Pausanias, Attique-1, chapitre II

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Description de la Grèce de Pausanias, tome 1
Traduction par M. Clavier.
J.-M. Eberhart (1p. 8-16).
chapitre II.

L’amazone Antiope. Les tombeaux. De quelques poètes. Des rois de l’Attique.


En entrant dans la ville d’Athènes, vous trouvez le tombeau de l’amazone Antiope. Pindare dit qu’elle avoit été enlevée par Thésée et Pirithous ; mais voici ce qu’on lit dans les vers d’Hégias de Trœzène. Hercules ayant assiégé la ville de Themiscyre sur le Thermodon, ne put cependant pas parvenir à la prendre ; elle lui fut livrée par Antiope devenue amoureuse de Thésée, qui avoit suivi Hercules dans cette expédition. Les Athéniens, de leur côté, disent que les Amazones étant venues dans l’Attique, Antiope fut percée d’un coup de flèche par Molpadie, qui fut elle-même tuée par Thésée, et on montre aussi son tombeau à Athènes.

En montant du Pirée à la ville, on découvre les ruines des murs que Conon fit bâtir après le combat naval de Gnide ; car ceux que Thémistocle avoit construits après la retraite des Mèdes furent démolis pendant la tyrannie des trente. Deux personnages très-connus, Ménandre, fils de Diopithès, et Euripides, ont leurs tombeaux sur cette route. Celui d’Euripides est un Cénotaphe, car ce poète, étant allé vers le roi Archélaüs, fut enterré dans la Macédoine. Beaucoup d’écrivains ont raconté comment il mourut ; et je veux bien croire ce qu’ils disent.

Les poètes fréquentoient alors les rois ; déjà ayant Euripides, Anacréon avoit vécu auprès de Polycrates, tyran de Samos ; Hiéron avoit reçu Eschyle et Simonides à Syracuse ; Denys, qui fut par la suite tyran de la Sicile, avoit Philoxène à sa cour ; Antagoras de Rhodes et Aratus de Soles vinrent à celle d’Antigone, roi de Macédoine. Mais Homère et Hésiode, ou n’eurent pas le bonheur d’être recherchés par des souverains, ou le dédaignèrent. ; Hésiode, par ce qu’il aimoit la vie champêtre et craignoit la fatigue des voyages. Pour Homère, qui en avoit fait de fort longs, il préféra une vaste renommée aux avantages de la fortune qu’il auroit pu trouver dans le commerce des grands.

Il nous présente en effet, dans ses poèmes, Démodocus à la cour d’Alcinoüs, et il nous apprend qu’Agamemnon partant pour le siège de Troie avoit laissé je ne sais quel poète auprès de son épouse. On voit à peu de distance des portes de la ville un tombeau sur lequel est un guerrier debout près de son cheval. Je ne sais pas qui c’est, mais l’homme et le cheval sont l’ouvrage de Praxitèles.

En entrant dans la ville, vous trouvez un édifice, pour l’apareil des pompes religieuses qui se font, les unes tous les ans, les autres à des époques plus éloignées. Non loin de là un temple de Cérès renferme la statue de la déesse, celle de sa fille et Iacchus tenant à la main une torche. Une inscription gravée sur le mur en lettres attiques, nous apprend que ces statues sont de Praxitèles.

Près de ce temple est un Neptune à cheval, lançant sa pique au géant Polybotes, sur lequel les habitants de Cos racontent une fable où il est question du promontoire de la Tortue. L’inscription qu’on y lit maintenant indique un autre personnage que Neptune.

Depuis les portes de la ville jusqu’au Céramique, règnent des portiques devant lesquels sont des statues en bronze représentant différents personnages, hommes ou femmes, qui se sont distingués ou par leurs actions ou par leurs écrits. Un de ces portiques renferme quelques temples de dieux, un gymnase qui porte le nom de Mercure, et même, encore la maison de Polytion, où quelques Athéniens d’un rang distingué parodièrent les mystères d’Éleusis ; elle est maintenant consacrée à Bacchus, qui a reçu le surnom de Melpoménus comme Apollon celui de Musagète ; et pour la même raison. Ce portique vous présente anssi les statues de Minerve Paeonia, de Jupiter, de Mnémosyne, des Muses et d’Apollon, faites et offertes par Eubulide ; on y voit encore Acratus l’un des génies de la suite de Bacchus ; mais ce n’est qu’une tête enchassée dans le mur.

Après l’enceinte consacrée à Bacchus, vous trouvez un petit édifice avec des statues de terre qui représentent Amphictyon, roi des Athéniens, donnant un repas à Bacchus et aux autres dieux. Là se voit enfin Pégase d’Eleuthères qui introduisit à Athènes le culte de Bacchus ; il fut secondé par l’oracle de Delphes, qui rappela aux Athéniens le voyage du dieu dans l’Attique, du temps d’Icarius.

Amphictyon parvint au trône de la manière suivante. Actæus fut, dit-on, le premier roi de ce qu’on nomme maintenant l’Attique. Cécrops, qui avoit épousé sa fille, prit la couronne après sa mort ;

il eut trois filles, Hersé, Aglaure, Pandrose, et un fils nommé Erysichthon, qui ne régna point, étant mort avant Cécrops, dont le trône fut occupé par Cranaüs le plus puissant des Athéniens.

Cranaüs eut plusieurs filles, entre autres Atthis, de qui le pays prit le nom d’Attique au lieu de celui d’Actée qu’il portoit auparavant. Amphictyon se révolta contre Cranaüs, dont il avoit cependant épousé la fille, le détrôna et fut renversé lui-même par Erichthonius et ses partisans. On dit qu’Erichthonius n’avoit point de père mortel, et qu’il étoit fils de Vulcain et de la Terre.