Notice nécrologique sur M. le Colonel Meunier

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MÉLANGES


Nécrologie : M. le Colonel MEUNIER

Les membres de la Société des Sciences morales ont appris, avec une douloureuse émotion, la mort de leur président, M. le colonel Meunier, décédé à Versailles, le 5 octobre 1920.

Né à Versailles, le 11 août 1849, le jeune Jules Meunier, après de brillantes études au Lycée de sa ville natale, entrait à Saint-Cyr en 1869, dans les tout premiers rangs ; il se maintenait à la tête de sa promotion, lorsque la guerre de 1870 vint brusquement interrompre ses études ; il prit part au siège de Paris comme sous-lieutenant, puis lieutenant d’infanterie. Il parcourut les grades inférieurs en officier particulièrement intelligent et laborieux ; nous le trouvons successivement instructeur, puis professeur à Saint-Cyr, élève à l’École de Guerre, officier breveté dans divers états-majors, et se faisant entre temps recevoir licencié en droit.

Chef de bataillon en 1889, lieutenant-colonel en 1897, il eut à diriger dans ce dernier grade la section du personnel d’état-major au Ministère de la Guerre ; promu colonel en 1904, il commanda le 137e d’infanterie jusqu’à la limite d’âge, en 1909.

Ses hautes qualités militaires semblaient lui promettre une plus brillante carrière ; la politique paraît bien n’avoir pas été étrangère à l’arrêt prématuré de son avancement.

Retiré à Versailles, il apportait aussitôt à tous les organes de l’activité intellectuelle sa laborieuse bonne volonté ; aussi, en mai 1912, entrait-il au Conseil municipal, et en juin 1913, il devenait adjoint au Maire.

Un an plus tard, la mobilisation l’arrachait à ses fonctions ; attaché à l’état-major de la région du Nord, il a passé presque toute la guerre dans cette zone bombardée, affecté à diverses missions, notamment pendant longtemps à la présidence du Conseil de guerre de Boulogne, où sa compétence a été hautement appréciée. Lorsqu’une nouvelle limite d’âge l’a atteint, il a obtenu de faire bénévolement dans la même région des conférences patriotiques aux jeunes soldats, et il n’est rentré à l’Hôtel de Ville de Versailles que le jour de l’armistice.

Ce bon Versaillais, actif et instruit, ne pouvait rester étranger à la Société des Sciences morales ; admis comme membre associé en 1910, il devenait titulaire le 22 mars 1912. Sa collaboration fut toujours — en prose et même en vers — intelligente, intéressante, aimable ; aussi ses confrères l’ont-ils élu vice-président en 1914 et président en 1915 ; il a quitté ses fonctions en 1918, les ayant à peine exercée à cause de sa mobilisation ; réélu en juillet 1920, il est mort avant d’avoir inauguré sa nouvelle présidence.

Son dernier travail publié dans la Revue de l’Histoire de Versailles est le récit pittoresque et émouvant de la translation des cendres de Hoche à Weissenthurm, où il avait fait partie de la délégation municipale représentant la ville natale du héros de Sambre-et-Meuse ; ce fut certainement pour le colonel sa dernière joie de patriote et de soldat.

Les longues fatigues de la guerre avaient fortement ébranlé sa santé ; son échec aux élections municipales, qu’il sentait immérité, contribua à rendre son état plus grave, et, le 5 octobre 1920, il s’éteignait avec une sérénité résignée.

Ceux qui n’ont connu le colonel Meunier que superficiellement se rappelleront un homme aimable, bienveillant, d’une intelligence brillante et variée ; ceux qui l’ont approché de plus près ont été surtout frappés de sa grande valeur morale ; il a consacré toute sa vie à l’accomplissement du devoir considéré dans sa forme la plus large comme la plus délicate ; quoique peu récompensé de ses mérites, il est demeuré jusqu’à la mort fidèle à la haute discipline morale qu’il s’était imposée.

Henri Simon.