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LE CAS WAGNER


hymne en l’honneur de l’amour libre, leurrant le monde au moyen de l’utopie socialiste du « tout ira bien », Brunehilde a maintenant autre chose à faire. Elle doit d’abord étudier Schopenhauer ; elle doit mettre en vers le quatrième livre du Monde comme volonté et comme représentation… Wagner était sauvé. En tout sérieux, c’était là une rédemption. Le bienfait dont Wagner est redevable à Schopenhauer est inappréciable. Le philosophe de la décadence a rendu à lui-même l’artiste de la décadence. —

5.

L’artiste de la décadence — voilà le mot. Et ici je commence à parler sérieusement. Je suis loin de demeurer spectateur inoffensif, quand ce décadent nous ruine la santé — et, avec la santé, la musique ? D’ailleurs, Wagner est-il vraiment un homme ? N’est-il pas plutôt une maladie ? Il rend malade tout ce qu’il touche, — il a rendu la musique malade. —

Un décadent typique qui se sent nécessaire avec son goût corrompu, dont il a la prétention de faire un goût supérieur, qui parvient à faire valoir sa corruption, comme une loi, comme un progrès, comme un accomplissement.

Et l’on ne se met pas en défense. Sa puissance de séduction atteint au prodige, l’encens fume autour de lui, les erreurs qui portent sur lui s’appellent « évangile » — il n’y a pas que les pauvres d’esprit qui se sont laissé persuader !

J’ai envie d’ouvrir un peu les fenêtres. De l’air ! Plus d’air ! ——