Odes (Horace, Mondot)/9

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Traduction par Jacques Mondot.
Poncelet (p. 22-23).
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à thaliarche.


Qu’il luy faut suivre ses plaisirs
au temps d’Hyuer.


ODE IX.




TV vois du mont Sabinien
Le sommet chenu de froidure,
La forest ia plus ne soustien
Son rameau peint d’vne verdure.

Le fleuue que l’on oit gronder
Contre vn rocher suiuant sa trace,
Est contraint les pas retarder
De ses sillons changés en glace.

Prends ton harnois contre les vents
Entassant au feu mille buches :
D’vn vin gardé depuis quatre ans
Remplis mille nouuelles cruches.

Des dieux laisse le reste en main,
Laisse faire à leur prouidence,
L’orgueil d’vn fort orage est vain,
Rien sans leur conseil il n’offence.


De nous leurs rayons sont auprès,
En voyans tour ils font ensemble
Qujaux bois ne flestrit le Ciprés
Et que du vent l'orme ne tremble.

Ton cœur ne soit blesme & trãcy:
De l'aduenir ne te soucie,
Si la fortune veut icy
Augmenter les iours de ta vie.

Reçois tout cõme vn dõ des dieux,
Comme du Ciel vne largesse,
Suy l'amour,au bal gracieux
Faits luyre ta braue ieunesse.

Et tandis qu'vn fils crespe-d'or
Iaunit le plus bas de ta face,
Et que le dard cruel encor
Ta flame ne rechange en glace.

Car comme de nos ans s'enfuit
(Cõme vne ombre qui ne seiournej
La saison, soubz la pasle nuit
Partie, iamais ne retourne.

Ores choisis tes passetemps
Parmy quelque verte campagne,
Les deuis amoureux reprens
Auant que tes yeux la nuit baigne.

De ta maistresse l'oeil pillard
Souz vn ry couuert de feintise
Caresse, & du doigt fretillard
L'anneau luy desrober aduise.