Notes historiques sur la vie de P. E. de Radisson/Prologue

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NOTES HISTORIQUES


SUR LA VIE DE


PIERRE ESPRIT DE RADISSON.




Prologue.


Quelle étrange existence que celle de cet homme ? Tour à tour, découvreur, officier de marine, inspirateur et fondateur de la plus puissante compagnie de commerce qui ait existé dans l’Amérique du Nord, sa vie présente un mélange étonnant des vicissitudes humaines.

On le voit alternativement passer de la loge de pauvres sauvages, à la cour du grand Colbert, haranguer les chefs des tribus et les Pairs les plus illustres de la Grande Bretagne.

Son courage était de bonne trempe. Il vit plus de cent fois la mort en face sans s’émouvoir. Il brava les tortures et le bûcher chez les Iroquois, les complots perfides des sauvages de l’Ouest, les hivers rigoureux de la Baie d’Hudson et les chaleurs tropicales des Antilles.

Nature aventureuse, attiré comme irrésistiblement vers les régions inconnues, poussé par la fièvre des voyages, toujours prêt à s’élancer dans de nouveaux dangers, Fenimore Cooper, aurait pu en faire, l’un des héros de ses romans les plus émouvants.

Le tableau de sa vie, présente cependant bien des ombres. La vie de brigands qu’il mena avec un parti d’Iroquois, ne peut être excusée en aucune façon.

On lui reproche également, d’avoir deux fois déserté le drapeau de la France, sa patrie. La première fois, on serait tenté d’être indulgent envers lui, car il fut l’objet de graves injustices, de la part du gouverneur de la colonie.

Aucune excuse, ne saurait justifier sa seconde trahison. Il n’en offre aucune, non plus. Il avoue bien ingénument, qu’il rechercha le service de l’Angleterre parce qu’il la préférait à la France.

En épousant la fille de Sir John Kertk, il paraît avoir épousé également la nationalité de cette famille là. Pour lui, il faudrait changer le proverbe et au lieu de « Qui prend mari, prend pays » dire « qui prend femme, prend pays. »

Le célèbre découvreur du Nord-Ouest, l’illustre La Vérendrye, eut comme Radisson et plus encore que lui, de justes motifs de se plaindre de l’ingratitude de la France ; mais combien différente fut sa conduite.

Aussi, les persécutions n’ont fait qu’ajouter au front du premier, une nouvelle auréole de gloire, tandis qu’elles ont apposé au front du second, une tache ineffaçable.

Les âmes vraiment élevées ne cherchent point, dans la trahison, la revendication de leurs droits méconnus.