Page:Hugo - Les Travailleurs de la mer Tome II (1892).djvu/225

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
215
LES DOUBLES FONDS DE L’OBSTACLE

En même temps elle avança vivement la tête. Une seconde de plus, sa bouche-anus s’appliquait sur la poitrine de Gilliatt. Gilliatt, saigné au flanc, et les deux bras garrottés, était mort.

Mais Gilliatt veillait. Guetté, il guettait.

Il évita l’antenne, et, au moment où la bête allait mordre sa poitrine, son poing armé s’abattit sur la bête.

Il y eut deux convulsions en sens inverse, celle de la pieuvre et celle de Gilliatt.

Ce fut comme la lutte de deux éclairs.

Gilliatt plongea la pointe de son couteau dans la viscosité plate, et, d’un mouvement giratoire pareil à la torsion d’un coup de fouet, faisant un cercle autour des deux yeux, il arracha la tête comme on arrache une dent.

Ce fut fini.

Toute la bête tomba.

Cela ressembla à un linge qui se détache. La pompe aspirante détruite, le vide se défit. Les quatre cents ventouses lâchèrent à la fois le rocher et l’homme. Ce haillon coula au fond de l’eau.

Gilliatt, haletant du combat, put apercevoir à ses pieds sur les galets deux tas gélatineux informes, la tête d’un côté, le reste de l’autre. Nous disons le reste, car on ne pourrait dire le corps.

Gilliatt toutefois, craignant quelque reprise convulsive de l’agonie, recula hors de la portée des tentacules.

Mais la bête était bien morte.

Gilliatt referma son couteau.