Odes (Horace, Mondot)/11

La bibliothèque libre.
Traduction par Jacques Mondot.
Poncelet (p. 25-26).
◄  X
XII  ►


A LEVCONE.


Qu’il n’eſt bon tant recercher les
choſes advenir, & qu’il eſt meilleur
viure ioyeuſement de iour
en iour.


ODE XI.




LEucone que veux-tu ſçauoir
Ce qu’il n’eſt loiſible d’apprendre
Quelle fin nous deuons auoir
Des iours fuitifs qui nous font rẽdre.

    Laiſſe les nombres odieux
Des Babilons, qui par nature
Des ans ſont par trop curieux,
Ce n’eſt que noſtre ſepulture.

    Soit que noſtre œil des nouueautez.
Du Printemps, cent plaiſirs rapporte,
Soit qu’auant que voir ſes beautez
La mort au cercueil nous emporte.

    Que noz ans fuyars & noz iours
Franchiſſans leur cource poudreuſe,
Voiſent rouler de mille tours
Aux enfers la pierre odieuſe.


    Mon Leucone il eſt de beſoin
Qu’vn peu ton eſprit l’on inſtruiſe :
Du futur éuite le ſoin,
Et tienſ ton ame en ſa franchiſe.

    Suy ton plaiſir, ayme les jeux,
Verſe du vin à plaine coupe,
Puis que de ſon dard rigoureux
La mort le fil de noz ans coupe.

Cueillis doucement la clairté
Qu’à l’aube du iour tu voys naiſtre,
Puis que la fleur d’vn autre Eſté
Perſonne ne ſe peut promettre.