Page:Maupassant Bel-ami.djvu/100

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Brusquement, comme elle s’imaginait l’atteindre, il la saisit dans ses bras, et, l’élevant jusqu’au plafond, il cria : — Chat perché !

La fillette enchantée agitait ses jambes pour s’échapper et riait de tout son cœur.

Mme de Marelle entra et, stupéfaite :  — Ah ! Laurine… Laurine qui joue… Vous êtes un ensorceleur, monsieur.

Il reposa par terre la gamine, baisa la main de la mère, et ils s’assirent, l’enfant entre eux. Ils voulurent causer ; mais Laurine, grisée, si muette d’ordinaire, parlait tout le temps, et il fallut l’envoyer à sa chambre.

Elle obéit sans répondre, mais avec des larmes dans les yeux.

Dès qu’ils furent seuls, Mme de Marelle baissa la voix :

— Vous ne savez pas, j’ai un grand projet, et j’ai pensé à vous. Voilà. Comme je dîne toutes les semaines chez les Forestier, je leur rends ça, de temps en temps, dans un restaurant. Moi, je n’aime pas à avoir du monde chez moi, je ne suis pas organisée pour ça, et, d’ailleurs, je n’entends rien aux choses de la maison, rien à la cuisine, rien à rien. J’aime vivre à la diable. Donc je les reçois de temps en temps au restaurant, mais ça n’est pas gai quand nous ne sommes que nous trois, et mes connaissances à moi ne vont guère avec eux. Je vous dis ça pour vous expliquer une invitation peu régulière. Vous comprenez, n’est-ce pas, que je vous demande d’être des nôtres samedi, au café Riche, sept heures et demie. Vous connaissez la maison ?

Il accepta avec bonheur. Elle reprit :  — Nous serons tous les quatre seulement, une vraie partie carrée. C’est très amusant ces petites fêtes-là, pour nous autres femmes qui n’y sommes pas habituées.

Elle portait une robe marron foncé, qui moulait sa