Page:Maupassant Bel-ami.djvu/290

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commet sa première faute. Il faut s’y prendre plus tôt.

Georges songeait : « Si c’était vrai, pourtant, que j’eusse pu épouser Suzanne ?… »

Puis il haussa les épaules : « Bah !… c’est fou !… Est-ce que le père m’aurait jamais accepté. »

Il se promit toutefois d’observer désormais avec plus de soin les manières de Mme  Walter à son égard, sans se demander d’ailleurs s’il en pourrait jamais tirer quelque avantage.

Tout le soir, il fut hanté par des souvenirs de son amour avec Clotilde, des souvenirs tendres et sensuels en même temps. Il se rappelait ses drôleries, ses gentillesses, leurs escapades. Il se répétait à lui-même : « Elle est vraiment bien gentille. Oui, j’irai la voir demain. »

Dès qu’il eut déjeuné, le lendemain, il se rendit en effet rue de Verneuil. La même bonne lui ouvrit la porte, et, familière à la façon des domestiques de petits bourgeois, elle demanda : — Ça va bien, monsieur ?

Il répondit : — Mais oui, mon enfant.

Et il entra dans le salon, où une main maladroite faisait des gammes sur le piano. C’était Laurine. Il crut qu’elle allait lui sauter au cou. Elle se leva gravement, salua avec cérémonie, ainsi qu’aurait fait une grande personne, et se retira d’une façon digne.

Elle avait une telle allure de femme outragée, qu’il demeura surpris. Sa mère entra. Il lui prit et lui baisa les mains.

— Combien j’ai pensé à vous, dit-il.

— Et moi, dit-elle.

Ils s’assirent. Ils se souriaient, les yeux dans les yeux, avec une envie de s’embrasser sur les lèvres.

— Ma chère petite Clo, je vous aime.

— Et moi aussi.