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MARQUIS DE RACAN


Le printemps vêtu de verdure
Chassera bientôt la froidure,
La mer a son flux et reflux ;
Mais depuis que notre jeunesse
Quitte la place à la vieillesse,
Le temps ne la ramène plus.

Les lois de la mort sont fatales
Aussi bien aux maisons royales
Qu’aux taudis couverts de roseaux.
Tous nos jours sont sujets aux Parques ;
Ceux des bergers et des monarques
Sont coupés des mêmes ciseaux.

Leurs rigueurs, par qui tout s’efface,
Ravissent en bien peu d’espace
Ce qu’on a de mieux établi,
Et bientôt nous mèneront boire,
Au-delà de la rive noire,
Dans les eaux du fleuve d’oubli.


Stances sur la Retraite


TIRCIS, il faut penser à faire la retraite ;
La course de nos jours est plus qu’à demi faite ;
L’âge insensiblement nous conduit à la mort ;
Nous avons assez vu sur la mer de ce monde
Errer au gré des flots notre nef vagabonde ;
Il est temps de jouir des délices du port.

Le bien de la fortune est un bien périssable ;
Quand on bâtit sur elle, on bâtit sur le sable ;
Plus on est élevé, plus on court de dangers ;
Les grands pins sont en butte aux coups de la tempête,