Peintures (Segalen)/Peintures dynastiques/Derniers jeux de Yuan

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Georges Crès et Cie (p. 196-198).


DERNIERS JEUX DE YUAN

Non. Cette peinture n’est point dans la sombre et féroce couleur des bannières Mongoles — que vous connaissez déjà. Rien ne rappelle ici leur sujet favori — que vous attendiez déjà : le courtaud cavalier barbu, aux yeux vifs sous son bonnet fourré, trottant vite et revenant allègre de la chasse… C’est ainsi que les hordes caracolaient des Monts-du-Ciel à la Terre-des-Herbes…

Ce n’est pas d’elles qu’il s’agit. Mais voici l’image exacte, scrupuleuse, des derniers jours du descendant du Khan des Forts ! Voici l’apothéose machinée par le rejeton du Grand Ancêtre nomade : ce petit-fils est éminemment musicien et mécanicien.

Admirez sa plus fière invention : la Clepsydre magique ; — hantée dès l’aurore de génies-poupées qui s’en viennent marquer le temps en frappant cloches et tambours. Durant le noir, ce sont des fantômes de plâtre qui mènent toute la sonnaille. Quand se vide l’une des douze heures, des lions apparaissent, qu’il a modelés de ses mains d’après les plus féroces figures imprimées sur le papier des livres. — Au mi-jour, des Immortels en carton peint s’élancent et volent vers des grottes postiches. Ils redescendent à la mi-nuit.

Croyez bien que disposer ces menus mouvements d’horloge est délicat plus que le règne d’un Empire qui se nourrit et peuple de lui-même ; — en dépit des impôts et des guerres.

Mais, apprenez aussi que l’animation de ces poupées n’est rien à côté du jeu compliqué des Danseuses vivantes : Le pouvoir d’un homme est étonnant qui règle pas par pas et geste après geste, l’harmonie de cent vingt corps de femmes simultanés !

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Parmi les spectacles de l’Histoire, celui-ci s’impose comme le plus instructif… C’était du moins l’orgueil de son metteur en scène, Fils du Ciel et Grand Maître de ballets. — Il eût été surpris qu’on lui fît remarquer combien les beaux déclins dynastiques ont eux-mêmes leur décadence dans la chute ; — et qu’avec lui nous tombons vraiment de bien bas.