Page:Huysmans - L'Oblat.djvu/79

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chers ! J’ai honte de le dire, nous ne possédons même pas, nous Bénédictins, le volume de l’un de nos grands ancêtres de saint Maur ! Le dictionnaire botanique et pharmaceutique de Dom Nicolas Alexandre ! — Ça ne les intéresse pas, les pères, la pharmacie ; et leur santé, ça les intéresse-t-il, lorsqu’ils viennent me demander des remèdes ? Ils jugent alors que la science a du bon !

Enfin est-ce que la pharmacie n’est pas une œuvre de notre Ordre ? Est-ce que ce n’était pas nous, les moines, qui guérissions jadis les malades des villages fondés autour de nos abbayes ?

Durtal qui avait déjà entendu ce réquisitoire, esquissait un mouvement de retraite, mais le vieux lui barra la route.

Il allait continuer ses apostrophes, quand Dom Ramondoux, le maître de chant, entra. Il serra la main de Durtal qui exécrait en lui le redoutable braillard qu’était le chantre, mais aimait l’homme, car il avait des qualités d’amitié sûre et une franchise à laquelle on pouvait se fier. Seulement si l’âme était aimable, le physique l’était moins.

Dom Ramondoux était un auvergnat redondant et jovial. Il avait une encolure de taureau, un estomac cambré sur un ventre en bombe. Les yeux proéminaient, glauques, sur un nez retroussé à la Roxelane ; ses bajoues pendaient et d’énormes bouquets de poils roux jaillissaient des fosses des oreilles et des antres du nez.

— J’ai la voix fatiguée, dit-il au père Miné. Et comme celui-ci haussait les épaules.

— Écoutez, fit-il.

Il arrondit une immense bouche et il en sortit des sifflets d’alarme.