Nécrologie de M. Ernest Dupuy

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Nécrologie de M. Ernest Dupuy
Revue pédagogique, second semestre 191873 (p. 215-216).

Nécrologie :
Ernest Dupuy.



La mort de M. Ernest Dupuy sera vivement ressentie dans le monde universitaire.

Après une carrière de professeur dans quelques lycées des départements M. Ernest Dupuy avait été appelé à Paris, au lycée Henri IV, où il occupa longtemps, avec une remarquable autorité, la chaire de rhétorique. L’amitié de M. Edouard Lockroy, qu’il avait connu chez Victor Hugo, où, jeune poète il fréquentait, le décida à accepter les fonctions de chef de Cabinet au ministère de l’Instruction publique.

M. Dupuy fut ultérieurement nommé inspecteur de l’Académie de Paris ; puis, en 1895, inspecteur général de l’Enseignement secondaire.

Pendant les dix-huit années passées dans cette fonction, il fut un inspecteur accompli ; il apportait, dans l’inspection, ses manières exquises et courtoises, une érudition discrète et sûre, une grande bonté à l’égard des professeurs qu’il savait adroitement diriger par ses conseils, et à qui il s’imposait par sa valeur personnelle. Il aimait les jeunes talents, et plus d’un maître, aujourd’hui arrivé, lui doit une grande reconnaissance.

M. Dupuy aurait pu, il aurait dû, pensions-nous, rester en fonctions ; aucune intervention amicale ne pût l’y décider, et malgré les instances affectueuses du Directeur de l’Enseignement secondaire, M. Lucien Poincaré, il persista à demander sa retraite en 1913. Il entrait dans ses projets de se livrer à des travaux littéraires et artistiques qu’il avait été forcé de délaisser en raison de ses occupations universitaires.

Car M. Dupuy fut, on même temps, qu’un fonctionnaire éminent, un poète et un littérateur, le poète des Parques, œuvre d’une inspiration élevée, et d’un style très pur.

Critique d’art, il écrivit un livre excellent Bernard Palissy.

Dans les dernières années de sa vie, il se consacra, avec une véritable passion, à l’étude des œuvres d’Alfred de Vigny et les livres qu’il a publiés resteront parmi les mieux informés sur le poète.

Il convient de rappeler ici que M. Ernest Dupuy fit partie de cette élite de professeurs qui, dès la fondation de l’École de Fontenay furent appelés à y enseigner par l’heureuse clairvoyance de MM. F. Pécaut et F. Buisson.

Dans cette Revue, M. Dupuy a fait paraître diverses études de critique littéraire et de pédagogie et en dernier lieu, sous le titre Voix anglaises, une suggestive analyse des journaux anglais aux heures graves des premières années de la guerre, où la question de la participation britannique était d’une si haute importance.

Le cœur sensible de ce lettré, de cet artiste, qui connaissait merveilleusement tous les trésors artistiques de la France fut cruellement déchiré par les horreurs de l’invasion et sans doute de telles blessures contribuèrent à le précipiter vers une fin qui fut lentement douloureuse…

Nous adressons à la famille de M. Dupuy, au nom de cette Revue, l’expression très émue de nos regrets.

R. S.