demeure aux Verdurin, sa position dominante avait brusquement cessé de leur apparaître ce qu’elle avait été pour eux pendant tant d’années, c’est-à-dire donnant l’avantage, unique dans le pays, d’avoir vue à la fois sur la mer et sur la vallée, et en revanche leur avait présenté tout à coup — et après coup — l’inconvénient qu’il fallait toujours monter et descendre pour y arriver et en sortir. Bref, on eût cru que si Mme de Cambremer l’avait louée, c’était moins pour accroître ses revenus que pour reposer ses chevaux. Et elle se disait ravie de pouvoir enfin posséder tout le temps la mer de si près, à Féterne, elle qui pendant si longtemps, oubliant les deux mois qu’elle y passait, ne l’avait vue que d’en haut et comme dans un panorama. « Je la découvre à mon âge, disait-elle, et comme j’en jouis ! Ça me fait un bien ! Je louerais la Raspelière pour rien afin d’être contrainte d’habiter Féterne. »
— Pour revenir à des sujets plus intéressants, reprit la sœur de Legrandin qui disait : « Ma mère » à la vieille marquise, mais, avec les années, avait pris des façons insolentes avec elle, vous parliez de nymphéas : je pense que vous connaissez ceux que Claude Monet a peints. Quel génie ! Cela m’intéresse d’autant plus qu’auprès de Combray, cet endroit où je vous ai dit que j’avais des terres… Mais elle préféra ne pas trop parler de Combray. « Ah ! c’est sûrement la série dont nous a parlé Elstir, le plus grand des peintres contemporains, s’écria Albertine qui n’avait rien dit jusque-là. — Ah ! on voit que Mademoiselle aime les arts, s’écria Mme de Cambremer qui, en poussant une respiration profonde, résorba un jet de salive. — Vous me permettrez de lui préférer Le Sidaner, Mademoiselle », dit l’avocat en souriant d’un air connaisseur. Et, comme il avait goûté, ou vu goûter, autrefois certaines « audaces » d’Elstir, il ajouta : « Elstir était doué, il a même