Panthéon égyptien/32

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Panthéon égyptien, collection des personnages mythologiques de l'ancienne Égypte, d'après les monuments
Firmin Didot (p. 67-68).

EMBLÊMES DE LA LUNE,

OU DU DIEU OOH, IOH, POOH, LE DIEU-LUNE.
Planche 14 (E)

L’image du Dieu-Lune, dans la planche précédente, reçoit, sur la stèle du musée de Turin dont on l’a extraite, les offrandes de deux personnages représentés dans le second compartiment de la stèle, agenouillés et élevant les mains en signe d’adoration. Les inscriptions hiéroglyphiques tracées à côté de ces deux individus, nous apprennent que la stèle entière n’est qu’une sorte de Προσκύνημα, ou d’Acte d’Adoration du Dieu Ooh-en-sou par le hiérogrammate d’Ammon Neb-rè, et par son fils qui l’aime, Aménémophi. Deux autres stèles, toujours d’un petit volume, offrent également des hommages à la même divinité ; mais la forme sous laquelle on l’adore, et le nom sacré inscrit à côté de l’image et dans le texte de la prière qu’on lui adresse, diffèrent essentiellement de tout ce que nous avons vu jusqu’ici.

À la place du dieu, on a sculpté la représentation de la Lune même, sous l’apparence d’un grand disque peint en jaune et combiné avec le croissant ; c’est la reproduction en grand de l’insigne caractéristique qu’on place sur la tête du dieu Pooh, de la même manière que le disque du Soleil repose sur la tête du dieu Phré, lorsque ces deux divinités sont figurées sous une forme humaine.

Dans ces deux stèles, le globe lunaire est porté sur une barque, symbole du mouvement de l’astre. Mais dans la première, les deux extrémités de la barque sont couronnées par une fleur de Lotus, tandis que la proue de la seconde est recourbée et se termine en pointe aiguë, particularité que je n’ai observée jusqu’ici que dans les Bari, ou vaisseaux mystiques consacrés à la Lune. Les deux barques reposent, non sur une image quelconque de l’eau, mais sur le caractère hiéroglyphique déja connu pour le signe figuratif du ciel[1] ; c’était une manière très-simple d’exprimer le cours ou la navigation de la Lune dans l’immensité des cieux.

L’une de ces deux barques symboliques nous montre le globe de la Lune flanqué de deux yeux configurés d’une manière particulière ; cet emblême, que l’on a pris tantôt pour une tête de coq, tantôt pour celle d’un cheval, n’est qu’une manière conventionnelle de représenter des yeux de taureau, ainsi que nous le montrerons dans un article spécialement relatif à ce symbole, commun au dieu Pooh et au dieu Phré, comme à Osiris.

Un nouveau nom hiéroglyphique du Dieu-Lune se présente sur ces deux stèles ; c’est le véritable nom propre de cette divinité, écrit phonétiquement et suivi d’un signe déterminatif qui ne laisse aucune espèce de doute sur sa valeur. La feuille, le bras étendu, et la chaîne, ou nœud, forment les éléments phonétiques de ce nom ; les deux premiers sont des voyelles qui expriment, suivant l’occasion, les sons A, I, ou O, dans tous les textes hiéroglyphiques ; le dernier (la chaîne) répond au ϩ (hori) des Coptes ; nous avons donc ici incontestablement l’orthographe hiéroglyphique des mots coptes ⲟⲟϩ (ooh), ⲱϩ (óh), et ⲓⲟϩ (ioh), qui expriment d’une manière spéciale l’idée Lune dans le dialecte thébain et le dialecte memphitique.

Ce mot phonétique est suivi, dans les deux stèles où il est reproduit cinq fois, d’un caractère déterminatif : le Croissant de la Lune renversé, ou le disque combiné avec le Croissant dont les cornes sont également tournées en bas ; ce qui ramène encore à l’idée du mois ou période lunaire. Enfin le nom hiéroglyphique du dieu Thoth (le deuxième Hermès) est lié, sur les deux stèles, au nom du Dieu-Lune, comme pour rappeler la liaison intime qui existait, dans les mythes égyptiens, entre ces deux divinités, que les monuments d’ancien style identifient par telle communauté d’attributs et de fonctions, qu’on est tenté de les considérer comme ne formant qu’un seul et même personnage mythique.

La légende hiéroglyphique, inscrite au-dessus de la première barque symbolique, signifie textuellement Ooh ou Ioh-Thôouti, Dieu grand, Seigneur suprême, Roi des Dieux ; celle de la seconde stèle porte seulement les mots Ioh-Thôouti, Dieu grand. Le titre de Roi des Dieux ne peut avoir été donné ainsi au dieu Pooh ou loh, que tout autant qu’on le considérait comme une des formes d’Amon-ra, le grand Démiurge.


Notes
  1. Précis du système hiéroglyphique, tableau général des signes, nos 234 et 234 a.

——— Planche 14 (E) ———