommes, galante envers les femmes, rivalisait de succès et d’éclat avec celle de l’Intendance. A la ville et au palais, tous ses comportemens étaient ceux d’un futur chef, et laissaient dans les esprits « la plus profonde persuasion que ses désirs, après s’être une fois élevés vers un objet aussi flatteur et aussi fort à sa bienséance que l’était la double magistrature, avaient pu, il est vrai, s’assoupir, mais seraient prompts à se réveiller dès la première occasion et deviendraient plus vifs en s’irritant par les obstacles mêmes[38]. »

Dans les commencemens, les obstacles parurent considérables, d’autant que les vertus et les qualités de Montyon semblaient elles-mêmes nombreuses et actives ; qu’on le savait fort bien en cour, et principalement auprès du duc de Choiseul ; qu’enfin sa popularité menaçait de devenir très grande. Mais nous avons vu comment, à force de demeurer ferme en ses desseins et inhabile dans l’art de composer, l’intendant perdit peu à peu cette popularité ; pour ses protecteurs, il les perdait de même, un à un, à mesure que baissait davantage le crédit de Choiseul et que montait celui de Maupeou. Tout son passé, et tous les événemens présens contribuaient d’ailleurs à le ranger dans le parti hostile au chancelier : par tradition de famille, et de carrière, il penchait, du côté des parlementaires ; par reconnaissance, il devait à Choiseul, sinon de le suivre dans une disgrâce désormais certaine, du moins de faire grise mine à ceux qui se glorifiaient déjà d’en être les artisans. Par relations de parenté ou d’amitié, il avait appris de Maynon Dinvau, de Trudaine, ou de Mme d’Epinay, à connaître et détester « le petit homme noir, au front bas, aux yeux perçans et durs, au nez carrément pointu, à la bouche désagréable, au teint de bigarrade[39], » dont on disait couramment que ses manières étaient celles d’un Pantalon, et son esprit celui d’un procureur[40].

En Auvergne, personne n’ignorait ces détails, car les ennemis de l’intendant entretenaient des liaisons avec la Cour, Aussi, dès la promulgation, en décembre 1770, du fameux édit qui bornait le rôle du Parlement de Paris et qui annonçait la réforme générale et prochaine de l’organisation judiciaire, une des premières visites de félicitations et de déférence que reçut le chancelier fut celle de M. de Chazerat, venant mettre aux pieds du nouveau Lycurgue son nom, son influence, son zèle et ses talens. Le 24 décembre, Choiseul est exilé ; moins d’un mois après, le 20 janvier 1771, Maupeou lance un ultimatum au Parlement, qui refusait d’enregistrer l’édit de décembre 1770 ; le 21, il exile les magistrats récalcitrans et confisque leurs offices.

Le 23, il décide la création de six conseils supérieurs, capables de remplacer le Parlement de Paris, dans tout son ancien ressort, de rapprocher ainsi la justice et les justiciables, et de former une magistrature salariée, besogneuse, et docile, là où il existait auparavant des juges riches, propriétaires de leurs offices, indépendans, presque frondeurs. L’un de ces conseils devait être formé en Auvergne, et s’assembler à Clermont ; M. de Chazerat reçut la mission d’en recruter les membres, principalement parmi les conseillers de la Cour des Aides, dont il était le chef[41]. Par prières, par promesses et caresses, il parvint un jour à les décider tous, les uns après les autres. Mais, le lendemain, ils se concertèrent et retirèrent leurs promesses. M. de Chazerat se livra aux plus vives menaces, et parla notamment de la suppression possible de la Cour des Aides, qui serait transportée à Moulins. Cette idée consterna les citoyens de Clermont. « Tout ce qu’il y avait de gens faibles et ambitieux, tant à la Cour des Aides qu’au présidial, s’empressa d’écrire à M. de Chazerat, pour lui demander une place, et bientôt, il ne resta plus qu’à installer la nouvelle compagnie et à la faire reconnaître par les tribunaux inférieurs[42]. » C’est alors que la partie s’engagea ouvertement, entre Maupeou et Chazerat d’une part, Montyon de l’autre.

Dès le mois de juillet 1770, l’intendant d’Auvergne, avait prétexté de son impopularité naissante et de ses services, pour demander son changement de province : la supplique qu’il avait rédigée à ce sujet lui était revenue, revêtue de l’approbation royale.

