Nouvelles de la littérature - 31 décembre 1831

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M. Émile Deschamps va publier incessamment chez Urbain Canel, un poème intitulé : Retour à Paris. Le succès des Études françaises et étrangères promet d’avance aux amis de l’art et de la poésie une lecture intéressante. Ce poème, qui devait entrer dans le 3e vol des Cent Un, en est le complément.


M. Lenormand doit publier prochainement en deux vol. in-12, l’Homme sans nom, de M. Ballanche, magnifique récit, qui se place à côté du beau poème d’Antigone, et qui doit aider puissamment à populariser la Palingénésie.


M. Charles Lemesle a publié, il y a quelques jours, un volume de M. Paul Foucher sous le titre de Saynètes.

Le libraire Moutardier vient de faire paraître l’Écuyer d’Auberon, de madame Waldor.

Aug. Aufray, passage du Caire, no 54, a publié en même temps un volume in-18, de Contes américains, avec des vignettes de Henri Monnier, dans lequel se trouve un joli conte de miss Sedgwick, intitulé la Manie d’écrire[1].


LE LORGNON.
UN VOL. IN-8o, CHEZ LEVAVASSEUR ET GOSSELIN.

Voici un livre qui n’est pas signé ; mais le secret n’a pas été gardé, et ne devait pas l’être. Il ne faut vraiment pas beaucoup de finesse et de pénétration, pour deviner que l’auteur a compté sur l’indiscrétion. C’est une tactique assez habile, et qui place la critique dans une fausse position. En ne se nommant pas on se donne pleine liberté, on multiplie au gré de ses caprices, les portraits, les railleries et les souvenirs. On demeure anonyme tant qu’on tient la plume, pour ne pas se gêner, on se dépouille de son sexe, on renonce aux réserves que le monde impose, on abdique au besoin, et pour quelques semaines seulement, la célébrité qu’on doit à ses charmes et à sa jeunesse ; puis quand arrive le grand jour, au moment de lancer son ouvrage, on aide soi-même et de son mieux à la révélation du secret, et l’on espère ainsi embarrasser les gens les plus difficiles et les réduire au silence ; on les défie de vous attaquer, on semble presque leur reprocher d’avance leur injustice et leur aigreur, on se fait un bouclier de sa franchise et de sa générosité.

Essayons pourtant de parler du Lorgnon comme si nous l’avions reçu et feuilleté au fond de l’Auvergne ou de la Bretagne, sans avoir parcouru les journaux, qui depuis quinze jours épuisent toutes les coquetteries de la réticence, toutes les flatteries ingénieuses de l’allusion ; jugeons le nouveau roman, comme si nous n’avions lu ni le Bonheur d’être belle, ni le Malheur d’être laide, ni la Vision de Jeanne d’Arc, ni les Stances au général Foy, ni le Dernier jour de Pompéi, ni même Corinne aimée ; oublions pour n’ébranler pas notre impartiale intégrité, les lectures et les improvisations de salon, qui, sous la restauration, avaient toute l’importance d’un évènement.

La donnée du Lorgnon, la fable repose sur une invention qui prétend à la fantaisie d’Hoffmann, et qui, à notre avis, est bien loin d’y atteindre. Le talisman qu’Edgar doit à l’amitié d’un savant Bohémien, n’est qu’un ressouvenir infiniment pâle de maître Floh, et quelle prodigieuse différence ! Mais de bonne foi, nous aurions mauvaise grâce à insister sur la machine épique de l’auteur. Sauf le mystère qu’il a voulu mettre dans le titre, il est plus que probable qu’il n’y attache pas lui-même une grande importance. À proprement parler, le roman nouveau est ainsi fait, qu’on s’aperçoit, en lisant les dernières lignes de la dernière page, qu’il n’y a pas de roman. L’auteur se sert d’Edgar, le véritable héros de son livre, comme un tisserand d’une navette ; et les conversations ; les épreuves, les illusions, les déceptions au travers desquelles il le fait passer avec une paresseuse complaisance, sont autant de mailles inoffensives, dont il sort comme il y est entré. Encore si ces aventures prétendues étaient vraies, ressemblaient au monde, nous rappelaient notre vie de tous les jours, ou nous tiraient de la réalité pour nous distraire par la rêverie ou l’imagination, nous n’aurions pas le droit de nous plaindre ; plus d’un exemple imposant, Gil Blas, Roderick Random, Gulliver, nous fermeraient la bouche, et revendiqueraient hautement les franchises de l’art et de la pensée.

