Paris en l’an 2000/Industrie

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Chez l’Auteur et la Librairie de la Renaissance (p. 33-39).

CHAPITRE II

ORGANISATION DU TRAVAIL.


§ 1er.

Industrie.

Organiser les travailleurs, assurer à chacun d’eux du travail et un salaire rémunérateur, tel est le problème que les Fondateurs de la République sociale eurent la gloire de poser et de résoudre. Par leurs soins, l’Industrie, le Commerce, l’Agriculture, les Salaires, le Chômage, furent l’objet de décrets importants qui substituèrent un état meilleur à l’ancien ordre de choses et devinrent la charte fondamentale de la nouvelle Société.


Pour l’Industrie, tout en la laissant à l’initiative individuelle, il fallait lui fournir des instruments de travail et lui donner toutes les facilités désirables pour acheter ses matières premières, vendre ses produits et perfectionner son outillage.

C’est ce que fit le Gouvernement.

D’abord, il organisa le Commerce (voir le § suivant), et mit ainsi toutes les matières premières à un bon marché extrême, en même temps qu’il assurait aux industriels des commandes nombreuses et régulières et le payement exact de leur travail.

D’un autre côté, il organisa le Crédit et fonda une Banque nationale dont la mission était de prêter à l’Industrie et à l’Agriculture et de favoriser ainsi le développement de la richesse publique.

Cette Banque nationale occupe juste l’emplacement de l’ancienne Banque de France. C’est une des institutions les plus importantes de la République sociale. Elle est destinée à prêter de l’argent à tous les industriels qui en ont besoin, et chacun, riche ou pauvre, trouve crédit auprès d’elle. Ainsi, tout ouvrier qui veut travailler à son compte, toute association ouvrière qui essaye de monter un établissement, tout patron qui désire améliorer son outillage et augmenter le chiffre de sa production, trouvent aide et protection auprès du Gouvernement et n’ont qu’à s’adresser à la Banque nationale pour obtenir les avances qui leur sont nécessaires.

Bien entendu, la Banque ne donne pas son argent au premier venu et elle ne prête ses fonds qu’à ceux qui présentent une garantie matérielle ou morale de remboursement. En effet, les sommes avancées par la Banque appartiennent à la Nation et ne sont qu’un dépôt confié au Gouvernement. Or, si celui-ci prêtait de l’argent à tout le monde, sans prendre aucune information, bien souvent il ne serait pas remboursé et on l’accuserait avec raison de gaspiller la richesse publique et de mal gérer les affaires du pays.

Les prêts faits par la Banque lui rapportent un intérêt mensuel, intérêt qui n’est pas bien considérable et n’a rien d’usuraire et qui néanmoins constitue une importante ressource pour le Trésor. Toutes les sommes que palpaient autrefois les banquiers, les commanditaires, les usuriers, les marchands à crédit, c’est maintenant la Nation qui les encaisse et les employe à payer les dépenses publiques.

Non-seulement la Banque nationale avance de l’argent à tous les travailleurs probes et industrieux, mais, et en cela elle diffère de toutes les banques de l’ancien régime, jamais elle ne demande à être remboursée tant qu’on lui solde régulièrement l’intérêt des sommes prêtées. L’industriel qui emprunte de l’argent peut donc sans crainte l’immobiliser dans des dépenses utiles, par exemple, acheter une machine ou élever une construction. L’État lui laissera tout le temps nécessaire pour se libérer et l’on ne viendra pas, au bout de trois mois, lui réclamer un capital qu’il ne peut plus rendre puisque ce capital n’existe plus actuellement et se trouve transformé en un instrument de travail.


Grande Industrie. — La grande Industrie est celle qui exige le concours de nombreux travailleurs, et qui ne peut être faite convenablement sans l’emploi d’un matériel considérable et de gros capitaux. Tels sont les chemins de fer, les messageries, l’armement des vaisseaux, les mines, les carrières, les hauts-fourneaux, les usines à gaz, les raffineries, les filatures, etc., en un mot tous les établissements où l’on fabrique quoique ce soit en grand et où l’on emploie de coûteuses machines servies par de nombreux ouvriers.

Dans la République sociale, toute cette grande Industrie a été retirée des mains des particuliers et c’est l’État qui se charge de la diriger et de lui fournir les capitaux nécessaires. Lorsque les Socialistes arrivèrent au pouvoir, la plupart de ces grands établissements industriels étaient déjà exploités à l’aide de simples employés nommés et payés par des Compagnies d’actionnaires. Le Gouvernement n’eut donc, le plus souvent, qu’à laisser les choses comme elles étaient, et à se substituer aux actionnaires qu’on expropria et paya en rentes viagères. De même que pour les maisons de Paris, cette expropriation fut des plus fructueuses pour le Trésor, grâce à l’impôt sur le revenu qui vint réduire à des proportions honnêtes les trop grosses fortunes et rafla impitoyablement tout ce qui excédait le maximum de 12,000 fr.

Cette expropriation des Compagnies industrielles eut un autre avantage, presque aussi grand. Ce fut de couper court à tous les marchés, à toutes les spéculations qui se faisaient sur les actions des Compagnies ainsi que sur les autres valeurs. Dans les derniers temps de l’ancien régime, cette spéculation sur les titres avait atteint des proportions incroyables. Elle était devenue un jeu effréné à la hausse et à la baisse, jeu essentiellement immoral et désastreux qui enrichissait quelques aigrefins en ruinant une multitude de pauvres dupes.

Le Gouvernement s’empressa de mettre un terme à tout ce tripotage. La Bourse, siége principal du honteux trafic des titres et des actions, la Bourse fut fermée et démolie. Sur son emplacement on fit un square où l’on voyait un ruisseau qui coulait dans un lit doré et semblait rouler des flots d’or liquide, tandis que ce n’était que de l’eau claire, fidèle image de toutes les spéculations qui avaient ruiné tant de joueurs en les berçant de l’espoir d’une fortune chimérique.

Lorsque l’Administration se fut chargée de diriger toute la grande Industrie, beaucoup de gens crurent qu’elle prenait là une trop lourde tâche, et qu’il lui serait impossible de faire gérer par des employés des intérêts si complexes et si considérables. Ils prédirent que l’Industrie et le Commerce allaient s’arrêter immédiatement, et que la France, avant quinze jours, serait en proie à la plus affreuse misère. Les anciens spéculateurs à la Bourse étaient surtout inconsolables. Depuis qu’ils ne pouvaient plus jouer à la hausse et à la baisse, on les voyait criant partout que c’en était fait de la civilisation et que l’humanité, touchant à sa fin prochaine, allait retomber dans sa primitive barbarie.

Cette sinistre prédiction ne s’est point réalisée. Loin de là, jamais la France n’a été si riche et si prospère que depuis le jour où le Gouvernement s’est mis à la tête du travail national et lui a imprimé une vigoureuse impulsion. Par ses soins, des routes, des canaux, des chemins de fer ont été construits dans les contrées qui en manquaient encore ; le prix des transports par terre et par eau a été considérablement diminué pour les marchandises comme pour les voyageurs ; bien loin de péricliter entre les mains de l’Administration, toutes les mines, toutes les usines, toutes les grandes fabriques ont pris sous sa direction une importance plus considérable, et livrent leurs divers produits en plus grandes masses et à bien meilleur marché qu’autrefois ; enfin, tous les ouvriers employés par l’État gagnent largement leur vie, tous ceux qui travaillent à leur compte ou chez de petits industriels participent de même à la prospérité générale, et bien loin de maudire la République sociale, tous sont prêts à verser leur sang pour la défendre.