Page:Maupassant Bel-ami.djvu/288

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Ce sera très intéressant. Mais je suis désolée, nous n’avons personne pour nous y conduire, mon mari devant s’absenter à ce moment-là.

Du Roy s’offrit aussitôt. Elle accepta. — Nous vous en serons très reconnaissantes, mes filles et moi.

Il regardait la plus jeune des demoiselles Walter, et pensait : « Elle n’est pas mal du tout, cette petite Suzanne, mais pas du tout. » Elle avait l’air d’une frêle poupée blonde, trop petite, mais fine, avec la taille mince, des hanches et de la poitrine, une figure de miniature, des yeux d’émail d’un bleu gris dessinés au pinceau, qui semblaient nuancés par un peintre minutieux et fantaisiste, de la chair trop blanche, trop lisse, polie, unie, sans grain, sans teinte, et des cheveux ébouriffés, frisés, une broussaille savante, légère, un nuage charmant, tout pareil en effet à la chevelure des jolies poupées de luxe qu’on voit passer dans les bras de gamines beaucoup moins hautes que leur joujou.

La sœur aînée, Rose, était laide, plate, insignifiante, une de ces filles qu’on ne voit pas, à qui on ne parle pas, et dont on ne dit rien.

La mère se leva, et se tournant vers Georges : — Ainsi, je compte sur vous jeudi prochain, à deux heures.

Il répondit : — Comptez sur moi, madame.

Dès qu’elle fut partie, Mme de Marelle se leva à son tour.

— Au revoir, Bel-Ami.

Ce fut elle alors qui lui serra la main très fort, très longtemps ; et il se sentit remué par cet aveu silencieux, repris d’un brusque béguin pour cette petite bourgeoise bohème et bon enfant, qui l’aimait vraiment, peut-être.

« J’irai la voir demain », pensa-t-il.

Dès qu’il fut seul en face de sa femme, Madeleine se mit à rire, d’un rire franc et gai, et le regardant bien en