À défaut d’aventures, si le livre était plein de ces riens si simples, si ingénus, si intimes et si attachans, qui font d’Eugène de Rothelin, d’Adèle de Sénanges des chefs-d’œuvre inimitables ; si la situation choisie par l’auteur était approfondie et développée comme dans Édouard ou Mademoiselle de Clermont, vraiment nous ne serions pas assez mal avisés pour regretter les souterrains, les châteaux, les trappes et les clairs de lune d’Anne Radcliffe.

Mais, par malheur, il n’y a rien de tout cela dans le Lorgnon. C’est un recueil de conversations prétentieuses et maniérées, de mots ambitieux et obscurs comme il s’en trouve tant dans le Legs et les Fausses Confidences, mais qui ne rachètent pas leur obscurité par quelque trait bien fin, bien délié, et qui fasse honneur à l’observation de l’auteur. Les caractères sont impossibles et introuvables comme les noms sous lesquels ils se cachent ; depuis madame de Clairauge jusqu’à madame de Montbert, depuis M. de Fontvenel jusqu’à M. Narvaux, je n’en sais pas un que vous puissiez rencontrer n’importe où.

Pour la frivolité de ces personnages, vraiment elle est sans exemple, et n’a pas même le mérite de l’élégance. Leurs plaisirs ne sont pas de bon goût, ou tout au moins sont bien mêlés. M. Cagnard, le Philtre et l’Orgie sont fort étonnés, j’en suis sûr, de se trouver en compagnie de la maréchale d’Ancre. Le jeune officier qui dîne au Café de Paris avec M. de Lorville suit une petite couturière comme pourrait le faire un lycéen de seize ans. Quant aux cannezous de mademoiselle de Latour et aux gilets de Blain, je les estime et les révère, mais je ne conçois guère la nécessité d’indiquer dans un livre leur origine. Ma curiosité n’est pas si exigeante, et leur beauté me suffit.

Le secret de madame de Champlery, son innocence opposée à son veuvage, le bouquet et le mot qui l’accompagne, ne me semblent pas non plus très délicatement imaginés ; c’était déjà une grande hardiesse que de se proposer une telle difficulté, mais il fallait pour la tourner une habileté non moins grande.

C’est avec un regret sincère que nous voyons l’auteur de Madeleine profiter si mal des leçons qu’elle a reçues de l’auteur d’Anatole, de Léonie de Monbreuse. Le Lorgnon ne vaut pas même le Moqueur amoureux. Puisse le poème de Napoline nous obliger bientôt à rétracter notre blâme, et à le remplacer par la louange, qui ne coûte jamais lorsqu’elle est sincère !


de l’éducation publique considérée dans ses rapports avec le développement des facultés, la marche progressive de la civilisation et les besoins actuels de la France, par F.M.L. Naville, M.D.S.E., in-12.[2]

Ce noble plaidoyer en faveur de l’éducation publique a remporté le prix proposé par la société des méthodes d’enseignement sur une question analogue, et certes jamais thèse si grave ne fut soutenue avec plus de conviction, plus de conscience. Le titre de l’ouvrage indique la marche de l’auteur. Établissant d’abord cette vérité si simple, que l’homme n’a pas des facultés pour les enfouir, M. Naville montre comment l’exercice, le développement de ces facultés natives sont nécessaires, non-seulement à l’individu, mais au pays, mais à la société tout entière. L’homme n’est pas un être isolé, un enfant trouvé de la création, jeté dans le monde sans but, sans liens, sans destinée ; la nature lui trace elle-même ses devoirs et sa destination ; or, la nature se venge toujours des outrages faits à ses lois. Et que d’outrages n’ont-elles pas reçus, ne reçoivent-elles pas chaque jour dans ce qu’elles ont de plus sacré, de plus noble, l’éducation. Presque partout l’intelligence publique, comme une terre en friches que l’incurie du maître frappe de stérilité, presque partout l’intelligence publique est livrée en pâture aux superstitions et aux préjugés de l’ignorance.