Mais quand il eut aperçu nettement le but où tendaient les efforts de ses ennemis et du chancelier, Montyon résolut de ne pas déserter ce qu’il considérait désormais comme un poste d’honneur ; en plein hiver, au mépris des « accidens de poitrine » qui l’affectaient cruellement, il partit pour sa généralité ; ce zèle inaccoutumé le mit plus que jamais sur le ton d’un homme avec lequel on devait compter, et peu de jours après, le 30 décembre 1770, Terray lui écrivit qu’il « était bien le maître de venir à Paris. »

Montyon répondit seulement le 8 février, et par quelques phrases dilatoires ; le 16 du même mois, Terray lui manda de nouveau : « Quoique je ne doive pas douter de votre empressement à venir chercher les secours que votre santé exige, je vous exhorte encore à ne pas différer de vous rendre ici, le service du Roi y étant intéressé[43]. »

À ce deuxième appel, l’intendant fût bien obligé de se rendre ; étant venu à Versailles, il connut ce qu’on attendait de lui : revêtir le titre et les fonctions de commissaire du Roi, installer solennellement le Conseil supérieur de Clermont, faire enregistrer par les présidiaux et les bailliages l’édit qui instituait la nouvelle juridiction d’appel, briser les résistances, en usant au besoin de la force, et en mettant les gendarmes aux trousses des juges récalcitrans.

On devine avec quel visage indigné Montyon accueillit ces instructions et de quel style il refusa de les suivre. Défense immédiate lui fut faite de retourner en Auvergne.

Du coup, le pauvre Montyon s’alite, en proie à la fièvre : comme pour l’achever et lui ôter tout espoir de justice, amis ou ennemis lui mandent les plus fâcheuses nouvelles. Tantôt c’est la composition dérisoire du Conseil supérieur de l’Auvergne, qui renferme notamment un mousquetaire, trois gentilshommes auvergnats, un chanoine de la cathédrale et un bailli de Billom ! Tout ce monde est « sans études, ni examens, ni grades ; » il a fallu l’envoyer prendre ses degrés à Bourges, en vertu de lettres de cachet[44]. Tantôt, c’est le tableau des défaillances observées dans le parti de la légalité : « La bataille n’est pas encore finie, on ne sait à qui restera le champ… Le présidial d’Aurillac a enregistré ; Saint-Flour et Salers ont fait la même chose, que fera Riom ? On en est fort inquiet : on prétend que M. de Chazerat a des ordres pour se servir de la maréchaussée et sévir contre les refusans… On sauve les apparences ; on juge, on plaide, les juges, les avocats et les procureurs sont exacts au palais. Mais tout cela est long et peut-être ne le sera pas assez[45]. » Le 21 mars, la résistance du présidial de Riom fut brisée, aussitôt que formée, et, le 25, Montyon reçut au lit, « dans un redoublement de fièvre durant lequel on parlait de l’administrer[46], » cette missive de Terray :

« Les circonstances actuelles ayant exigé que M. de Chazerat fût intendant d’Auvergne, en même temps qu’il est premier président du Conseil supérieur, le Roy a pensé qu’en le nommant à cette intendance et en vous réservant votre remplacement, vous voudrez bien vous prêter à un arrangement qui devient nécessaire pour le bien de son service. J’aurai l’honneur de vous en dire davantage, lorsque j’aurai celui de vous voir[47]. »

Ce fut tout : inaugurée dans la joie que procure le zèle naissant, continuée parfois au milieu des acclamations et des bénédictions populaires, la première intendance de Montyon se termina au fond d’une chambre de malade, près d’une lettre de disgrâce, écrite par un ministre sans foi. Le même jour, et comme si rien n’eût dû manquer à l’ironie d’un pareil dénoûment, la presse était grande à Clermont dans l’hôtel de Chazerat, devenu celui de l’Intendance : le nouveau maître de l’Auvergne donnait une fête ; et sans doute, aux hommes qui le flagornaient, aux femmes qui lui souriaient, M. de Chazerat voulut bien lire les pompeuses adresses qu’il venait de recevoir des habitans de la province. L’une d’elles commençait ainsi : « Nos vœux sont enfin comblés ! il y a longtemps que nous désirions un homme dans la place à laquelle vous venez d’être nommé[48]. »


LOUIS GUIMBAUD.


