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Page:Rabelais marty-laveaux 02.djvu/304

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Comment Panurge feiſt en mer noyer le marchant &
les moutons.


Chapitre VIII.


Sovbdain, ie ne ſçay comment, le cas feut ſubit, ie ne eu loiſir le conſyderer. Panurge ſans autre choſe dire iette en pleine mer ſon mouton criant & bellant. Tous les aultres moutons crians & bellans en pareille intonation commencerent ſoy iecter & ſaulter en mer apres à la file. La foulle eſtoit à qui premier ſaulteroit apres leur compaignon. Poſſible n’eſtoit les en guarder. Comme vous ſçauez eſtre du mouton le naturel, tous iours ſuyure le premier, quelque part qu’il aille. Auſſi le dict Ariſtoteles lib. 9. de hiſto. animal. eſtre les plus ſot & inepte animant[1] du monde. Le marchant tout effrayé de ce que dauant ſes yeulx perir voyoit & noyer ſes moutons, s’efforçoit les empecher & retenir tout de ſon pouoir. Mais c’eſttoit en vain. Tous à la file ſaultoient dedans la mer, & periſſoient. Finablement il en print vn grand & fort par la toiſon ſus le tillac de la nauf, cuydant ainſi le retenir, & ſauluer le reſte auſſi conſequemment. Le mouton feut ſi puiſſant qu’il emporta en mer

  1. Le plus ſot… animant. — Ηάντων ναὶ τῶν τετραπόδων ϰάϰιστον ἐστι.