Et, pour ne parler que de la France, à qui cet ouvrage est spécialement destiné, et où sur trente mille communes la moitié à peine a des écoles, n’est-il pas honteux de voir l’éducation se débattre encore dans ses langes, garrottée qu’elle est dans les entraves du monopole et de la routine. L’éducation primaire surtout, cette base de toute stabilité sociale, cette garantie de toute moralité publique, n’est-elle pas dans un état déplorable ? Elle manque de la liberté qui féconde et vivifie tout.

C’est contre de si criants abus que M. Naville proteste de toute la force de ses convictions, avec toute l’autorité de ses lumières. La nécessité de l’éducation nationale une fois établie, et les sophismes de l’ignorance sapés dans leurs bases, dans l’intérêt de l’industrie, du commerce, du gouvernement, l’auteur attaque les méthodes actuelles et en propose de rationnelles, fondées sur la nature même des choses qui, développant les facultés dans leur ordre de naissance et de succession, les mette en état de marcher ensuite de front à la conquête du bonheur et de la vérité. Ce n’est pas qu’il veuille remplir le monde de pédans en us, loin de là ; il distingue les connaissances en théoriques et pratiques, et admet différens degrés suivant la vocation de chacun : ainsi le maçon ne saura pas les mathématiques comme l’astronome, mais il en saura ce qui lui en faut pour exercer sa profession avec intelligence. Des exemples nombreux donnent à ses paroles une nouvelle autorité. L’état moral et politique des deux Amériques lui fournit des points de comparaison d’un intérêt actuel. Voyez celle du Nord où l’éducation est populaire, tout y est force, puissance, prospérité ; celle du Sud au contraire, où l’ignorance espagnole est traditionnelle, n’offre que misère, faiblesse et anarchie.

Abandonnant la sphère des principes et des considérations générales, l’auteur descend sur le champ épineux des applications, et là on sent l’homme spécial. En effet, M. Naville est un pasteur génevois qui a consacré et consacre encore à l’éducation la plus grande partie de sa vie ; il connaît donc pratiquement son sujet, et ses doctrines sont appuyées sur l’expérience. Nous ne le suivrons pas dans les détails minutieux où il a dû entrer, mais nous rendrons pleine justice à la justesse de ses vues, à la simplicité de ses moyens. Il passe en revue les différens états pour les deux sexes, et il en fait la base de l’éducation élémentaire ; il s’élève contre ces pratiques surannées et funestes qui, sous le nom d’émulation, vont allumer des passions honteuses dans les jeunes âmes ; il veut que le progrès soit la récompense du progrès, et que l’homme élevé, ennobli par l’étude, trouve en soi des motifs suffisans d’émulation. Il établit, sur une base juste et philanthropique les relations d’élèves à maîtres, de maîtres à parens, et demande que ceux-ci concourent de moitié avec l’état au salaire des instituteurs primaires.

Là encore de nombreux exemples ; et à cette occasion, M. Naville paie un large tribut de respect et de reconnaissance à l’abbé Girard, qui, long-temps avant la méthode lancastrienne, avait fondé à Fribourg en Suisse un système d’éducation publique si simple et si salutaire à-la-fois, qu’il avait régénéré la jeunesse de toutes les classes, et promettait à la patrie d’excellens citoyens. Le clergé prit l’alarme, l’ouvrage fut abandonné, mais en dépit de toutes les intrigues, le nom de l’abbé Girard est resté en vénération. Espérons que les nouveaux évènemens de la Suisse auront animé le gouvernement d’un nouvel esprit, et qu’il prendra à tâche de poursuivre l’œuvre de régénération.

Nous voudrions espérer aussi que le gouvernement de France ne sera pas encore long-temps sourd au vœu public, rebelle à l’évidence. La réforme de l’éducation, surtout de l’éducation primaire, est urgente. Nous avons déjà dit que quinze mille communes manquent encore d’écoles, que celles qui existent sont insuffisantes et peu suivies, parce que l’impulsion n’est pas donnée. Il faudrait à la tête de l’éducation nationale un ministre à vues larges, qui portât une main hardie sur les abus et ouvrît des voies nouvelles ; jamais époque ne fut plus propice, jamais on ne sentit plus vivement, plus généralement le besoin d’une réforme dans les mœurs publiques ; et quelle est la base de toute réforme, sinon l’éducation primaire ? Il y aurait long à dire sur tout ceci, et nous aurions bientôt dépassé nos limites ; nous y devons rentrer, et nous le ferons pour remercier l’auteur de son excellent mémoire. Un Suisse, M. le professeur Vinet, remporta, il y a peu d’années, le prix offert par la société de la morale chrétienne sur la liberté des cultes. Un Suisse encore, M. Naville, a remporté aujourd’hui celui de l’éducation. Cette circonstance, que nous relevons avec plaisir, fait honneur à nos voisins de la république.


le feu du ciel, par M. louis boulanger.

