Paris en l’an 2000/Monnaie

La bibliothèque libre.
Chez l’Auteur et la Librairie de la Renaissance (p. 72-75).

§ 3.

Monnaie.

Dans la République de l’an 2000, il n’y a ni or ni argent monnayé, et la seule monnaie dont on se sert pour toutes les transactions est en papier et porte le nom de billets de la Banque nationale.

Ceux-ci représentent des sommes de 1, 2, 5, 10, 20, 50 cent. et de 1, 2, 5, 10, 20, 50 et 100 fr. Ils sont de grandeur et de couleur différentes suivant leur valeur, de sorte qu’il est impossible de les confondre et de se tromper sur le change. Tous ces billets sont faits avec un papier parcheminé qui résiste assez bien à l’usage. Du reste, quand ils sont déchirés, salis ou effacés, le Gouvernement les échange sans difficulté contre des neufs.

Lors de l’établissement de la République sociale, beaucoup de personnes augurèrent fort mal de ces billets de banque et crurent qu’ils ne tarderaient pas à tomber comme l’avaient fait jusqu’alors toutes les monnaies de papier. Mais le Gouvernement vendant et achetant tout aux particuliers et tenant tout le commerce du pays entre ses mains, était cette fois parfaitement sûr de réussir.

Il donna ordre à ses employés de ne plus recevoir les pièces d’or et d’argent et celles-ci, pour être utilisées, durent être échangées contre des billets. Au bout d’un certain temps, l’Administration refusa même de faire cet échange au pair, et ne prit plus la monnaie métallique que comme marchandise, c’est-à-dire en lui faisant subir une petite perte sur son titre nominal.

Grâce à ces mesures, tout l’or et tout l’argent de la France ne tardèrent pas à affluer dans les caisses du Trésor. Le Gouvernement ne les y laissa pas, mais il les vendit à bon compte aux doreurs, aux orfèvres, aux bijoutiers, etc., ce qui donna une impulsion vigoureuse à ces diverses industries et amena une grande baisse sur tous les bijoux et autres objets fabriqués avec des métaux précieux.

Très-souvent, au lieu de garder leurs billets de banque dans leur poche ou leur tiroir, les particuliers préfèrent les déposer à la Caisse nationale voisine de chez eux et solder leurs diverses acquisitions à l’aide de chèques au porteur.

Ainsi, le patron pour payer ses ouvriers leur donne, non de l’argent, mais des mandats qu’ils vont toucher à la Caisse d’à côté. Au lieu de se déranger pour aller recevoir sa paye, l’ouvrier peut aussi la laisser en compte-courant et solder ses fournisseurs avec des chèques qu’il leur remet. Ce mode de payement est fort usité, surtout pour les sommes un peu importantes, parce qu’il est authentique et dispense de demander un reçu.

Quant aux affaires que les industriels font avec le Gouvernement, elles se règlent de la manière la plus simple, non plus avec des billets ou des chèques, mais à l’aide de virements. Chaque fabricant a son compte-courant dans une des caisses de la Banque nationale ; on inscrit à son nom tout ce qu’il a à payer ou à recevoir et on lui redoit la différence. Grâce à ces comptes-courants, on connaît toujours exactement la situation financière de chaque industriel. Dès que les affaires de l’un d’entre eux vont mal, la Banque cesse de lui faire crédit et l’on évite ainsi toutes ces faillites désastreuses qui désolaient le commerce de l’ancien régime et ruinaient à l’improviste les plus honnêtes gens.

Ces payements à l’aide de chèques et de virements paraissent très-compliqués quand on les expose par écrit, mais, dans la pratique, ils sont aussi expéditifs que commodes et quelques Caisses nationales, réparties entre les divers quartiers de la ville, suffisent facilement à tous les besoins du commerce et règlent chaque jour un nombre immense d’affaires sans qu’il y ait jamais la moindre perte pour les vendeurs et les acheteurs.