pouvoir qu’il a de vous en faire, faut-il
s’étonner que ce même principe vous
fasse aimer un homme, qui par fa vertu
est disposé à vous faire du bien, encore que vous sçachiez bien qu’il n’en
a point le pouvoir.
Disons donc que le cœur a ses abstractions, aussi-bien que l’esprit, & comme
celui-ci sçait définir le bien en général,
quoiqu’il peigne plus vivement dans
notre imagination le bien particulier,
le cœur aime aussi ces convenances générales, que les objets ont avec lui,
quoiqu’il soit infiniment plus touché
des convenances particulieres, & qu’il
ne peut s’empêcher de sçavoir gré à
un homme d’être vertueux, à cause de
ces rapports délicats, que la vertu a
avec l’amour de nous-mêmes. Ce qui
ne vous permet pas d’en douter, c’est
que vous éprouvez que vous aimez davantage les vertus, à mesure que vous
y trouvez plus de rapport & de
convenance avec vous : nous aimons
naturellement plus la clémence que la
séverité ; la liberalité que l’œconomie,
quoique tout cela soit vertu. Cela ne
peut venir, si ce n’est de ce que notre
affection n’est point entierement desin-
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