Le public n’a pas oublié la Ronde du Sabbat et la Saint-Barthélemy, de M. Louis Boulanger. Tous les reproches adressés à l’auteur de Mazeppa n’ont pu fermer les yeux des artistes et des critiques sur le mérite éminent et réel de ces ardentes créations. Le Feu du Ciel, inspiré, comme la Ronde, par un poème de Victor Hugo, réunit à la verve de cette dernière planche une supériorité incontestable d’exécution. Le sujet est emprunté à la première des Orientales, et le peintre n’est pas demeuré au-dessous du poète.

Plusieurs fois déjà M. Boulanger a puisé à la même source que Victor Hugo, et il a raison selon nous ; car, entre les imaginations poétiques de notre temps, il en est peu, sans doute, qui soient plus directement et plus immédiatement pittoresques. Les Orientales surtout parlent aux yeux bien plus encore qu’à la pensée. C’est, de tous les livres de l’auteur, celui où il a donné le plus d’importance à la partie visible de la poésie : ses précédens recueils, et surtout le dernier, s’adressent plus volontiers au cœur et à l’intelligence.

M. Louis Boulanger, qui sans doute a complété sa première inspiration par une lecture attentive de la Bible, nous paraît avoir compris parfaitement tout ce qu’il y avait de majestueux et de magnifique dans le désastre et l’incendie des deux villes coupables. Sa composition est immense et gigantesque, et ne sort pas des limites imposées à son art, comme les poèmes de Martin et de Danby.

Le poème de M. Boulanger est de la belle et grande peinture, qui rappelle plus volontiers les Enfers de Rubens que le Jugement de Michel-Ange. Mais cette fois-ci, il s’est tellement approprié la manière du maître, que son Feu du ciel est vraiment une production originale.

Il nous a semblé que les premiers plans auraient été d’un effet plus saisissant et plus sûr, si les dieux de granit, au lieu d’être charnus, modelés et vivans, malgré leurs proportions colossales, avaient été sculptés dans les formes raides et immobiles des idoles égyptiennes. L’opposition aurait été plus marquée, et l’action plus précise.

Mais cette critique, que nous croyons juste, et qui ne s’attaque qu’à un détail, ne diminue en rien le mérite et l’effet du Feu du ciel. C’est une belle et glorieuse réaction contre les hauberts, les corselets et les cuissards, dont la peinture se compose exclusivement depuis quelques années. C’est une création poétique, de recueillement et de solitude, destinée dès aujourd’hui à un grand succès, une belle estampe pour nos salons, et en même temps une œuvre de conscience et d’énergie qui portera ses fruits, un pas éclatant dans la carrière de l’auteur.

Le Feu du ciel doit consoler M. Boulanger de n’avoir pas paru au salon de cette année, et en même temps l’encourager et le soutenir jusqu’au salon de 1832.


NOUVEAU
PROCÉDÉ D’IMPRESSION DE LA MUSIQUE.

La romance qui paraît dans le numéro de ce jour n’a pas été imprimée par le moyen ordinaire. Son exécution est due à un nouveau procédé entièrement typographique. Il est dans l’esprit de notre Revue, qui n’est indifférente à aucun des perfectionnemens introduits dans les arts, d’arrêter l’attention de nos lecteurs sur une découverte à laquelle on doit déjà d’heureux résultats, et qui doit être d’une grande utilité dans l’avenir.

La gravure est depuis long-temps presque seule en possession de reproduire la notation musicale, et les divers essais tentés pour détruire ce monopole n’ont fait que mieux l’établir. Cependant le tirage des planches gravées est fort dispendieux, surtout lorsqu’il s’applique à des publications à grand nombre. Il était à désirer qu’on trouvât le secret d’une concurrence qui vint favoriser la consommation.