  1. Ces pages sont tirées d’un ouvrage qui paraîtra prochainement à la librairie Emile Paul : Auget de Montyon, 1733-1820, d’après des documens inédits, par M. Louis Guimbaud.
  2. Ces pages sont tirées d’un ouvrage qui paraîtra prochainement à la librairie Emile Paul : Auget de Montyon, 1733-1820, d’après des documens inédits, par M. Louis Guimbaud.
  3. L’Espion dévalisé.
  4. Montyon, Particularités sur les ministres des Finances, p. 67 de l’édition de Paris.
  5. Archives du Puy-de-Dôme, C. 1090.
  6. Ibid., C. 1090 et suiv.
  7. Ibid., C. 1090.
  8. Ibid., C. 1098.
  9. Archives du Puy-de-Dôme, C. 1116.
  10. Ibid., C. 1116.
  11. Ibid., C. 1118.
  12. Ibid., C. 1116.
  13. Ibid., C. 1116.
  14. Ibid., C. 1099.
  15. Ibid., C. 1098.
  16. Archives du Puy-de-Dôme, C. 1096.
  17. Ibid., C. 1108.
  18. Ibid., C. 1118.
  19. Ibid.
  20. Archives du Puy-de-Dôme, C. 572.
  21. Ibid., C. 241.
  22. Fragment manuscrit, Archives de l’Assistance publique.
  23. Tous les détails et tous les textes qui suivent, concernant la disette de 1770, en Auvergne, sont tirés des Archives du Puy-de-Dôme, C. 906 à 926.
  24. Maynon Dinvau avait épousé la seconde fille de Mme de Fourqueux, sœur de Montyon.
  25. Archives du Puy-de-Dôme, C. 1366.
  26. Archives du Puy-de-Dôme, C. 2339.
  27. Ibid., C. 912.
  28. Tous les détails et tous les textes relatifs à l’affaire Montagne sont tirés des Archives du Puy-de-Dôme, C. 1853.
  29. Archives de l’Assistance publique, fragment inédit tiré d’un portefeuille sur lequel Montyon a écrit : Pièces du procès contre le public.
  30. Archives du Puy-de-Dôme, C. 1096.
  31. Mme d’Épinay à Galiani, 27 janvier 1771.
  32. Archives du Puy-de-Dôme, C. 3938.
  33. Tous les faits et documens relatifs à l’affaire du droit de leyde, à Thiers, sont tirés des Archives du Puy-de-Dôme, C. 2759, et des Archives communales de la ville de Thiers, B. B. VII et VIII.
  34. Sur les Chazerat voyez Revue d’Auvergne, 1891, p. 161 et Archives du Puy-de-Dôme. On peut voir d’assez intéressans portraits des Chazerat au musée de Riom.
  35. Lettre de M. Decazauvielh, subdélégué de Billom, à Montyon, le 23 mars 1771. Archives de l’Assistance publique.
  36. Tel était, par exemple, le cas de la Provence.
  37. Cet hôtel est aujourd’hui le Palais de l’évêché.
  38. Lettre de M. Decazauvielh, citée plus haut.
  39. Journal de Barbier.
  40. Sénac de Meilhan, Portraits.
  41. Sur tous ces points voyez Flammermont, le Chancelier Maupeou et les Parlemens.
  42. Flammermont, op. cit.
  43. Archives de l’Assistance publique.
  44. Ibid.
  45. Flammermont, op. cit.
  46. Montyon, Lettre au roi Louis XVI.
  47. Archives de l’Assistance publique.
  48. Il est vrai d’ajouter que tout cela n’empêcha pas M. de Chazerat de finir assez ridiculement. On lit, en effet dans la Correspondance secrète, le 20 novembre 1789 : « Tous les intendans de province sont dans l’inaction. Ils attendent leur sort. Si on se loue de la prudence de leur conduite publique, quelques particuliers sont en droit de se plaindre de leur galanterie. M. de Chazerat, intendant de Clermont, jeune homme de soixante-sept ans, a disparu au moment qu’on s’y attendait le moins, avec une dame d’Alagnac et, dit-on, un million en or, laissant sa femme peut-être un peu moins affligée qu’étonnée de cette aventure. »