Pendant l’orage/Le village belge

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Librairie ancienne Édouard Champion (p. 45-46).

LE VILLAGE BELGE



22 novembre 1914.


Il est situé à Paris, car c’est en France, maintenant, qu’il faut chercher la Belgique, le Gouvernement au Havre et à Dunkerque, les habitants un peu partout. L’ancien séminaire de Saint-Sulpice ne servait à rien, on avait projeté d’y transférer le musée du Luxembourg, mais ce projet, comme tant d’autres, somnolait. Ce fut heureux, si quelque chose d’heureux peut arriver en ces temps-ci, car ce vaste bâtiment s’est trouvé à point pour recueillir un groupe important de pauvres réfugiés belges, plus d’un millier. C’est un village, c’est aussi une hôtellerie. Les uns y sont installés à demeure, les autres y passent, qui n’ont trouvé que des travaux temporaires, dans leur exil momentané et toujours plein d’espoir. Beaucoup de femmes et d’enfants, beaucoup de familles. On les a réunies dans des galeries phalanstériennes, dans de petites chambres. Ici ou là, les hôtes sont pourvus de tout. L’œuvre qui veille sur eux veut qu’ils soient confortablement nourris, chaudement vêtus, et même, car il n’y a pas de cheminées dans l’ancien asile ascétique, des poêles, puisque le froid est venu, ronflent dans les couloirs. Le village a même un médecin qui le visite tous les jours et se dévoue là, comme il s’est dévoué ailleurs, le docteur Lasne-Desvareilles. C’est lui qui m’a révélé cette œuvre qui, ennemie de la réclame (elle en a besoin, cependant), a été fondée, dès les premiers événements cruels du mois d’août, par un groupe de commerçants, d’habitants du quartier, au premier rang desquels il faut nommer M. Pellier, l’officier de paix du VIe. Cela fait que ses gardiens de la paix sont devenus les bons gendarmes du village, en même temps que ses dévoués protecteurs. Allez voir cela, vous serez bien venus si vous êtes des curieux sympathiques, mais mieux encore si vous n’y venez pas les mains vides.