La lithographie exécute à moins de frais ; mais l’imperfection de ses résultats en limite beaucoup l’emploi. Elle ne présente en général ni netteté dans le dessin, ni correction dans le texte.

Ajoutons que ni la lithographie, ni la gravure ne permettent d’imprimer avec élégance et à des prix modérés les ouvrages mêlés de texte et de musique.

Dès la fin du quinzième siècle, peu de temps après la découverte de l’imprimerie, on appliqua l’art de Guttemberg et de Schoeffer à la reproduction de la notation musicale. Les énormes livres de plain-chant qui pèsent sur les pupitres de nos églises sont exécutés avec des caractères mobiles. Chaque type représente une ou plusieurs notes avec des fragmens de portée. Ces fragmens de portée sont rapprochés, et de cette juxtaposition doivent résulter des lignes continues. Nous disons doivent résulter, parce qu’effectivement il n’en est rien. On voit toujours une lacune sensible entre deux caractères. De plus, dans cette exécution grossière, les caractères ne sont pas alignés, en sorte que les portées présentent sur leur longueur des étages infiniment peu gracieux pour l’œil.

Quand la notation musicale devint plus compliquée, les procédés furent perfectionnés, et les essais faits en Allemagne, en Angleterre et en France sont assurément fort estimables. Toutefois, on ne sortait pas de l’ornière : c’étaient toujours des notes ou des fractions de notes assises sur une fraction de portée, qu’on rapprochait pour obtenir une portée et des notes entières ; l’on réussissait si peu à rendre inaperçu le passage d’un caractère à l’autre, que l’on peut compter quelquefois, pour former une seule double croche, jusqu’à cinq ou six pièces distinctes.

L’art en était à ce point, et nous pouvons ajouter qu’à Paris même les moyens manquaient totalement pour citer dans le corps d’un ouvrage et imprimer d’une manière suffisamment nette un passage de musique, même le plus simple ; de là l’absence en ce genre de livres élémentaires, de publications à la portée de tous.

M. E. Duverger s’inquiéta de la difficulté. Après de longues méditations, il reconnut qu’on était arrivé à toute la perfection qu’on pouvait atteindre en suivant une fausse route. Le vice fondamental, dans l’impression de la musique, était cet assemblage de lignes d’une courte dimension qu’on ne pouvait réunir d’une manière imperceptible, sorte de portée en mosaïque, dont on comptait sans peine les élémens. C’est sur cet objet qu’il concentra ses réflexions, et l’on peut voir, par le spécimen que nous donnons, quelle importante réforme a été introduite à cet égard. Les notes ont toute l’élégance, et les portées toute la continuité de la gravure.

Cette ingénieuse découverte est surtout précieuse pour l’impression des ouvrages didactiques, car elle offre une notable économie. Déjà plusieurs publications[3] de ce genre sont sorties des presses de M. E. Duverger, et nous pensons que cette exécution, en permettant de publier beaucoup de livres sur la musique, contribuera à la populariser en France.


Dans un savant ouvrage sur les Colonies romaines qu’on regrette de ne pas voir publier, M. Dureau-Delamalle, traitant la question de l’esclavage sous le rapport de la production, évalue la perte annuelle en esclaves à Saint-Domingue, avant la révolution, à dix pour cent, et à douze dans les colonies à sucre anglaises et hollandaises des Antilles. Il est de fait que la culture du sucre, plus que toute autre, est meurtrière pour l’esclave. Or, nos colonies de la Martinique et de la Guadeloupe étant sucrières, il en résulterait que la proportion de douze pour cent peut leur être supposée, et qu’ainsi la vie moyenne de l’esclave aux Antilles serait d’environ huit ans. Cette induction ne suffit-elle pas pour faire prévoir la dépopulation prochaine, et la ruine inévitable de ces colonies déjà si languissantes ?

  1. Nous avons remarqué dans ce même volume de Contes américains, celui de la Méprise conjugale qu’on attribue à Irving, et dont une Revue vient de s’emparer sans façon sous le titre des Deux Méprises.
  2. Paris, Audin, quai des Augustins, n. 25.
  3. Parmi ces ouvrages, nous citerons les Lettres à Clémence sur la musique.