Notice sur l’Album de Villard de Honnecourt architecte du XIIIe siècle/6

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VI

DESSIN DE L’ORNEMENT


L’ornement est la partie dans laquelle excellèrent les artistes du XIIe siècle surtout depuis 1150. Villard de Honnecourt se montre tout à fait nourri de leur tradition, quoiqu’il commence à se produire dans son dessin quelque chose de la maigreur gothique. Les figures de pur ornement sont d’ailleurs en fort petit nombre dans son album.

Il faut signaler en premier lieu un motif qui s’y trouve traité de plusieurs façons (fol. 5 v. et 22 r.), et qui consiste en rosaces de feuillage richement découpées et nervées figurant des faces humaines par l’addition d’yeux, de nez et de bouche. L’auteur appelle cela testes de fuelles, « têtes de feuilles. »

(Fol. 5 v.). Rinceaux enroulés, d’un bon style, pour l’ornement d’une archivolte romane. — Études de feuilles d’après nature, chêne et figuier. Ces dessins n’ont pas de légende.

(Fol. 6 v.). Une chimère contournée en forme de S, conception pleine de goût et d’élégance, copiée probablement d’après un manuscrit du temps de Philippe-Auguste.

(Fol. 29 r.). Dessin sur grand échelle d’un double enroulement de feuillage prenant naissance sur un culot commun :véritable chef-d’œuvre de découpure proposé pour servir de cloison à une stalle. L’auteur dit en marge :Se vous volés bien ovrer d’une bone-poupée à uns estaus, à cesti vous tenés[1].

Je placerai encore dans le chapitre de l’ornement, la mention de deux motifs de pavement qui sont trop peu de chose pour en faire une classe à part.

(Fol. 7 v.). Un labyrinthe tracé sans légende. Il est de forme circulaire, comme la Lieue de Chartres.

(Fol. 15 v.). Cinq panneaux de carrelage en compartiments et rosaces exécutées au compas. Villard de Honnecourt nous apprend qu’il prit ces dessins en Hongrie :J’estoie une fois en Hongrie, là ù je mes maint jor. Là vi jo le pavement d’une glize de si faite manière. « J’étais une fois en Hongrie, là où je restais maint jour. Là vis-je un pavement d’église de cette gracieuse façon. » La nouveauté de l’objet peut seule avoir séduit notre auteur, car rien n’est plus ordinaire que le dessin qu’il nous met sous les yeux. Je crois pouvoir induire de là que ces carreaux en incrustation d’émail qui remplacèrent la mosaïque qu XIIIe siècle, furent importés chez nous des parties orientales de l’Europe.

  1. Voy. ci-après, p. 294, n°4.